4.3.4 Pouvoir d'appréciation en vertu de l'article 12(4) RPCR 2020
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Selon la jurisprudence constante, et tel qu'expressément confirmé par l'art. 12(2) RPCR 2020, l'objet premier de la procédure de recours est une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée. La finalité de la procédure de recours n'est pas de donner à la partie aux prétentions de laquelle la décision attaquée n'a pas fait droit une seconde possibilité de présenter un nouveau moyen (décision T 1881/19).
La procédure de recours n'est ni le prolongement de la procédure d'examen ni une seconde procédure parallèle laissée au choix et à la libre disposition du demandeur (T 1120/20). Il en va de même pour les procédures inter partes. Ainsi, au stade du recours, le requérant ne dispose d'aucune possibilité lui permettant d'essayer de répondre d'une manière différente à la même objection, notamment pas en présentant des requêtes subsidiaires modifiées qui n'avaient jamais été présentées lors de la procédure d'opposition (T 1441/21).
Ce principe, qui est étroitement lié à la question de savoir si les moyens concernés auraient dû être produits plus tôt (voir p. ex. la décision T 1456/20), a aussi été pris en considération par les chambres dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation en vertu de l'art. 12(4) RPCR 2020, tel qu'exemplifié par les paragraphes suivants.
i) Moyen complètement nouveau présenté pour la première fois dans la procédure de recours
Dans l'affaire J 3/20, la chambre de recours juridique a estimé que la présentation d'un moyen complètement nouveau pendant la procédure de recours revenait à considérer le recours comme une nouvelle procédure indépendante et non comme une révision de nature juridictionnelle fondée sur des faits présentés en première instance. Le requérant avait présenté sa requête en rectification du retrait de la Grande-Bretagne en tant qu'État désigné et les faits sous-jacents à cette requête pour la première fois avec les motifs du recours. En outre, les moyens impliquaient des problèmes d'ordre juridique et factuel complexes qui n'ont pas été abordés dans la décision attaquée, ce qui serait allé à l'encontre du principe d'économie de la procédure. Par conséquent, la chambre exerçant son pouvoir d'appréciation n'a pas admis ce moyen dans la procédure de recours. Voir aussi la décision T 2061/19.
ii) Renonciation délibérée à l'examen d'un objet
La réintroduction d'un objet à l'examen duquel il a été délibérément renoncé en première instance est contraire à l'objectif de la procédure de recours en tant que procédure de révision tel que défini à l'art. 12(2) RPCR 2020. En règle générale, les requêtes correspondantes ne doivent donc pas être admises selon l'art. 12(6) deuxième phrase, premier membre de phrase RPCR 2020 (T 1456/20).
Dans la décision T 1456/20, la chambre a considéré que la requête subsidiaire 7 (qui correspondait à une requête subsidiaire présentée dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours) aurait dû être présentée déjà au stade de la procédure devant la division d'opposition. L'objection d'absence de nouveauté, que la modification de la requête subsidiaire 7 visait à surmonter, avait déjà été discutée lors de la procédure orale devant la division d'opposition. Or, le titulaire du brevet avait alors décidé de limiter l'objet revendiqué dans une certaine direction, renonçant ainsi délibérément à l'examen d'un objet réintroduit dans la requête subsidiaire 7. La chambre n'a pas été convaincue par l'argument du titulaire du brevet selon lequel la volonté de limiter le nombre de requêtes dans la procédure d'opposition pouvait justifier cette approche. La chambre a estimé que le fait que les caractéristiques supplémentaires étaient des caractéristiques de revendications délivrées n'était pas pertinent.
