Dans l'affaire T 72/16, la question déterminante était de savoir si l'allégation d'usage antérieur public, sous forme de vente et de fourniture de produits, était suffisamment prouvée. En l'occurrence, Aspen avait vendu un produit (48 sections de tuyau) à Technip. La chambre s'est ralliée à l'avis du titulaire du brevet selon lequel il ne s'agissait pas de la vente et de la fourniture d'un produit final disponible dans le commerce qui serait ainsi devenu accessible au public. Les preuves démontraient qu'il s'agissait d'un produit de développement, à savoir d'un prototype fourni dans le cadre d'un programme de collaboration en cours. Par conséquent, Technip ne pouvait pas être considéré comme un simple client et aucun des deux partenaires ne pouvait être assimilé à un membre du public. Conformément à la jurisprudence des chambres de recours, une telle relation entre deux sociétés, dont l'une commande à l'autre de développer et de fournir des prototypes ainsi que des produits à des fins de tests, ne peut être assimilée à la relation entre distributeur et clients, et une obligation de confidentialité s'applique dans ce cas. Selon la pratique courante dans ces cas, ces deux sociétés étaient au moins tenues à une obligation implicite de confidentialité. La charge de la preuve incombait donc au requérant (opposant), qui devait démontrer l'absence d'accord de confidentialité. La suggestion du témoin selon laquelle l'accord de confidentialité était asymétrique, c'est-à-dire contraignant uniquement pour Aspen, et non pour Technip, semblait improbable et, d'expérience, contraire à la situation observée dans des projets de coopération comparables. Elle n'était en outre étayée par aucune preuve. Il n'était pas étonnant que le témoin, un ingénieur, et non un spécialiste de PI, n'était pas au courant de toutes les exigences de confidentialité liant l'autre partie. La chambre a conclu que Technip n'était pas un simple client. Au contraire, Aspen et Technip étaient engagées, en tant que partenaires, dans un projet de développement de produits et leur collaboration était régie par un accord de confidentialité tout au moins implicite. Aucun des usages antérieurs n'avait été prouvé, si bien qu'aucun d'eux ne faisait partie de l'état de la technique.
3.4.4 Relations commerciales réciproques et intérêts des sociétés
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Dans les affaires suivantes, il existait une obligation (tacite) de confidentialité :
Dans la décision T 1085/92, la chambre a jugé que l'on peut partir du principe qu'un accord de confidentialité existe lorsque des sociétés sont liées entre elles par des contrats et des accords de développement.
Dans l'affaire T 838/97, la chambre a estimé qu'un accord excluant toute divulgation au public ne doit pas nécessairement être conclu par écrit, puisqu'il peut être également tenu compte d'un accord implicite ou sous-entendu (cf. par exemple T 818/93).
Dans l'affaire T 830/90 (JO 1994, 713), la chambre a estimé qu'un accord de confidentialité avait été conclu au moins par manifestation implicite de la volonté, ce qui est largement suffisant. En outre, il y a lieu d'admettre, d'après l'expérience générale, qu'un tel accord est respecté au moins aussi longtemps qu'il existe un intérêt commun des parties à la préservation du secret. Un tel intérêt persiste au moins pendant la période qui sert à garantir les intérêts des partenaires commerciaux.
Dans la décision T 201/13, la chambre conclut en l'espèce à l'existence d'une clause de confidentialité au moins implicite au regard des preuves produites notamment suite à l'examen détaillé d'e-mails corroboré en ceci par les témoignages, et la durée des relations d'affaires en question. L'existence ou le maintien d'un engagement de confidentialité tacite durant la période entre la date de priorité du brevet en cause, le 20 février 2004, et l'expédition des e-mails à la fin du mois de janvier 2007 correspondait aux pratiques courantes dans le monde des affaires. Selon la chambre de recours, il n'existait pas d'éléments convaincants allant dans un sens contraire.
