CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1, en date du 18 mars 1993 - T 409/91 - 3.3.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | K.J.A. Jahn |
Membres : | R.K. Spangenberg |
| J.A. Stephens-Ofner |
Demandeur : Exxon Chemicals Patents Inc.
Référence : Gazoles/EXXON
Mot-clé : "Fondement sur la description (non), clarté (non)" - "Exposé de l'invention suffisamment clair et complet (non)"
Sommaire
La question de savoir si l'invention est exposée de manière suffisamment claire et complète et si les revendications se fondent sur la description est une question de fait qui doit être tranchée sur la base des preuves disponibles et en pesant les probabilités, dans chaque cas d'espèce. Bien que les dispositions selon lesquelles l'invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète (art. 83 CBE) et les revendications doivent se fonder sur la description (art. 84 CBE) concernent différentes parties de la demande de brevet, elles relèvent du même principe juridique, à savoir que le monopole conféré par le brevet doit être justifié par l'apport technique de l'invention. Par conséquent, la mesure dans laquelle une invention est exposée de manière suffisamment claire et complète est également très importante au regard de la réponse à apporter à la question du fondement des revendications (points 3.3 à 3.5 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant a déposé la demande de brevet européen n° 87 308 436.2, publiée sous le n° EP-A-0 261 958. Un recours a été formé le 13 mars 1991 contre la décision de la division d'examen de l'OEB en date du 6 juin 1990 de rejeter la demande, décision dont les motifs écrits ont été communiqués le 7 janvier 1991. La taxe de recours a été acquittée le 14 mars 1991.
II. La décision faisant l'objet du recours se fonde sur les revendications 1 à 5 telles que déposées et publiées. La revendication 1 est formulée comme suit :
"Gazole de distillat parvenant à ébullition entre 120 °C et 500 ° C, composé pour au moins 0,3 % en poids de cire à une température de 10° C au-dessous de la température d'apparition de la cire, la taille moyenne des particules des cristaux de cire étant, à cette température, inférieure à 4000 nanomètres."
Les revendications 2 à 5 définissaient, pour la taille des particules, des plafonds inférieurs allant jusqu'à 1000 nanomètres.
Le premier motif du rejet de la demande était que celle-ci enseignait uniquement une méthode d'obtention du gazole contenant des particules de cire de 1200 nm à 6,4° C au-dessous de la température d'apparition de la cire. Etant donné que la demande n'indiquait pas la manière d'obtenir de plus petites particules de cire à une température de 10° C au-dessous de la température d'apparition de la cire, l'objet de la revendication 1, dans la mesure où il concernait des particules de dimension inférieure à 1000 nanomètres, n'était pas exposé dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
Le second et principal motif du rejet était qu'une partie ou plusieurs parties de l'objet revendiqué ne donnant lieu à aucune objection au titre de l'article 83 CBE ne satisfaisaient pas aux conditions posées à l'article 84, première phrase, combiné à la règle 29(1), en ce sens que la revendication dans son ensemble ne définissait pas (ne présentait pas tous les éléments essentiels de) l'objet de la protection demandée, à savoir le gazole, par référence à des caractéristiques techniques. En se référant au document
(1) FR-A-2 256 235
la division d'examen a constaté que le principe de réduction de la taille des cristaux, c'est-à-dire la nécessité d'obtenir des cristaux aussi petits que possible, qui était une caractéristique essentielle de l'objet revendiqué, était déjà connu dans la technique permettant d'éviter le "colmatage du filtre à froid". Par conséquent, la contribution apportée à l'état de la technique par la présente demande de brevet n'était pas le principe de petitesse, mais plutôt une façon particulière d'obtenir le résultat souhaité. L'indication d'un plafond "critique" de 4000 nm pour la taille des particules n'a donc pas été considérée comme impliquant une activité inventive. Ainsi, seul le choix de l'additif supérieur produisant les petites particules souhaitées, décrit dans la demande de brevet, pouvait constituer une invention brevetable.
III. Dans le mémoire exposant les motifs du recours reçu le 16 mai 1991 et au cours de la procédure orale qui a eu lieu le 18 mars 1993, le requérant a fait valoir que les présentes revendications définissaient l'objet pour lequel une protection était demandée de manière à ce que tout homme du métier spécialiste des distillats puisse facilement déterminer si un gazole particulier était ou non couvert par lesdites revendications, et que par conséquent, il était satisfait à l'exigence de clarté fixée à l'article 84 CBE. Pour ce qui est de l'article 83 CBE, le requérant a reconnu que l'invention n'était pas exposée dans la demande de manière à permettre à l'homme du métier d'obtenir des gazoles du type revendiqué, contenant des cristaux de cire dont les particules ont une taille moyenne inférieure à 1000 nanomètres. Toutefois, il a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'indiquer de taille minimale des particules dans les revendications, dans la mesure où la solution du problème technique permettant d'éviter le colmatage du filtre consistait à indiquer une taille maximale appropriée. Ainsi, la taille minimale ne constituait pas une caractéristique essentielle de l'invention.
