2.6. Preuves et effets d'un transfert
Dans l'affaire T 19/97, la chambre a clairement distingué entre, d'une part, la transmission, en droit matériel, de la qualité d'opposant à titre d'accessoire du droit attaché à une division d'une société et, d'autre part, sa validité au regard du droit procédural dans le cadre de l'affaire concernée. Pour que la transmission soit valable, elle doit satisfaire à l'exigence de forme selon laquelle une requête dûment fondée a été présentée pendant la procédure. Pour des raisons de sécurité juridique de la procédure, un changement de parties dû à une cession ne doit pas se faire en marge de la procédure, à l'insu de la chambre, et ne peut s'appliquer rétroactivement. Dans le cas contraire, les actes de procédure pourraient être accomplis, ou des décisions rendues, sans la participation du nouvel opposant en tant qu'unique partie habilitée.
Dans l'affaire T 956/03, la chambre a examiné la question de savoir dans quel délai il convient de produire la preuve d'un transfert. Selon elle, il ressort clairement de la jurisprudence une tendance au profit de l'approche selon laquelle un transfert ne peut être reconnu au plus tôt qu'à compter de la date à laquelle la preuve de ce transfert a été produite. Cela est souhaitable pour des raisons de sécurité juridique afin de garantir que l'identité d'un opposant soit connue. Si la transmission a eu lieu avant l'expiration du délai de recours, le droit du cessionnaire de se substituer à l'opposant doit être établi en produisant la preuve requise avant l'expiration du délai de recours.
Dans l'affaire T 428/08, le requérant avait fait valoir qu'il devait être possible de produire les preuves de la succession après l'expiration du délai de recours, puisqu'il était également possible de produire les preuves d'un usage antérieur après l'expiration du délai d'opposition, sans que le motif d'opposition ainsi invoqué puisse être rejeté. La chambre n'a pas souscrit à cet argument et s'est référée à la jurisprudence, qui énonce expressément que la transmission de la qualité d'opposant n'est valable qu'à compter de la date à laquelle le transfert a été prouvé, et que ce faisant il est satisfait à l'exigence de sécurité juridique selon laquelle l'identité des parties à la procédure doit être en permanence connue.
Dans l'affaire T 184/11, la chambre n'a pu partager le point de vue du requérant selon lequel la décision T 956/03 devait être appliquée par analogie, à savoir qu'en cas de transfert avant l'expiration du délai de recours, il convient d'apporter la preuve de ce transfert également avant l'expiration du délai de recours. Dans cette affaire, la chambre devait statuer sur la recevabilité du recours formé par l'un des requérants qui avait prétendu être le successeur en droit de l'un des opposants de la procédure de première instance sans présenter de preuve à l'appui de cette affirmation dans le délai de recours. Compte tenu de cette situation, le principe énoncé dans la décision T 956/03 devait être interprété en ce sens que le pouvoir de la partie concernée d'agir à la place de l'opposant devait être prouvé également avant l'expiration du délai de recours en apportant les preuves nécessaires, lorsque le transfert a eu lieu avant l'expiration du délai de recours. Or, dans la présente affaire, l'opposant partie à la procédure de première instance avait tout d'abord agi en qualité de requérant, et ce n'est que pendant la procédure de recours que la demande de transfert de la qualité de partie a été présentée. Il a été fait droit à cette demande à la date de la procédure orale devant la chambre de recours, lorsque la preuve du transfert de l'opposition a été apportée. Voir aussi T 1563/13.
La chambre a fait la distinction, dans l'affaire T 6/05, entre les cas où la qualité d'opposant est transmise en même temps que les actifs cédés de l'entreprise, et les cas de succession universelle au moyen d'une fusion, comme dans la présente affaire. Si, pour les premiers cas, la qualité d'opposant peut soit être conservée par l'opposant initial, soit être transmise au nouvel opposant, le successeur universel du titulaire d'un brevet acquiert automatiquement la qualité de partie à la procédure en instance devant l'OEB, la règle 20(3) CBE 1973 ne s'appliquant pas dans le contexte d'une succession universelle. Le successeur acquiert la qualité de partie à compter de la date à laquelle la fusion prend effet, et non pas seulement après l'administration de preuves suffisantes à cet effet. Les principes régissant le transfert d'un brevet européen doivent être appliqués par analogie au transfert de la qualité d'opposant. En cas de succession universelle de l'opposant, seule une personne (morale) a des droits et des obligations et il y a donc nécessairement et automatiquement continuité de la qualité d'opposant à compter de la date de la fusion. Il est donc possible d'établir sans ambiguïté et sans insécurité juridique à n'importe quel moment de la procédure qui est en fait l'opposant ayant qualité de partie, indépendamment de la date à laquelle des preuves suffisantes ont été produites (voir aussi T 425/05 et T 2382/10).
Dans l'affaire T 7/17, la chambre a rappelé que, lorsqu'une opposition en instance est transmise ou cédée à un tiers à titre d'accessoire de l'élément patrimonial (activité économique) de l'opposant conjointement avec cet élément dans l'intérêt duquel l'opposition a été intentée, la qualité d'opposant est transmise uniquement avec effet à compter de la réception de la requête admissible en transmission de la qualité d'opposant.