Dans l'affaire ex parte T 1120/20, de nouvelles requêtes ont été déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours, le demandeur prétendant que c'était pour répondre aux objections de défaut de clarté soulevées par la division d'examen. Or ces objections avaient déjà été soulevées dans plusieurs notifications ainsi que dans l'annexe à la convocation à la procédure orale devant la division d'examen et le demandeur n'y avait pas réagi par des requêtes, mais avait choisi de reporter la discussion au stade du recours.
iii) Absence de maintien exprès d'une objection lors de la procédure orale
Dans l'affaire T 526/21, des attaques d'activité inventive partant de D24 et de D34 ont été présentées par le requérant 1 (opposant 1) par écrit pendant la procédure d'opposition (en réponse à l'opinion provisoire). Cependant, elles n'ont pas été maintenues de manière expresse lors de la procédure orale devant la division d'opposition. Selon le procès-verbal, les trois opposants estimaient que D9 constituait l'état de la technique le plus proche et le titulaire a fait valoir qu'un exemplaire de D2 représenterait mieux l'état de la technique le plus proche. Le choix entre D2 et D9 a été ensuite discuté, mais aucun autre document n'a été examiné. Les attaques fondées sur D24 et D34 n'étaient pas davantage mentionnées dans la décision. La chambre a conclu que ces attaques ne faisaient pas partie de la procédure de recours au titre de l'art. 12(2) RPCR 2020. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation en vertu de l'art. 12(4) RPCR 2020, la chambre a décidé de ne pas les admettre dans la procédure de recours, leur abandon implicite par le requérant 1 ayant empêché que la décision soit fondée sur ces attaques. Selon la chambre, leur réintroduction serait contraire à la finalité de la procédure de recours et du principe d'économie de la procédure.
iv) Obligation de réagir immédiatement aux développements surprenants
Dans la décision T 655/20, la chambre a considéré que l'opposant aurait dû réagir immédiatement à ce qu'il avait perçu comme un développement surprenant dans la procédure qui le mettrait dans une situation inattendue et désavantageuse. Cela aurait permis à la division d'opposition de traiter la question et de statuer sur toute requête que l'opposant aurait jugé approprié de présenter. Cependant, l'opposant n'a pas requis de mesures supplémentaires pendant la procédure orale. Répondre à un changement de position de la division d'opposition dans l'interprétation d'une caractéristique pour la première fois dans le mémoire exposant les motifs du recours – en l'occurrence en produisant de nouveaux documents et une objection fondée sur ceux-ci – s'opposait à l'objet premier de la procédure de recours (art. 12(2) RPCR 2020) et au principe de l'économie de la procédure (art. 12(4) RPCR 2020).
v) Affaires dans lesquelles l'objet premier de la procédure de recours a été respecté
Dans la décision T 1963/20, la chambre a rappelé que, eu égard à l'objet premier de la procédure de recours, le but était d'évaluer le bien-fondé de la décision rendue en première instance et non de poursuivre l'examen par d'autres moyens (décisions G 10/93, JO 1995, 172, T 980/08, T 65/11). Tandis que la requête principale et les requêtes subsidiaires 2 à 6 présentées avec le mémoire exposant les motifs du recours n'avaient pas été admises dans la procédure de recours, parce qu'il n'y avait aucun motif apparent pour lequel les modifications n'auraient pas pu être présentées au cours de la procédure d'examen, la requête 7, qui mentionnait exclusivement les caractéristiques contenues dans la revendication 9 de la requête sur laquelle se fondait la décision attaquée, a été admise. La limitation de cette revendication était conforme à l'objet premier de la procédure de recours, les modifications n'étaient pas complexes et ont manifestement surmonté les questions ayant conduit à la décision attaquée.
Dans l'affaire T 1780/20, les requêtes subsidiaires 5 et 6 étaient identiques aux requêtes subsidiaires I et II qui avaient été traitées pendant la procédure orale devant la division d'examen et pour laquelle elle a rendu une opinion incidente dans sa décision (le requérant n'ayant maintenu que sa requête principale). En conséquence, comme l'a souligné la chambre, le requérant n'a pas présenté de moyen nouveau avec ces requêtes subsidiaires ; en réalité, la situation ne différait pas sensiblement de celle décrite à l'art. 12(2) RPCR 2020. En conséquence, la chambre a admis les requêtes subsidiaires 5 et 6 dans la procédure de recours.