Le requérant a en outre contesté la conclusion de la division d'examen selon laquelle le document (1) divulguait le principe sur lequel repose la présente demande, à savoir rendre les cristaux de cire si petits qu'ils puissent passer à travers le filtre principal d'un moteur diesel. Ledit document dont la date de priorité était 1973 et qui provenait de la même entreprise, Exxon, devrait, selon lui, être interprété dans son contexte historique. En l'interprétant de cette façon, on constate que le document enseignait la modification de la forme des cristaux de cire plutôt que la réduction de leur taille. De plus, le document concernait exclusivement des types de filtres sensiblement différents dont les mailles avaient une dimension de 44000 nm par exemple, c'est-à-dire dont les pores étaient dix fois plus grandes que celles décrites et revendiquées dans la demande en cause.
Le requérant a affirmé que les conditions posées à l'article 84 et à la règle 29(1) étaient également remplies, dans la mesure où la taille des particules, la plage d'ébullition du gazole et la teneur en cire, telles que définies dans les présentes revendications, constituaient des caractéristiques techniques et qu'elles étaient les seules caractéristiques nécessaires pour résoudre le problème technique consistant à éviter le colmatage du filtre principal des moteurs diesel. Il a également insisté sur le fait qu'avant la date de priorité de la demande en litige, personne n'avait pensé à résoudre le problème du colmatage de filtre en réduisant la taille des cristaux, et que c'était donc ce nouveau principe permettant de résoudre un problème technique ancien qui constituait la véritable contribution de l'invention revendiquée à l'état de la technique, même si la description ne l'indiquait pas clairement. En même temps, le requérant reconnaissait que la description n'exposait pas de méthode permettant d'obtenir la taille de cristal souhaitée, autre que l'ajout de certains additifs au gazole, et que l'homme du métier ne disposait pas de connaissances générales de base permettant de fabriquer des gazoles de ce type. Il a cependant fait valoir que, selon une jurisprudence établie, il suffisait de divulguer un seul mode de réalisation d'une invention pour que les conditions posées à l'article 83 CBE soient remplies, et que l'exposé de l'invention était donc suffisamment clair et complet.
Pour les mêmes raisons, il a affirmé que la condition posée à l'article 84 CBE, selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description, était également respectée. Il a estimé que la situation en cause était comparable à celle où l'invention a pour objet un nouveau composé chimique et où, selon une jurisprudence établie, la divulgation d'une seule méthode de préparation dudit composé suffit pour obtenir une protection du produit en soi, couvrant implicitement toutes les méthodes de préparation, y compris celles qui n'ont pas été exposées ou qui ne sont pas accessibles à partir des connaissances générales de base.
IV. Le requérant a demandé que la décision faisant l'objet du recours soit annulée et que le brevet soit délivré sur la base des revendications telles que déposées ou, à titre subsidiaire, que le brevet soit délivré sur la base des revendications 1 à 4 soumises au cours de la procédure orale. La revendication 1 de ce jeu de revendications définissait une taille minimale de 1000 nanomètres pour les cristaux de cire.
A l'issue de la procédure orale, la Chambre a prononcé sa décision de rejeter le recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Requête principale
Le jeu de revendications selon la requête principale a été rejeté parce que la revendication 5 de ladite requête se rapportait à un objet qui n'était pas exposé de façon suffisamment claire et complète, comme l'exige l'article 83 CBE. La Chambre fait observer que cette objection ne s'applique pas seulement à l'objet de la revendication 5, mais aussi à celui des revendications 1 à 4 dont la revendication 5 dépend. En d'autres termes, il ne fait aucun doute, en l'espèce, que toutes ces revendications doivent être interprétées comme se rapportant à des gazoles contenant des cristaux de cire d'une taille inférieure à 1000 nanomètres. Le requérant a reconnu qu'aucun moyen permettant d'obtenir de tels gazoles n'était divulgué ou ne pouvait être trouvé dans les connaissances générales de base pertinentes. Toutefois, la Chambre estime que, pour satisfaire aux conditions énoncées à l'article 83 CBE, la demande telle que déposée doit contenir suffisamment d'informations pour que l'homme du métier puisse réaliser l'invention dans l'intégralité du domaine revendiqué, en utilisant ses connaissances générales de base. Par conséquent, c'est à juste titre qu'il a été conclu dans la décision faisant l'objet du recours, que les revendications de la requête principale portaient sur une invention qui n'était pas exposée de façon suffisamment claire et complète, comme l'exige l'article 83 CBE.
