5. Un seul concept inventif général
La règle 44(1) CBE et la règle 13.2 PCT s'appliquent aussi dans le cas où des variantes sont définies dans une seule revendication ("revendications de type Markush"). Selon la règle 44(2) CBE et la règle 13.3 PCT, pour déterminer si plusieurs inventions sont liées entre elles de telle sorte qu'elles ne forment qu'un seul concept inventif général, il est indifférent que les inventions fassent l'objet de revendications distinctes ou soient présentées comme des variantes dans le cadre d'une seule et même revendication (cf. aussi W 35/91).
Pour déterminer si l'ISA avait motivé sa conclusion relative à l'absence d'unité, la chambre, dans l'affaire W 3/94 (JO 1995, 775), s'est référée à la partie consacrée à la "doctrine Markush", à l'annexe B, partie 1 (f), des Instructions administratives du PCT, dans le texte en vigueur à partir du 1er juillet 1992 (voir désormais l'annexe B, paragraphe (f) des Instructions administratives telles qu'en vigueur depuis le 1er janvier 2019). Il y est indiqué que la condition relative à l'existence d'une relation technique et à la présence d'éléments techniques particuliers, identiques ou correspondants, énoncée dans la règle 13.2 PCT doit être considérée comme remplie lorsque les variantes sont de nature analogue. La partie précise ensuite les cas où ces variantes doivent être considérées comme ayant un "caractère analogue".
Dans la décision W 1/94, l'OEB, agissant en qualité d'ISA, a constaté que les composés selon des "inventions" qu'elle avait identifiées ne comportaient pas de nouvel élément structurel. Cependant, de l'avis de la chambre, une telle absence n'a pas automatiquement pour conséquence de détruire l'unité de l'invention. Par contre, il découle des Instructions administratives du PCT qu'une relation technique doit être reconnue pour un groupe de composés chimiques alternatifs tels que, par exemple, tous les composés qui ont une propriété ou activité commune. Une telle activité commune existait dans la présente affaire. La nouvelle utilisation pouvait donc former le concept inventif général liant les objets des revendications, conformément à la règle 13.1 PCT, et devait être considérée comme une caractéristique fonctionnelle liant les composés de la revendication.
Dans la décision W 6/95, la chambre a fait référence aux Instructions administratives du PCT, qui ont un caractère obligatoire non seulement pour l'ISA, mais aussi pour la chambre de recours faisant office de "comité de trois membres" au sens de la règle 40.2 c) PCT (cf. G 1/89, JO 1991, 155 ; depuis le 1er avril 2005, le terme "comité de trois membres" est remplacé, dans le règlement d'exécution du PCT, par celui d'"organe de réexamen" – cf. également le présent chapitre II.B.1 "Introduction"). La chambre a indiqué qu'il découle de l'Annexe B, partie 1 (f)i) des Instructions administratives du PCT (il s'agit désormais de l'Annexe B, paragraphe (f) des Instructions administratives du PCT telles qu'en vigueur depuis le 1er janvier 2022, qu'il ne suffit pas, pour établir a posteriori l'unité de l'invention, que toutes les variantes de composés chimiques couvertes par une revendication de Markush aient une propriété ou une activité commune, c.-à-d. permettant de résoudre un problème technique commun, car aux termes du point (B)(1), pour pouvoir constituer une unité, elles doivent en outre avoir en commun un "élément structurel important". La chambre a indiqué que l'explication donnée dans l'Annexe B, partie 1(f)ii) des Instructions administratives du PCT ne permet pas de supposer que ledit "élément structurel important" doit être nouveau en soi. Cette expression signifie plutôt qu'il doit exister un élément commun de la structure chimique en relation avec ladite propriété ou activité commune qui permet de distinguer les composés revendiqués de composés connus présentant la même propriété ou activité (cf. également W 6/97).
