S. Significations
Conformément à la règle 126(2) CBE, en cas de contestation, il incombe à l'Office européen des brevets d'établir qu'une lettre est parvenue à destination ou d'établir, le cas échéant, la date de sa remise au destinataire. Si l'OEB n'est pas en mesure de prouver la date de la signification, une lettre adressée par le destinataire lui-même et dans laquelle celui-ci indique la date de réception est par exemple acceptée comme preuve. Si, dans sa réponse, le destinataire indique qu'il a reçu le document sans mentionner la date de réception, la pièce est réputée signifiée à la date à laquelle la réponse a été rédigée (Directives E‑II, 2.6 – version de mars 2022, point relatif à la règle 125(4) CBE). Cette répartition des risques vaut également pour la signification par des moyens de communication électronique telle qu'introduite par la règle 127 CBE.
Dans l'affaire T 1535/10, la chambre de recours a jugé que les obstacles et les retards dans la réception des décisions, dont la règle 126(1) CBE prévoit qu'elles doivent être signifiées, relèvent du domaine des risques : l'Office doit supporter aussi bien les risques qui relèvent de sa propre responsabilité que les risques dits de transport. La chambre de recours distingue toutefois les risques qui relèvent de la compétence du destinataire, par exemple si un employé ou la personne chargée de la réception ne fait pas suivre la lettre délivrée à l'adresse professionnelle ou la transmet avec du retard. On considère qu'une lettre a été reçue et que les risques relèvent dès lors de la compétence du destinataire lorsque la lettre lui parvient et qu'il peut en prendre connaissance, et ce qu'il soit (définitivement) en sa possession ou qu'il ait déjà pris connaissance du contenu (voir aussi T 580/06).
Dans l'affaire J 14/14, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, la chambre de recours juridique a estimé qu'il ressortait clairement du libellé de la règle 126(2) CBE qu'en cas de litige quant à la question de savoir si une notification avait été reçue par le destinataire, il appartenait à l'OEB d'établir qu'elle était parvenue à destination, ainsi que la date de sa remise. En l'occurrence, le seul élément dont disposait l'OEB pour prouver la remise de la notification concernée était une lettre des services postaux allemands qui renvoyait à une lettre recommandée expédiée au mandataire du requérant et indiquant que la notification avait été remise à un destinataire habilité. Cela a été jugé insuffisant pour satisfaire aux exigences de la règle 126(2) CBE car aucun élément ne prouvait que le mandataire du requérant ou toute autre personne identifiée avait signé un document accusant la réception de la lettre et aucune notification des services postaux étrangers n'avait été produite (cf. également J 9/05 et J 18/05, dans lesquelles une lettre de confirmation analogue des services postaux allemands n'avait pas été jugée suffisante pour attester la réception d'une notification de l'OEB dans la mesure où le requérant avait produit un nombre considérable de preuves contraires et mis en évidence les raisons particulières pour lesquelles le bureau du mandataire n'avait peut-être pas reçu la lettre). Voir aussi T 691/16.
Dans l'affaire T 529/09 cependant, la chambre a estimé que le requérant n'avait pas présenté d'autres arguments ou preuves pour démontrer que la confirmation apportée par les services postaux allemands n'avait pas permis d'établir que la lettre recommandée avait atteint sa destination, ce qui distinguait ce cas d'espèce des affaires J 9/05 et J 18/05. Les preuves versées au dossier devaient donc être considérées comme suffisamment fiables et complètes pour attester la remise en bonne et due forme de la lettre (voir également les affaires T 1304/07 et T 1934/16).
Dans la décision T 247/98, la chambre a constaté que pour déterminer la signification de l'expression "im Zweifel" dans le texte allemand de la règle 126(2) CBE, il convenait de prendre en considération les versions française et anglaise de cette règle, lesquelles supposent qu'il y a litige (respectivement "en cas de contestation" et "in the event of any dispute"). Une contestation ("Zweifel", littéralement "doute" dans la version allemande) au sens de cette disposition n'existe donc que lorsqu'il est allégué qu'une lettre a effectivement été remise à son destinataire plus de dix jours après la date de remise à la poste. Le simple défaut de demande d'avis de réception et d'accusé de réception dans le dossier ne peut à lui seul constituer une contestation au sens de cette règle. Dans l'affaire T 2054/15, la chambre a déclaré que le fait que la charge de la preuve incombe à l'OEB ne saurait signifier que la partie n'est pas tenue de contribuer à clarifier les circonstances qui entrent dans sa propre sphère d'influence.
