5.5.4 Obligation de vigilance dans les rapports avec un auxiliaire
Il incombe au mandataire de confier le travail à une personne appropriée, qui aura été correctement formée pour exécuter ces tâches, et de superviser raisonnablement le travail (J 5/80, JO 1981,343 ; J 16/82, JO 1983, 262 ; J 26/92 ; T 2016/16). Est également considéré comme "auxiliaire", au sens de la décision J 5/80 (JO OEB 1981, 343) un intérimaire chargé de remplacer un auxiliaire en cas de congé, d'absence pour cause de maladie ou d'autre empêchement. Le choix, la mise au courant et la surveillance de l'intérimaire doivent répondre aux mêmes exigences de vigilance que s'il s'agissait d'un auxiliaire (J 16/82, JO 1983, 262). Les nouveaux auxiliaires doivent être supervisés régulièrement pendant au moins plusieurs mois (cf. J 3/88, T 715/91).
La jurisprudence antérieure précitée est également applicable à un mandataire domicilié aux États-Unis (le cas échéant à ses auxiliaires) lequel agit en collaboration avec le mandataire agréé dûment constitué. Dans l'affaire J 3/88, le conseil en brevets américain d'un demandeur qui n'avait pas de domicile dans un État contractant avait agi en collaboration avec le mandataire agréé dûment constitué. Les "docket clerks" (auxiliaires du conseil en brevets américain) étaient chargés de tâches de routine telles que noter les délais et vérifier les échéances. La chambre juridique a fait observer que pour s'acquitter correctement de ces tâches assurément simples, ils avaient néanmoins besoin de certaines connaissances de base. La chambre juridique a conclu que, bien qu'aucune qualification spéciale ne soit requise, un employé administratif n'est pas vraiment en mesure d'exécuter ces tâches courantes de façon satisfaisante s'il n'a pas reçu préalablement des instructions appropriées, et s'il n'est pas étroitement supervisé jusqu'à ce qu'il connaisse son travail. Pour que la supervision des activités d'un employé administratif nouvellement recruté soit jugée adéquate, il faut que son travail soit régulièrement vérifié. Afin d'éviter le risque d'erreurs, ces vérifications régulières doivent avoir lieu de façon systématique, tout au moins pendant une période de formation initiale de plusieurs mois.
(i) Tâches courantes
Dans l'affaire T 1062/96 du 11 décembre 1997 date: 1997-12-11, la chambre a estimé que la remise à la poste d'une lettre préparée et signée par le mandataire constituait une tâche courante typique que le mandataire peut confier à une auxiliaire (de même T 335/06). En l'espèce, l'auxiliaire avait reçu pour instruction expresse d'envoyer la lettre le jour même par télécopie. Dans un bureau bien organisé, le mandataire peut compter sur l'exécution correcte d'une telle instruction. L'envoi de la télécopie ne demandait aucune qualification ou connaissance spécialisées. Par conséquent, on pouvait attendre de l'auxiliaire, en l'occurrence une secrétaire qui avait fait preuve de fiabilité dans son travail quotidien au service du mandataire, qu'elle effectue cette tâche sous sa propre responsabilité. Comme l'ordre donné devait être exécuté immédiatement, il n'était pas nécessaire de vérifier par la suite si la télécopie avait bien été expédiée. Voir aussi T 2023/14.
Dans l'affaire T 2253/13, le mandataire avait chargé un auxiliaire d'envoyer le mémoire exposant les motifs du recours à l'OEB par téléfax le dernier jour du délai en question, mais l'auxiliaire ne s'était pas rendu compte que la transmission par téléfax avait échoué. La chambre était convaincue que le requérant n'avait pas été en mesure d'observer un délai alors qu'il avait fait preuve de toute la vigilance nécessaire. Le mandataire peut confier une telle tâche courante à un auxiliaire sans pour autant manquer à l'obligation de vigilance dans le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, et il y avait eu en l'occurrence une erreur isolée excusable de la part de l'auxiliaire.
Dans l'affaire T 2450/16, la chambre a retenu, à tout le moins pour l'affaire en question, que la préparation d'un acte de recours par l'auxiliaire du mandataire ne pouvait pas être considérée comme une tâche courante pouvant être légitimement confiée à l'auxiliaire par le mandataire.
Dans l'affaire T 3029/18 du 3 juin 2020 date: 2020-06-03, la chambre a tiré la conclusion suivante : une fois que le mandataire a déterminé quelles taxes acquitter et à quelle date, l'exécution de cette instruction constitue une activité de routine dont peut être chargé un auxiliaire expérimenté et digne de confiance. Selon la chambre, il serait exagéré et disproportionné d'exiger que cette activité d'exécution soit encore contrôlée. À cet égard, la chambre a repris les conclusions de la décision T 1355/09, dans laquelle la chambre avait retenu qu'un mécanisme de contrôle n'est pas nécessaire dans une très petite entreprise.
(ii) Choisir une personne qualifiée pour la tâche confiée
Dans l'affaire T 191/82 date: 1985-04-16 (JO 1985, 189), la chambre a considéré que le non-paiement dans les délais d'une surtaxe était manifestement attribuable à une suite malheureuse d'erreurs commises par des employés au demeurant convenablement sélectionnés et expérimentés.
