3.7 Présentations d'informations
Overview
On entend par "présentations d'informations" au sens de l'art. 52(2)d) la transmission d'informations à un utilisateur. Sont visés à la fois le contenu cognitif de l'information présentée et la manière dont celle-ci est présentée (T 1143/06, T 1741/08). Ce terme n'est pas limité aux informations visuelles. Il couvre en effet aussi d'autres formes de présentation, par exemple les informations audio ou haptiques. En revanche, il ne s'étend pas aux moyens techniques utilisés pour générer de telles présentations d'informations.
Il convient par ailleurs d'opérer une distinction entre la transmission d'informations à un utilisateur et les représentations techniques d'informations destinées à un système technique qui traite, enregistre ou diffuse ces informations. Les caractéristiques de méthodes d'encodage de données, de structures de données et de protocoles de communication électronique, qui constituent des données fonctionnelles et non cognitives, ne sont pas considérées comme des présentations d'informations au sens de l'art. 52(2)d) (T 1194/97).
Pour évaluer l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'art. 52(2) et (3), il convient de prendre en considération l'objet de la revendication dans son ensemble (G‑II, 2). En particulier, une revendication qui a pour objet l'utilisation de moyens techniques pour présenter des informations (par exemple un écran d'ordinateur) ou qui définit une telle utilisation revêt dans son ensemble un caractère technique et n'est donc pas exclue de la brevetabilité. De même, une revendication ayant pour objet un kit comportant un produit (par exemple une composition de blanchiment) et d'autres caractéristiques, telles que des instructions pour l'utilisation du produit ou des informations de référence pour évaluer les résultats obtenus, lesdites caractéristiques étant dépourvues d'effet technique sur le produit, n'est pas exclue de la brevetabilité, étant donné que la revendication présente une caractéristique technique, à savoir un produit comprenant une composition de substances.
Lorsqu'il a été établi que l'objet revendiqué, considéré dans son ensemble, n'est pas exclu de la brevetabilité en vertu de l'art. 52(2) et (3), celui-ci est examiné au regard des autres conditions de brevetabilité, notamment la nouveauté et l'activité inventive (G‑I, 1).
Dans le contexte de l'appréciation de l'activité inventive, les caractéristiques relatives à la présentation d'informations sont analysées afin de déterminer si elles contribuent, dans le cadre de l'invention, à produire un effet technique servant une fin technique. Si tel n'est pas le cas, elles n'apportent aucune contribution technique et ne peuvent étayer l'existence d'une activité inventive (G‑VII, 5.4). Pour déterminer si un effet technique est produit, l'examinateur analyse le cadre de l'invention, la tâche effectuée par l'utilisateur, ainsi que le but effectif de la présentation d'informations en question.
Une caractéristique qui définit une présentation d'informations produit un effet technique si elle aide de façon crédible l'utilisateur à effectuer une tâche technique au moyen d'un processus d'interaction homme-machine continu et/ou guidé (T 336/14 et T 1802/13). Un tel effet technique est considéré comme produit de façon crédible s'il existe objectivement un lien de causalité fiable entre cette caractéristique et l'aide apportée à l'utilisateur pour effectuer la tâche technique. Un tel lien n'existe pas si l'effet allégué dépend des intérêts subjectifs ou des préférences de l'utilisateur. Il est par exemple plus aisé pour certains utilisateurs de comprendre des données affichées sous forme de valeurs numériques, alors que d'autres préféreront un affichage codé par couleurs. Le choix de l'un ou l'autre mode d'affichage des données n'est donc pas considéré comme produisant un effet technique (T 1567/05). De même, la question de savoir s'il est plus aisé de comprendre des informations audio transmises sous la forme d'une gamme de musique ou de mots prononcés à haute voix ne dépend que des capacités cognitives de l'utilisateur. Dans le même esprit, la possibilité pour l'utilisateur de définir des paramètres déterminant quelles informations seront présentées ou de choisir la manière dont celles-ci sont présentées n'apporte pas de contribution technique s'il ne s'agit que de tenir compte de ses préférences subjectives.
Il peut être difficile de déterminer dans quelle mesure une certaine présentation d'informations est susceptible d'être considérée comme aidant de façon crédible l'utilisateur à effectuer une tâche technique. Pour faciliter cette analyse dans le cadre de l'appréciation de l'activité inventive, on peut comparer l'invention avec l'état de la technique, ce qui permet de limiter l'analyse aux caractéristiques distinctives (G‑VII, 5.4, cinquième paragraphe). Une telle comparaison peut faire apparaître que l'aide potentielle pour effectuer la tâche technique en question est déjà apportée dans l'état de la technique, si bien que les caractéristiques distinctives n'apportent aucune contribution technique (par exemple là où elles ne reposent que sur les préférences subjectives, non techniques, des utilisateurs).
