3.4.3 Le pouvoir d'appréciation des chambres de recours
Dans les affaires suivantes, des faits, preuves et requêtes qui n'avaient pas été admis par la première instance l'ont été dans la procédure de recours. Dans certaines décisions, il a été précisé qu'en ce qui concerne l'admission dans la procédure de recours d'un moyen non admis dans la procédure de première instance, les chambres disposent d'un pouvoir d'appréciation propre, en principe indépendant de la manière dont la première instance a exercé le sien (cf. en particulier T 820/14, ainsi que T 2219/10, T 1811/13, T 795/14, T 1817/14, T 291/15, T 575/15).
Dans l'affaire T 971/11, l'opposant (requérant) avait produit le document B1 deux jours avant la procédure orale devant la division d'opposition, laquelle avait alors refusé d'admettre ce document dans la procédure. La chambre a indiqué que la division d'opposition avait exercé son pouvoir d'appréciation en s'appuyant sur les principes établis par la jurisprudence et qu'elle n'avait pas agi de manière déraisonnable. Le requérant ayant de nouveau déposé le document B1 avec son mémoire exposant les motifs du recours, la chambre s'est demandé si elle pouvait accepter un document qui n'avait pas été admis dans la procédure de première instance. En vertu de l'art. 12(4) RPCR 2007, une chambre peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, ne pas admettre dans la procédure de recours un document qui n'a pas été admis dans la procédure de première instance. La chambre s'est référée à la jurisprudence constante selon laquelle il convient de ne pas considérer comme inadmissible un document déposé en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours s'il s'agit d'une réaction immédiate et adaptée à des éléments nouveaux apparus dans la précédente procédure. Elle doit exercer en toute indépendance son pouvoir d'appréciation en vertu de l'art. 12(4) RPCR 2007, en tenant dûment compte des moyens supplémentaires invoqués par le requérant. De l'avis de la chambre, un document qui aurait été admis dans la procédure de recours s'il avait été déposé pour la première fois au début de cette procédure ne doit toutefois pas être considéré comme inadmissible pour la seule raison qu'il a déjà été déposé devant la première instance (et qu'il n'a pas été admis). Limiter de la sorte le pouvoir d'appréciation conféré par l'art. 12(4) RPCR 2007 pourrait même avoir l'effet indésirable d'encourager les parties à garder pour elles un document pendant la procédure d'opposition, uniquement afin de le produire au stade du recours. La chambre a admis ce document dans la procédure (cf. aussi T 876/05, T 1403/13, T 1768/17, T 1964/17).
Selon la décision T 2219/10, bien que l'affaire T 971/11 concerne l'admission de documents dans la procédure d'opposition, des considérations similaires s'appliquent lorsque la question se pose de savoir s'il convient d'admettre dans la procédure de recours des jeux de revendications qui ont été soumis avec le mémoire exposant les motifs du recours et qui n'ont pas été admis dans la procédure de première instance. C'est d'autant plus vrai dans les procédures ex parte, dans lesquelles les questions d'égalité de traitement de parties adverses ne se posent pas. Dans l'affaire en question, il n'était pas nécessaire de vérifier si la division d'examen avait correctement exercé son pouvoir d'appréciation en décidant de ne pas admettre la requête subsidiaire déposée à un stade avancé de la procédure de première instance, étant donné que, dans l'exercice de son propre pouvoir d'appréciation prévu à l'art. 12(4) RPCR 2007, la chambre a admis dans la procédure toutes les requêtes du requérant, y compris la requête principale. Voir aussi T 1888/18.
Dans l'affaire T 575/15, la chambre a estimé qu'elle pouvait, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, admettre les requêtes subsidiaires 3 et 4, qui n'avaient pas été admises par la division d'examen. Étant donné qu'au moins quelques-unes des objections fondamentales soulevées contre les requêtes de rang supérieur s'appliquaient également à ces revendications dépendantes, la chambre n'a vu aucune raison de ne pas les admettre et en a donc tenu compte.
Dans l'affaire T 1811/13, la chambre a indiqué que le fait que la division d'opposition n'ait admis ni le document HL13, ni ses traductions n'empêchait pas la chambre de les admettre si elle les considérait pertinents (cf. T 971/11). Cela ne signifie pas nécessairement que la division d'opposition avait mal exercé son pouvoir d'appréciation ; la situation procédurale n'est tout simplement plus la même. Dans l'affaire en question, la chambre a constaté que le document HL13 était pertinent, car il divulguait une caractéristique qui était essentielle pour l'appréciation de l'activité inventive.
Dans l'affaire T 291/15, la chambre a retenu que le fait que la division d'opposition n'ait pas admis un document produit tardivement et qu'elle n'ait pas outrepassé les limites de son pouvoir d'appréciation n'empêchait en principe la chambre ni d'admettre le document au titre de l'art. 12(4) RPCR 2007, en particulier si elle considère qu'il est pertinent de prime abord, ni de tenir compte de faits supplémentaires et de circonstances différentes (T 971/11, T 1811/13).
Conformément aux décisions T 971/11 et T 2219/10, la chambre a exercé son pouvoir d'appréciation dans l'affaire T 945/12 en ce qui concerne la requête subsidiaire I à la lumière des nouvelles circonstances et des nouveaux moyens, tout en tenant compte des motifs avancés par la division d'opposition pour ne pas admettre la requête très similaire dans la procédure de première instance. La chambre a fait observer que la plupart des motifs invoqués par la division d'opposition ne s'appliquaient plus. Étant donné que la requête subsidiaire I a été présentée en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours, la chambre et l'opposant ont tous deux eu le temps d'examiner la requête. La chambre a donc décidé d'admettre la requête dans la procédure de recours.
De manière similaire, dans les affaires T 490/13, T 1397/14, T 556/13 et T 368/16, les chambres ont admis dans la procédure de recours les requêtes qui n'avaient pas été admises dans la procédure d'opposition.
- T 1617/20
Catchword:
Prima facie allowability under Article 123(2) EPC of a late filed amended claim request may be a valid criterion to be used by the opposition division when deciding on the admittance of this claim request. However, using this criterion, to object for the first time at oral proceedings to a feature of the late-filed claim request that was already present in higher ranking claim requests and had never been objected to before, not even when deciding on the allowability or admittance of those higher-ranking claim requests, goes against the principles of fairness and good faith (see point 2.6.11 of the reasons).
- Compilation 2023 “Abstracts of decisions”