CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1, en date du 10 mars 1993 - T 289/91 - 3.3.1*
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | K.J.A. Jahn |
| R.K. Spangenberg |
| J.-C. Saisset |
Titulaire du brevet/intimé: Hoechst Aktiengesellschaft
Opposant/requérant: Knappwost, Adolf, Professor Dr.
Référence: Inhibiteurs d'ECA/HOECHST
Mot-clé: "Recevabilité de l'opposition contestée pour la première fois au cours de la procédure de recours" - "Droit de former opposition (oui)" - "Rejet d'une demande d'enquête visant à déterminer l'opposant véritable" - "Nouveauté (oui, sélection)" - "Activité inventive (oui)" - "Détermination de l'état de la technique le plus proche"
Sommaire
I. La recevabilité de l'opposition doit être vérifiée d'office à tous les stades de la procédure, y compris donc pendant la procédure de recours, ceci étant du point de vue des règles de procédure une condition indispensable pour que puisse être entrepris l'examen quant au fond des moyens d'opposition (point 2.1 des motifs).
II. Une chambre ne peut exiger que l'opposant déclare sous serment agir en son nom propre que si elle a eu connaissance de faits concrets de nature à laisser planer de sérieux doutes sur l'identité véritable de cet opposant. Il ne suffit pas que l'intérêt (personnel ou économique) pour agir de l'opposant ne soit pas manifeste pour que l'on puisse douter sérieusement de l'identité véritable dudit opposant (même point de vue que dans la décision T 635/88, JO OEB 1993, 608, point 2.2 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. Un recours a été formé le 5 avril 1991 à l'encontre de la décision de la division d'opposition de l'Office européen des brevets prononcée le 26 novembre 1989 et motivée par écrit le 7 février 1991, décision portant rejet de l'opposition qui avait été formée contre le brevet européen 0 079 022. La taxe de recours a été acquittée le même jour.
...
V. ... Dans un mémoire reçu le 31 octobre 1992, l'intimée, citant pour la première fois les décisions T 635/88 (JO OEB 1993, 608) et T 10/82 (JO OEB 1983, 407), a soupçonné l'opposant et requérant actuel de ne pas agir en nom propre, lui contestant ainsi le droit de faire opposition. Elle a fait valoir à ce propos l'âge avancé de l'opposant ainsi que ses domaines d'activité étrangers à l'objet du brevet en litige, comme le prouve une liste de publications, et a également cité à l'appui de ses dires un extrait du registre du commerce, produit lors de la procédure orale. Au cours de cette procédure, l'intimée a déclaré qu'elle nourrissait des doutes depuis le début de la procédure d'opposition, mais que ce n'était que depuis la publication de la décision T 635/88 qu'elle avait vu la possibilité de demander à l'opposant de dissiper ces doutes en produisant une déclaration faite sous la foi du serment.
VI. Le requérant qui, comme il l'avait annoncé, n'a pas pris part à la procédure orale, a demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.
L'intimé a demandé l'annulation de la décision attaquée et le rejet de l'opposition pour irrecevabilité (requête principale). ...
A l'issue de la procédure orale, la Chambre a annoncé sa décision de rejeter le recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Requête principale
2.1 Alors que, de son propre aveu, l'intimée connaissait déjà lors de la procédure d'opposition les principaux faits sur lesquels elle s'était fondée pour soulever pour la première fois le 31 octobre 1992 une objection relative à l'irrecevabilité de l'opposition, elle n'avait pas immédiatement soulevé cette objection ni formé de recours à l'encontre de la décision par laquelle la division d'opposition avait constaté la recevabilité de l'opposition. Bien qu'elle ne puisse approuver une telle attitude, la Chambre estime néanmoins que l'objection relative à l'irrecevabilité de l'opposition (dans le cas par exemple où, comme en l'espèce, l'on conteste que l'opposant ait le droit de former opposition) peut être soulevée à tous les stades de la procédure, y compris donc à un stade tardif. En effet, du point de vue des règles de procédure, la recevabilité de l'opposition est une condition indispensable pour que puisse être entrepris l'examen quant au fond des moyens d'opposition, et elle doit par conséquent être examinée d'office, ce principe valant également pour la procédure devant la chambre de recours.
