4.5. Critères d'exercice du pouvoir d'appréciation
La rétention volontaire de documents pour des raisons tactiques constitue un abus de procédure (voir par ex. T 1019/92, T 724/03).
Dans l'affaire T 17/91, la chambre a estimé que lorsque l'opposant allègue un usage antérieur public dont il est lui-même à l'origine mais qu'il ne l'invoque qu'après l'expiration du délai d'opposition sans indiquer de raison valable pour ce retard, il y a abus de procédure et violation du principe de la bonne foi, lequel doit être respecté par toutes les parties. Dès que des moyens de preuve qui, à l'évidence, pourraient être particulièrement pertinents pour la question de la validité du brevet se trouvent en la possession de l'opposant, ce dernier doit les produire dans le cadre de la procédure.
À l'inverse, la chambre saisie de l'affaire T 1019/92 a estimé, quant à elle, que le fait qu'un opposant présente des éléments de l'état de la technique, dont il est lui-même l'origine, après l'expiration du délai d'opposition, ne constitue pas un abus de procédure, tant qu'il n'est pas prouvé que l'opposant a agi délibérément, pour des raisons tactiques. De même, dans l'affaire T 481/00, la chambre a estimé que, dans les circonstances de l'espèce, le maintien d'un brevet manifestement nul de prime abord, au motif qu'un usage antérieur clairement destructeur de nouveauté avait été invoqué tardivement dans la procédure d'opposition (mais néanmoins en temps utile pour que le droit d'être entendu du titulaire du brevet soit garanti) constituerait une sanction démesurée qui n'a de fondement adéquat ni dans la CBE, ni dans les principes généraux de droit procédural applicables en vertu de l'art. 125 CBE. Voir, dans le même ordre d'idées, l'affaire T 2049/16.
Toutefois, de l'avis de la chambre saisie de l'affaire T 1955/13, lorsque l'opposant n'invoque que tardivement dans la procédure d'opposition un usage antérieur public dont il est lui-même à l'origine, il convient de ne pas établir de distinction, aux fins de la recevabilité, entre les cas où l'opposant admet qu'il a délibérément omis de produire cet élément de l'état de la technique et ceux où il fait valoir qu'il n'a simplement pas engagé la recherche correspondante auparavant. Selon la chambre, si cette recherche tardive n'est pas justifiée par des développements de la procédure qui auraient été susceptibles d'amener des parties raisonnables à effectuer pour la première fois une recherche dans une direction donnée, la division d'opposition appelée à trancher la question de la recevabilité ne commet aucune erreur de droit en appliquant la jurisprudence établie concernant la rétention abusive d'éléments de l'état de la technique connus.
Dans l'affaire T 154/95, la chambre de recours a constaté que pour une division d'opposition ou une chambre de recours, il est en principe sans importance de savoir comment un opposant a pu prendre connaissance des documents ou moyens de preuve opposés qui ont été rendus accessibles au public. Rien n'empêche par conséquent un opposant de se saisir d'un usage antérieur invoqué dans la même affaire par un autre opposant dont l'opposition a été jugée irrecevable du fait que l'usage antérieur avait été invoqué après l'expiration du délai d'opposition.