6.2. Nouveauté des compositions chimiques et des groupes de substances
Dans l'affaire T 990/96 (JO 1998, 489), il y avait lieu d'examiner si la caractéristique litigieuse, qui représentait en fait un degré spécifique de pureté chimique (pureté diastéréoisomérique notamment) constituait un "élément nouveau", conférant à l'objet revendiqué un caractère de nouveauté. La chambre a énoncé qu'il était bien connu que, pour différentes raisons, tout composé chimique résultant d'une réaction chimique contient normalement des impuretés et que, pour des raisons de thermodynamique, il n'est pas possible d'obtenir un composé absolument pur – au sens strict du terme –, c'est-à-dire totalement exempt d'impuretés. C'est pourquoi, en chimie organique de synthèse, il est de pratique courante pour l'homme du métier de (continuer à) purifier un composé obtenu selon un procédé chimique particulier jusqu'à ce qu'il atteigne le degré de pureté requis. Les méthodes classiques de purification des produits de réactions organiques de faible poids moléculaire, qui, normalement, peuvent être appliquées avec succès dans les procédés de purification, font partie des connaissances générales de l'homme du métier. Il en résulte donc que, d'une manière générale, un document divulguant un composé chimique de faible poids moléculaire et sa préparation rend ce composé accessible au public au sens de l'art. 54 CBE 1973, et ce dans tous les degrés de pureté souhaités par l'homme du métier (T 392/06).
Dans l'affaire T 728/98 (JO 2001, 319), le demandeur (requérant) avait fait valoir l'existence d'une situation exceptionnelle au sens de la décision T 990/96. Selon lui, la composition pharmaceutique revendiquée se distinguait de l'état de la technique, car le degré particulièrement élevé de pureté du composé qu'elle contenait ne pouvait pas être obtenu par les méthodes classiques. La chambre a toutefois relevé que le demandeur, auquel incombait la charge de la preuve, n'avait pas apporté la preuve de cette allégation. Lorsqu'il se révèle que le degré de pureté revendiqué pour un composé chimique de faible poids moléculaire (en l'occurrence un dérivé de la terfénadine) peut effectivement être obtenu par application d'une méthode de purification classique à un mélange réactionnel divulgué dans l'état de la technique, il ne peut être considéré que l'on a affaire à une situation exceptionnelle au sens où l'entend la décision T 990/96, car il faudrait pour cela qu'il ait été prouvé qu'il ne serait pas possible d'obtenir le même degré de pureté par les méthodes classiques. Par conséquent, il y a lieu en l'occurrence d'appliquer la règle générale et de considérer que le degré de pureté dudit composé de faible poids moléculaire ne peut rendre nouveau l'objet revendiqué. Cette règle générale vaut également dans le cas où, dans une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention, le degré de pureté du produit dépend nécessairement du procédé de préparation indiqué dans la revendication.
Une composition comprenant un solvant ayant un degré de pureté supérieur à 99 % a été considérée par la chambre dans l'affaire T 112/00 comme nouvelle par rapport à une composition de l'état de la technique dont le degré de pureté du solvant n'était pas précisé. La chambre a déclaré que la composition revendiquée pouvait être considérée comme un produit final et le solvant comme le matériel de départ. Comme dans la décision T 786/00, la nouveauté a été établie par la pureté définie du matériel de départ.
Dans l'affaire T 803/01, c'est la nouveauté d'une composition pharmaceutique, ne différant des compositions de l'état de la technique que par le degré de pureté de l'un de ses composants, qui était en cause. De l'avis de la chambre, toute méthode de purification, à condition d'être "conventionnelle" mais sans qu'il soit tenu compte du degré de purification recherché, est présumée être automatiquement accessible au public, et ceci de telle manière qu'elle puisse être entièrement mise en œuvre, si bien qu'elle constitue une divulgation destructrice de nouveauté. Ainsi que la chambre l'a relevé dans la décision T 100/00 à cet égard, le terme "conventionnel" ne peut que signifier "conventionnel compte tenu du contexte technique concret en cause". C'est pourquoi la question de savoir si le degré de pureté requis dans la revendication 1 pour le polylactide apportait un élément nouveau par rapport à l'état de la technique devait être examinée dans le contexte technique concret en cause.
Dans l'affaire T 142/06, la chambre a observé qu'il découle des considérations exposées dans la décision T 990/96, selon laquelle un document divulguant un composé de faible poids moléculaire et sa préparation rend ce composé disponible dans tous les degrés de pureté souhaités, que le degré de pureté d'un composé organique n'est pas en soi une caractéristique essentielle pour la définition dudit composé. Cependant, dans l'affaire en question, il était évident que la teneur en ions chlore du latex revendiqué était une caractéristique essentielle de ce dernier, puisque, d'après le brevet litigieux, seuls les latex présentant cette faible teneur en ions chlore permettent de produire des films présentant les propriétés souhaitées, et sont donc à même d'empêcher l'oxygène de passer et de ne pas blanchir à la suite de la stérilisation. Il en ressortait que le degré de pureté revendiqué en termes de teneur en ions chlore ne pouvait pas être considéré comme arbitraire, mais qu'il résultait d'une sélection intentionnelle. Aussi, les considérations exposées dans la décision T 990/96 et, par voie de conséquence, dans la décision T 803/01, ne s'appliquaient-elles pas à l'espèce.
Dans l'affaire T 1085/13, la chambre a décidé qu'une revendication définissant un composé comme ayant une certaine pureté manquait de nouveauté par rapport à une divulgation de l'état de la technique décrivant le même composé uniquement si l'état de la technique exposait au moins implicitement la pureté revendiquée, par exemple grâce à un procédé de préparation dudit composé, le procédé ayant pour résultat inévitable la pureté telle que revendiquée. Une telle revendication ne manque toutefois pas de nouveauté si la divulgation antérieure doit être complétée, par exemple par des procédés de purification appropriés (supplémentaires) permettant à l'homme du métier d'arriver à la pureté revendiquée (voir aussi T 1914/15). La question de savoir si de tels procédés de purification (supplémentaires) pour le composé de l'état de la technique relèvent des connaissances générales de base de l'homme du métier et s'ils auraient pour résultat la pureté revendiquée dans l'hypothèse où ils seraient appliqués n'est pas pertinente pour apprécier la nouveauté, mais constitue plutôt un élément à prendre en considération dans l'appréciation de l'activité inventive. En outre, la chambre était convaincue que les motifs des décisions T 990/96 et T 728/98 n'étaient pas conformes aux décisions G 2/88 et G 2/10.
- Rapport annuel: jurisprudence 2022
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