4. État de la technique le plus proche : détermination du contenu de la divulgation
Une antériorisation est fortuite dès lors qu'elle est si étrangère à l'invention revendiquée et si éloignée d'elle que l'homme du métier ne l'aurait jamais prise en considération lors de la réalisation de l'invention. Lorsqu'une antériorisation est jugée fortuite, cela signifie qu'il apparaît dès le départ que l'antériorisation n'a aucun lien avec l'invention (G 1/03 et G 2/03, JO 2004, 413 et 448 ; T 134/01, T 1911/08).
Dans les affaires G 1/03 et G 2/03 (JO 2004, 413 et 448), la Grande Chambre de recours a indiqué que diverses définitions ont été données à la notion d'antériorisation fortuite (cf. les décisions de saisine T 507/99 date: 2002-12-20, JO 2003, 225 et T 451/99 date: 2003-03-14, JO 2003, 334). À cet égard, les décisions T 608/96 et T 1071/97 sont souvent citées. Selon ces décisions, qui définissent cette notion en termes similaires, une divulgation détruit fortuitement la nouveauté si l'homme du métier confronté au problème à la base de la demande n'en a pas tenu compte, soit parce qu'elle appartient à un domaine technique éloigné, soit parce que son objet suggère qu'elle ne contribue pas à résoudre le problème. Par conséquent, la divulgation doit, d'après ces décisions, être totalement dénuée de pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive.
La Grande Chambre a constaté que l'on ne saurait considérer isolément les différents aspects qui entrent dans toutes ces tentatives de définition. Le fait que le domaine technique soit éloigné ou étranger à celui de l'invention peut certes revêtir de l'importance, mais il n'est pas décisif, car l'homme du métier peut être amené dans certaines situations à consulter également des documents relevant d'un domaine éloigné. L'absence de problème commun, en tant que critère isolé, est encore moins déterminante, car plus une technologie est avancée, plus le problème peut être formulé spécifiquement pour une invention dans ce domaine. Il se peut ainsi qu'un même produit doive répondre é de nombreuses exigences pour présenter des propriétés équilibrées de nature é le rendre intéressant sur le plan industriel. De même, plusieurs problèmes liés à différentes propriétés du produit peuvent être définis en vue de développer ce produit. Lorsqu'il cherche à améliorer une propriété précise, l'homme du métier ne saurait ignorer d'autres exigences bien connues. C'est pourquoi un "problème différent" n'est pas nécessairement un problème qui se pose dans un autre domaine technique. Ce qui importe c'est que d'un point de vue technique, la divulgation en question doit être à ce point étrangère et éloignée que l'homme du métier ne l'aurait jamais prise en considération lorsqu'il travaille sur l'invention (cf. en ce sens la décision T 608/96, qui est citée dans la décision de saisine T 507/99 date: 2002-12-20). Il convient d'établir si tel est bien le cas sans prendre en considération les autres éléments disponibles de l'état de la technique, car un document en rapport avec l'invention ne devient pas une divulgation fortuite du seul fait qu'il existe d'autres divulgations plus étroitement liées à l'invention. En particulier, le fait qu'un document ne soit pas considéré comme l'état de la technique le plus proche ne suffit pas pour en conclure qu'il représente une antériorisation fortuite (cf. cependant la décision T 170/87, JO 1989, 441).
Comprise dans le sens esquissé ci-dessus, l'antériorisation fortuite non seulement correspond à la signification littérale de cette expression, mais limite également l'emploi d'un disclaimer aux situations où celui-ci est justifié pour une raison comparable à celles pour lesquelles les disclaimers ont été considérés comme admissibles en cas de demandes interférentes (voir aussi le chapitre II.E.1.7. "Disclaimer").
Dans la décision T 161/82 (JO 1984, 551), la chambre a constaté que le document antérieur portait sur la solution d'un problème totalement différent de celui indiqué dans la demande litigieuse et a conclu que, dans les cas où une divulgation est le fait du hasard, en ce sens que ce qui est divulgué dans un document antérieur pourrait être fortuitement couvert par la formulation d'une revendication dont la nouveauté doit être examinée sans qu'il n'y ait de problème technique commun, il convient de comparer très soigneusement les éléments pouvant à juste titre être considérés comme étant couverts par la formulation de la revendication et ce qui est effectivement montré dans le document (cf. aussi T 986/91).