On peut considérer de manière générale qu'une caractéristique relative à la présentation d'informations définit :
i)le contenu cognitif des informations présentées, à savoir l'"objet" de la présentation ; ou
ii)la manière dont les informations sont présentées, à savoir "comment" les informations sont présentées.
Ces catégories ont été retenues pour permettre un examen plus détaillé des effets techniques dans le reste de la présente section, mais elles ne sauraient être considérées comme exhaustives. Par ailleurs, dans certains cas, une caractéristique appartiendra aux deux catégories. Par exemple, une étape consistant à "afficher le nom de famille d'un client en majuscules" dans une méthode revendiquée définit à la fois le contenu cognitif de l'information présentée (le nom de famille d'un client) et la manière de la présenter (en majuscules). Une telle caractéristique peut être considérée comme se composant en réalité de deux caractéristiques : le texte affiché correspond au nom de famille d'un client (première catégorie) et ce texte apparaît en majuscules (deuxième catégorie). La manière de présenter l'information peut elle-même transmettre de surcroît des informations cognitives. Par exemple, selon l'usage, les majuscules peuvent indiquer quelle partie d'un nom correspond au nom de famille.
1) Quel objet est présenté (quelles informations sont présentées) ?
Si le contenu cognitif des informations présentées à l'utilisateur concerne l'état interne d'un système technique et lui permet d'exploiter correctement ce système technique, un effet technique est produit. Un état interne d'un système technique désigne un mode d'exploitation, une condition technique ou un événement qui est lié au fonctionnement interne du système, qui peut évoluer de manière dynamique et qui est détecté automatiquement. En règle générale, la présentation d'un tel état incite l'utilisateur à interagir avec le système, par exemple dans le but d'éviter des dysfonctionnements techniques (T 528/07).
En revanche, ne sont pas considérés comme un état interne du dispositif les informations statiques ou prédéfinies concernant les propriétés techniques ou les états possibles d'une machine, les spécifications d'un dispositif ou les instructions d'exploitation. Si la présentation d'informations statiques ou prédéfinies n'a pour effet que d'aider l'utilisateur à effectuer les tâches non techniques qui précèdent la tâche technique, elle n'apporte aucune contribution technique. Par exemple, l'effet selon lequel l'utilisateur n'a pas à connaître ou à mémoriser une séquence de boutons à actionner avant de configurer un dispositif n'est pas un effet technique.
Des informations non techniques, telles que l'état d'un jeu de casino, d'un processus d'affaires ou d'un modèle de simulation abstrait sont destinées exclusivement à l'utilisateur afin qu'il mène sa propre évaluation subjective ou prenne une décision non technique sans lien direct avec une tâche technique. De telles informations ne peuvent donc pas être considérées comme un état interne d'un système technique.
2) Comment les informations sont-elles présentées ?
Une caractéristique de cette catégorie indique généralement sous quelle forme, selon quel agencement ou à quel moment les informations sont transmises à l'utilisateur (par exemple sur écran). Il s'agit par exemple d'un diagramme conçu uniquement pour la transmission des informations. Des caractéristiques techniques spécifiques qui concernent, par exemple, la manière dont des signaux audio ou des images sont générés ne sont pas considérées comme des manières de présenter des informations.
Des caractéristiques qui définissent la manière dont les informations sont visualisées dans un certain diagramme ou selon un certain agencement ne sont pas normalement considérées comme apportant une contribution technique, même si l'on peut soutenir que le diagramme ou l'agencement en question transmettent des informations d'une manière qu'un observateur peut considérer intuitivement comme particulièrement séduisante, limpide ou logique.
Par exemple, la gestion de contraintes spatiales sur écran relève de la conception des présentations d'informations pour l'œil humain et n'est donc pas, en tant que telle, un indice de caractère technique. L'idée de base consistant à donner un aperçu de plusieurs images dans un espace limité, en affichant une seule image et en la remplaçant successivement par d'autres images, ne repose pas sur des considérations techniques mais relève de la conception de l'agencement. De même, le fait de disposer des éléments dans l'espace disponible sur écran en éliminant les espaces vides entre les sous-fenêtres suit les mêmes principes d'agencement que la mise en page de la couverture d'une revue et ne repose donc pas sur des considérations techniques.
