8. Rapport entre l'article 83 et l'article 84 CBE
Dans l'affaire T 250/15, sur la question de la suffisance de description, la chambre a fait remarquer que le paramètre de la revendication pour caractériser un polymère est largement utilisé et clairement défini. En outre, l'homme du métier connaît au moins deux méthodes. Les incertitudes possibles concernant d'éventuelles déviations des résultats de mesure obtenus par les différentes méthodes connues n'affectent pas la capacité de l'homme du métier de choisir un polyamide approprié sur la base de ses connaissances et des informations données dans le brevet ; cette conclusion est conforme à la jurisprudence actuelle des chambres de recours. L'opposant a demandé à la chambre de saisir la Grande Chambre de recours essentiellement pour savoir si la difficulté que peut avoir l'homme du métier pour déterminer si un objet tombe dans l'étendue de la protection couverte par la revendication concerne la clarté de la revendication ou plutôt la suffisance de l'exposé de l'invention. La chambre, par référence à la décision T 1811/13, a fait observer qu'il existe aujourd'hui une opinion clairement prédominante parmi les chambres selon laquelle la définition du "domaine interdit" d'une revendication ne devrait pas être considérée comme une question liée à l'art. 83 CBE. La chambre saisie de l'affaire T 1811/13 a ajouté que cela ne veut pas dire qu'un manque de clarté ne peut pas entraîner une divulgation insuffisante de l'invention. Dans la présente affaire T 250/15, la chambre, par souci d'exhaustivité, a également jugé que la décision T 626/14 ne remet pas en cause, vu la décision T 1811/13, le fait qu'un flou quant à l'étendue de la protection ne constitue pas un défaut d'exposé de l'invention. La présente chambre note enfin que la décision T 626/14, comme l'affaire T 464/05, concerne une constellation particulière dans un certain domaine technique. Le cas en l'espèce est toutefois différent en ce sens que le paramètre vise une propriété clairement définie et inhérente au matériau. En outre, il n'a pas été contesté que l'homme du métier dispose d'un nombre limité de méthodes de mesure appropriées et généralement connues. La chambre a rejeté la demande de saisine de la Grande Chambre de recours. Elle a en outre expliqué en quoi spécifiquement les faits de l'espèce T 250/15 diffèrent de ceux des affaires T 593/09, T 466/05, T 225/93 et T 626/14.
La chambre, dans l'affaire T 1305/15, savait que, selon la jurisprudence, les incertitudes sur la mesure d'un paramètre ne conduisaient pas nécessairement à une objection pour insuffisance de l'exposé, mais pouvaient simplement représenter une objection cachée de manque de clarté au sens de l'art. 84 CBE (T 608/07). Cela pourrait être le cas, par exemple, lorsqu'aucune méthode de mesure n'était spécifiée dans le brevet et que différentes méthodes connues étaient à la disposition de l'homme du métier, pouvant conduire à des résultats différents (T 1768/15). Toutefois, lorsque le paramètre revendiqué (le paramètre ZP dans l'affaire T 1305/15) est essentiel pour résoudre le problème qui sous-tend l'invention, la méthode utilisée pour le mesurer doit être de nature à produire des valeurs constantes, afin que l'homme du métier sache, lorsqu'il exécute l'invention, si ce qu'il produit résoudra ou non le problème (T 815/07). En raison du grave manque d'informations concernant la méthode de mesure du ZP, le ZP situé sur la surface de la membrane interne était si mal défini que l'homme du métier, cherchant à reproduire la membrane à fibres creuses selon le brevet attaqué, ne savait pas si la membrane produite était capable de résoudre le problème qui sous-tend l'invention. Cela constituait un effort excessif pour l'homme du métier, l'empêchant de réaliser comme prévu l'invention, et constituant donc une insuffisance de l'exposé (citant l'affaire T 593/09).
