5. Fondement des revendications sur la description
La question de savoir dans quelle mesure les données techniques et les exemples cités dans la description peuvent être généralisés dans la formulation de la revendication est examinée la plupart du temps en liaison avec les conditions énoncées à l'art. 83 CBE (voir notamment à cet égard chapitre II.C.5. "Exposé clair et complet"), mais elle l'est également en partie dans le cadre de l'exigence de fondement des revendications sur la description. Voir aussi le chapitre II.C.8. "Rapport entre l'art. 83 et l'art. 84 CBE".
Dans l'affaire T 2231/09, le brevet portait sur un procédé pour la représentation et l'analyse d'images. La revendication 1 de la requête principale précisait que "... au moins un desdits éléments descripteurs est dérivé en utilisant seulement un sous-ensemble de pixels dans ladite image." Le requérant avait proposé une interprétation selon laquelle "sous-ensemble" pouvait correspondre à tous les pixels de l'image, mais la chambre l'a jugée incompatible avec des parties essentielles des modes de réalisations présentés dans la description. La chambre a estimé que bien qu'un certain degré de généralisation soit acceptable, la revendication doit permettre d'identifier clairement les caractéristiques des modes de réalisation qu'elle recouvre. De surcroît, l'objet revendiqué généralisé doit permettre de comprendre le problème technique à résoudre. Une revendication doit être en adéquation avec la contribution de l'invention à l'état de la technique. La chambre a considéré que la division de l'image en régions et sous-ensembles était indispensable pour arriver à l'effet technique sous-tendant l'invention. La revendication 1 n'est donc pas dûment fondée sur la description et ne satisfait pas à l'art. 84 CBE 1973.
Dans l'affaire T 659/93 la chambre a considéré que l'exigence selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description impose non seulement à celles-ci de contenir toutes les caractéristiques présentées comme essentielles dans la description, mais également de refléter la contribution effective du demandeur en ce qu'elles puissent être mises en œuvre par l'homme du métier dans la totalité du domaine qu'elles couvrent (décision similaire rendue dans T 332/94, en se référant à T 409/91, JO 1994, 653).
Dans la décision T 939/92 (JO 1996, 309), la division d'examen avait objecté que la revendication en cause constituait une généralisation excessive des exemples donnés dans la description. La chambre a considéré quant à elle qu'il ne découle pas de l'art. 84 CBE 1973 qu'une revendication appelle des objections dès lors qu'elle a une "portée trop vaste". L'expression "se fonder sur la description" signifie que les caractéristiques techniques présentées dans la description comme étant des caractéristiques essentielles de l'invention décrite doivent être les mêmes que celles qui servent à définir l'invention dans les revendications, car sinon, les revendications ne seraient pas de véritables définitions, mais de simples descriptions. Lorsqu'une revendication porte sur un groupe de composés chimiques en tant que tels, l'on ne peut objecter à juste titre que cette revendication n'est pas fondée sur la description, pour la simple raison que les informations contenues dans la description ne sont pas suffisantes pour convaincre le lecteur que tous les composants revendiqués permettent effectivement d'obtenir l'effet technique allégué (qui n'entre pourtant pas dans leur définition) (concernant l'art. 83 CBE, voir aussi T 2001/12). Les faits de la cause en l'occurrence n'étaient pas les mêmes que dans l'affaire T 409/91.
Dans l'affaire T 94/05, la chambre a rappelé que l'exigence selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description vise à garantir que l'étendue de la protection conférée par un brevet, qui est déterminée par le contenu des revendications, correspond à la contribution que l'invention effectivement divulguée apporte à l'état de la technique (voir aussi T 409/91, T 435/91). C'est la raison pour laquelle les revendications doivent refléter la contribution effective à l'état de la technique de telle manière qu'elles puissent être mises en œuvre par l'homme du métier dans la totalité du domaine qu'elles couvrent (T 659/93). Selon la chambre, un fondement purement formel sur la description, autrement dit la reproduction littérale de la caractéristique d'une revendication, ne peut satisfaire à ces exigences. Des caractéristiques fonctionnelles sont admises si elles constituent pour l'homme du métier un enseignement technique clair, qu'il peut mettre en œuvre en faisant un effort raisonnable de réflexion (voir T 68/85, JO 1987, 228). Il en résulte que c'est en tout état de cause après avoir lu le fascicule du brevet, et le cas échéant seulement après avoir effectué des essais de routine que l'homme du métier, s'appuyant sur ses connaissances générales, doit effectivement disposer à tout le moins de plusieurs modes d'exécution différents. À la lumière du fascicule du brevet, la caractéristique mentionnée, définie en termes fonctionnels, ne pouvait être exécutée que dans le cadre de l'unique exemple de réalisation qui était cité. La chambre a conclu que la définition fonctionnelle utilisée dans la revendication 1 ne correspondait pas à l'apport technique effectif décrit dans le fascicule du brevet. Par ailleurs, la revendication 1 et la description du fascicule du brevet se contredisaient. La revendication 1 ne se fondait pas sur la description, si bien que les exigences de l'art. 84 CBE n'étaient pas remplies.
Dans la décision T 568/97, les revendications du brevet en litige définissaient l'effet physiologique devant être obtenu par une concentration suffisamment élevée de polypeptide intestinal vasoactif et/ou de prostaglandines comme agents actifs dans une composition pharmaceutique pour administration par l'urètre. Ni les valeurs individuelles, ni les plages quantitatives de polypeptide intestinal vasoactif et/ou de prostaglandines n'étaient divulguées dans le brevet. Par ailleurs, les quantités physiologiquement efficaces telles que revendiquées étaient impossibles à déterminer, sans effort excessif, uniquement sur la base des connaissances générales de l'homme du métier. La chambre a été d'avis que la description du brevet fondait insuffisamment les revendications, au sens de l'art. 84 CBE 1973, en ce qui concerne la quantité de polypeptide intestinal vasoactif et/ou de prostaglandines nécessaire pour obtenir une dose physiologiquement efficace. Non seulement la caractéristique fonctionnelle doit être telle que l'homme du métier puisse la comprendre mais il faut aussi qu'il soit en mesure de la mettre en œuvre.
Dans l'affaire T 484/92, la chambre a estimé que contrairement à l'affaire T 409/91, la condition selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description était remplie et que le requérant pouvait donc revendiquer l'invention alléguée en termes fonctionnels larges, c'est-à-dire en fonction de l'effet recherché. En effet, le requérant ayant divulgué un mécanisme permettant d'atteindre cet objectif, l'homme du métier disposait, après lecture de la description, d'autres modes de réalisation de l'invention, fondés sur ses connaissances générales.