Dans l'affaire T 799/91, l'opposant avait allégué que l'invention revendiquée avait fait l'objet d'un usage antérieur public en étant fabriquée par une société tierce dans le cadre d'un contrat de sous-traitance. Selon la chambre, cette société tierce n'était pas n'importe quel tiers, puisqu'il y avait lieu de considérer que l'exécution de la commande passée par l'opposant reposait sur une relation de confiance. Il n'y avait donc pas d'usage antérieur public qui, du reste, n'aurait pas pu être prouvé par des témoins.
Dans l'affaire T 2/09, la chambre a jugé que si l'on peut établir qu'une partie a intérêt à ce que la confidentialité soit respectée, la situation est similaire à celle d'un accord de non-divulgation passé entre les parties concernées.
Dans l'affaire T 1829/12, l'existence d'une obligation de confidentialité explicite semblait incontestable. Selon le requérant (opposant), l'étendue de cette obligation de confidentialité était toutefois limitée et n'englobait pas l'unité de capteur. La chambre de recours n'a pas suivi l'argumentation du requérant, car elle contredisait les pratiques courantes du monde des affaires. Selon la chambre de recours, aucun élément convaincant n'a été présenté justifiant que l'obligation de confidentialité explicite n'aurait pas couvert l'unité de capteur tout spécialement.
Dans l'affaire T 2170/12 relative à la contestation du caractère public de D15, un rapport établi dans le contexte d'un projet, l'opposant a produit une attestation d'un des auteurs du rapport selon lequel il n'y avait pas d'obligation de confidentialité limitant l'utilisation ou la diffusion d'informations sur ce projet. La chambre relève toutefois que D15 semblait avoir été distribué uniquement aux collaborateurs du projet (circonstance impliquant selon le titulaire le caractère confidentiel) ; il n'apparaissait pas que D15 ait été envoyé à un large public et enfin aucune preuve précise ne venait soutenir les affirmations de l'attestation. A raison du court intervalle de temps en question (moins de 4 mois), la chambre juge insuffisamment prouvée l'accessibilité au public de D15 dans cet intervalle. D15 n'est finalement pas pris en compte comme art antérieur pour l'examen de l'activité inventive.
Dans l'affaire T 833/99, dans le cadre d'appels d'offre, les employés des villes étaient tenus à une obligation de confidentialité. Des manquements possibles à l'obligation de confidentialité, par exemple la communication des étapes du procédé à des réparateurs, ont aussi été mentionnés par la requérante, mais ils n'ont pas été corroborés par des faits précis, tels que les dates, les circonstances, etc. ou par des moyens de preuve. Une telle supposition ne peut donc être prise en compte, car elle ne constitue pas une preuve et il appartenait à la requérante de produire le bien-fondé des allégations. Enfin la chambre dit que l'allégation selon laquelle la confidentialité qui s'attache par principe à la procédure d'appel d'offre cesserait avec celle-ci n'est nullement démontrée en droit.
Enfin à l'inverse sur un exemple particulier d'absence d'obligation de confidentialité implicite, dans l'affaire T 1798/14, l'usage antérieur public allégué concernait la visite de Monsieur K dans l'usine d'une entreprise. Le fait que Monsieur K fut soumis à une obligation de confidentialité était contesté. Dans son attestation, Monsieur K avait nié à plusieurs reprises l'existence d'une obligation de confidentialité. L'intimé (titulaire du brevet) a fait valoir qu'une telle obligation de confidentialité aurait pu exister sans que Monsieur K en ait eu connaissance. Selon la chambre, la non-existence d'un fait, ici une obligation, ne peut généralement pas être prouvée de manière positive. La non-existence d'une obligation peut néanmoins être démontrée par le fait que ceux qui auraient dû en être informés n'en savaient rien. L'objet des relations d'affaire entre M. K et l'entreprise en question portait sur un domaine technique sans lien avec ladite visite sur site. La chambre a conclu qu'il n'existait aucune obligation de confidentialité implicite.
- Jurisprudence 2020