CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1, en date du 24 juin 1993 - T 892/92 - 3.3.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | K.J.A. Jahn |
Membres : | R.K. Spangenberg |
| J.A. Stephens-Ofner |
Titulaire du brevet/requérant : KONICA CORPORATION
Opposant/intimé : Agfa-Gevaert AG, Leverkusen
Référence : Renvoi de l'affaire/KONICA
Article : 101(2), 111(1), 113(1) et 116(1) CBE
Règle : 67 CBE
Mot-clé : "Clôture de la procédure d'opposition après renvoi de l'affaire, sans notification préalable - vice de procédure"
Sommaire
En vertu de l'article 113(1) CBE, la division d'opposition est tenue d'offrir expressément aux parties la possibilité de prendre position après qu'une chambre de recours lui a renvoyé une affaire pour poursuite de la procédure sur la base de nouveaux moyens, même si ces nouveaux moyens ont déjà été soumis à discussion lors de la procédure de recours (point 2.1 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 85 302 769.6 a donné lieu à la délivrance du brevet européen n° 0 160 469 le 2 novembre 1988 sur la base de dix revendications. Une opposition a été formée le 13 février 1989, dans laquelle la révocation du brevet a été demandée dans son intégralité pour absence de nouveauté et d'activité inventive. Par télécopie en date du 19 avril 1990, confirmée par lettre du 27 avril 1990, le titulaire du brevet a déposé de nouvelles revendications 1 à 9 ainsi qu'une description modifiée en conséquence. Il a également demandé une procédure orale au cas où la division d'opposition ne serait pas disposée à maintenir le brevet dans sa forme modifiée. Par décision intermédiaire en date du 19 décembre 1990, la division d'opposition a maintenu le brevet dans sa forme modifiée. Par conséquent, il n'y a pas eu de procédure orale.
L'opposant a, le 8 février 1991, formé un recours accompagné d'un mémoire exposant les motifs du recours, dans lequel il s'appuyait uniquement sur six documents jamais invoqués auparavant. Au cours de la procédure de recours, le titulaire du brevet a déposé un mémoire dans lequel il explique pourquoi, selon lui, ces documents invoqués tardivement ne menaçaient pas le maintien du brevet dans sa forme modifiée.
Par décision en date du 24 avril 1992 (T 110/91), signifiée aux parties le 5 mai 1992, la Chambre a renvoyé l'affaire devant la division d'opposition pour poursuite de la procédure sur la base des nouveaux documents invoqués. Dans sa décision, la Chambre a exprimé des réserves quant à la nouveauté de l'objet alors revendiqué, à la lumière des nouveaux documents, mais elle n'a pas statué sur ce point afin de donner aux parties la possibilité d'un examen par deux instances. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle ne s'est pas non plus prononcée sur la requête en remboursement des frais présentée par le titulaire du brevet, bien qu'elle n'ait pas été convaincue par les arguments avancés par l'opposant pour justifier le dépôt tardif de ces documents.
II. La division d'opposition a ensuite, sans prévenir les parties ni les inviter à présenter leurs observations, révoqué le brevet par décision en date du 31 juillet 1992, au motif que l'objet revendiqué, tout en étant nouveau à la lumière des nouveaux documents cités, était dénué d'activité inventive. Elle a également rejeté la requête en remboursement des frais présentée par le titulaire du brevet, requête à l'appui de laquelle ce dernier invoquait le dépôt tardif des nouveaux documents.
III. Le 23 septembre 1992, le titulaire du brevet a formé un recours contre cette décision et payé la taxe correspondante. Un mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 27 novembre 1992.
IV. Le requérant (titulaire du brevet) a fait valoir que le traitement de l'affaire par la division d'opposition après son renvoi devant elle par la chambre était contraire à l'article 101(2) CBE, une décision ayant été rendue sans que les parties aient été invitées à présenter leurs observations. Il a ajouté que la procédure orale qu'il avait initialement demandée n'avait jamais eu lieu, en violation de l'article 116(1) CBE, et que, de ce fait, il y avait vice substantiel de procédure.
En outre, il a déposé un jeu de huit nouvelles revendications, ainsi que les résultats d'autres essais comparatifs. La nouvelle revendication 1 comprend les caractéristiques essentielles des revendications 1 et 5 (correspondant aux revendications 1, 2 et 6 du brevet tel que délivré) sur lesquelles était fondée la décision faisant l'objet du recours. Le requérant a fait valoir que les résultats de ces essais supplémentaires faisaient apparaître immédiatement que les motifs de la décision attaquée ne s'appliquaient plus à l'objet des nouvelles revendications.
V. L'intimé a indiqué qu'il n'envisageait pas de prendre position sur le mémoire exposant les motifs du recours.
VI. Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur la base des nouvelles revendications. Il a également demandé le remboursement de la taxe de recours conformément à la règle 67 CBE.
