1. Situation juridique des chambres de recours de l'OEB
1.3. Ni une cour ni un tribunal d'un Etat membre de l'UE
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Dans la décision T 276/99, la chambre a relevé que conformément au Traité CE, les renvois préjudiciels à la Cour de justice des Communautés européennes (désormais Cour de justice de l'Union européenne) sont régis par l'art. 234 (désormais art. 267 TFUE). La chambre a souligné qu'à première vue, les chambres de recours de l'OEB n'ont pas le statut requis pour renvoyer une question à la Cour de justice des Communautés européennes, puisqu'elles ne sont ni une cour ni un tribunal d'un Etat membre de l'UE.
La chambre a noté que le requérant semblait ne pas avoir bien compris les commentaires de la Cour constitutionnelle fédérale allemande ("Bundesverfassungsgericht", BverfG jugement du 4.4.2001 – 2 BvR 2368/99, publié au GRUR 2001, 728 - 730). La chambre a fait remarquer que la délégation visée par la Cour constitutionnelle fédérale allemande était la délégation de pouvoirs à l'OEB, directement par des Etats contractants de la CBE qui sont également membres de l'UE, et non les délégations effectuées par l'UE elle-même. Il existe aussi une délégation de pouvoirs par des Etats contractants qui ne font pas partie de l'UE. Etant donné que l'Organisation européenne des brevets n'est pas une institution de l'Union européenne, et que la délégation de pouvoirs par les Etats contractants non membres de l'UE est faite à l'OEB, mais pas à l'Union européenne ni à ses institutions, il n'existe aucune base évidente pour qu'une chambre de recours de l'OEB renvoie une question à la Cour de justice des Communautés européennes.
Dans la décision G 2/06 (JO 2009, 306), le requérant a demandé la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) au motif que la règle 28c) CBE reprend le libellé de l'art. 6(2)c) de la Directive 98/44/CE et que la Grande Chambre de recours, en interprétant la règle 28c) CBE, interprète le droit de l'Union européenne. La requête est rejetée comme étant irrecevable. La Grande Chambre de recours a dit clairement que ni la CBE ni son règlement d'exécution ne prévoient qu'une quelconque instance de l'OEB soumette des questions de droit à la CJCE. Les chambres de recours sont nées de la CBE et leurs pouvoirs se limitent à ceux que leur confère la CBE. Quant à l'art. 234 du Traité CE, qui confère à la CJCE compétence pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation des actes pris par les institutions de l'UE, tels que la Directive, il n'apparaît pas non plus que les chambres de recours de l'OEB puissent s'en prévaloir pour demander à la CJCE de se prononcer sur des questions sur lesquelles elles sont appelées à statuer. L'art. 234 du Traité CE exige que la question soit soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction d'un des Etats membres de l'UE. Même si les chambres de recours de l'OEB ont été reconnues comme étant des juridictions, elles ne sont pas des juridictions d'un Etat membre de l'UE, mais d'une organisation internationale dont les Etats contractants ne sont pas tous membres de l'UE. Le fait que les chambres de recours aient leur siège en Allemagne, Etat membre de l'UE, ne saurait remettre en cause leur statut d'institution faisant partie intégrante d'une organisation internationale et dont les compétences sont ancrées dans la CBE. Les chambres de recours ne sont pas et n'ont jamais été assimilées à des juridictions nationales de leur pays d'accueil.
Dans l'affaire R 1/10, la Grande Chambre de recours a estimé que même une décision de la CJUE rejetant l'indépendance des chambres de recours au sens d'une juridiction conforme aux principes de l'Etat de droit (cf. prise de position de l'avocate générale en date du 2 juillet 2010 et avis de la CJUE en date du 8 mars 2011 dans l'affaire 1/09) ne s'impose pas aux chambres de recours. L'Organisation européenne des brevets est un sujet autonome de droit international, intrinsèquement indépendant de l'Union européenne.