4.3.3 Preuves publiées ultérieurement et effet technique allégué, tel qu'invoqué pour fonder l'activité inventive ("plausibilité")
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Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, l'évaluation de l'activité inventive doit avoir lieu à la date effective du brevet, sur la base des informations contenues dans le brevet et des connaissances générales dont dispose à cette date l'homme du métier (G 2/21, JO 2023, A85 ; cf. également par exemple T 1329/04, T 1545/08, T 1433/14, T 488/16 et T 1322/17).
Il est souvent nécessaire de produire des moyens de preuve publiés ultérieurement (c'est-à-dire des moyens de preuve qui n'étaient pas publics avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et qui ont été produits après cette date) établissant que le problème a été résolu (c'est-à-dire que l'effet technique allégué a effectivement été obtenu). Il en est notamment ainsi quand le problème technique objectif doit être reformulé, par exemple au regard d'un document de l'état de la technique le plus proche jusque-là inconnu du titulaire du brevet (T 116/18 du 11 octobre 2021).
Dans l'affaire T 116/18 du 11 octobre 2021, la chambre a estimé que si la preuve de la résolution d'un problème reposait sur ce moyen publié ultérieurement, il existait trois lignes divergentes de la jurisprudence des chambres de recours relatives aux conditions dans lesquelles le moyen de preuve peut ou non être pris en compte, à savoir l'application stricte du critère de "plausibilité ab initio", en vertu duquel des moyens de preuve publiés ultérieurement ne pouvaient être pris en considération que si, compte tenu de la demande telle que déposée et des connaissances générales de l'homme du métier à la date de dépôt, ce dernier aurait eu des raisons de supposer que l'effet technique allégué était obtenu ; la "non-prise en compte de la plausibilité", qui semblait rejeter le concept de plausibilité, et le critère de "défaut de plausibilité ab initio", selon lequel des moyens de preuve publiés ultérieurement ne pouvaient être écartés que si l'homme du métier aurait eu des raisons légitimes de douter du fait que l'effet technique allégué aurait été obtenu à la date de dépôt de la demande de brevet en cause. Dans le cadre d'une saisine au titre de l'art. 112 CBE, la chambre a demandé à la Grande Chambre en particulier s'il y avait lieu d'appliquer le critère de "plausibilité ab initio" ou celui de "défaut de plausibilité ab initio.
Dans l'affaire G 2/21 (JO 2023, A85), la Grande Chambre s'est toutefois écartée du concept de "plausibilité". Elle a jugé que le terme "plausibilité" que l'on trouve dans la jurisprudence des chambres de recours et qui est employé par la chambre à l'origine de la saisine (T 116/18 du 11 octobre 2021) ne constitue pas un concept juridique distinctif ou une exigence spécifique du droit des brevets en vertu de la CBE, en particulier en vertu des art. 56 et 83 CBE. La Grande Chambre a ajouté qu'il s'agit plutôt d'un mot-clé générique retenu par la jurisprudence des chambres de recours, par certaines juridictions nationales et par les utilisateurs du système européen des brevets (point 92 des motifs). La Grande Chambre de recours a décidé ce qui suit :
"I. Les moyens de preuve présentés par un demandeur ou un titulaire de brevet à l'appui d'un effet technique sur lequel il se fonde aux fins d'établir l'activité inventive de l'objet revendiqué ne peuvent être écartés au seul motif que ces moyens de preuve, sur lesquels l'effet repose, n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et ont été produits après cette date.
II. Un demandeur ou un titulaire de brevet peut invoquer un effet technique comme fondement de l'activité inventive si l'homme du métier, à la lumière de ses connaissances générales et sur la base de la demande telle que déposée initialement, conclurait que ledit effet est englobé dans l'enseignement technique et fait partie de la même invention initialement divulguée."
Appliquant ces principes à la jurisprudence des chambres de recours analysée par la Grande Chambre pour statuer, la Grande Chambre a indiqué être convaincue que le résultat dans chaque affaire n'aurait pas été différent de la conclusion à laquelle la chambre concernée était effectivement parvenue. La Grande Chambre a ajouté que, indépendamment de l'emploi de la notion terminologique de plausibilité, les décisions analysées semblaient montrer que chacune des chambres concernées s'est concentrée sur la question de savoir si l'homme du métier pouvait ou non déduire l'effet technique invoqué par le demandeur ou le titulaire du brevet de l'enseignement technique figurant dans les pièces de la demande.