CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.10 en date du 3 février 2009 - T 1063/06 - 3.3.10
(Traduction)
COMPOSITION DE LA CHAMBRE :
Président :
R. Freimuth
Membres :
C. Komenda, J.-P. Seitz
Demandeur/Requérant :
Bayer Schering Pharma Aktiengesellschaft
Référence :
Revendication portant sur les résultats de recherches futures/BAYER SCHERING PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT
Dispositions juridiques pertinentes :
Article : 83, 123(2) CBE
Mot-clé :
"Toutes les requêtes : revendication portant sur les résultats de recherches futures - définition de composés chimiques par fonction assignée - revendication couvrant également les futures inventions - une restriction à la contribution réelle à l'état de la technique est à la fois raisonnable et impérative - impossibilité de réaliser l'invention au prix d'un effort raisonnable dans l'ensemble du domaine revendiqué - programme de recherche"
Sommaire
I. Une revendication formulée de façon telle que des composés chimiques définis en termes de fonctions assignées doivent être identifiés en appliquant un procédé de détermination mentionné dans la description et revêtant la forme d'un nouvel outil de recherche constitue une revendication portant sur les résultats de recherches futures, destinée à couvrir également les inventions futures fondées sur l'invention présentement divulguée. Le demandeur ne pouvant toutefois prétendre qu'à la protection de sa contribution effective à l'état de la technique, il est non seulement raisonnable mais aussi impératif de limiter en conséquence l'objet de la revendication. L'octroi d'une protection par brevet en vertu de la CBE n'a pas pour objectif de réserver au demandeur un domaine de recherche inexploré, comme dans le cas de revendications portant sur les résultats de recherches futures, mais vise à protéger les résultats concrets d'une activité de recherche fructueuse, en contrepartie de la mise à disposition au public de ces résultats techniques concrets.
II. La formulation d'un composé chimique en termes de fonctions assignées, en l'occurrence dans une revendication portant sur les résultats de recherches futures, englobe tous les composés qui ont la capacité définie dans la revendication. Faute de toute règle de sélection dans la demande en litige, l'homme du métier, qui est dans l'impossibilité de recourir à ses connaissances générales, n'a d'autre choix que d'avancer par tâtonnements, en examinant expérimentalement des composés chimiques sélectionnés de façon arbitraire afin d'établir s'ils ont la capacité définie dans la revendication, ce qui constitue pour lui une invitation à effectuer un programme de recherche et, partant, un effort excessif (décision T 435/91 confirmée).
Exposé des faits et conclusions
I. Le recours, reçu le 26 mai 2006, est dirigé contre la décision postée le 3 avril 2006, par laquelle la division d'examen a rejeté la demande de brevet européen n° 00 962 413.1, portant le numéro de publication WO 01/19776.
II. La division d'examen a estimé que l'invention n'était pas exposée de façon suffisamment claire et complète. La revendication 1 de la requête principale, qui a été à l'origine de la décision, était initialement formulée comme suit :
"1. Utilisation de composés qui sont également à même de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme, afin de fabriquer des médicaments destinés au traitement de maladies cardiovasculaires comme l'angine de poitrine, l'ischémie et l'insuffisance cardiaque".
III. Dans la décision attaquée, la division d'examen a constaté que la revendication 1 avait pour objet l'utilisation de tous les composés imaginables ayant la capacité revendiquée de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme. Etant donné que seuls les composés dont la structure est définie dans la revendication 3 sont identifiés dans la demande en litige comme étant appropriés, mais que ladite demande ne mentionne pas d'autres variantes appropriées, l'homme du métier est contraint de choisir de façon aléatoire divers composés parmi tous les composés imaginables et de les tester afin d'établir s'ils ont la capacité souhaitée. L'exécution de l'objet de la revendication 1 dans l'ensemble du domaine revendiqué représente un effort excessif pour l'homme du métier. L'invention n'est donc pas exposée de façon suffisamment claire et complète au sens de l'article 83 CBE.
IV. Lors de la procédure orale qui s'est déroulée le 3 février 2009 devant la Chambre, le requérant a présenté deux requêtes subsidiaires, qui comprenaient chacune deux revendications.
Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 1, la revendication 1 selon la requête principale a été complétée par un passage final décrivant une caractéristique fonctionnelle supplémentaire des composés à utiliser. La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 était formulée comme suit :
"1. Utilisation de composés qui sont également à même de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme, afin de fabriquer des médicaments destinés au traitement de maladies cardiovasculaires comme l'angine de poitrine, l'ischémie et l'insuffisance cardiaque, les composés sélectionnés étant les composés qui stimulent, lors d'essais in vitro, la guanylate cyclase soluble contenant ou non le groupe hémique."