Dans l'affaire T 691/16, la chambre a relevé, en ce qui concernait les signatures divergentes sur l'accusé de réception, que la signification ne doit pas nécessairement être faite au destinataire lui-même, mais peut aussi l'être à des personnes habitant dans le même bâtiment ou autrement habilitées. Cela relève de la pratique courante en entreprise. Dans ce contexte également, aucun doute sérieux ne pouvait être élevé contre l'allégation de l'intervenant concernant la réception de l'action en justice.
- T 1529/20
Résumé
In T 1529/20 the appellant (proprietor) submitted that they had never received the decision of the opposition division revoking their patent and that they had only become aware of it and, more generally, of the opposition proceedings, through an email from a formalities officer of the EPO.
The board explained that with the abolition of advices of delivery for notification of decisions by registered letter (see OJ 2019, A31), it was the practice of the EPO at the time to enclose an acknowledgement of receipt (Form 2936) with notifications by registered letter of decisions incurring a period for appeal and summonses. Addressees were requested to date and sign the form and return it immediately, as evidence of receipt (see OJ 2019, A57).
The board established that the present file did not contain a confirmation of receipt of the decision of the opposition division from the appellant. Since the EPO could not prove whether the registered letter had reached the appellant, as required by the provisions of R. 126(2) EPC in force at the relevant time, it had to be accepted that the legal fiction of deemed notification did not apply and the appellant became aware of the appealed decision for the first time with the email from the formalities officer. This date was therefore the date of notification of the decision. Thus, the appeal was timely filed.
With regard to the right to be heard, the board held that, as argued by the appellant, the missing opportunity to present their arguments during the opposition proceedings amounted to a substantial procedural violation (Art. 113(1) EPC).
The board observed that, even in view of the notice of the EPO concerning implementation of amended R. 126(1) EPC (OJ 2019, A57) – which did not require to enclose an acknowledgement of receipt (Form 2936) with the communication of the notice of opposition – the requirements of Art. 113 EPC had to be complied with. Before a negative decision revoking a patent was issued, it had to be established that the patent proprietor had been duly informed about the initiation of opposition proceedings. The board explained that the notice of the EPO merely determined the format of notifications. However, the provisions of R. 126(2) EPC remained unaffected. R. 126(2) EPC defined a rebuttable fiction of notification, which, in case of dispute, had to be verified. The burden of proof lied with the EPO.
The board agreed with the appellant that a party submitting that something had not happened, i.e. that a communication had not been received, was in difficulties in trying to prove a negative (negativa non sunt probanda, see also T 2037/18, R 15/11, R 4/17). The filing of cogent evidence showing that a letter was not received was hardly ever possible (see also J 9/05). Therefore, the respondent's arguments that the appellant allegedly had the duty to register mail incoming at their premises but failed to provide an excerpt of such register was not pertinent, since there was no trace in the file that the EPO discharged its burden of proving delivery. Under such circumstances, the appellant did not have to bear the risks normally falling in their sphere of responsibility (T 1535/10), so that they have to be given the benefit of the doubt (J 9/05).
According to the board, in the present case legal certainty and the protection of the right to be heard would have required that the opposition division had established, by any available means, the fact and date of delivery of the communication of the notice of opposition.
The patent proprietor could decide not to react to the notice of opposition. Nevertheless, the communication under R. 79(1) EPC was not a mere formality. Rather, it had the function of allowing the patent proprietor to both contribute to the opposition division's appreciation of the facts and to defend their interests. Since the initial act of (non-)notification of the notice of opposition was flawed, the entire opposition proceedings including the decision of the opposition division was flawed.
Thus, the board set aside the appealed decision and remitted the case to the opposition division for further prosecution. The appeal fee was reimbursed.