L'argument du requérant selon lequel la limite inférieure ne constitue pas, en l'espèce, une caractéristique essentielle de l'invention et ne doit donc pas nécessairement être mentionnée dans la revendication, ne se rapporte pas à la condition posée à l'article 83, mais plutôt à l'article 84 CBE. Toutefois, la Chambre ne peut se rallier à cet argument car il faut entendre par caractéristiques essentielles de l'invention auxquelles il convient de se référer pour définir l'objet de la protection demandée, conformément à l'article 84 CBE ensemble la règle 29(1) et (3), toutes les caractéristiques techniques dont il doit être tenu compte pour définir une invention brevetable en vertu de la CBE, y compris les caractéristiques nécessaires pour définir un objet qui remplisse la condition posée à l'article 83, à savoir que l'invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète.
Compte tenu de ce qui précède, la requête principale est rejetée.
3. Requête subsidiaire
3.1 La revendication 1 de la requête subsidiaire diffère de la revendication 1 de la requête principale en ce qu'elle indique la limite inférieure de 1000 nm pour la taille des particules. Cette limite était divulguée comme constituant une limite supérieure, dans la version initiale de la revendication 5 qui dépendait de la version initiale de la revendication 1. Ainsi, la plage désormais revendiquée correspond à la différence entre les plages divulguées dans les versions initiales des revendications 1 et 5 et satisfait donc aux conditions posées à l'article 123(2) CBE.
3.2 La partie introductive de la description (page 2, lignes 1 à 49) fait l'historique du domaine technique consistant à améliorer la fluidité à basse température de carburants pour moteur diesel. Elle indique que les gazoles de distillat non traités ont tendance à former à basse température des cristaux de cire en paillettes qui se prennent en une masse spongieuse entravant l'écoulement du carburant. Dans un premier temps, ce problème avait été résolu en utilisant comme abaisseurs du point d'écoulement des additifs qui modifiaient à la fois la taille et la forme des cristaux de cire, en vue de réduire les forces d'adhérence entre les cristaux de cire eux-mêmes et entre la cire et le carburant, de telle façon que celui-ci reste fluide à basse température et puisse s'écouler et passer à travers des filtres grossiers. Les développements ultérieurs ont porté principalement sur l'amélioration de la filtrabilité, là encore en modifiant à la fois la taille et la forme des cristaux de cire qui se forment à basse température, de façon à obtenir essentiellement des cristaux en forme d'aiguille qui produisent une croûte perméable sur le filtre et n'entravent pas l'écoulement du carburant liquide. Ces cristaux de cire se dissolvent lorsque le carburant se réchauffe du fait du fonctionnement du moteur diesel. La description indique ensuite que l'on a constaté, de manière inattendue, qu'il est possible d'obtenir des carburants contenant de la cire et formant, à basse température, des cristaux suffisamment petits pour pouvoir passer à travers les filtres principaux en papier utilisés habituellement dans les moteurs diesel, par l'adjonction de certains additifs (lignes 50 à 53) et que "la présente invention a donc pour objet un gazole de distillat ... dont les particules ont une taille moyenne inférieure à 4 000 nanomètres". La Chambre estime que cette partie de la description de l'invention se rapporte à un gazole devant avoir pour composant essentiel "certains additifs". C'est précisément cette caractéristique qui fait défaut aux présentes revendications ; celles-ci ne satisfont donc pas aux conditions posées à l'article 84 CBE, première phrase, puisqu'elles ne définissent pas l'objet de la protection demandée par référence à toutes ses caractéristiques techniques essentielles. Dans la mesure où lesdites revendications omettent d'indiquer ces caractéristiques essentielles, elles ne définissent pas l'invention effectivement décrite dans le corps de la description, mais la décrivent seulement de manière incomplète. Par conséquent, si ces revendications contiennent une définition, il s'agit de celle d'une autre invention pour laquelle la nature des additifs ne constitue pas un élément essentiel, à savoir une invention portant sur le principe de petitesse auquel il est fait référence au point II ci-dessus.