La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 se distinguait de la revendication 1 telle que rédigée dans la requête principale en ceci que le terme "également" était explicité au moyen d'un passage précisant que les composés stimulent la guanylate cyclase soluble "tant avec le groupe hémique présent dans cette enzyme qu'indépendamment de celui-ci". La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 était formulée comme suit :
"1. Utilisation de composés qui sont à même de stimuler la guanylate cyclase soluble tant avec le groupe hémique présent dans cette enzyme qu'indépendamment de celui-ci, afin de fabriquer des médicaments destinés au traitement de maladies cardiovasculaires comme l'angine de poitrine, l'ischémie et l'insuffisance cardiaque".
V. Le requérant a fait valoir que, compte tenu de la contribution particulière de l'invention à l'état de la technique, la revendication 1 doit être formulée en des termes très larges. Il s'est référé en l'occurrence à la décision T 68/85 (JO OEB 1987, 228), qui admet également une définition purement fonctionnelle de caractéristiques, ainsi qu'aux Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets, qui reconnaissent le droit d'avoir recours à une définition fonctionnelle large. Le requérant a également soutenu que son invention serait limitée à l'excès si la définition structurelle des composés de formule I était introduite dans la revendication 1. Pour ce qui est de la possibilité d'exécuter l'invention, il a fait valoir qu'à la page 65 de la demande en litige, des instructions détaillées montrent comment il convient de réaliser des essais sur les composés correspondants afin d'établir leur capacité à stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme. Ces essais pouvant être très facilement réalisés, leur mise en œuvre n'implique pas d'effort excessif pour l'homme du métier. En ce qui concerne la possibilité d'exécuter l'invention lorsque les composés à utiliser sont définis sur un plan purement fonctionnel, le requérant s'est également référé à la décision T 216/96 (non publiée au JO OEB), dans laquelle il était revendiqué un nécessaire en vue de détecter des séquences d'acides nucléiques spécifiques et contenant respectivement deux amorces. Ces amorces n'étaient pas définies au moyen d'une structure chimique, mais seulement au moyen de la séquence d'acides nucléiques à déterminer, dont la structure n'était pas non plus définie. Or, la divulgation de ces amorces n'a pas été considérée comme insuffisante. Par conséquent, une définition purement fonctionnelle des composés chimiques est également autorisée dans la demande en litige et n'appelle pas d'objection fondée sur l'impossibilité d'exécuter l'invention. Eu égard à la requête subsidiaire 1, le requérant a fait valoir que les composés à utiliser stimulent également la guanylate cyclase soluble ne contenant pas le groupe hémique, et que le procédé permettant d'effectuer les essais est réalisé in vitro. La requête subsidiaire 3 établit quant à elle clairement que les composés à utiliser stimulent la guanylate cyclase soluble tant avec le groupe hémique présent dans cette enzyme qu'indépendamment de celui-ci.
VI. Dans une annexe à la citation établie conformément à l'article 15(1) RPCR, la Chambre a émis l'avis provisoire selon lequel les irrégularités constatées dans la décision entreprise en ce qui concerne la possibilité d'exécuter l'invention subsistaient.
VII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet sur la base de sa requête principale présentée par courrier du 23 mai 2006 ou, à titre subsidiaire, sur la base d'une de ses requêtes subsidiaires 1 et 3, présentées toutes deux au cours de la procédure orale devant la Chambre.
VIII. La Chambre a prononcé sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
Requête principale
Formulation de la revendication
2. La revendication 1 porte sur l'utilisation de composés pour fabriquer des médicaments destinés au traitement d'une pathologie, en l'occurrence des maladies cardiovasculaires. Les composés utilisés à cet effet ne sont toutefois pas définis de manière satisfaisante par référence à leur structure chimique, à leur composition ou à tout autre paramètre pouvant être testé, comme cela est généralement nécessaire pour les produits chimiques (T 248/85, JO OEB 1986, 261, point 3 des motifs), mais exclusivement par leur capacité spécifique de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme, capacité que l'homme du métier ne peut établir qu'au moyen du procédé de détermination mentionné dans la description de la demande en litige et revêtant la forme d'un nouvel outil de recherche.