8.2. L'article 83 CBE et la clarté des revendications
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Il y a aujourd'hui clairement une opinion prédominante des chambres que la définition du "domaine interdit" d'une revendication ne devrait pas être considérée comme une question liée aux art. 83 CBE et art. 100(b) CBE (T 646/13). La décision T 626/14 ne remet pas ceci en cause d'après la chambre dans l'affaire T 250/15. Voir aussi le présent chapitre II.C.6.6.4 "Domaine interdit des revendications".
La question de savoir si un problème se pose au regard de l'art. 83 CBE ou de l'art. 84 CBE survient notamment lorsque des paramètres non définis sont utilisés dans les revendications et que les méthodes de mesure ne sont pas indiquées. La réponse à cette question est importante car dans la procédure d'opposition, la question de savoir si les conditions énoncées à l'art. 83 CBE sont remplies peut être examinée sans restriction, tandis que l'examen des conditions prévues à l'art. 84 CBE est limité aux cas où une modification a été apportée. La décision G 3/14 (JO 2015, A102) rappelle les principes sur l'étendue du contrôle au titre de l'art. 84 CBE en opposition, elle était saisie de cette question dans le cas de modifications apportées. Cette décision de la Grande Chambre est traitée au chapitre II.A.1.4. du présent recueil de jurisprudence.
Dans plusieurs décisions (par ex. T 123/85, T 124/85, T 172/87, T 358/88, T 449/90, T 148/91, T 267/91, T 697/91, T 225/93, T 378/97, T 387/01, T 252/02, T 611/02, T 464/05, voir plus récemment T 626/14), il a été considéré que la non-indication de méthodes permettant de mesurer des paramètres non définis dans la demande constituait un problème au regard de l'art. 83 CBE. Il s'agissait dans tous ces cas de procédures inter partes. Dans des procédures ex parte (cf. T 122/89 du 5 février 1991 date: 1991-02-05 et T 503/92), le problème a également été traité au regard de l'art. 83 CBE. Dans d'autres décisions, il a été considéré qu'il s'agissait d'un problème relevant de l'art. 84 CBE. Dans la procédure ex parte T 860/93 (JO 1995, 47), par exemple, la chambre a estimé que l'absence, dans la revendication, de méthode de mesure aux fins de déterminer un terme à valeur relative posait le problème de la clarté de cette revendication. Voir également T 230/87, T 176/91 du 10 décembre 1992 date: 1992-12-10, T 917/92, T 299/97, T 439/98, T 413/99, T 930/99, T 960/98, T 619/00, T 943/00, T 344/01, T 563/02, T 1033/02, T 208/03, T 882/03, T 452/04, T 1316/04, T 466/05, T 1586/05, T 859/06. Certaines de ces décisions sont analysées ci-après.
Selon la décision T 593/09 (voir le sommaire concernant les paramètres mal définis ("obscurs", "ambigus")), l'exigence visée à l'art. 83 CBE, selon laquelle l'exposé doit être suffisamment clair et complet pour permettre l'exécution de l'invention, est différente et indépendante de l'exigence de clarté énoncée à l'art. 84 CBE. La chambre a estimé que cette distinction sous-tendait la décision T 1062/98. Dans l'affaire T 593/09, la chambre a considéré qu'il fallait faire une distinction entre le terme "clair" à l'art. 83 CBE, qui se rapporte à l'exposé de l'invention (l'"enseignement technique") dans la demande ou le brevet, et le même terme à l'art. 84 CBE, qui se réfère aux revendications, lesquelles "définissent l'objet de la protection demandée". En résumé, une distinction était à faire entre la clarté des éléments exposés et la clarté des éléments revendiqués. La chambre a estimé que cette distinction n'était pas toujours correctement effectuée, en particulier en ce qui concerne les "paramètres ambigus", à savoir des paramètres qui figurent dans la description et/ou les revendications et ne sont pas définis de manière précise et/ou dont la méthode de mesure applicable reste incertaine. Ainsi, dans des décisions, les chambres de recours, pour examiner si un exposé contenant un paramètre mal défini était suffisamment clair et complet, ont cherché à établir si l'homme du métier savait s'il travaillait sur des éléments couverts ou non par la revendication (cf. T 256/87 ; T 387/01, T 252/02 et T 18/08). Cependant, il ne ressortait pas toujours du raisonnement suivi dans ces décisions si cet aspect était ou non l'unique critère pertinent ou s'il était décisif.