2.2 La Chambre est convaincue que l'intimée ne s'est fondée que sur des suppositions lorsqu'elle a objecté que le requérant n'agissait pas en son nom propre, si bien qu'il n'y a pas lieu de procéder à une instruction pour permettre à la Chambre de déterminer la personne qui aurait mandaté l'actuel requérant. Selon la Chambre, une telle "demande d'enquête" est irrecevable.
2.2.1 C'est pourquoi la Chambre avait déjà laissé entendre, dans la notification du 19 novembre 1992 qu'elle avait établie conformément à l'article 11 du règlement de procédure des chambres de recours, qu'elle ne jugeait pas nécessaire de procéder à l'instruction demandée en entendant le requérant afin de déterminer quel était le "véritable opposant". Il n'y aurait eu lieu d'entendre le requérant et d'exiger la production d'une déclaration sous la foi du serment, comme l'avait demandé l'intimée, que si celle-ci avait pu indiquer quels étaient les faits concrets qui l'avaient amenée à suspecter l'opposant d'avoir agi pour le compte d'un certain tiers. C'est ce qui s'était passé dans l'affaire T 635/88. Dans le cadre d'une action en contrefaçon devant une juridiction nationale, un tiers avait affirmé que c'était lui (et non pas l'opposant prétendant agir en nom propre devant l'OEB) qui avait fait opposition devant l'OEB au brevet qu'il était accusé d'avoir contrefait. De même, dans l'affaire T 10/82, l'opposant (un mandataire agréé) avait lui-même reconnu par la suite avoir fait opposition pour le compte d'un tiers, de sorte que l'identité réelle de l'opposant n'était plus à prouver.
2.2.2 En revanche, dans la présente affaire, à la différence de celles qui viennent d'être citées, l'intimée s'est bornée à faire valoir qu'il était invraisemblable, compte tenu de l'âge, des domaines d'activité et de la situation économique du requérant, que celui-ci ait fait opposition en son nom propre et à ses frais. L'extrait du registre du commerce produit lors de la procédure orale fait apparaître simplement que l'épouse du requérant est gérante d'une société pharmaceutique. L'intimée elle-même n'a pas voulu conclure de cette pièce que l'opposition avait été formée pour le compte de cette société et s'est contentée de déclarer qu'elle suspectait le "véritable opposant" de se dissimuler derrière cette société.
2.2.3 Or, l'article 99(1) CBE disposant expressément que "toute personne" peut dans un certain délai et en respectant certaines conditions de forme faire opposition au brevet européen délivré, la Chambre doit considérer que dans le cadre d'une procédure devant l'OEB, toute personne qui fait opposition en son nom propre à un brevet européen agit effectivement en son nom propre. La CBE ne prévoit pas que l'OEB doit inviter systématiquement l'opposant à donner confirmation de son identité par une déclaration sous la foi du serment lorsqu'il n'est pas manifeste que l'objet du brevet en litige affecte ses intérêts économiques.
2.2.4 De l'avis de la Chambre, la production d'une telle déclaration ne peut par conséquent être exigée d'un opposant que si la Chambre a eu connaissance, comme dans l'affaire T 635/88, d'un certain nombre de faits concrets de nature à laisser planer de sérieux doutes sur l'identité véritable de l'opposant, car ce n'est qu'à cette condition qu'elle peut demander à l'opposant de l'aider à dissiper ces doutes.
2.3 L'opposition est donc recevable. En conséquence, il y a lieu de rejeter la requête principale.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête principale est rejetée.
2. ...
* Seul un extrait de la décision est publié. Une copie de la décision complète dans la langue de la procédure peut être obtenue auprès du service d'information de l'OEB à Munich moyennant versement d'une taxe de photocopie de 1,30 DEM par page.