Ce type de définition fonctionnelle des composés chimiques à utiliser, à savoir par la fonction qui leur est assignée, couvre non seulement les composés qui correspondent à la formule générale (I) selon la demande et qui sont effectivement identifiés conformément à l'invention, mais aussi tous les composés qui n'étaient pas encore déterminés sur le plan structurel à la date de priorité ou de dépôt de la demande et qui ne seront découverts qu'à l'avenir en utilisant le procédé de détermination mentionné dans la description et revêtant la forme d'un nouvel outil de recherche. Formulée de cette façon, la revendication constitue une revendication portant sur les résultats de recherches futures, qui couvre donc également les inventions futures fondées sur l'invention présentement divulguée.
3. Se référant à la décision T 68/85 (loc. cit.), le requérant a fait valoir qu'il est permis de formuler la revendication en définissant sur un plan purement fonctionnel les composés à utiliser conformément à cette revendication.
3.1 Le demandeur ne peut toutefois choisir comme il l'entend la manière dont il définira une caractéristique technique dans une revendication, mais est tenu de définir l'invention à protéger en choisissant la formulation la plus précise, objectivement parlant (cf. décision T 68/85, loc. cit., point 8.4.2 des motifs). Une définition purement fonctionnelle des composés chimiques, faisant abstraction de tout aspect d'ordre structurel et portant en l'occurrence sur l'existence d'une capacité spécifique, n'est par conséquent autorisée que dans les cas exceptionnels où l'invention ne peut être définie autrement avec plus de précisions sans restreindre en même temps à l'excès la contribution technique à l'état de la technique (T 68/85, loc. cit., points 8.4.1 et 8.4.2 des motifs).
3.2 Le demandeur ne pouvant toutefois prétendre qu'à la protection de sa contribution effective à l'état de la technique, autrement dit à la protection de sa véritable invention, il est non seulement raisonnable mais aussi impératif de limiter l'objet de la revendication à l'invention réellement exposée dans la demande en litige, cette invention ne couvrant pas, à tout le moins, l'utilisation de composés chimiques qui n'étaient pas définis sur le plan structurel à la date de priorité de la demande en litige et qui ne seront découverts qu'au moyen du nouvel outil de recherche mentionné dans la description. Telle est la conséquence du principe selon lequel les inventions donnant lieu à la délivrance d'un brevet dans le cadre de la Convention sur le brevet européen doivent fournir une contribution à l'état de la technique, à savoir apporter une solution technique à un problème résultant de l'état de la technique. L'octroi d'une protection par brevet en vertu de la CBE n'a pas pour objectif de réserver au demandeur un domaine de recherche inexploré, mais vise à protéger les résultats concrets d'une activité de recherche fructueuse, en contrepartie de la mise à disposition au public de ces résultats techniques concrets.
3.3 Le requérant a dès lors objecté qu'à la date de l'invention, les seuls composés connus étaient ceux qui stimulaient la guanylate cyclase soluble soit en entraînant une libération de monoxyde d'azote, soit en interagissant directement avec le groupe hémique de cette enzyme. Or, l'invention a mis pour la première fois en évidence des composés qui sont à même, grâce à un nouveau mécanisme d'action, de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme. Le procédé de détection mentionné dans la description de la demande en litige et revêtant la forme d'un nouvel outil de recherche permet de découvrir des composés présentant ce mécanisme d'action indépendant du groupe hémique. Cette contribution à l'état de la technique étant, d'un point de vue médical, très importante, il est indiqué de formuler la revendication en des termes très larges, de manière à couvrir également les composés chimiques qui n'ont pas encore été découverts et divulgués, afin de reconnaître comme il se doit cette contribution à l'état de la technique et exclure tout acte de contournement de la part de tiers.
Les revendications en cause ne portent cependant ni sur le procédé de détection des composés chimiques, ni sur un quelconque outil de recherche en tant que tel qui permette d'établir si les composés à utiliser ont la capacité définie dans la revendication, mais ont trait uniquement à l'utilisation de substances chimiques. Eu égard au véritable objet des revendications, l'objection du requérant est dès lors inopérante.
Les "actes de contournement" ultérieurs de tiers, évoqués par le requérant, portent quant à eux plutôt sur de futures inventions, qui ne sont précisément pas encore exposées dans la demande en litige et ne font donc pas non plus partie de la contribution effective de l'inventeur à l'état de la technique. Or, l'inventeur ne peut prétendre qu'à une protection de sa contribution effective. L'argument correspondant du requérant est donc lui aussi inopérant.