Dans l'affaire T 943/00, la chambre n'a pas suivi la décision T 256/87, estimant que la notion de "domaine interdit" est liée à la portée des revendications, c'est-à-dire à l'art. 84 CBE 1973, plutôt qu'à la suffisance de l'exposé. Dans l'affaire T 466/05, la chambre a partagé cet avis, en indiquant également qu'une distinction doit être opérée entre les exigences de l'art. 84 CBE 1973 et celles de l'art. 83 CBE 1973 ; concernant la suffisance de l'exposé, la question pertinente est de savoir si le brevet litigieux fournit assez d'informations pour permettre à l'homme du métier de reproduire l'invention en faisant appel à ses connaissances générales (voir aussi T 472/14). Dans de nombreuses décisions (par exemple T 960/98, T 619/00, T 396/02, T 1033/02, T 452/04, T 466/05, T 1586/05, T 1015/06, T 1250/08, T 593/09, T 1507/10, T 2331/11, T 2290/12, T 1811/13, T 647/15, T 548/13), la question de "savoir si l'homme du métier travaille dans le domaine interdit des revendications", telle que formulée dans la décision T 256/87, a également été interprétée comme étant liée aux limites de la protection conférée par les revendications, et donc à une exigence de l'art. 84 CBE plutôt que de l'art. 83 CBE. Voir aussi le présent chapitre II.C.6.6.4 "Domaine interdit des revendications".
Dans l'affaire T 2290/12, la chambre de recours a résumé la jurisprudence sur le thème de la possibilité d'exécuter l'invention par rapport à la clarté. La chambre a déduit de l'analyse de la jurisprudence que désormais il s'est largement formé un consensus ou tout au moins une opinion dominante, selon laquelle la question de savoir si l'homme du métier peut déterminer si un objet tombe ou non dans le domaine revendiqué constitue une exigence de clarté et non une exigence de possibilité d'exécution (voir aussi les décisions similaires T 1811/13 et T 647/15). Toutes les objections levées par les requérants en relation avec l'art. 100(b) CBE 1973 étaient des objections qui concernaient la délimitation exacte du domaine de protection, et par conséquent des objections de clarté (T 2290/12).
S'il est soutenu que l'insuffisance découle d'un manque de clarté, cela ne suffit généralement pas d'établir un manque de clarté des revendications en vue d'établir l'insuffisance de l'exposé. Il faut plutôt montrer que le brevet dans son ensemble ne permet pas à l'homme du métier, s'appuyant sur la description et sur ses connaissances générales de base, d'exécuter l'invention (T 417/13, citant les décisions T 1811/13 et T 646/13).
Dans l'affaire T 548/13 (concernant un élément de sécurité pour des papiers de sécurité et des documents de valeur) l'argument des parties suivant lequel l'homme du métier ne savait pas comment était obtenu l'arrière d'un visage c'est-à-dire quelle possibilité devait être choisie parmi plusieurs, a conforté la chambre dans son opinion qu'il s'agissait ici en réalité d'une objection de clarté. La jurisprudence sur les paramètres, à laquelle la décision T 815/07 appartient, n'était pas applicable dans le cas de l'affaire T 548/13, car la caractéristique ne contenait aucun paramètre quantitatif dont la détermination n'était pas suffisamment divulguée. Il s'agissait en fait d'une caractéristique purement qualitative, pour la détermination de laquelle aucune mesure à proprement parler n'était nécessaire. La chambre n'a pas pu discerner pourquoi l'homme du métier aurait été incapable de munir un élément de sécurité de caractéristiques de sécurité qui représentait plusieurs vues du même motif. La division d'opposition semblait ici avoir sous-estimé les capacités de l'homme du métier.