Dans l'affaire J 12/84 (JO 1985, 108), la chambre a estimé qu'il n'avait pas été fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, car les employés d'une autre société avaient été chargés d'accuser réception du courrier en recommandé adressé au mandataire, lequel n'était pas en mesure de superviser le travail de ces personnes dont il n'était pas l'employeur.
Dans la décision T 309/88 du 28 février 1990 date: 1990-02-28, la chambre a déclaré que même des personnes ne possédant pas une formation complète d'assistant de conseil en brevets étaient en mesure d'enregistrer et de surveiller des délais. La chambre a ajouté qu'il s'agissait là de travaux courants ne nécessitant pas de connaissances préalables spéciales, ni aucune qualification professionnelle. Toutefois, l'auxiliaire doit avoir été mis suffisamment au courant de ses tâches et recevoir le soutien d'un collègue qualifié.
(iii) Donner des instructions adéquates à l'auxiliaire
Dans l'affaire T 1764/08, la chambre a considéré que la formation d'un recours recevable n'était pas une simple formalité, mais plutôt une tâche compliquée, pour laquelle le mandataire agréé devait donner des instructions claires à son assistant.
Dans l'affaire T 2336/10, la chambre a estimé que le mandataire n'avait pas donné d'instructions adéquates concernant la bonne manière de traiter le délai de dépôt d'un mémoire exposant les motifs du recours. Un auxiliaire auquel cette tâche est confiée doit recevoir l'instruction selon laquelle dès après la formation du recours et le paiement de la taxe correspondante, un mémoire exposant les motifs du recours doit, en principe, être déposé dans le délai de quatre mois prévu à l'art. 108 CBE.
Dans l'affaire T 198/16, la chambre a estimé qu'un mandataire doit donner des instructions explicites et claires à un auxiliaire s'agissant du paiement de la taxe de recours. Il ne peut attendre d'un auxiliaire que celui-ci déduise de l'acte de recours qu'il doit déposer le bordereau de règlement.
Dans l'affaire T 2450/16, la chambre a indiqué qu'epoline® portait principalement sur le dépôt électronique de documents auprès de l'OEB. D'après la chambre, il ne s'agit pas d'un guide électronique visant à enseigner quels documents il convient de déposer dans une situation donnée. L'utilisation d'epoline® présuppose au contraire de telles connaissances. Autrement dit, epoline® ne saurait en aucun cas se substituer à des instructions adéquates de la part du mandataire.
(iv) Supervision adéquate
Dans l'affaire T 949/94 du 24 mars 1995 date: 1995-03-24, la chambre a affirmé qu'un mandataire doit superviser de manière adéquate le travail qu'il délègue. Cela ne signifie pas qu'il doive superviser la remise à la poste de chaque lettre. Après avoir signé une lettre et ordonné à sa secrétaire de la poster, le mandataire est en droit de supposer que la lettre a été postée. À la lumière de ces considérations, la chambre s'est déclarée convaincue que le mandataire avait fait preuve de toute la vigilance nécessaire vis-à-vis de sa secrétaire (J 31/90, T 1171/13).
Dans l'affaire T 1465/07, la secrétaire du mandataire avait précédemment travaillé pour un autre partenaire et, lorsqu'elle a pris ses nouvelles fonctions, les instructions qu'elle a reçues concernant la contre-vérification se limitaient à l'ordre de procéder de la même manière que dans son poste précédent. La chambre a considéré que ces instructions étaient insuffisantes et que la secrétaire devait être supervisée à intervalles plus courts pendant la période suivant immédiatement sa prise de fonctions. Cette exigence est non seulement appropriée et nécessaire, mais aussi non démesurée, la supervision ne demandant pas un temps considérable.
Dans l'affaire T 1149/11, la chambre a estimé que le devoir de vigilance relatif à la supervision de l'auxiliaire nécessite de mettre en place un système efficace de vérification, du moins dans une société où un grand nombre de délais doivent être surveillés. Cela valait spécialement pour le cas d'espèce, puisque le délai pour former un recours et acquitter la taxe de recours au titre de l'art. 108 CBE est absolument crucial ; s'il n'est pas observé, il n'existe aucune autre voie ordinaire de recours et la décision attaquée devient définitive (cf. également T 439/06, JO 2007, 491).
Dans l'affaire T 555/08, la chambre a affirmé que le niveau de vigilance requis n'est pas atteint si les explications données oralement par un auxiliaire sont acceptées comme pertinentes sans exercer de jugement critique, alors qu'elles devraient susciter des doutes (cf. T 602/94). L'absence de question ou de vérification complémentaire doit être considérée en lien avec l'obligation de superviser les auxiliaires. Il convient d'examiner si un auxiliaire s'acquitte correctement des tâches qui lui sont confiées, en particulier si des indices suggèrent un éventuel comportement fautif.
Dans l'affaire T 2016/16, la chambre a fait observer que le fait que les délais saisis par l'auxiliaire dans le système de surveillance soient normalement vérifiés par un conseil en brevets ne dispensait pas le mandataire de son obligation de donner des instructions adéquates à l'auxiliaire et d'assurer sa supervision.