Le requérant ne peut invoquer les "Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets", dont il essaie d'inférer, devant la Chambre, son droit à définir les composés chimiques en des termes fonctionnels. La Chambre n'a pas à déterminer si les arguments que le requérant a présentés au sujet du contenu des Directives sont ou non exacts, car les Directives émanent du Président de l'Office européen des brevets et ne s'imposent pas aux chambres de recours (T 162/82, JO OEB 1987, 533, point 9 des motifs). Conformément à l'article 23(3) CBE, les membres des chambres de recours ne sont pas liés, dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, par de quelconques instructions et donc par ces Directives, et ils ne doivent se conformer qu'aux seules dispositions de la Convention sur le brevet européen.
4. La Chambre en conclut que dans la présente affaire, il est tout à fait raisonnable d'exiger du demandeur-requérant qu'il substitue l'invention réellement divulguée dans la demande à la définition fonctionnelle des composés chimiques à utiliser, autrement dit qu'il se limite à la contribution réellement apportée à l'état de la technique.
Possibilité d'exécuter l'invention (article 83 CBE)
5. Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, il n'est satisfait à l'exigence relative à la possibilité de réaliser l'invention que si l'homme du métier peut, sans effort excessif, réaliser dans l'intégralité du domaine revendiqué l'invention définie dans les revendications indépendantes, et ce en utilisant ses connaissances générales de base et les informations supplémentaires figurant dans la demande (cf. décisions T 409/91, JO OEB 1994, 653, point 3.5 ; T 435/91, JO OEB 1995, 188, point 2.2.1). Ce principe est valable pour toutes les inventions, quelle que soit la manière dont elles sont définies dans la revendication, que ce soit selon les termes structurels de leurs caractéristiques ou par leur fonction. La définition fonctionnelle d'une caractéristique technique a ceci de particulier que celle-ci est définie par l'effet qu'elle produit. Ce type de définition inclut une quantité indéfinie et indénombrable de variantes possibles dont les structures diffèrent largement, ce qui n'appelle en soi aucune objection dès lors que toutes les variantes incluses conduisent au résultat souhaité et sont à la disposition de l'homme du métier. Cela reflète le principe juridique général selon lequel la protection demandée doit correspondre à la contribution technique que l'invention divulguée apporte à l'état de la technique. Il convient donc d'examiner si la demande en litige expose un concept technique susceptible d'être généralisé et mettant à la disposition de l'homme du métier la multitude de variantes couvertes par la définition fonctionnelle d'une caractéristique technique figurant dans la revendication.
5.1 Dans la présente affaire, l'invention se propose de "mettre au point des médicaments destinés au traitement de maladies cardiovasculaires ou d'autres maladies pouvant être soignées en agissant sur la voie de signalisation de la GMP cyclique dans les organismes" (demande en litige, page 4, lignes 1 à 3).
Selon la revendication 1, le moyen technique permettant d'atteindre cet objectif consiste à utiliser des composés qui sont également à même de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme. Il apparaît ainsi à la lumière de cette revendication qu'une caractéristique technique de l'objet de l'invention est purement définie par la fonction qui lui est assignée, étant donné que les composés chimiques à utiliser sont déterminés uniquement par référence à leur capacité, à savoir le fait de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme. Cette formulation fonctionnelle de la revendication 1 englobe par conséquent tous les composés chimiques qui possèdent la capacité susmentionnée. Il s'ensuit qu'elle couvre a priori tous les composés chimiques imaginables, quelle que soit leur structure, et donc toutes les catégories de substances pensables dans le domaine de la chimie organique, éventuellement avec les groupes réactifs ou fonctionnels les plus divers, les composés métallo-organiques, leurs sels, etc. Aucune limitation d'ordre structurel des composés revendiqués ne figurant par ailleurs dans la revendication, celle-ci s'applique à une quantité indéterminée et indénombrable de variantes, ce qui n'appelle en soi pas d'objections dès lors que tous ces composés ont la capacité souhaitée de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme.
5.2 Or, à la date de la demande, les seuls composés activant la guanylate cyclase qui étaient connus étaient ceux qui stimulent cette enzyme soit en interagissant directement avec le groupe hémique, soit au moyen d'une interaction dépendant du groupe hémique (cf. également demande en litige, page 3, lignes 27 à 30). Il en résulte que tous les composés imaginables n'ont pas la capacité requise, en vertu de la revendication, de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme. L'homme du métier doit au contraire choisir les variantes appropriées parmi la quantité indéterminée et indénombrable de possibilités.