Dans la décision T 626/14 (épaisseur de composites fibreux – variabilité des mesures), la chambre a considéré comme important de mentionner que les décisions T 1811/13 et T 647/15 – avec un raisonnement essentiellement identique en ce qui concerne l'art. 83 CBE – ont cherché à remettre en question la manière dont les objections fondées sur l'art. 83 CBE étaient motivées dans des décisions telles que, par ex., T 464/05. Pourtant, les affaires T 1811/13 et T 647/15 se sont elles-mêmes axées uniquement sur un aspect spécifique de T 464/05, à savoir "le domaine couvert par la revendication", sans aborder les conclusions mêmes de cette décision concernant l'art. 83 CBE. Les décisions T 1811/13 et T 647/15 n'ont pas conduit la chambre, dans l'affaire T 626/14, à remettre en cause la motivation de la décision T 464/05 concernant l'art. 83 CBE. La décision récente T 250/15 juge que T 626/14 ne remet pas en cause la jurisprudence. T 250/15 rejette la saisine de la Grande Chambre et considère que T 626/14 et T 464/05 relèvent d'une constellation particulière dans un certain domaine technique.
Dans l'affaire T 646/13, la demande de saisine de la Grande Chambre de recours par l'opposant reposait sur une prétendue contradiction entre les décisions T 1811/13 et T 464/05 concernant la clarté des revendications et la suffisance de l'exposé. La chambre a conclu que ces affaires concordaient en ce qu'une définition de la délimitation de la revendication manquant de clarté relevait de l'art. 84 CBE 1973. L'application des principes énoncés dans les décisions T 464/05 et T 1811/13 n'aboutirait pas, dans les circonstances de l'affaire T 646/13, à des résultats différents. Enfin et surtout, comme expliqué dans la décision T 1811/13, la décision T 464/05 fait partie d'une jurisprudence établie entre 2004 et 2007, qui n'a généralement pas été suivie depuis lors. Comme il y a aujourd'hui clairement une opinion prédominante des chambres que la définition du "domaine interdit" d'une revendication ne devrait pas relever des art. 83 CBE 1973 et art. 100 (b) CBE 1973, la prétendue contradiction entre les décisions T 464/05 et T 1811/13 n'existe pas. Ces décisions, plutôt que contradictoires, illustrent l'évolution de la jurisprudence sur une question déterminée au cours d'une longue période de temps.
Dans l'affaire T 608/07, la chambre a considéré que la question dont elle était saisie, et qui portait sur la suffisance de l'exposé de l'invention, était dans une large mesure semblable à la situation rencontrée dans l'affaire T 256/87, ces deux cas ayant trait à une insuffisance de l'exposé due à une ambiguïté. Bien que la chambre ait admis que dans certaines circonstances, une telle ambiguïté puisse tout à fait entraîner une objection pour insuffisance de l'exposé, il convient de garder en mémoire que cette ambiguïté concerne également la portée des revendications, à savoir l'art. 84 CBE 1973. Etant donné que l'art. 84 CBE 1973 ne peut toutefois constituer en soi un motif d'opposition, il faut veiller à ce qu'une objection pour insuffisance de l'exposé due à une ambiguïté ne soit pas simplement une objection déguisée au titre de l'art. 84 CBE 1973. La chambre est convaincue que s'agissant d'une insuffisance de l'exposé due à une ambiguïté, il ne faut pas se contenter de montrer l'existence d'une ambiguïté, qui concerne par exemple la délimitation des revendications. Il est normalement nécessaire d'établir que cette ambiguïté empêche l'homme du métier de réaliser comme prévu l'invention. Il va sans dire que cet équilibre délicat entre les art. 83 et 84 CBE 1973 doit être apprécié en fonction des faits à la base de chaque cas individuel.
