1. Situation juridique des chambres de recours de l'OEB
Dans l'affaire R 14/11, la Grande Chambre de recours a indiqué que comme pour toute autre décision des chambres de recours, ses décisions relatives à des requêtes en révision ne créent pas de précédent, en ce sens que la Grande Chambre n'est pas tenue de montrer en quoi une décision ultérieure diffère d'une décision antérieure pour que cette décision ultérieure soit fondée en droit. La Grande Chambre a affirmé, en se référant à la décision R 11/08, que ces différences sont normales et que l'utilité de la jurisprudence ne se limite pas aux faits similaires ou identiques, mais qu'elle réside dans les principes ou enseignements (par exemple dans l'interprétation de dispositions législatives) qui peuvent être tirés de précédentes affaires, que les faits soient similaires ou non.
Dans l'avis G 3/19 (JO 2020, A119), la Grande Chambre a affirmé qu'une interprétation particulière donnée à une disposition juridique ne peut jamais être considérée comme étant gravée dans le marbre, la signification de la disposition étant susceptible de changer ou d'évoluer au fil du temps. Il s'agit là d'un aspect inhérent à l'évolution constante du droit à mesure que des décisions sont rendues par les instances juridictionnelles, et qui, dans le contexte de la jurisprudence des chambres de recours, est reflété à l'art. 21 RPCR 2020, selon lequel une chambre de recours doit saisir la Grande Chambre si elle a l'intention de s'écarter d'une décision ou d'un avis antérieurs de la Grande Chambre. Une telle saisine ultérieure serait dénuée d'objet si la Grande Chambre n'avait pas la possibilité, ne serait-ce qu'en théorie, de réviser la décision ou l'avis qu'elle a précédemment rendu sur la question de droit concernée.
Dans l'affaire T 844/18, la chambre n'a pas été convaincue par l'extrait de l'opinion provisoire non contraignante de la chambre dans l'affaire T 239/16 (non repris dans la décision finale) soumis par le requérant pour étayer sa thèse selon laquelle l'OEB n'avait pas compétence pour déterminer qui peut se prévaloir du droit de priorité. Quant à l'interprétation du terme "celui" (Convention de Paris), la chambre a fait observer qu'il n'existe aucune jurisprudence, ni de l'OEB, ni de juridictions nationales, ayant clairement et sans ambiguïté adopté l'interprétation proposée par les requérants. De manière générale, la barre pour opérer un revirement de jurisprudence et de pratiques établies de longue date doit être placée haut en raison des perturbations profondes qu'un changement peut entraîner. La chambre a noté que les requérants s'attaquaient à plus d'un siècle de jurisprudence et de pratiques constantes suivant l'approche dite de "tous les demandeurs", dont ils devaient démontrer qu'elle était incorrecte. Cela représentait une tâche considérable (point 53 des motifs). La barre pour opérer un revirement de jurisprudence et de pratique établies de longue date doit être placée très haut en raison des perturbations profondes qu'un changement peut entraîner. La poursuite de ces pratiques rationnelles bien établies peut être considérée comme un aspect de la sécurité juridique (point 86 des motifs).