En effectuant ce choix, l'homme du métier ne peut recourir à ses connaissances générales afin d'identifier, parmi les nombreuses variantes possibles, les composés chimiques appropriés qui correspondent, au même titre que les composés de formule générale (I) cités comme exemples dans la demande en litige, à la définition fonctionnelle de la revendication, étant donné qu'il est indiqué à la page 1, lignes 5 et 6, de la demande en litige que l'invention repose précisément sur un "mécanisme d'action nouveau". Pour choisir les composés chimiques qui ont la capacité requise, l'homme du métier peut donc uniquement se fonder sur les informations figurant dans la demande en litige. La demande en litige ne mentionnant par ailleurs aucune règle de sélection, fût-ce sous la forme d'une relation entre la structure et l'effet, qui permettrait à l'homme du métier de déterminer au préalable des catégories de composés qui seraient en principe adaptées, celui-ci n'a d'autre choix que d'avancer par tâtonnements, en examinant expérimentalement, au moyen du procédé de détection mentionné dans la demande en litige, des composés chimiques sélectionnés de façon arbitraire, afin de mettre en évidence, parmi la quantité indénombrable de variantes possibles, les composés qui stimulent la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme. Il ne dispose à cet effet dans la demande en litige d'aucune instruction qui le conduirait nécessairement et directement au succès en évaluant les échecs initialement rencontrés. La simple mise en évidence, sur le plan structurel, d'une catégorie de composés appropriée de formule générale (I) dans la demande en litige ne peut non plus aider l'homme du métier. Pour découvrir toutes les variantes adéquates, celui-ci devrait par conséquent examiner chaque composé chimique imaginable afin d'établir s'il a la capacité définie dans la revendication, ce qui constitue pour l'homme du métier une invitation à effectuer un programme de recherche et, partant, un effort excessif (cf. décisions T 435/91, loc. cit., point 2.2.1 des motifs de la décision, dernier paragraphe, et T 1151/04, non publiée au JO OEB, point 3.1.2 des motifs de la décision).
5.3 Le fait même que la revendication 1 soit formulée de manière telle qu'elle porte également sur les résultats de recherches futures mettrait de surcroît en doute la possibilité d'exécuter l'invention dans l'ensemble du domaine revendiqué, car ce type de formulation ouverte des revendications couvre également, ainsi qu'il est indiqué au point 2 ci-dessus, les futures inventions qui sont fondées sur la présente invention et n'ont par conséquent pas encore été mises au point à la date de priorité de la demande en litige.
5.4 Pour identifier les composés chimiques correspondants, l'homme du métier doit simplement leur appliquer, selon le requérant, le procédé de détermination divulgué dans la demande en litige, laquelle comporte suffisamment de détails en ce qui concerne la mise en œuvre dudit procédé. Comme celui-ci est très simple et peut être réalisé rapidement, il peut être exécuté au prix d'un effort raisonnable, si bien que l'invention peut être mise en œuvre dans l'ensemble du domaine concerné.
Le fait que la demande en litige contienne des informations suffisantes pour exécuter le procédé de détermination qui y est décrit n'est toutefois qu'une condition préalable nécessaire à la mise en œuvre dudit procédé. Or, la mention de ce procédé ne permet pas à elle seule d'exécuter l'objet de la revendication dans l'ensemble du domaine concerné, puisque le procédé révèle seulement à l'homme du métier la présence ou l'absence de la capacité définie dans la revendication, mais ne lui donne aucune instruction, faute de toute règle de sélection, pour choisir de façon ciblée les composés chimiques appropriés.
5.5 Se référant à la décision T 216/96 (loc. cit.), le requérant a fait valoir qu'il y avait lieu d'admettre une définition purement fonctionnelle des composés chimiques à utiliser. Dans la décision citée, la revendication 13 portait sur un nécessaire en vue de détecter des séquences d'acides nucléiques spécifiques et contenant respectivement deux amorces. Ces amorces, qui n'étaient pas définies au moyen d'une structure chimique, mais seulement au moyen de la séquence d'acides nucléiques à déterminer, dont la structure n'était pas non plus établie, ont été considérées comme ayant été exposées de façon suffisamment claire et complète, car la fabrication d'une amorce était décrite à la lumière d'un exemple. Sachant que certains composés sont aussi donnés à titre d'exemple dans la demande en litige, le requérant a soutenu qu'une définition purement fonctionnelle des composés chimiques est également admissible dans la présente espèce et n'appelle pas d'objection fondée sur l'impossibilité d'exécuter l'invention.