Selon la décision T 593/09, le même raisonnement sous-tend les décisions T 608/07 et T 815/07 (ainsi que l'affaire Kirin-Amgen Inc v. Hoechst Marion Roussel Ltd [2004] UKHL 46 of the United Kingdom House of Lords). Ainsi, le fait qu'une revendication contient un paramètre mal défini ("obscur", "ambigu") et que, par conséquent, l'homme du métier ne saurait pas s'il travaille sur des éléments compris ou non dans les revendications, ne constitue pas un motif permettant de conclure à l'absence d'exposé suffisamment clair et complet tel que requis par l'art. 83 CBE. De même, une objection pour absence de définition claire ne relève pas nécessairement du seul art. 84 CBE. Pour établir si l'exposé est insuffisant au sens de l'art. 83 CBE, il est essentiel de déterminer si le paramètre, dans le cas concerné, est mal défini au point que l'homme du métier, en s'appuyant sur l'ensemble de l'exposé et sur ses connaissances générales, ne peut identifier (sans efforts excessifs) les mesures d'ordre technique (par exemple la sélection de composés adaptés) nécessaires pour résoudre le problème sous-jacent au brevet en cause.
Selon la chambre dans l'affaire T 1526/09, la décision T 593/09 énonce qu'une revendication contenant un paramètre vague ou ambigu, ne permettant pas à l'homme du métier de savoir s'il travaille à l'intérieur ou à l'extérieur de l'étendue de la revendication, n'a pas pour conséquence une insuffisance de l'exposé de l'invention. Ce qui est décisif pour la suffisance de l'exposé est de savoir si la définition du paramètre est si floue que l'homme du métier ne peut pas identifier dans le brevet pris dans sa totalité les mesures à prendre pour résoudre le problème posé. Dans l'affaire T 593/09 le paramètre en question était un paramètre essentiel pour la préparation du produit. Dans l'affaire T 1526/09, la définition vague du paramètre affectait la clarté de l'objet des revendications mais n'empêchait pas l'homme du métier de préparer le produit revendiqué.
La chambre, dans l'affaire T 1305/15, savait que, selon la jurisprudence, les incertitudes sur la mesure d'un paramètre ne conduisaient pas nécessairement à une objection pour insuffisance de l'exposé, mais pouvaient simplement représenter une objection cachée de manque de clarté au sens de l'art. 84 CBE (T 608/07). Cela pourrait être le cas, par exemple, lorsqu'aucune méthode de mesure n'était spécifiée dans le brevet et que différentes méthodes connues étaient à la disposition de l'homme du métier, pouvant conduire à des résultats différents (T 1768/15). Toutefois, lorsque le paramètre revendiqué (le paramètre ZP dans T 1305/15) est essentiel pour résoudre le problème qui sous-tend l'invention, la méthode utilisée pour le mesurer doit être de nature à produire des valeurs constantes, afin que l'homme du métier sache, lorsqu'il exécute l'invention, si ce qu'il produit résoudra ou non le problème (T 815/07). En raison du grave manque d'informations concernant la méthode de mesure du ZP, le ZP situé sur la surface de la membrane interne était si mal défini que l'homme du métier, cherchant à reproduire la membrane à fibres creuses selon le brevet attaqué, ne savait pas si la membrane produite était capable de résoudre le problème qui sous-tend l'invention. Cela constituait un effort excessif pour l'homme du métier, l'empêchant de réaliser comme prévu l'invention, et constituant donc une insuffisance de l'exposé (citant l'affaire T 593/09).
