1.2. Exclusion de l'inspection publique au titre de la règle 144 CBE
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En vertu de l'art. 128(4) CBE, le dossier de la demande de brevet européen peut, sur requête, être ouvert à l'inspection publique après la publication de la demande, sous réserve des restrictions prévues par le règlement d'exécution. La règle 144 CBE (ancienne règle 93 CBE 1973) précise quelles sont les pièces du dossier qui sont exclues de l'inspection publique en vertu de l'art. 128(4) CBE. Sont concernées notamment les pièces exclues de l'inspection publique par le Président de l'Office européen des brevets (règle 144 d) CBE).
Il a été fait usage de cette disposition dans la décision de la Présidente de l'OEB en date du 12 juillet 2007 (JO éd. spéc. 3/2007, 125). L'article premier, deuxième paragraphe de cette décision énonce que "les pièces....ou parties de ces pièces a) sont exclues de l'inspection publique sur requête motivée d'une partie ou de son mandataire si l'inspection publique porte atteinte à des intérêts personnels ou économiques de personnes physiques ou morales qu'il y a lieu de préserver".
Dans l'affaire T 2522/10 du 28 janvier 2014 date: 2014-01-28, la chambre a indiqué que le test d'exclusion ou de non-exclusion était simple et sans ambiguïté, la question étant de savoir si le document concerné permettra de donner au public des informations sur le brevet ou la demande de brevet en cause. La réponse à cette question dépendra des faits de chaque espèce ; si la réponse, après mûre réflexion, est positive, le document ne pourra être exclu et il ne sera plus dès lors nécessaire d'examiner davantage la question. Si la réponse est négative, il conviendra d'examiner une autre question, celle de savoir si l'inspection publique portera atteinte à des intérêts personnels ou économiques légitimes de personnes physiques ou morales.
Des exemples dans lesquels l'inspection publique n'aurait pas permis de fournir au public des informations sur le brevet sont donnés dans les affaires T 379/01, T 1401/05 du 20 septembre 2006 date: 2006-09-20, J 23/10 et T 1201/10. Dans chacune de ces affaires, le document qui faisait l'objet d'une requête en exclusion de l'inspection publique n'avait pas de rapport avec l'objet du brevet (Décision de la Présidente en date du 12 juillet 2007, JO éd. spéc. 3/2007, 125).
Dans l'affaire T 379/01, la chambre a souligné que les dispositions relatives à l'exclusion de pièces de l'inspection publique prévoient des exceptions au principe d'inspection publique conformément à l'art. 128(4) CBE 1973, d'où la nécessité d'interpréter étroitement ces dispositions. La chambre a conclu qu'une atteinte purement abstraite à d'hypothétiques intérêts personnels ou économiques n'est pas un obstacle suffisant. La partie sollicitant une exclusion de ce type doit plutôt montrer que l'accès public à certains documents porterait atteinte à des intérêts personnels ou économiques de nature spécifique et concrète.
Dans l'affaire J 23/10, le document en question montrait également que le requérant payait les taxes annuelles afférentes à certaines demandes pour lesquelles il n'était pas le demandeur inscrit, mais dont il avait été chargé, sans que cela n'ait été rendu public. C'était toujours la personne qui l'avait chargé de ces demandes qui était mentionnée dans le registre. De l'avis de la chambre, il s'agissait d'informations relatives aux relations entre les parties concernées, dont la publication pouvait porter atteinte à leurs intérêts économiques ; elles n'étaient pas pertinentes pour apprécier la demande de brevet et devaient donc être exclues de l'inspection publique. Il a été fait droit à la requête.
Dans la décision T 264/00, deux documents internes appartenant respectivement à la requérante et à l'intimée et concernant les résultats d'un entretien confidentiel entre deux de leurs employés contenaient des informations confidentielles relatives à la conception, à la fabrication et à la commercialisation de certains produits de l'intimé. La chambre a considéré que la diffusion de ces informations pourrait effectivement porter atteinte à des intérêts économiques qu'il y a lieu de préserver. A ce titre, les documents n'étaient pas mis à la disposition du public conformément à la règle 93(d) CBE 1973.
Dans l'affaire T 2254/08, la chambre a estimé que l'inspection publique de pièces qui portaient la mention „confidentiel“ lors du dépôt, mais qui étaient accessibles au public sur Internet, ne porterait pas atteinte aux intérêts économiques du requérant (titulaire du brevet).
Dans la décision T 99/09, le document visé par la requête en exclusion de l'inspection publique contenait des éléments techniques précis, en particulier en ce qui concerne les sources des composants d'un médicament commercialisé et certaines caractéristiques de fabrication de ce médicament. En raison de la nature technique du document, la chambre a conclu que la publicité dudit document pourrait effectivement porter atteinte aux intérêts économiques de la requérante. Par ailleurs la requête d'exclusion de l'inspection publique de ce document n'a été ni objectée, ni commentée par les intimées. Le document en question est de ce fait exclu de l'inspection publique au vu de l'art. 128(4) et la règle 144d) CBE, en vertu de l'art. 1(2)a) de la décision de la Présidente de l'Office européen des brevets en date du 12 juillet 2007 (JO éd. spéc. 3/2007, 125).
Dans l'affaire T 1839/11, la chambre a conclu que lorsqu'un document déposé contient des informations dont certaines visent à informer le public au sujet du brevet, mais d'autres pas, le dépôt d'une version adaptée du document, dans laquelle ces dernières informations ont été supprimées, peut servir de base adéquate pour exclure le document non adapté de l'inspection publique au titre de la règle 144 CBE, la version adaptée étant ouverte à l'inspection publique.
Dans l'affaire T 1201/10, la requête en restitutio in integrum contenait des informations sur la situation financière du requérant. La chambre a estimé que le requérant avait un intérêt personnel légitime à ce que ces informations ne soient pas rendues publiques. Cette requête en restitutio in integrum n'était en soi pas pertinente pour statuer sur l'affaire en question.
Les pièces qui doivent être retirées de la partie du dossier ouverte à l'inspection publique, suite à un vice substantiel de procédure, mais qui, par ailleurs ne sont pas visées par les exclusions énumérées à la règle 93 CBE 1973, doivent sur requête être retournées à la partie qui les a déposées (T 811/90). Les documents portant la mention "confidentiel" qui ne comptaient pas parmi les pièces exclues de l'inspection publique sur le fondement de la règle 93 CBE 1973 ont également été retournés à la partie concernée sans que la chambre en ait pris connaissance (T 516/89, JO 1992, 436 ; cf. aussi la décision ultérieure du Président de l'OEB, JO 2001, 458). Voir aussi la décision T 760/89 (JO 1994, 797).
Dans l'affaire T 1534/16, pendant la procédure écrite devant la chambre, un certain nombre de pièces produites par le requérant avant qu'il ne retire son opposition avaient été provisoirement exclues de l'inspection publique à la demande du requérant (titulaire du brevet). Tenant compte du fait que l'opposant et l'intervenant avaient explicitement consenti par écrit à la demande du requérant et étant convaincue que les pièces en question ne contribuaient pas à informer le public sur le brevet litigieux, la chambre a conclu que les pièces susmentionnées devaient rester exclues de l'inspection publique conformément à la règle 144d) CBE.