2.2. Droit de priorité du demandeur ou de son ayant cause
T 725/14 × View decision
Priority claim held invalid in view of the transfer of the priority right within the priority year (reasons, 4).
T 924/15 × View decision
Priority claim held invalid in view of the transfer of the priority right within the priority year (reasons, 3).
2.2.2 Droit applicable – preuve du transfert
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Dans l'affaire T 1201/14, la chambre a observé, en ce qui concerne les exigences de forme applicables au transfert du droit de priorité, qu'étant donné que la CBE ne contient à cet égard ni indication, ni règles de conflits de lois, les instances de l'OEB chargées de la procédure s'en remettent généralement au droit national. La chambre a reconnu qu'il n'y a pas de jurisprudence établie des chambres en ce qui concerne le droit national généralement applicable en la matière.
Dans l'affaire T 1008/96, la demande de brevet européen, qui a donné naissance au brevet en cause, et les deux demandes italiennes de modèle d'utilité, dont la priorité était revendiquée, avaient été déposées par des personnes différentes. La chambre a estimé que la succession en droit doit être prouvée de façon à emporter sa conviction. Le principe, selon lequel toute partie revendiquant un droit doit être en mesure de montrer qu'elle est habilitée à faire valoir ce droit, est un principe général du droit procédural (voir J 19/87). Il convient d'examiner cette question en accord avec le droit national. La chambre a conclu que l'intimé n'avait pas réussi à prouver qu'il était l'ayant cause à l'égard des deux demandes italiennes de modèle d'utilité. Il n'existait donc aucun droit de priorité pour le brevet en cause.
Dans l'affaire T 62/05, la chambre a fait observer que la CBE ne contient pas de dispositions sur les conditions de forme qu'une cession de droits de priorité pour le dépôt d'une demande de brevet européen doit remplir pour être considérée comme valable au titre de l'art. 87(1) CBE 1973. Toutefois, étant donné l'effet crucial qu'exerce une date de priorité valable sur la brevetabilité (cf. Art. 89 CBE 1973), et compte tenu du fait qu'en l'espèce, la validité de la revendication de priorité dépendait de la validité du transfert du droit de revendiquer la priorité de la première demande de brevet japonais pour la demande de brevet européen, ce transfert de droits de priorité devait, selon la chambre, être formellement prouvé (par analogie avec la décision T 1056/01 – également résumée au chapitre III.G.4.3.5). La chambre a jugé raisonnable d'appliquer un critère de preuve aussi exigeant que celui qui est requis par l'art. 72 CBE 1973 pour la cession d'une demande de brevet européen ; elle a toutefois conclu que ce critère n'était pas rempli en l'occurrence. En outre, le requérant n'a pas pu convaincre la chambre qu'une cession était intervenue implicitement et tacitement avant la fin du délai de douze mois ou qu'il aurait été illogique que le demandeur ayant déposé la demande ouvrant le droit de priorité cède la demande au demandeur du brevet litigieux sans lui transférer les droits de priorité correspondants.
Dans l'affaire T 160/13, la chambre a confirmé que la division d'opposition avait correctement examiné la question du transfert du droit de priorité sur la base du droit allemand. Pour qu'un droit de priorité puisse être transféré, les deux demandeurs doivent produire une déclaration bilatérale à ce sujet (§§ 398 et 413 ensemble §§ 145 s. du code civil allemand). En vertu du droit allemand, aucune forme particulière n'est requise pour ces déclarations. Il ne découle pas non plus des décisions T 1056/01 et T 62/05 citées par le requérant qu'elles doivent répondre à d'autres exigences de forme plus précises. De l'avis de la chambre, la correspondance présentée suffisait à établir le transfert.
Dans l'affaire T 205/14, la chambre a souligné que ni l'art. 87 CBE 1973 et l'art. 88 CBE, ni les règles 52 et 53 CBE ne contiennent de dispositions permettant de déterminer le droit applicable au transfert du droit de priorité. La chambre a indiqué qu'elle n'était pas d'accord avec l'argumentation développée dans la décision T 62/05 (voir ci-dessus) selon laquelle le transfert doit être attesté de manière formelle, en appliquant un niveau de preuve aussi exigeant que celui requis à l'art. 72 CBE 1973. L'art. 72 CBE 1973 énonce les exigences de forme à remplir pour que la cession de la demande de brevet européen soit valablement effectuée, ce qui limite les moyens de preuve permettant d'établir un tel transfert. Eu égard à l'art. 117 CBE et au principe de la libre appréciation des preuves, il conviendrait de ne pas étendre cette disposition au-delà de son champ d'application. L'art. 72 CBE 1973 harmonise le droit relatif aux exigences de forme s'appliquant au transfert d'une demande de brevet européen valablement déposée, et il n'y a manifestement aucune raison de l'appliquer par analogie au transfert d'un droit de priorité précédant un dépôt ultérieur. Si l'on agissait ainsi en vue d'une demande de brevet européen ultérieure, cela reviendrait à ignorer, dans le cas d'un premier dépôt européen, que le droit de priorité est un droit indépendant du droit à la première demande et, dans le cas d'un premier dépôt non-européen, que l'art. 72 CBE 1973 ne régit pas la relation entre le demandeur d'une demande de brevet européen et un demandeur différent d'une première demande distincte. L'art. 72 CBE 1973 et la règle 20 CBE 1973, ainsi que les dispositions connexes (art. 60(3) CBE 1973 et art. 61 CBE) définissent plutôt les conditions dans lesquelles l'OEB peut prendre en considération les questions de droit substantiel ou les actes de procédure accomplis par une personne autre que le demandeur inscrit (J 2/01, JO 2005, 88, point 3 des motifs). La chambre est arrivée à la même conclusion que la Cour fédérale de justice allemande qui a énoncé dans un arrêt en date du 16 avril 2013 que l'art. 87 CBE n'exige pas une cession formelle et distincte comme le prévoit l'art. 72 CBE.