3.3 De plus, l'article 84 CBE exige également que les revendications se fondent sur la description ; en d'autres termes, c'est la définition de l'invention donnée dans les revendications qui doit être fondée. La Chambre estime que cette condition reflète le principe général du droit selon lequel l'étendue du monopole conféré par le brevet, telle que définie dans les revendications, doit correspondre à l'apport technique, pour qu'elle soit fondée ou justifiée (cf. T 133/85, JO OEB 1988, 441). Cela signifie que les définitions données dans les revendications doivent correspondre pour l'essentiel à l'étendue de l'invention telle que divulguée dans la description. En d'autres termes, comme il est indiqué dans la décision T 26/81 (JO OEB 1982, 211, point 4 des motifs), les revendications ne devraient pas s'étendre à des éléments qui, après lecture de la description, ne seraient pas encore accessibles à l'homme du métier. Par conséquent, une caractéristique technique qui est décrite et présentée dans la description comme constituant une caractéristique essentielle de l'invention doit également être indiquée dans la ou les revendications indépendantes définissant ladite invention (cf. également décision T 133/85, point 2 des motifs). Etant donné que la Chambre n'a pu trouver dans le reste de la description aucun élément entrant en contradiction avec ce qui est indiqué clairement ci-dessus comme étant l'invention revendiquée, notamment parce que tous les exemples traités décrivent des gazoles contenant des additifs et que, par ailleurs, tous les gazoles cités en exemples, qui ne contiennent pas d'additifs appartenant au groupe des "additifs préférés" mentionné au paragraphe commençant page 3 et se terminant page 4, sont qualifiés d'"exemples comparatifs" et produisent après refroidissement des cristaux de cire ne satisfaisant pas aux exigences posées dans la revendication 1, la description ne peut servir de fondement (ou de justification) à une revendication se rapportant à un gazole sans additifs. Par conséquent, la présente revendication ne se fonde pas sur la description et enfreint les dispositions de l'article 84 CBE.
3.4 La Chambre a également examiné (art. 114(1) CBE) si la présente revendication 1 peut être interprétée comme impliquant la présence de certains additifs, la taille des particules indiquée constituant la caractéristique d'ordre fonctionnel. Toutefois, même en supposant qu'une telle interprétation soit admissible, la Chambre doute qu'une telle définition fonctionnelle satisferait en l'espèce aux conditions posées à l'article 84 CBE ; en effet, une telle définition, même si elle se rapportait plus clairement à la caractéristique technique correspondante, à savoir les additifs, ne serait recevable que si l'homme du métier disposait d'un certain nombre d'autres possibilités pour réaliser ladite fonction, soit en lisant la description, soit en se fondant sur ses connaissances générales de base. Or, la description divulgue seulement une possibilité d'obtenir la taille des particules souhaitée, à savoir l'utilisation des additifs ayant la structure chimique indiquée de la page 3, ligne 48 à la page 4, ligne 14 de la demande publiée, et ne contient aucune indication permettant à l'homme du métier de trouver d'autres additifs ou d'autres combinaisons d'additifs susceptibles de produire les petits cristaux de cire recherchés. Par ailleurs, lors de la procédure orale, le requérant a admis ne pas avoir connaissance d'un savoir général de base qui pourrait permettre à l'homme du métier de trouver d'autres moyens d'obtenir des gazoles contenant des particules de la taille revendiquée.
Dans ces conditions, la Chambre estime qu'une telle définition fonctionnelle ne saurait être considérée comme le moyen le plus concis de définir l'invention telle que décrite dans le corps de la description, mais constitue plutôt une tentative non seulement de revendiquer l'apport technique de l'invention effectivement décrit, mais aussi de monopoliser un domaine technique allant bien au-delà. Toutefois, comme il a déjà été indiqué ci-dessus, cela va à l'encontre de la condition posée à l'article 84 CBE, selon laquelle les revendications doivent "se fonder" sur la description, ce qui exclut de telles revendications manifestement "gourmandes". En d'autres termes, la description, si elle est interprétée correctement, ne peut servir de fondement qu'à des revendications contenant la définition structurelle des additifs appropriés, donnée ci-dessus.
De plus, la Chambre n'est pas convaincue que la taille des cristaux constitue une définition fonctionnelle claire des compositions de gazole revendiquées, c'est-à-dire que l'homme du métier puisse déterminer en faisant un effort raisonnable de réflexion, par exemple en effectuant des essais de routine, si une composition de gazole particulière est couverte par la revendication (voir également T 68/85, JO OEB 1987, 228), dans la mesure où il ressort de la comparaison des exemples 3 et 4 de la demande en litige qu'en reproduisant simplement l'exemple 3, on obtient des cristaux dont la taille est de 2 000 nm au lieu de 1 500 nm, ce qui entraîne une chute de pression à travers le filtre de 35,5 au lieu de 6,5 kPa. La taille des cristaux obtenus dans des compositions de gazole identiques varie de manière importante, selon des facteurs inconnus, et ne saurait donc définir ces compositions clairement et sans ambiguïté.