Toutefois, les amorces revendiquées dans la décision invoquée ne couvrent pas une quantité infinie de variantes parmi lesquelles l'homme du métier doit sélectionner celles qui sont appropriées, mais un nombre fini de variantes qui, du fait que leur fonction d'amorces a été mentionnée, sont limitées, par leur nature même, à une catégorie de substances chimiques et qui, de surcroît, sont définies au moyen de la séquence d'acides nucléiques à déterminer, celle-ci constituant la séquence complémentaire de ces amorces et formant en ce sens un tout avec elles. Les faits à la base de la décision T 216/96 (loc. cit.) diffèrent donc de la présente espèce et, partant, les conclusions de cette décision ne peuvent s'appliquer à la présente affaire. La Chambre ne peut par conséquent accueillir l'argument correspondant du requérant.
6. La Chambre en conclut que la définition fonctionnelle des composés chimiques à utiliser ne permet pas à l'homme du métier, au prix d'un effort raisonnable, d'exécuter, dans l'ensemble du domaine revendiqué, l'invention revendiquée. Il n'est donc pas satisfait aux exigences de l'article 83 CBE.
Requêtes subsidiaires 1 et 3
Modifications (article 123(2) CBE)
7. La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 ne se distingue de la revendication 1 de la requête principale que par l'ajout, à la fin de la revendication, du passage "les composés sélectionnés étant les composés qui stimulent, lors d'essais in vitro, la guanylate cyclase soluble contenant ou non le groupe hémique" (cf. point IV, supra). La page 4, lignes 15 à 17, des pièces initiales de la demande fournit une base à cette modification. La mention d'"essais in vitro" figure aux pages 64 et 65 des pièces initiales de la demande.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 se différencie de la revendication 1 de la requête principale en ce qu'il est précisé, par rapport au texte initial, que les composés à utiliser sont à même de stimuler la guanylate cyclase soluble tant avec le groupe hémique qu'indépendamment de celui-ci (cf. point IV, supra). La page 4, lignes 15 à 17, des pièces initiales de la demande fournit une base à cette clarification.
Les modifications contenues dans les revendications 1 des requêtes subsidiaires satisfont donc à l'article 123(2) CBE.
Possibilité d'exécuter l'invention (article 83 CBE)
8. Dans les revendications 1 des deux requêtes subsidiaires, les composés chimiques à utiliser restent définis exclusivement sur le plan fonctionnel, leur structure n'étant toujours pas déterminée. La revendication 1 des deux requêtes subsidiaires comporte encore la définition fonctionnelle selon laquelle les composés à utiliser doivent être à même de stimuler la guanylate cyclase soluble indépendamment du groupe hémique présent dans cette enzyme, alors que cette définition a déjà appelé des objections pour la requête principale. La mention d'une capacité supplémentaire dans la requête subsidiaire 3, à savoir que les composés stimulent la guanylate cyclase soluble "tant avec" le groupe hémique présent dans cette enzyme "qu'indépendamment" de celui-ci, ne contribue pas à corriger l'irrégularité qui a été relevée au sujet de la définition fonctionnelle pour la requête principale. L'ajout, dans la requête subsidiaire 1, d'une caractéristique fonctionnelle supplémentaire des composés chimiques à utiliser, à savoir la capacité supplémentaire de stimuler, lors d'essais in vitro, la guanylate cyclase soluble contenant ou non le groupe hémique, contribue tout aussi peu à corriger l'irrégularité qui a été relevée au sujet de la possibilité de réaliser l'invention pour la requête principale. Au contraire, les composés devant présenter des capacités supplémentaires, l'homme du métier aura encore plus de difficultés à découvrir des composés chimiques appropriés, à savoir des composés qui ont à présent l'ensemble de ces capacités.
9. Les considérations et conclusions mentionnées pour la requête principale valent ainsi pour les deux requêtes subsidiaires. Autrement dit, la définition fonctionnelle des composés chimiques à utiliser, qui figure déjà dans la requête principale, ne permet pas à l'homme du métier, au prix d'un effort raisonnable, d'exécuter dans l'ensemble du domaine revendiqué l'invention revendiquée. Il n'est donc pas satisfait aux exigences de l'article 83 CBE.
Dispositif :
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.