10. Autorité des décisions de renvoi à l'instance du premier degré
Le fait que l'instance du premier degré soit liée par une décision antérieure d'une chambre de recours est un problème qui se présente également dans le cas d'un renvoi, puis d'un recours contre la décision qui s'ensuit.
De nombreuses décisions font observer que la chambre de recours est liée par une première décision prononcée par elle, lorsqu'elle est appelée à statuer sur un second recours portant sur le même objet (notion de "Selbstbindung" en droit allemand). L'effet contraignant de la première décision s'étend à toutes les autres conclusions de la chambre de recours, dans la mesure où elles ont été déterminantes pour le contenu de sa décision et où les circonstances de l'espèce n'ont pas changé (T 961/18, voir aussi T 1545/08). Cet effet contraignant s'applique toutefois seulement dans la mesure où les faits de la cause sont les mêmes, et uniquement dans le cadre proprement dit couvert par les motifs et le dispositif de la décision précédente (T 2337/16). Si toutefois le fondement de la décision est modifié, la première décision perd tout effet contraignant (art. 111(2) CBE 1973) (T 21/89, voir aussi T 153/93 et T 1545/08). Cela est fréquemment justifié par l'argument selon lequel les décisions des chambres de recours sont définitives et qu'elles ne sont pas susceptibles de recours, si bien qu'aucune instance de l'OEB, ni aucune chambre de recours ne peut statuer à nouveau sur des faits qui ont déjà été tranchés. Selon la décision T 690/91, cette autorité des décisions joue à l'égard de toute procédure de recours ultérieure, car l'art. 111(1) CBE 1973 dispose que la chambre peut exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée.
Voir également la décision T 720/93 pour ce qui concerne la mesure dans laquelle une chambre s'estime liée par une décision antérieure rendue par une chambre de recours dans la même affaire. En l'espèce, bien que la revendication sur laquelle elle devait se prononcer représentait des faits différents par rapport à la première procédure, dans la mesure où elle appartenait à une autre catégorie de revendication et contenait un certain nombre de caractéristiques différentes, la chambre a considéré que certaines conclusions tirées dans la première décision s'imposaient dans la deuxième procédure.
Dans la décision T 736/16 (deuxième recours), la chambre a conclu que la division d'opposition et la chambre étaient liées par les motifs et le dispositif de la décision T 1909/12 (premier recours) conformément à l'art. 111(2) CBE, de même d'ailleurs que par les motifs et le dispositif de la décision R 3/14 qui a été rendue dans le présent cas. D'après le requérant, le point de droit selon l'art. 123(3) CBE ne pouvait plus être examiné par la division d'opposition car il avait déjà été tranché dans la décision T 1909/12 pour cette même requête. La chambre a constaté que l'art. 123(3) CBE n'était pas cité explicitement dans la décision T 1909/12, ni dans le dispositif, ni dans les motifs. Il convenait alors de vérifier si des éléments dans les motifs permettaient d'établir sans ambiguïté que la chambre avait effectivement décidé que la requête du requérant satisfaisait aux exigences de l'art. 123(3) CBE. La chambre a conclu que cette question n'avait pas été tranchée dans la décision T 1909/12.
Dans l'affaire T 449/15, la chambre devait comparer l'objet de la revendication 1 de la requête principale, sur laquelle il avait été statué dans la décision T 449/13, avec l'objet des requêtes subsidiaires 4 et 5 en instance devant la chambre appelée à statuer dans la deuxième procédure de recours. Les modifications, de nature purement cosmétique, avaient seulement consisté à inclure des ajouts linguistiques redondants et étaient sans incidence sur l'étendue des revendications. Par conséquent, la chambre a conclu que les modifications apportées ne modifiaient de manière substantielle ni l'objet revendiqué, si on le comparait au contenu des revendications ayant fait l'objet d'une décision finale dans l'affaire T 449/13, ni les faits sur lesquels s'appuyait cette décision. Par conséquent, la conclusion selon laquelle l'objet revendiqué était dépourvu d'activité inventive avait l'autorité de la chose jugée. Dans ce contexte, la chambre a fait observer que la jurisprudence des chambres de recours comptait d'autres décisions dans lesquelles les chambres compétentes avaient estimé ne pas pouvoir statuer sur une question en vertu de l'application du principe de la chose jugée, même si les revendications examinées n'étaient pas à proprement parler identiques aux revendications sur lesquelles il avait été statué dans une décision antérieure (voir notamment T 1872/08, T 572/07, T 436/95).
S'agissant de l'effet contraignant d'une décision passée en force de chose jugée concernant l'objet de la demande initiale dans le cas de demandes divisionnaires, voir le chapitre II.F.2.4.