En outre, étant donné que les dispositions de la CBE ne permettent pas de déterminer de manière autonome les exigences relatives au transfert du droit de priorité, la validité d'un tel transfert relève du droit national (cf. T 1008/96; cf. également l'approche adoptée dans les décisions T 160/13, J 19/87 et T 493/06). Toutefois, dans les affaires précitées, le choix du droit national applicable ne semblait pas en cause. Dans aucune de ces affaires, le droit de l'Etat pour lequel une protection était demandée par le biais du dépôt ultérieur, n'a été considéré comme pertinent ; ces décisions ne donnaient pas non plus d'indications sur le point de savoir si c'est le droit applicable au lien juridique entre le cédant et le bénéficiaire (par. ex. accord d'entreprise, contrat de travail ou succession universelle) ou le droit de l'Etat dans lequel avait été effectué le premier dépôt qui était applicable. Cette question de droit était cependant pertinente dans l'affaire en cause. La chambre a donc examiné à la fois le droit applicable au lien juridique entre le cédant et le bénéficiaire du droit de priorité et le droit de l'Etat dans lequel avait été effectué le premier dépôt. Elle a conclu que le transfert était en l'occurrence régi par le droit de l'Etat dont relevait le contrat de travail entre les déposants (inventeurs) des demandes US provisoires, dont la priorité était revendiquée, et le titulaire du brevet (en l'espèce, l'Etat d'Israël). Au vu des preuves qui lui avaient été présentées, la chambre était convaincue à la fois que le droit israélien n'imposait pas une cession écrite signée par les deux parties et que le droit de priorité avait été transféré au titulaire du brevet avant la date de dépôt de la demande internationale à l'origine du brevet litigieux. (Voir également T 517/14).
Selon la chambre saisie de l'affaire T 577/11, si le demandeur ayant déposé la demande fondant la priorité et le demandeur ayant déposé la demande ultérieure conviennent par contrat que (seule) la propriété économique ("economische eigendom" en droit néerlandais) de la demande fondant la priorité et du droit de revendiquer sa priorité doit être transférée au demandeur ultérieur, cela ne suffit pas pour considérer ce dernier comme un ayant cause au sens de l'art. 87(1) CBE 1973 (cf. exergue de la décision). La chambre a reconnu l'effet rétroactif du transfert de la "propriété économique", mais pas du titre juridique. Elle a conclu qu'à la date de dépôt de la demande ultérieure, il n'y avait eu qu'un transfert restreint, lequel ne suffisait pas aux fins de l'art. 87(1) CBE 1973. Par ailleurs, selon la chambre, ce cas de figure est à distinguer de la "cession en equity" prévue par le droit anglais, dont il est question dans l'affaire J 19/87.
Compte tenu de l'exigence selon laquelle le droit de priorité doit avoir été transféré avant la date de dépôt de la demande européenne ultérieure, la chambre saisie de l'affaire T 1201/14 a estimé que même si un transfert rétroactif, tel que la cession "nunc pro tunc" prévue par le droit américain et invoquée par le requérant était admis en droit américain, il ne le serait pas en vertu de l'art. 87(1) CBE 1973. La chambre a également estimé que le transfert implicite d'un droit donné peut être accepté si le fait que les parties sont parvenues à un accord et si la teneur de cet accord sont suffisamment clairs. Il incombe au titulaire du brevet d'apporter la preuve que le droit de priorité a été valablement transféré, puisque c'est lui qui revendique ce droit. Quant au degré de conviction de l'instance applicable en cas de transfert implicite au titre d'une politique générale, dans le cadre du droit allemand, la chambre a estimé que, dans les circonstances de l'espèce, la preuve devait être établie "au-delà de tout doute raisonnable", étant donné que l'ensemble des preuves pertinentes ne se trouvait en la possession que d'une des parties à la procédure inter partes, qui était seule à en avoir connaissance.
Dans l'affaire T 493/06, il a été conclu que l'intimé avait apporté une preuve suffisante de la cession de la demande dont la priorité était revendiquée. De l'avis de la chambre, une copie de l'accord de cession peut également suffire, pour autant que la preuve soit produite que le contenu de cette copie concorde avec le document original. La jurisprudence des chambres de recours considère que les déclarations sous serment constituent des moyens de preuve recevables à cette fin, bien qu'elles ne soient pas expressément mentionnées à l'art. 117(1) CBE 1973 et qu'elles soient soumises à la libre appréciation des preuves (cf. par ex. T 970/93, T 804/94, T 558/95 et T 43/00 ; voir aussi T 535/08).
Dans l'affaire T 1103/15, la chambre a estimé que si une partie présente des arguments relatifs à des conclusions découlant du droit national applicable, elle doit produire des preuves à l'appui de ces arguments, par exemple des copies des dispositions concernées et/ou, le cas échéant, l'avis d'un juriste suffisamment qualifié du système juridique correspondant à titre d'expertise (T 74/00).
Concernant le niveau de preuve requis pour la validité de la cession du droit de priorité, la chambre, dans l'affaire T 2466/13, relève que la jurisprudence des chambres n'est pas univoque sur ce point (cf. T 205/14 et T 517/14, qui ont appliqué l'"appréciation des probabilités", alors que la décision T 1201/14 a appliqué un niveau plus strict).
Voir aussi T 404/13, T 725/14, ainsi que les décisions au chapitre II.D.4.2.
- T 725/14
- T 924/15