L'intimé n'a présenté aucune requête.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Avant tout, il importe de déterminer en l'espèce si la procédure qui s'est déroulée devant la division d'opposition après le renvoi de l'affaire par la Chambre est entachée d'un vice substantiel de procédure, comme l'affirme le requérant.
2.1 La principale disposition pertinente sur ce point est l'article 113(1) CBE, qui régit toutes les procédures devant l'OEB et, de ce fait, définit également le sens du mot "nécessaire" à l'article 101(2) CBE, sur lequel s'appuie le requérant (cf. aussi décision T 669/90, JO OEB 1992, 739, point 2.3 des motifs).
Aux termes de l'article 113(1) CBE, les décisions de l'OEB ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Si l'on peut affirmer que les parties ont été surprises, objectivement parlant, par la décision et les motifs sur lesquels elle est fondée, c'est que cette possibilité de prendre position n'a guère été offerte. Autrement dit, la Chambre est d'avis que l'expression "ont pu", dans cet article, ne revêt effectivement un sens qu'eu égard au principe de la bonne foi et au droit à une audition équitable. Compte tenu de ces principes, il est évident que les parties ne peuvent pas prendre position lorsque, comme en l'espèce, le renvoi d'une affaire par une chambre de recours pour poursuite de la procédure sur la base de nouveaux moyens est suivi immédiatement, c'est-à-dire sans avis signalant la reprise de la procédure, par la révocation du brevet. Pour que les parties jouissent de cette possibilité, il faut donc qu'elles soient expressément invitées à dire si oui ou non elles souhaitent présenter des observations, de préférence dans un délai qui leur a été imparti, ou bien, lorsqu'elles ont déjà présenté une argumentation détaillée lors de la procédure de recours précédente, comme en l'espèce, si cette argumentation doit être considérée comme complète. Etant donné que les procédures rouvertes sont déterminées par les requêtes existantes, il est aussi souhaitable de vérifier par la même occasion si des requêtes initiales, c'est-à-dire présentées avant que la procédure d'opposition ne soit interrompue par la procédure de recours, sont maintenues, modifiées ou retirées (par exemple une requête en procédure orale) ou si de nouvelles requêtes seront déposées.
C'est pourquoi la Chambre estime que la clôture de la procédure d'opposition immédiatement après le renvoi de l'affaire n'était pas conforme à la disposition de l'article 113(1) CBE et constitue donc un vice substantiel de procédure au sens de la règle 67 CBE, si bien qu'il y a lieu d'annuler la décision faisant l'objet du recours. Etant donné que le recours est, de toute évidence, la conséquence de ce vice substantiel de procédure, il est équitable de rembourser la taxe de recours.
2.2 Bien que cela ne soit pas absolument indispensable aux fins de la présente décision, la Chambre s'est également penchée sur l'allégation du requérant selon laquelle sa requête initiale en procédure orale avait, du fait du renvoi de l'affaire, été réactivée et donc pris juridiquement effet, sans pour autant avoir été prise en considération par la division d'opposition, en violation de l'article 116(1) CBE.
Dans les circonstances de l'espèce, la Chambre est d'avis qu'un renvoi "pour poursuite de la procédure" doit être considéré précisément come une poursuite de la procédure d'opposition initiale, d'autant que la décision initiale intermédiaire de maintenir le brevet dans sa forme modifiée avait été annulée par la Chambre et n'avait donc plus d'effet juridique. En conséquence, les requêtes initiales du titulaire du brevet, qui n'avaient jamais été retirées ni modifiées, à savoir sa requête principale en maintien du brevet dans sa forme modifiée sur la base des revendications déposées en même temps que sa réponse à l'acte d'opposition, ainsi que sa requête subsidiaire en procédure orale, ont à nouveau pris effet après le renvoi de l'affaire, si bien que la division d'opposition n'aurait pas dû rendre une décision à l'encontre du titulaire du brevet sans lui donner la possibilité de défendre sa cause oralement (article 116(1) CBE).
3. Etant donné que la division d'opposition n'a pas pu examiner le nouveau jeu de revendications à la lumière des résultats des essais comparatifs joints au mémoire exposant les motifs du présent recours, la Chambre a décidé de ne pas étudier les questions de fond de la brevetabilité mais, pour que celles-ci puissent être examinées par deux instances, d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 111(1) CBE en renvoyant l'affaire une nouvelle fois devant la division d'opposition pour poursuite de la procédure.
4. La Chambre, consciente de l'inconvénient qu'il y a de devoir renvoyer à nouveau cette affaire devant la division d'opposition sans qu'une décision finale ait été rendue sur les questions de fond, relève que l'objectif de rationalisation des procédures devant l'OEB, auquel adhèrent sans réserve les chambres de recours, ne peut être atteint aux dépens du droit des parties à une procédure équitable.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la division d'opposition pour poursuite de la procédure sur la base des revendications déposées le 19 novembre 1992.
3. La taxe de recours doit être remboursée.