4.3. Degré de conviction de l'instance
Dans l'affaire T 1056/01, la chambre a souligné qu'en raison de l'effet décisif qu'une date de priorité valable a sur la brevetabilité, la date de dépôt de la demande dont la priorité est revendiquée doit être prouvée de manière formelle, à savoir sous la forme d'une attestation délivrée par l'administration qui a reçu la demande (cf. règle 53(1) CBE et art. 4D(3) de la Convention de Paris). Même si une telle preuve formelle n'est pas prescrite pour le retrait en temps utile de la demande antérieure conformément à l'art. 87(4) CBE (cf. art. 4C(4) de la Convention de Paris), il est indiqué d'exiger un critère de preuve aussi élevé puisque, lorsqu'il existe une demande antérieure concernant la même invention, les deux dates sont tout aussi pertinentes pour établir la validité de la priorité revendiquée. En l'espèce, cependant, le retrait en temps utile de la demande britannique n'avait pu être établi aux fins de l'art. 87(4) CBE. Contrairement aux faits qui s'opposent à la brevetabilité (cf. par ex. T 219/83 citée par la requérante), le retrait en temps utile d'une demande antérieure est une condition préalable positive pour revendiquer valablement la priorité d'une demande ultérieure pour la même invention. Par conséquent, la date (de prise d'effet) du retrait est un fait qui joue en faveur de la demanderesse, et cette dernière s'était fondée sur cette date de la même manière qu'elle s'était fondée sur la date de dépôt (et le contenu) de la demande britannique ultérieure (décision citée et appliquée par T 62/05).
L'affaire T 493/06 portait sur la question de la validité du transfert d'une demande établissant une priorité. De l'avis de la chambre, les déclarations sur l'honneur et les attestations notariées présentées fournissaient une preuve suffisante de ce que le contenu de la copie de l'accord de transfert correspondait à l'original.
Dans l'affaire T 205/14, la chambre a indiqué qu'elle n'était pas d'accord avec l'énonciation de la décision T 62/05 selon laquelle le transfert doit être attesté de manière formelle, en appliquant un niveau de preuve aussi exigeant que celui requis à l'art. 72 CBE 1973. L'art. 72 CBE 1973 énonce les exigences de forme à remplir pour que la cession de la demande de brevet européen soit valablement effectuée, ce qui limite les moyens de preuve permettant d'établir un tel transfert. Eu égard à l'art. 117 CBE et au principe de la libre appréciation des preuves, il conviendrait de ne pas étendre cette disposition au-delà de son champ d'application. Etant donné que les dispositions de la CBE ne permettent pas de déterminer de manière autonome les exigences relatives au transfert du droit de priorité, la validité d'un tel transfert relève du droit national (cf. T 1008/96 (deux éléments de preuve contradictoires : déclaration devant un notaire et décision d'une juridiction italienne) ; cf. également l'approche adoptée dans les décisions T 160/13 (cession du droit de priorité à l'intérieur d'un groupe – Emails), J 19/87, T 493/06). T 205/14, T 517/14 et T 1201/14 abordent de nombreuses questions relatives à la preuve, au degré de conviction de l'instance et à la charge de la preuve.
Dans l'affaire T 1201/14, la chambre a énoncé concernant la preuve d'un transfert valide du droit de priorité, que la valeur probante des affidavits produits devait être déterminée par la chambre conformément au principe consacré de la libre appréciation des preuves. Quant au degré de conviction de l'instance, la chambre était d'accord avec l'intimé (opposant) que les circonstances de l'affaire exigeaient une preuve "au-delà de tout doute raisonnable" (plutôt qu'une preuve basée sur "l'appréciation des probabilités", comme cela était exigé dans la décision T 205/14, point 3.6.1 des motifs et la décision T 517/14 sur une affaire presque identique, point 2.7.1 des motifs). Il en était ainsi car, dans cette procédure inter partes, pratiquement l'ensemble des preuves se trouvait en la possession et la connaissance d'une seule partie au sens de la décision T 472/92 (JO 1998, 161, point 3.1 des motifs (concernant l'usage antérieur public), à savoir, le titulaire du brevet (requérant) dans le cas d'espèce, alors que l'autre partie (intimé) n'était pas en mesure de rassembler des preuves contraires. En tout état de cause, en ce qui concerne la deuxième cession du droit de priorité, l'allégation du requérant a été rejetée pour insuffisance de preuve.
La décision T 2466/13 sur la validité formelle du transfert et le niveau de preuve requis, rappelle la jurisprudence relevant que la jurisprudence n'est pas univoque à cet égard : "balance des probabilités" dans les décisions T 205/14 et T 517/14 ; niveau de preuve plus strict dans T 1201/14. Finalement, la chambre estime qu'il n'était pas nécessaire de trancher cette question du niveau de preuve, dans la mesure où elle n'avait pas de doute en l'espèce que la cession était bel et bien intervenue.
Dans la décision plus récente T 407/15, la chambre a indiqué qu'indépendamment de la forme qu'aurait pu prendre le transfert du droit de priorité, la preuve de ce transfert devait être apportée pour permettre à la chambre de se prononcer sur la question. Le critère de preuve appliqué a été celui de l'appréciation des probabilités.
Voir avant tout le chapitre II.D.2.2. "Droit de priorité du demandeur ou de son ayant cause".