Dans l'affaire T 378/11, les valeurs divulguées dans la revendication 1 concernaient la taille moyenne de particules. Aucune preuve n'était apportée par les requérants (opposants) selon laquelle l'absence de précisions quant au type exact de taille moyenne des particules empêchait l'homme du métier d'exécuter l'invention. La chambre a conclu que pour préparer une composition selon l'invention, l'homme du métier pouvait sélectionner les valeurs moyennes comprises dans une plage allant de 10 à 500 mym. La question de savoir si l'utilisation de deux types de valeurs moyennes conduirait à des résultats différents était une question de clarté plutôt que de suffisance de l'exposé.
Dans l'affaire T 1608/13, la chambre a d'abord estimé que la clarté (art. 84 CBE) et la suffisance de l'exposé (art. 83 CBE) étaient deux exigences distinctes de la CBE, ce qui a été réaffirmé dans la jurisprudence récente (T 2290/12, point 3.1 de motifs, citant T 608/07, point 2.5.2 des motifs). La chambre n'a pas vu comment – et l'intimé (opposant) n'a pas expliqué pourquoi – un manque de clarté potentiel découlant de la définition du coefficient de tamisage en présence de l'ensemble du sang pourrait avoir un impact majeur sur la mise en place d'une membrane servant à résoudre le problème technique concret que l'invention visait à résoudre. Par conséquent, en utilisant le libellé de la décision T 608/07, partagé par la chambre, un tel manque de clarté potentiel n'empêcherait pas l'homme du métier de réaliser comme prévu l'invention et n'aboutirait pas à l'insuffisance de l'exposé. En ce qui concerne le manque de clarté, ce n'est pas un motif d'opposition.
Dans l'affaire T 2399/10, aucun des documents cités, publiés avant la date de priorité du brevet attaqué, n'utilisait l'expression "Facteur de forme". Les seuls documents qui se référaient au facteur de forme ne faisaient pas partie de l'état de la technique conformément à l'art. 54(2) CBE. Ainsi, le brevet attaqué ne divulguait pas la façon de produire les particules A d'alumine nécessaires pour obtenir la composition revendiquée. Cette situation se distinguait des cas où les caractéristiques du produit final décrit dans un brevet n'étaient pas clairement définies. Très souvent, cette absence de définition précise correspondait à un manque de clarté. Dans le cas présent la situation était différente, parce que c'était un des produits de départ qui n'était pas suffisamment défini. On ne pouvait ainsi pas préparer la composition revendiquée en raison du manque d'information suffisante pour sélectionner le produit de départ. Cette situation caractérisait une insuffisance de l'exposé de l'invention.
Dans l'affaire T 287/10, l'invention revendiquée concernait une composition pour le traitement superficiel de matériaux tels que le papier ou le carton. L'intimé (opposant) a allégué que l'invention n'avait pas été suffisamment exposée, objectant essentiellement que les valeurs extrêmes de la plage dimensionnelle des nanoparticules de silice de synthèse selon la composition revendiquée étaient ambigües. La chambre a indiqué qu'elle ne partageait pas ce point de vue. Siégeant dans la même composition, elle avait déjà examiné une question de droit identique et y avait répondu dans la décision T 1414/08 eu égard à un autre paramètre courant dans l'état de la technique, à savoir la résistance à la traction. De l'avis de la chambre, le raisonnement et la conclusion figurant dans la décision T 1414/08 étaient directement applicables à la présente espèce, dans laquelle le paramètre non défini était la taille des particules. Par conséquent, comme dans la décision T 1414/08, l'ambiguïté des valeurs extrêmes de la plage dimensionnelle des nanoparticules comprises dans la composition revendiquée "n'était pas une question à aborder au titre de l'art. 83 CBE, mais au titre de l'art. 84 CBE". La chambre a estimé que l'invention était exposée de façon suffisamment complète.
