3.4. Réexamen de décisions rendues par une instance du premier degré exerçant son pouvoir d'appréciation
Conformément à la jurisprudence, une division d'opposition peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, introduire de sa propre initiative un nouveau motif d'opposition (art. 114(1) CBE). S'agissant de la procédure d'opposition, la Grande Chambre de recours a indiqué dans l'avis G 10/91 (JO 1993, 420) qu'à titre exceptionnel, la division d'opposition peut, en application de l'art. 114(1) CBE, examiner d'autres motifs d'opposition qui, de prime abord, semblent en tout ou partie s'opposer au maintien du brevet européen. Concernant la procédure de recours, la Grande Chambre de recours a retenu qu'un nouveau motif d'opposition ne peut être pris en considération dans la procédure de recours qu'avec le consentement du titulaire du brevet. Concernant la portée de l'examen des nouveaux motifs d'opposition par la division d'opposition, voir le chapitre IV.C.3.3.
Le réexamen par la chambre de la décision prise par la division d'opposition dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation se limite essentiellement à vérifier que la division d'opposition n'a pas exercé ce pouvoir de manière déraisonnable (T 1340/15).
Dans l'affaire T 1119/05, l'objection prévue à l'art. 100b) CBE avait déjà été soulevée, bien que tardivement, devant la division d'opposition, qui avait décidé de ne pas admettre ce motif présenté tardivement. La chambre a introduit les documents cités à l'appui de l'objection afin de déterminer si la division d'opposition avait exercé son pouvoir d'appréciation correctement. N'ayant rien trouvé laissant entendre que la division d'opposition avait exercé son pouvoir d'appréciation de manière déraisonnable, la chambre n'a vu aucune raison d'annuler la décision de la première instance. Voir aussi T 839/14.
Dans l'affaire T 109/08, il a été retenu que lorsqu'une chambre de recours se penche sur la manière dont la division d'opposition a exercé son pouvoir d'appréciation conformément à l'art. 114(2) CBE, elle a le pouvoir de passer outre une décision de ne pas admettre un motif d'opposition produit tardivement, si la chambre parvient à la conclusion que la division d'opposition a fondé sa décision sur des hypothèses techniques manifestement incorrectes ou sur une approche erronée concernant l'application du motif d'opposition concerné, puisque cela revient à faire un usage incorrect du pouvoir d'appréciation conféré par l'art. 114(2) CBE. L'affaire a été renvoyée à la première instance pour qu'elle rende une nouvelle décision.
Dans l'affaire T 1286/14, la chambre s'est prononcée sur les limites du réexamen, par une chambre de recours, du pouvoir d'appréciation tel qu'il a été exercé, lorsqu'un "nouveau motif d'opposition" est invoqué et que le titulaire du brevet s'oppose à l'admission de ce motif. La division d'opposition n'avait pas admis dans la procédure le motif d'opposition invoqué tardivement, en raison de son manque de pertinence. La chambre a constaté qu'il lui appartient simplement, en pareil cas, de s'assurer que la division d'opposition a bien vérifié que le motif d'opposition est pertinent de prime abord et que cela a été motivé sur le fond. Cela signifie qu'au lieu de vérifier si la division d'opposition a "correctement" examiné sur le fond la pertinence de prime abord du nouveau motif d'opposition, il convient seulement de s'assurer qu'un tel examen a bien été effectué de manière démontrable. Autrement dit, une chambre de recours doit procéder dans ce cas à un réexamen limité du pouvoir d'appréciation tel qu'il a été exercé. S'appuyant sur la décision G 10/91 (JO 1993, 420), la chambre n'a donc pas examiné sur le fond le motif d'opposition invoqué. Elle a ainsi suivi une approche fondée sur un réexamen limité, telle qu'adoptée dans les affaires T 736/95, JO 2001, 191 ; T 1519/08 et T 1592/09, et ne s'est pas ralliée à celle reposant sur un réexamen détaillé quant au fond de la décision rendue par l'instance du premier degré dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, cette dernière approche ayant été mise en œuvre par exemple dans les affaires T 1053/05, T 1142/09 et T 620/08.
Dans l'affaire T 339/18, la chambre a suivi le raisonnement adopté dans la décision T 1286/14 et conclu que le nouveau motif d'opposition ne pouvait pas être admis dans la procédure de recours sans le consentement du titulaire du brevet.
Dans la décision T 21/15 se posait la question de l'admission de nouveaux motifs d'opposition invoqués dans la procédure de recours. La chambre s'est référée à la décision T 1286/14 dans laquelle il a été considéré qu'un motif d'opposition qui n'avait pas été admis dans la procédure par la division d'opposition et qui était soulevé à nouveau dans le mémoire exposant les motifs du recours devait être considéré comme un "nouveau motif" au sens des décisions G 9/91 et G 10/91 (JO 1993, 408 et 420) et ne pouvait être admis dans la procédure de recours qu'avec le consentement du titulaire du brevet. Selon ce principe, la chambre ne devait pas, en l'espèce, admettre le motif d'opposition invoqué par le requérant dans la procédure de recours, étant donné que l'intimé n'avait pas donné son accord à cet effet. En revanche, dans la décision T 620/08, une autre chambre a estimé que l'expression "nouveau motif" désignait un motif soulevé pour la première fois au cours de la procédure de recours et que, par conséquent, tel n'était pas le cas d'un motif d'opposition tardif lequel, après un examen approfondi dans la décision attaquée, n'avait expressément pas été admis dans la procédure. Si l'on suit cette interprétation, conformément à l'art. 12(4) RPCR 2007, il relèverait alors de l'appréciation de la chambre de ne pas admettre dans la procédure de recours le motif d'opposition qui n'avait déjà pas été admis par la division d'opposition. L'accord du titulaire du brevet peut être un critère supplémentaire pour la prise de décision par la chambre dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation selon l'art. 12(4) RPCR 2007. Dans le cas d'espèce, le motif d'opposition n'a pas été admis dans la procédure.
Dans la décision T 178/16, la chambre a indiqué que même s'il n'est pas interdit à une chambre de recours de tenir compte d'un motif d'opposition qui n'a pas été pris en considération par la division d'opposition, elle a compétence pour considérer comme étant irrecevables les faits, preuves ou requêtes qui n'ont pas été admis au cours de la procédure de première instance conformément à l'art. 12(4) RPCR 2007. La chambre a jugé que cette conclusion était conforme à la décision T 21/15.
Dans l'affaire T 1969/17, la chambre a relevé que, selon les décisions T 986/93 et T 620/08, il n'était du moins pas interdit à une chambre de recours de tenir compte d'un motif d'opposition qui a été présenté tardivement et que la division d'opposition n'a pas pris en considération lorsqu'elle estime que la division d'opposition a exercé à tort son pouvoir d'appréciation. Voir également T 22/15.
- Compilation 2023 “Abstracts of decisions”