2.1.1 Le retard n'était pas justifié
Dans l'affaire T 117/86 (JO 1989, 401), le requérant avait, dans son mémoire exposant les motifs du recours, produit deux nouveaux documents ainsi qu'une déclaration faite sous serment qui devaient contribuer à confirmer le défaut d'activité inventive dans le cas de l'invention en cause. La chambre a conclu que le simple fait de présenter de nouveaux documents après l'expiration du délai d'opposition de neuf mois peut causer à l'autre partie des frais additionnels, lesquels justifient pour des raisons d'équité une répartition différente des frais.
Se référant explicitement à la décision T 117/86, la chambre a décidé dans l'affaire T 416/87 que le fait que le requérant se soit fondé exclusivement sur trois nouveaux documents dans son mémoire exposant les motifs du recours et qu'il ait même soulevé pour la première fois la question de la nouveauté par rapport à un document déjà examiné dans le brevet en cause a été considéré comme un recours abusif à la procédure d'opposition. En avançant des arguments et en présentant des documents qui n'avaient guère de lien avec le contenu de l'acte d'opposition initial, le requérant avait pratiquement formé une nouvelle opposition au stade de la procédure de recours ; tel ne peut être, par définition, le but d'un recours. Bien que l'intimé n'ait à l'évidence envisagé de requérir une décision sur les frais que dans l'hypothèse où se tiendrait une procédure orale, ce détournement de procédure exigeait d'ordonner une répartition des frais exposés lors de l'instruction.
Dans l'affaire T 83/93, la chambre a considéré que le fait de produire aussi cinq nouveaux documents 40 mois après l'expiration du délai d'opposition, sans donner les raisons de ce retard, et de reprendre sur la base de nouveaux faits et preuves, 51 mois après l'expiration du délai d'opposition, un motif déjà invoqué au titre de l'art. 100 c) CBE 1973 (inchangé sur le fond) constituait un abus de procédure de recours.
Dans l'affaire T 493/11, l'intimé avait produit des preuves importantes à un stade avancé de la procédure, à savoir seulement deux mois avant la date fixée pour la procédure orale, sans justifier ce retard et, en particulier, sans soumettre toutes les informations nécessaires. La chambre a souligné que c'est exclusivement à l'intimé qu'il incombe de présenter l'ensemble de ses moyens. L'intimé est donc responsable de tout retard qui occasionne des frais supplémentaires à l'autre partie. Une répartition des frais était dès lors justifiée.
Dans l'affaire T 867/92 (JO 1995, 126), les revendications avaient été modifiées au cours de la procédure d'opposition. Dix-huit mois après cette modification des revendications, le requérant (opposant) avait cité une nouvelle antériorité dans le mémoire exposant les motifs du recours. La chambre a souligné que la CBE ne fixait pas de délai pour citer une nouvelle antériorité en réponse à une modification des revendications. Elle a également rappelé qu'un opposant citant une nouvelle antériorité très tardivement, sans que ce retard se justifie par des raisons particulières, risquait d'avoir à supporter les frais encourus par le titulaire du brevet du fait de sa participation à une procédure orale qui n'avait pu mettre fin à l'affaire en raison de la nouvelle antériorité qui avait été citée. Toutefois, dans la mesure où rien ne donnait à penser qu'en l'espèce, le requérant (opposant) avait à dessein fait un usage abusif de la procédure, il était équitable d'ordonner qu'il paie seulement la moitié de ces frais.
Dans l'affaire T 514/01, la chambre a estimé que l'allégation tardive d'un usage antérieur public pendant la première procédure orale devant la division d'opposition avait entraîné des frais supplémentaires, puisqu'il avait fallu convoquer une deuxième procédure orale devant la division d'opposition afin d'examiner l'usage en question.
Dans l'affaire T 416/00, la requérante (opposante) a soumis un document qui a été cité dans le brevet litigieux et mentionné dans la procédure d'opposition, mais n'a jamais fait l'objet d'un débat contradictoire jusqu'à la procédure de recours. Il a même été expressément écarté devant la division d'opposition. La chambre a constaté que la prétention de l'opposante à utiliser ce document de façon inattendue alors qu'elle l'avait ignoré lors de la procédure orale en opposition allait à l'encontre d'un déroulement rapide et complet de l'affaire devant les deux instances. Même s'il ne s'agissait pas d'une tactique délibérée de la part de l'opposante, le résultat en était le même quant au principe de loyauté gouvernant les procédures. Il a été fait droit à la requête de l'intimé visant à une répartition différente des frais de procédures.
