2. Modes de preuve admis
La CBE ne définit à aucun moment le terme "documents" (l'art. 117(1) CBE), ni ne donne aucune indication concernant la force probante desdits documents, le principe de la libre appréciation des preuves s'applique. Tout type de document, quelle que soit sa nature, est recevable au cours de la procédure devant l'OEB, y compris la procédure de recours (T 482/89, JO 1992, 646).
Concernant un extrait (provenant d'Internet) du registre du commerce de Zurich, l'intimé (titulaire du brevet), dans l'affaire T 1698/08, s'est opposé à l'admission de cet extrait, étant donné que celui-ci portait la mention finale selon laquelle "Les informations précitées sont fournies sous toutes réserves et n'ont aucun effet juridique". Selon l'intimé, cet extrait ne pouvait dès lors être considéré comme un moyen de preuve au sens de l'art. 117(1) CBE. La chambre a indiqué que le refus d'admettre un tel moyen de preuve (extrait non certifié conforme d'un registre du commerce) ne peut être fondé sur l'art. 117(1) CBE. La chambre a jugé en l'espèce qu'il n'y avait aucune raison de refuser d'admettre cette preuve dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, puisqu'il ne pouvait être affirmé qu'elle n'était pas pertinente ou était inutile. En tout état de cause, le refus d'admettre cette preuve ne pouvait être fondé sur des déclarations figurant dans ce document au sujet de l'exactitude des faits qui y étaient énoncée. Ceci relève de la valeur probante d'un document.
Dans l'affaire T 71/99, le procès-verbal de la procédure orale établi par la division d'opposition ne fournissait qu'un aperçu incomplet de son déroulement. Afin d'éclairer la chambre sur le déroulement réel de cette procédure, l'intimé avait fourni une copie partielle d'un compte rendu de la procédure d'opposition que son mandataire avait dicté au cours de ladite procédure. Le requérant a contesté l'admissibilité de ce document, sans toutefois remettre en cause l'exactitude des faits rapportés. L'extrait du compte rendu étant beaucoup plus explicite que le procès-verbal et ne présentant aucune difficulté de compréhension, la chambre a estimé que rien ne justifiait de rejeter ce moyen de preuve. Dans l'affaire R 3/08, la Grande Chambre de recours a estimé que rien n'indiquait que le requérant avait soulevé une objection (compte tenu des notes prises par un salarié du requérant ayant assisté à la procédure orale).
Concernant les procès-verbaux des procédures orales comme preuve du déroulement des procédures, voir aussi chapitres III.C.7.10., V.B.3.6.4 et la décision R 7/11. Voir aussi dans ce chapitre T 361/00 (procès-verbal non contesté), ainsi que la décision T 2301/12, dans laquelle l'exactitude du procès-verbal de la procédure orale n'avait jamais été contestée, la chambre partant du principe que le procès-verbal représentait une version fidèle des faits rapportés. De même dans l'affaire R 6/17 le requérant n'avait jamais soulevé d'objection concernant le procès-verbal ni demandé sa rectification.
Dans des affaires concernant des usages antérieurs, des photographies ont été soumises à titre de preuve (voir par exemple T 833/99 (photos jugées trop imprécises) ; T 1410/14, T 564/12, T 453/02, (en annexes à des affidavits), T 1647/15, T 1127/97, T 544/14, et T 1604/16).
La décision T 523/14 concernait une lettre d'information publicitaire comme publication antérieure alléguée. Le requérant (titulaire du brevet) a allégué concernant les moyens de preuve produits par les opposants, que D61 – une capture d'écran de Microsoft Outlook documentant l'envoi (e-mail) – pouvait être un document falsifié. Le requérant n'a toutefois mentionné aucune contradiction ou divergence dans D61 pouvant indiquer que ce document était une falsification, et la chambre n'a pas pu trouver de telles contradictions ou divergences. Le simple fait qu'il s'agissait d'une capture d'écran de Microsoft Outlook ne suffisait pas pour conclure que ce document avait été falsifié.
En l'absence d'indices concernant une éventuelle falsification, il n'est pas nécessaire de fournir les originaux des contrats de cession. L'absence d'originaux en elle-même n'est pas à même de constituer un doute raisonnable à l'égard de la validité de la cession (T 2466/13, cession du droit de priorité).
La décision T 41/19 aborde incidemment la valeur probante (faible ici) d'un email dans les circonstances de l'espèce en regard d'une déclaration de témoin dans une affaire d'usages antérieurs allégués destructeurs de nouveauté.
L'opposant 2 a produit une copie d'un extrait du registre des sociétés norvégien duquel il ressortait clairement que sa dénomination avait changé à l'issue d'une fusion. La chambre a estimé que cette preuve était suffisante pour démontrer qui était le successeur universel de l'opposant 2 (T 518/10 à propos de la transmission de la qualité d'opposant). Voir aussi l'affaire T 347/15 (deux extraits du Registre du Commerce - "Handelsregister")
Dans l'affaire T 2220/14, l'opposant a produit une décision d'un tribunal fédéral de district des États-Unis relative au brevet américain du requérant. Conformément à l'art. 13(1), (3) RPCR 2007, la chambre a finalement décidé de ne pas admettre ce document dans la procédure. Elle a rappelé le lien entre les décisions nationales et les procédures devant les chambres de recours (point 16 des motifs) et considéré que le document était sans rapport avec les questions dont elle était saisie.
Dans l'affaire T 301/94 un "procès-verbal de constat" dressé par un huissier de justice portant sur des bouteilles de champagne avait été soumis comme élément de preuve de l'usage antérieur allégué. La valeur de preuve de tels rapports officiels dressés par un huissier de justice n'était plus remise en cause dans la procédure de recours (à rapprocher de T 838/92).
Dans l'affaire T 801/98, des modèles de serrures avaient été mis sous scellés chez un huissier de justice et présentés par la requérante au cours de la procédure orale devant la chambre de recours.
Dans l'affaire T 1332/12, l'intimé (opposant) avait produit une copie d'une demande de brevet japonaise D7 en tant que preuve de l'état de la technique et une traduction automatique en anglais (D7T) effectuée par le JPO. Le requérant (titulaire du brevet) a produit ultérieurement D7JPO, une traduction automatique plus exacte, selon lui. La chambre a fait observer que rien dans la CBE n'empêche une partie de produire une version rectifiée de la traduction d'un document déposé comme preuve, même si la preuve et/ou la traduction avait été produite par l'autre partie à la procédure. Il en est de même si le document est une demande de brevet. Voir chapitre III.F.5. "Traductions".
Pour les publications internet, voir notamment les décisions T 286/10 et T 2227/11 citées dans ce chapitre.