6. Exécution de l'invention
Dans la décision T 226/85 (JO 1988, 336) qui est conforme aux principes énoncés dans les décisions T 14/83 (JO 1984, 105), T 48/85, T 307/86 et T 326/04, la chambre a estimé que, lorsqu'il s'agit d'apprécier si l'invention est exposée de manière suffisamment claire et complète, il convient d'admettre les tâtonnements dans une mesure raisonnable, par exemple lorsqu'il s'agit d'un domaine encore inexploré ou lorsque de nombreuses difficultés techniques se présentent (voir aussi T 2220/14, domaine technique hautement complexe). En revanche, l'exécution de l'invention implique des efforts excessifs de la part de l'homme du métier lorsque celui-ci ne peut établir que par tâtonnements s'il a choisi les nombreux paramètres de l'invention de manière à obtenir un résultat satisfaisant (T 32/85 ; cf. également T 2237/09 concernant une combinaison de paramètres). La suffisance de l'exposé ne peut être reconnue si, dans le cas d'une invention qui va à l'encontre de l'opinion technique prédominante, le titulaire du brevet a omis d'indiquer ne serait-ce qu'un seul exemple reproductible (T 792/00, voir aussi T 397/02, T 1440/07 et T 623/08).
Dans l'affaire T 2220/14, la chambre a estimé que le domaine technique dont relevait l'invention étant particulièrement complexe (méthodes de modification de cellules eucaryotes), il faudrait en moyenne déployer beaucoup d'efforts pour mettre en pratique un exposé écrit dans ce domaine et cela nécessiterait de nombreux tâtonnements. La chambre a ajouté que la CBE n'exigeait nullement que le demandeur ait exécuté l'invention revendiquée, que ce soit à la date de priorité ou à la date de dépôt. La chambre conclut finalement qu'elle n'avait aucune raison de douter que l'invention telle que revendiquée dans les revendications 1, 5 et 6 était exposée de manière suffisante, comme l'exige l'art. 83 CBE.
On considère qu'un effort excessif est fourni lorsque l'homme du métier est contraint d'établir par tâtonnements quel composant correspond, le cas échéant, au paramètre indiqué dans la revendication. Le fait que cela ait pu être établi par des essais de routine ne suffit pas pour que l'objet revendiqué soit conforme aux exigences de l'art. 83 CBE. De même, il est indifférent que ce paramètre puisse être déterminé de manière fiable (T 339/05). Dans l'affaire T 123/06, la chambre a constaté que la définition fonctionnelle du dispositif constituait une simple invitation à mettre en œuvre un programme de recherche, l'homme du métier ne pouvant constater que par tâtonnements l'obtention du dispositif revendiqué. Cela représentait un effort excessif.
Selon la décision T 1063/06 (JO 2009, 516), la formulation d'un composé chimique en des termes fonctionnels, en l'occurrence dans une revendication portant sur les résultats de recherches futures, englobe tous les composés qui ont la capacité définie dans la revendication. Faute de toute règle de sélection dans la demande en litige, l'homme du métier, qui est dans l'impossibilité d'utiliser ses connaissances générales, n'a d'autre choix que d'avancer par tâtonnements, en examinant expérimentalement des composés chimiques sélectionnés de façon arbitraire afin d'établir s'ils ont la capacité définie dans la revendication, ce qui constitue pour lui une invitation à effectuer un programme de recherche et, partant, un effort excessif (décision T 435/91 confirmée). Voir également T 1140/06.
Dans l'affaire T 852/09, conformément à la décision T 1063/06, la chambre a estimé que, dans la mesure où les activateurs à utiliser étaient décrits uniquement par leurs caractéristiques fonctionnelles et que, pour l'homme du métier, la revendication n'était qu'une simple invitation à mener un programme de recherche, celui-ci ne pouvait exécuter l'invention dans toute l'étendue revendiquée au prix d'un effort raisonnable (cf. également T 155/08).
Dans l'affaire T 2070/13, la chambre a considéré dans son opinion provisoire qu'il manquait une méthode d'essai anti-adhérence adéquate et qu'aucun composé approprié n'était défini dans les familles de composés revendiquées. En particulier, l'argument de l'intimé (titulaire du brevet) selon lequel l'homme du métier pouvait mettre en œuvre l'invention au moyen d'une optimisation, effectuée par routine, à l'aide de procédures normalisées n'était pas convaincant. La chambre a estimé qu'aucune procédure normalisée n'avait été divulguée dans le brevet en cause et aucune n'avait été mentionnée pendant toute la procédure. Même si une procédure d'essai particulière était utilisée pour déterminer l'anti-adhérence, cela ne réduisait pas de manière significative l'étendue du programme expérimental requis pour identifier les matériaux anti-adhérents appropriés. La chambre a conclu que le grand nombre de matériaux potentiels énumérés, plusieurs de ces matériaux énumérés décrivant également de grandes familles de composés, ne permettait pas à l'homme du métier d'identifier les matériaux appropriés présentant une anti-adhérence ; l'homme du métier serait confronté à un programme expérimental afin de déterminer lequel des matériaux énumérés satisferait au critère d'anti-adhérence revendiqué.
Lorsque les revendications d'un brevet prévoient impérativement la réalisation d'un objectif précis (en l'occurrence, le maintien d'un paramètre en dessous d'une certaine valeur), la possibilité d'exécuter l'invention prévue par l'art. 100 b) CBE n'est pas garantie si le brevet ne fournit à l'homme du métier aucune indication lui permettant d'atteindre cet objectif sans effort excessif de recherche, y compris en dehors des modes de réalisation de l'invention (T 809/07).
Dans l'affaire T 518/17, la chambre a déclaré que pour reconnaître que l'invention revendiquée peut être exécutée sans effort excessif, sa réalisation ne doit pas s'accompagner d'une quantité de tâtonnements allant au-delà du raisonnable. Ceci implique toutefois que des informations suffisantes soient disponibles et qu'elles orientent l'homme du métier vers la réussite à travers l'évaluation des erreurs initiales. À la lumière des preuves versées au dossier, le chambre a considéré que les informations relatives aux variables des processus fondamentaux manquaient. L'homme du métier aurait par conséquent eu besoin de répéter le long processus d'optimisation et d'amélioration, sans aucune garantie. Une telle situation est souvent décrite par la jurisprudence comme une invitation à effectuer un "programme de recherche" et est considérée comme représentant un effort excessif.