Dans la décision T 169/96, la chambre a noté que le fait que la revendication 1 comprenne également un composé connu, non couvert par la revendication 2, n'avait aucune importance pour la question de l'unité, parce que la règle 30(b) CBE 1973 (dans l'ancienne version applicable jusqu'au 31 mai 1991 et dans la nouvelle version applicable par la suite) ne nécessite pas qu'il y ait forcément un concept commun unifiant différents "moyens" selon lui. Il importe peu que les trois catégories différentes de composés chimiques identifiées par la division d'examen comprennent des structures chimiques totalement différentes d'un résidu. La chambre a observé que le chapitre C‑III, 7.4a des Directives de l'OEB alors en vigueur, sur lequel la division d'examen s'était appuyée, ainsi que l'Annexe B, partie 1(f) des Instructions administratives du PCT (voir désormais l'Annexe B, paragraphe (f) des Instructions administratives du PCT telles qu'en vigueur depuis le 1er janvier 2022), relative aux revendications de type Markush, prévoient expressément que ledit élément structurel significatif peut consister en une combinaison de composants individuels liés entre eux. Il n'y est pas dit que la combinaison proprement dite des différents éléments structurels doit être nouvelle, et cette exigence ne découle pas non plus de l'art. 82 CBE 1973. Selon ladite directive, cette expression signifie plutôt qu'en ce qui concerne la propriété ou l'activité commune précitée, il doit exister une partie commune de la structure chimique qui fasse une distinction entre les composés revendiqués et les composés connus ayant la même propriété ou la même activité (voir désormais Directives F‑V, 3.2.5 – version de novembre 2018).
Dans l'affaire W 4/96 (JO 1997, 552), la chambre a noté qu'il ne pouvait être satisfait à l'exigence d'une relation technique au sens de la règle 13.2 PCT, première phrase PCT, lorsque toutes les variantes revendiquées appartiennent à une classe de composés desquels on peut attendre qu'ils se comportent de la même façon dans le contexte des inventions revendiquées ("revendications de type Markush"). La relation technique consiste dans les éléments techniques particuliers communs qui définissent une contribution par rapport à l'état de la technique (règle 13.2, deuxième phrase PCT ; voir aussi W 6/96, W 1/10). Toutefois, une telle contribution ne saurait être reconnue sur la base du comportement ainsi supposé, s'il ressort déjà de l'état de la technique que des éléments de cette classe se comportent de la façon divulguée dans la demande. La chambre a ajouté que si au moins une variante de type Markush n'est pas nouvelle par rapport à l'état de la technique, l'examinateur doit revenir sur la question de l'unité, à savoir "a posteriori" (Annexe B, partie 1(f)v) des Instructions administratives du PCT ensemble les Directives concernant la recherche selon le PCT ; cf. désormais l'Annexe B des Instructions administratives telles qu'en vigueur depuis le 1er janvier 2022 ; ainsi que les Directives concernant la recherche internationale et l'examen préliminaire international selon le PCT telles qu'en vigueur depuis le 1er mars 2022).
La chambre a également estimé qu'une objection quant à l'absence d'unité pouvait être soulevée "a posteriori" contre toutes les catégories de groupes de variantes de composés chimiques. L'appréciation "a posteriori" de l'unité de l'invention doit être effectuée de la même manière dans tous les cas, puisque la condition énoncée à la règle 13 PCT est la même quelles que soient les circonstances. Par conséquent, lorsqu'il existe une relation fonctionnelle au sein d'un groupe de composés, l'appréciation "a posteriori" de l'unité de l'invention doit s'effectuer de la même manière que lorsqu'il existe une relation structurelle. Cela vaut aussi bien pour les composés liés par leur structure que pour ceux liés par leur fonction. La relation structurelle au sens de l'Annexe B, première partie f)i) B1) et la relation au sens de l'Annexe B, première partie f)i)B)2) et iii) ont le même but : il s'agit d'établir si les variantes de composés sont de nature analogue, comme cela est dit dans l'introduction à l'Annexe B, première partie f)i). Ces critères sont simplement des outils servant à déterminer s'il est satisfait à l'exigence d'unité de l'invention telle que définie à la règle 13 PCT.
Dans l'affaire W 34/07, la revendication 1 portait sur des compositions pour le revêtement de supports céramiques comprenant des frittes de verre micronisées et/ou de l'hydroxyde de zirconium de taille nanométrique. La chambre a conclu que les deux variantes revendiquées n'avaient pas d'éléments communs explicites qui, combinés entre eux, n'étaient pas compris dans l'état de la technique, et qu'elles ne représentaient pas non plus deux solutions au même problème technique. Les effets obtenus en utilisant soit du verre micronisé soit de l'hydroxyde de zirconium de taille nanométrique étaient différents et ne présentaient aucun lien entre eux, bien qu'ils fussent susceptibles de conduire aux "meilleurs résultats", en l'occurrence si une composition comprenant ces deux éléments était utilisée.