Dans l'affaire T 671/03, la chambre a estimé que la production du document D 18 uniquement au stade de la procédure de recours constituait une modification des moyens invoqués au sens de l'art. 10ter RPCR 2003 (art. 13 RPCR 2007). Si ce document avait été présenté avant l'expiration du délai d'opposition, il n'aurait pas été nécessaire de déterminer dans le cadre d'une procédure orale devant la chambre de recours s'il pouvait être admis dans la procédure. Cette procédure orale devant la chambre ayant principalement servi à déterminer l'admissibilité du document D18, les frais de préparation et de participation encourus auraient pu être évités. La chambre a donc ordonné une répartition différente des frais pour des raisons d'équité.
Dans l'affaire T 1033/09, la procédure orale avait été reportée, car l'intimé avait produit au cours de cette procédure une requête subsidiaire qui avait été admise dans la procédure. Selon la chambre, il ne faisait aucun doute que la requête subsidiaire produite au cours de la procédure orale représentait une modification des moyens de l'intimé après que celui-ci eut déposé sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, à savoir une modification au sens de l'art. 13(1) RPCR 2007. La chambre a donc estimé qu'il était équitable d'ordonner une répartition des frais en faveur du requérant.
De même, dans l'affaire T 2165/08 du 6 mars 2013 date: 2013-03-06, le requérant (titulaire du brevet) avait présenté ses requêtes subsidiaires 1 à 3 un mois avant la procédure orale et d'autres documents à l'appui de ces requêtes à une date encore plus rapprochée de ladite procédure. La chambre a énoncé que l'on ne saurait accepter qu'une partie produise des preuves sans aucune explication, à moins que l'on considère leur pertinence comme évidente. Or, le fait de produire des preuves pratiquement à la fin de la procédure en précisant seulement que des explications seraient fournies à une date encore plus tardive était non seulement discourtois, mais constituait à l'évidence une tentative apparemment délibérée de contrarier l'intimé dans ses préparatifs en vue de la procédure orale. Il s'agissait à la fois d'un acte préjudiciable à la bonne conduite de la procédure orale et d'un abus de procédure. Une répartition des frais était donc justifiée.
Dans l'affaire T 874/03, la chambre a estimé que lorsque certains faits et preuves sont produits tardivement et qu'il est de ce fait nécessaire de renvoyer l'affaire devant la première instance, les frais liés à toute procédure orale dans le cadre du recours doivent normalement être supportés par la partie à l'origine de la présentation tardive de certains éléments.
Dans l'affaire T 2233/09, la chambre a conclu que le requérant aurait pu produire les preuves de la transmission de la qualité de requérant bien avant la procédure orale, et que c'était lui, en ne produisant pas la preuve requise, qui était à l'origine du report de la procédure orale. L'équité commandait donc de mettre à la charge du requérant les frais encourus par l'intimé pour assister à la nouvelle procédure orale.
Dans l'affaire T 1763/12, la chambre a admis le document O6A dans la procédure, bien qu'il n'ait été déposé que trois jours avant la date prévue pour la procédure orale. Le requérant (opposant) n'avait nullement expliqué pourquoi il avait soumis ce document à un stade aussi tardif de la procédure et pourquoi il n'avait pas pu le déposer plus tôt. Par conséquent, les discussions durant la procédure orale devant la chambre se sont limitées à la question de l'admission du document O6A, sans aucun examen des questions de fond. Cela aurait été évité si le document avait été déposé plus tôt. La chambre a jugé équitable que les frais engagés par le requérant (titulaire du brevet) en lien avec la procédure orale soient supportés par le requérant (opposant).
Dans l'affaire T 2549/12, le requérant avait déposé avec le mémoire de recours des documents qui constituaient de nouveaux moyens ouvrant une nouvelle discussion et un nouveau cas qui n'avait pas été l'objet de la décision de première instance. La chambre n'a pas admis les documents dans la procédure. Sur la répartition des frais, la chambre a expliqué que lorsqu'un cas totalement nouveau est constitué pour la première fois en procédure de recours, en l'occurrence par le dépôt de nouveaux moyens, et en l'absence de circonstances atténuantes permettant d'expliquer cette constitution tardive, tant au niveau des possibilités avortées de constitution dudit cas en première instance qu'au niveau de l'absence de justification ou d'explication, il y lieu d'arrêter une répartition différente des frais au sens de l'art. 104(1) CBE.
- Compilation 2023 “Abstracts of decisions”