En revanche, si le mode de présentation aide de façon crédible l'utilisateur à effectuer une tâche technique au moyen d'un processus d'interaction homme-machine continu et/ou guidé, il produit un effet technique (T 1143/06, T 1741/08, T 1802/13). Par exemple, l'affichage côte à côte de plusieurs images à faible résolution avec la possibilité de sélectionner et d'afficher une image à plus haute résolution transmet des informations à l'utilisateur sous forme d'outil technique lui permettant d'effectuer plus efficacement la tâche technique consistant à rechercher et à récupérer de manière interactive des images stockées. Le stockage d'images numériques à différentes résolutions produit l'effet technique permettant d'afficher un aperçu de plusieurs images simultanément (T 643/00). De même, dans le cadre d'un jeu vidéo de football, la manière de présenter à l'utilisateur l'emplacement de son coéquipier le plus proche en affichant un repère dynamique au bord de l'écran lorsque ce coéquipier est hors-écran produit l'effet technique consistant à faciliter un processus continu d'interaction homme-machine en répondant à des contraintes techniques divergentes, à savoir afficher une portion élargie d'une image, tout en maintenant l'aperçu d'une zone d'intérêt plus large que la vue affichée (T 928/03). De la même manière, dans le contexte d'une aide visuelle destinée à un chirurgien, si, à un moment donné au cours de l'intervention, l'orientation d'une prothèse médicale d'articulation sphéroïde est affichée d'une manière qui aide de façon crédible le chirurgien à positionner la prothèse plus précisément, il est considéré qu'un effet technique est ainsi produit.
Effets fondés sur la physiologie humaine
Lorsque la manière dont l'information est présentée produit dans l'esprit de l'utilisateur un effet qui ne dépend pas de facteurs psychologiques ou d'autres facteurs subjectifs, mais de paramètres physiques qui sont fondés sur la physiologie humaine et peuvent être définis précisément, cet effet peut être considéré comme technique. La manière dont l'information est présentée apporte alors une contribution technique dans la mesure où elle concourt à cet effet technique. Par exemple, lorsque plusieurs écrans d'ordinateur sont utilisés, l'affichage d'une notification sur celui qui se situe à ce moment à proximité du centre d'attention visuel de l'utilisateur, produit l'effet technique selon lequel il est plus ou moins garanti que la notification sera vue immédiatement (ce qui n'est pas le cas, par exemple, si la notification est positionnée de manière arbitraire sur l'un des écrans). En revanche, la décision de n'afficher que les notifications urgentes (par opposition à l'ensemble des notifications, par exemple) ne repose que sur des facteurs psychologiques et n'apporte dès lors aucune contribution technique. Réduire la surcharge d'informations et la distraction n'est pas considéré en soi comme un effet technique (T 862/10). Est en revanche considéré comme apportant une contribution technique l'affichage d'un flux d'images caractérisé en ce que les paramètres liés au décalage dans le temps et au changement de contenu entre des images successives sont calculés sur la base des propriétés physiques de la perception visuelle humaine, en vue d'assurer une transition fluide (T 509/07).
Une présentation d'informations peut être considérée comme produisant un effet technique lorsque les informations (par exemple un stimulus visuel ou auditif) sont présentées à une personne dans le but de produire chez elle une réaction physiologique (par exemple un regard involontaire) pouvant être mesurée aux fins d'établir l'existence d'une pathologie (par exemple des problèmes de vue ou d'audition, ou une lésion du cerveau).
Effets fondés sur l'activité intellectuelle de l'utilisateur
Un objet revendiqué qui comporte une caractéristique consistant à présenter des informations à un utilisateur, que celle-ci appartienne à la catégorie i) ou ii), implique une évaluation par l'utilisateur. Bien qu'une telle évaluation constitue en soi une activité intellectuelle (art. 52(2)c)), le simple fait que des activités intellectuelles entrent en jeu ne signifie pas nécessairement que l'objet en cause est dépourvu de caractère technique. Dans l'exemple susvisé de l'affaire T 643/00, l'utilisateur procède à une évaluation sur la base de l'aperçu des images à faible résolution afin d'identifier et de reconnaître objectivement l'image souhaitée. Cette évaluation intellectuelle peut être considérée comme une étape intermédiaire qui oriente la recherche et le processus de récupération des images et, à ce titre, fait partie intégrante d'une solution à un problème technique. Une telle solution ne repose ni sur une simplification des tâches humaines de compréhension, d'apprentissage, de lecture ou de mémorisation, ni sur le fait d'influencer la décision de l'utilisateur concernant sa recherche d'images. Elle fournit un mécanisme permettant d'opérer une sélection qui ne serait pas réalisable si les images n'étaient pas affichées selon cet agencement particulier.
En revanche, il n'est apporté aucune contribution technique si le choix ou l'agencement des informations présentées ne sont destinés qu'à l'esprit humain, notamment afin d'aider l'utilisateur à prendre une décision non technique (par exemple à décider quel produit acheter sur la base d'un diagramme qui présente les propriétés des produits).