3.5 Enfin, les présentes revendications ont pour objet une invention qui ne satisfait pas non plus aux conditions posées à l'article 83 CBE. Bien que les dispositions des articles 83 et 84 concernent différentes parties de la demande de brevet, puisque l'article 83 se rapporte à l'exposé de l'invention et l'article 84 à la définition de l'invention par les revendications, la condition selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description, pour ce qui est de son aspect matériel, et celle selon laquelle l'exposé de l'invention doit être suffisamment clair et complet poursuivent le même objectif, à savoir faire en sorte que le monopole conféré par le brevet soit justifié par l'apport technique effectif de l'invention. Ainsi, une revendication peut bel et bien se fonder sur la description en ce sens qu'elle correspond à cette dernière, mais contenir des éléments qui ne sont pas exposés de façon suffisamment claire et complète au sens de l'article 83 CBE dans la mesure où l'invention ne peut pas être réalisée sans effort excessif ou vice versa. Toutefois, dans la présente espèce, les raisons pour lesquelles l'invention définie dans les revendications ne satisfait pas à la condition posée à l'article 83 CBE sont, en fait, les mêmes que celles pour lesquelles les dispositions de l'article 84 CBE ne sont pas respectées, à savoir que l'invention recouvre un objet technique qui n'a pas été rendu accessible à l'homme du métier par la demande telle que déposée ; en effet, le requérant n'a pas contesté qu'aucune information n'avait été donnée permettant d'exécuter avec succès l'invention revendiquée sans utiliser la catégorie d'additifs définie par leur structure. Par conséquent, la Chambre estime que la description n'expose pas l'invention définie dans les présentes revendications, de la façon prescrite par l'article 83 CBE.
A cet égard, la Chambre n'accepte pas l'argument du requérant qui prétend avoir suffisamment exposé son invention puisqu'il a divulgué l'une des façons de l'exécuter. La Chambre considère que la divulgation d'un seul mode de réalisation de l'invention n'est suffisante, au sens de l'article 83 CBE, que si elle permet à l'homme du métier d'exécuter l'invention dans toute sa portée telle que revendiquée, comme cela a déjà été indiqué au point 2 ci-dessus. Toutefois, la question de savoir si la divulgation d'un seul mode de réalisation de l'invention suffit pour permettre à l'homme du métier de réaliser l'invention dans toute sa portée telle que revendiquée est une question de fait qui doit être tranchée sur la base des preuves disponibles et en pesant les probabilités, dans chaque cas d'espèce. Dans la présente affaire, l'invention revendiquée a pour objet une catégorie de compositions de gazoles ayant une caractéristique commune, à savoir la présence de cristaux de cire d'une taille déterminée, dans certaines conditions. La Chambre estime que la présente affaire est différente de celles où une catégorie de composés chimiques est revendiquée et où une seule méthode de préparation de ces composés permet à l'homme du métier d'exécuter l'invention, c'est-à-dire de préparer tous les composés de la catégorie revendiquée. La présente affaire est plutôt comparable à celles où un groupe de composés chimiques est revendiqué et où il n'est pas possible de préparer tous les composés revendiqués par les procédés qui sont divulgués dans la description ou qui font partie des connaissances générales de base (voir par exemple T 206/83, JO OEB 1987, 5). Dans cette affaire, la divulgation d'une méthode permettant d'obtenir seulement certains éléments de la classe de composés chimiques revendiquée n'a pas été jugée suffisante aux fins de l'article 83 CBE. Par conséquent, la conclusion de la Chambre selon laquelle l'exposé de l'invention revendiquée n'est suffisant que s'il permet à l'homme du métier de mettre en oeuvre pratiquement tous les modes de réalisation couverts par les revendications, est conforme à la jurisprudence antérieure des chambres de recours de l'OEB (voir également T 226/85, JO OEB 1988, 336).
3.6 Il convient donc de rejeter la requête subsidiaire, peu importe que le "principe" invoqué, consistant à réduire la taille des cristaux de cire pour éviter le "colmatage du filtre à froid", soit nouveau et inventif. Par ailleurs, le requérant a admis au cours de la procédure orale qu'il était possible d'interpréter le passage du document (1) - d'après lui ambigu - selon lequel "en se refroidissant, le gazole ne devrait produire que des petits cristaux de cire ne bouchant pas le filtre" (voir page 1, lignes 18 à 22) comme divulguant précisément ce prétendu "nouveau principe".
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.