Dans la décision T 1055/92 (JO 1995, 214) la division d'examen rejeta la demande de brevet au titre de l'art. 84 CBE 1973, au motif que l'on ne voyait pas clairement dans la revendication comment certaines valeurs étaient calculées. La chambre a estimé qu'il convenait de faire une nette distinction entre l'exigence de l'art. 84 CBE 1973 et la condition énoncée à l'art. 83 CBE 1973. En vertu de l'art. 83 CBE 1973, c'était dans la demande de brevet européen, c.-à-d. dans la demande considérée dans son ensemble, comprenant les revendications, la description et les dessins, et non dans une revendication isolée en tant que telle, que l'invention devait être exposée de façon suffisamment claire et complète. Par ailleurs, une revendication devait indiquer les caractéristiques essentielles de l'invention (cf. T 32/82, JO 1984, 354). Parmi les caractéristiques essentielles devaient figurer les caractéristiques par lesquelles l'invention se distingue de l'état de la technique le plus proche. Une revendication avait donc pour fonction première de fixer l'étendue de la protection demandée pour une invention, ce qui impliquait qu'il n'était pas toujours nécessaire qu'une revendication définisse en détail des caractéristiques ou des étapes techniques (cf. également T 713/98).
Selon la décision T 882/03, les résultats légèrement différents qui sont obtenus lorsqu'on utilise d'autres modèles mathématiques n'empêchent pas l'homme du métier de mettre en œuvre l'invention, mais ils portent plutôt sur la question de savoir si l'objet de la protection demandée est suffisamment défini au titre de l'art. 84 CBE 1973.
Dans l'affaire T 430/10, la chambre a estimé que lorsque le manque de clarté allégué tenait au fait qu'une caractéristique pouvait être interprétée dans un sens large ou restrictif, il était en tout état de cause satisfait à l'exigence relative à la suffisance de l'exposé de l'invention si l'homme du métier parvenait à reproduire tous les modes de réalisation protégés par les revendications, même en interprétant de manière large la caractéristique prétendument ambiguë. Dans la présente espèce, il y était satisfait.
Dans l'affaire T 378/97, la chambre a fait observer que la suffisance de l'exposé s'adresse au praticien qui réduit l'invention à la pratique, mais qu'elle ne correspond à aucune valeur théorique bien précise. Des résultats variables n'empêchent donc pas nécessairement l'homme du métier d'exécuter une invention (art. 83 CBE 1973), mais peuvent entrer en ligne de compte pour la définition de l'invention au titre de l'art. 84 CBE 1973. L'on se reportera également à la décision T 960/98, où la chambre a indiqué que la question pertinente pour la suffisance de l'exposé est de savoir si le brevet litigieux fournit assez d'informations pour permettre à l'homme du métier de reproduire l'invention en faisant appel à ses connaissances générales, ainsi qu'aux décisions T 586/94, T 245/98 et T 859/06.
Suivant la décision T 378/97, la chambre appelée à statuer sur l'affaire T 439/98 a estimé que les objections du requérant relatives à la suffisance de l'exposé (le brevet litigieux n'indiquait prétendument pas de méthode appropriée pour mesurer la porosité) concernaient la portée de la valeur de porosité mentionnée dans la revendication, et donc la clarté de la revendication, plutôt que la possibilité de reproduire l'invention. Dans l'affaire T 619/00, la chambre a reconnu que les différentes méthodes visant à déterminer la valeur d'une fraction de gel n'impliquent pas intrinsèquement un effort excessif. Faute de preuves selon lesquelles les différentes méthodes précisées aboutiraient à des valeurs qui divergeraient entre elles d'un montant substantiel présentant une importance technique (conformément à T 378/97), ou d'un montant empêchant l'homme du métier d'exécuter l'invention (conformément à T 930/99), le simple fait que le fascicule du brevet ne précise pas la méthode à utiliser ne nuit pas à la suffisance de l'exposé. La question de savoir si les méthodes définies aboutissent à une valeur unique ou à des valeurs différentes, est également un aspect qui touche à la clarté de la définition de l'objet de la revendication au titre de l'art. 84 CBE 1973. Dans l'affaire T 930/99, seule une méthode de mesure était concernée et la chambre a donc jugé la décision T 225/93 inapplicable. (Selon la décision T 225/93, des méthodes de mesure différentes qui n'aboutissent pas toujours au même résultat peuvent représenter un travail excessif). L'argument de l'intimé selon lequel cette situation créerait une insécurité juridique, étant donné que les tiers ne sauraient pas s'ils travaillent dans la plage spécifiée ou en dehors de celle-ci, reposait manifestement sur le manque de clarté, qui ne constitue pas un motif d'opposition et ne pouvait dès lors pas être pris en considération. Cf. également T 396/02, T 347/10.
