Dans l'affaire T 653/16, le requérant (opposant) avait fait valoir que le changement de catégorie de la revendication 1 du brevet tel que délivré portant sur un dispositif (alimentation flottante en courant électrique de port) en une revendication de procédé visant l'exécution d'une méthode de travail (procédé d'alimentation en énergie externe d'un bateau à quai) à l'aide du dispositif accroissait l'étendue de la protection, étant donné que celle-ci comprenait un objet physique supplémentaire, à savoir un bateau. La chambre n'a pas partagé cet avis. Elle a indiqué que, dans le cas d'un changement de catégorie de revendication, il convient de comparer la protection conférée avant la modification par les catégories de revendications utilisées dans le brevet avec la protection conférée par la nouvelle catégorie de revendications introduite par la modification. Dans la présente affaire, le brevet délivré contenait exclusivement des revendications qui portaient sur un objet en tant que tel. Or, la Grande Chambre de recours a reconnu le principe fondamental suivant de la CBE, à savoir qu'un brevet qui revendique un objet en tant que tel confère une protection absolue à cet objet, c'est-à-dire à toutes les utilisations de cet objet, connues ou inconnues (G 2/88, JO 1990, 93). Contrairement à l'avis du requérant, la protection conférée par le brevet tel que modifié par la requête subsidiaire 2 n'était pas étendue au bateau, étant donné que, faute de revendications de dispositif, cette requête ne portait plus sur des objets et ne pouvait donc plus protéger d'objet.
L'affaire T 1830/14 portait sur la conversion d'une revendication de méthode d'un brevet délivré en une revendication de dispositif. La chambre a rappelé qu'une revendication portant sur un appareil offrait une protection absolue de l'appareil défini et que l'étendue de la protection conférée était donc plus large que celle définie par une revendication portant sur une méthode de production ou sur l'utilisation de ce même appareil. Dans l'affaire en question, une caractéristique avait été supprimée de la revendication d'appareil 1 selon la requête principale par rapport à l'appareil de refroidissement défini dans la revendication 1 du brevet délivré. Le requérant a fait valoir que la revendication de méthode indépendante 9 du brevet délivré définissait un appareil de refroidissement sans la caractéristique supprimée et que, par conséquent, la suppression de cette caractéristique dans la revendication d'appareil n'élargissait pas l'étendue de la protection. Cependant, faisant référence aux principes énoncés dans la décision T 82/93 (JO OEB 1996, 274), la chambre a fait observer qu'en l'espèce, deux caractéristiques définissant le fonctionnement de l'appareil de refroidissement dans la revendication 9 du brevet délivré n'étaient pas présentes dans la revendication 1 de la requête principale. La protection que la revendication 9 du brevet délivré conférait à l'appareil de refroidissement défini était limitée à l'appareil lorsqu'il transfère de la chaleur conformément aux caractéristiques manquantes, c'est-à-dire uniquement lorsqu'il est en marche. La revendication 1 en question définissait le même appareil de refroidissement que la revendication 9 du brevet délivré, mais lui conférait une protection absolue, indépendamment de la question de savoir s'il était en marche ou à l'arrêt. Il en découlait que l'étendue de la protection selon la revendication 1 était plus large que celle selon la revendication 9 du brevet délivré, et que la requête principale ne satisfaisait pas aux exigences de l'art. 123(3) CBE. La chambre a accepté la requête subsidiaire IV, étant donné que la revendication d'appareil contenait également les caractéristiques définissant le fonctionnement de l'appareil.
2.6. Changement de catégorie
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Dans la décision G 2/88 (JO 1990, 93), la Grande Chambre de recours a estimé que la présentation, au cours de la procédure d'opposition, de modifications des revendications d'un brevet délivré, modifications entraînant un changement de catégorie de ces revendications, n'appelle pas d'objection au titre de l'art. 123(3) CBE 1973, à condition que cette modification n'ait pas pour effet d'étendre la protection conférée par l'ensemble des revendications, interprétées conformément à l'art. 69 CBE 1973 et à son protocole interprétatif. À cet égard, il n'y a pas lieu de tenir compte des législations nationales des États contractants en matière de contrefaçon. Car il convient de distinguer nettement entre la protection et les droits que confère un brevet européen. La protection conférée par le brevet est déterminée par la teneur des revendications (art. 69(1) CBE 1973), et notamment par les catégories auxquelles appartiennent ces revendications, ainsi que les caractéristiques techniques indiquées dans celles-ci. En revanche, les droits qu'un brevet européen confère à son titulaire (art. 64(1) CBE 1973) sont ceux que la législation nationale d'un État contractant désigné peut conférer au titulaire. Autrement dit, d'une manière générale, déterminer l'"étendue de la protection conférée" par un brevet, c'est déterminer ce qui est protégé, en termes de catégorie de revendication et de caractéristiques techniques, tandis que déterminer les "droits conférés" par un brevet, c'est déterminer comment est protégé l'objet du brevet. Les considérations qui inspire une décision relative à l'admissibilité d'une modification impliquant un changement de catégorie de revendication sont, en principe, les mêmes que pour une décision portant sur l'admissibilité de toute autre proposition de modification au regard de l'art. 123(3) CBE 1973.
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