Dans la décision T 805/93, la viscosité constituait l'unique caractéristique distinctive de la revendication en cause et jouait un rôle de toute évidence crucial pour définir l'objet de la protection demandée selon l'art. 84 CBE. L'absence d'informations sur la façon dont la limite de viscosité de la revendication devait être déterminée signifiait que l'objet de la protection demandée ne pouvait être réputé défini, si bien que la revendication ne satisfaisait pas à l'art. 84 CBE 1973. En outre, la divulgation de la demande en cause ne lui permettait donc pas d'exécuter l'objet revendiqué sur une base générale, si bien que les exigences de l'art. 83 CBE 1973 n'étaient pas remplies. De même, dans l'affaire T 431/07, les informations contenues dans la description telle que déposée initialement n'étaient pas suffisantes pour que l'homme du métier puisse reproduire l'objet revendiqué conformément à l'art. 83 CBE, étant donné que la description en question ne faisait référence à aucune méthode de mesure de la viscosité et qu'il existait un grand nombre de procédés et de dispositifs pour effectuer ces mesures.
L'affaire T 482/09 portait sur la viscosité d'une substance ; il s'agit là d'un paramètre très courant qui peut être déterminé à l'aide de méthodes de mesure incontestablement connues. Les requérants faisaient valoir au contraire que la valeur dudit paramètre restait incertaine, car les résultats obtenus étaient différents selon la méthode de mesure utilisée. La chambre a estimé que l'utilisation d'un concept indéterminé dans les revendications ne pose pas de problème du point de vue de l'art. 83 CBE, mais plutôt du point de vue de l'art. 84 CBE (voir aussi T 1886/06), lequel exige notamment que les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Les requérants ont invoqué le critère relatif à la suffisance de l'exposé, retenu dans la décision T 256/87, selon lequel l'homme du métier, en se fondant sur le fascicule de brevet, doit pouvoir exécuter l'invention dans toutes ses parties essentielles et savoir quand il travaille dans le champ de protection non autorisé couvert par les revendications ; la chambre a toutefois estimé que ce critère ne signifiait pas qu'une invention est forcément impossible à exécuter au sens de l'article 83 CBE si les revendications contiennent un concept vague au sens de l'article 84 CBE et que la description ou les connaissances techniques ne permettent pas de le concrétiser. Au cours des procédures d'opposition et de recours sur opposition, l'utilisation d'un terme indéfini dans une revendication conduit, au contraire, à prendre en considération, pour apprécier la nouveauté et l'activité inventive, l'état de la technique qui couvre toutes les interprétations possibles de ce terme ayant un sens du point de vue technique, puisque le terme en question empêche de délimiter la portée des revendications. Lorsqu'un tel terme ne revêt absolument aucune signification concrète, il perd même entièrement son effet limitatif par rapport à l'état de la technique à prendre en compte.
Voir également la décision T 2001/12 traitant de la distinction entre les exigences relatives à la suffisance de l'exposé (art. 83 CBE), la clarté des revendications (art. 84 CBE) et l'activité inventive (art. 56 CBE). La décision T 862/11 traite aussi en détail de cette distinction.
- Jurisprudence 2019