9.1. Traitement de caractéristiques techniques et non techniques
T 1798/13 × View decision
The "weather" is not a technical system that the skilled person can improve, or even simulate with the purpose of trying to improve it. It is a physical system that can be modelled in the sense of showing how it works. This kind of modelling is rather a discovery or a scientific theory, which are excluded under Article 52(2)(a) EPC and thus do not contribute to the technical character of the invention (see point 2.10ff.).
Dans l'affaire T 1798/13, l'invention portait sur la prévision de la valeur d'un produit financier structuré fondé sur la météo. Les valeurs de ces produits se fondaient sur des mesures météorologiques spécifiques telles que la température, les précipitations, les heures d'ensoleillement, les degrés-jours de chauffage, les degrés-jours de réfrigération ou la vitesse du vent. En substance, la division d'examen a estimé que l'invention comportait deux aspects, à savoir a) définir et calculer une prévision météorologique et b) définir et calculer l'influence de la prévision météorologique sur un produit financier donné. Les membres de la division n'ont trouvé aucun problème technique qui soit résolu par la mise en œuvre de l'un ou l'autre de ces aspects. La décision ajoutait que l'introduction d'équations mathématiques dans la revendication 1 ne rendrait pas cette dernière technique car la nature du problème technique qu'elles devaient résoudre n'était pas claire. La chambre s'est ralliée à l'avis du requérant selon lequel un système de prévision météorologique, comprenant par exemple des capteurs pour mesurer des données météorologiques spécifiques, possède un caractère technique. Toutefois, l'invention reposait sur l'utilisation de données météorologiques déjà mesurées. On pourrait affirmer que ces données météorologiques (brutes) constituaient des mesures se rapportant au monde physique et étaient donc elles aussi de nature technique. La situation serait alors comparable à celle qui avait donné lieu à la décision T 2079/10, dans laquelle il a été estimé que les paramètres physiques sont des données techniques et que le choix des paramètres physiques à mesurer fait partie des compétences de l'homme du métier (technicien). Cependant, dans l'affaire T 2079/10, il avait été considéré que l'invention résidait dans l'amélioration de la technique de mesure elle-même, qui faisait intervenir des considérations d'ordre technique concernant les capteurs et leur position. Or, dans la présente espèce, les mesures elles-mêmes ne jouaient aucun rôle, puisque l'amélioration résidait dans le traitement de données visant à fournir une meilleure prévision météorologique. Le deuxième argument du demandeur consistait, en substance, à dire qu'une amélioration des données météorologiques reposant sur des calculs et un traitement ultérieur des données était également technique. De l'avis de la chambre, cette affirmation conduisait à la question centrale de l'affaire, qui était de savoir si l'amélioration de la précision de certaines données d'une prévision météorologique était de nature technique. Si ce n'était pas le cas, les détails de l'algorithme, "les mathématiques", pour citer la division, n'apportaient rien. La chambre a répondu à cette question par la négative. La "météo" n'est pas un système technique que l'homme du métier puisse améliorer, ni même simuler afin d'essayer de l'améliorer. Elle est un système physique qui peut être modélisé de manière à montrer comment ce système fonctionne. Ce type de modélisation relève plutôt de la découverte ou de la théorie scientifique, qui sont toutes deux exclues de la brevetabilité au titre de l'art. 52(2)a) CBE et ne contribuent donc pas au caractère technique de l'invention.
9.1.1 Caractère technique d'une invention
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Pour être brevetable, l'objet revendiqué doit par conséquent avoir un "caractère technique" ou – pour donner une définition plus précise – avoir pour objet un "enseignement pratique en matière technique", c'est-à-dire qu'il doit enseigner à l'homme du métier comment s'y prendre pour résoudre un problème technique donné en mettant en œuvre certains moyens techniques (T 154/04, JO 2008, 46). Une condition implicite d'une "invention" au sens de l'art. 52(1) CBE 1973 est qu'elle doit présenter un caractère technique (critère de "technicité"). L'art. 52(2) CBE 1973 n'exclut de la brevetabilité aucun objet ou activité possédant un caractère technique, même si cet objet ou cette activité se rapporte à des éléments énumérés dans cet article, étant donné que ces éléments sont seulement exclus "en tant que tels" (art. 52(3) CBE 1973) (T 154/04, JO 2008, 46). Le caractère technique résulte soit des caractéristiques physiques d'une entité ou (dans le cas d'une méthode) de l'utilisation de moyens techniques. Même si une invention revêt dans son ensemble un caractère technique, elle peut néanmoins comporter légitimement à la fois des caractéristiques techniques et des caractéristiques non techniques (T 641/00, JO 2003, 352, T 1543/06). Le caractère inhérent de l'objet revendiqué est décisif pour déterminer si l'on est en présence d'une invention (potentiellement brevetable) (T 154/04).
La jurisprudence considère l'exigence de caractère technique comme distincte et indépendante des autres conditions de l'art. 52(1) CBE 1973, notamment de la nouveauté et de l'activité inventive, ce qui signifie que l'on peut examiner si cette exigence a été observée sans avoir recours à l'état de la technique (T 154/04). Il convient de replacer la définition juridique donnée par l'art. 56 CBE dans le contexte des autres conditions de brevetabilité prévues aux art. 52 à 57 CBE. Ces articles traduisent les principes généraux selon lesquels, d'une part, un brevet peut être obtenu pour toute invention dans tous les domaines technologiques et, d'autre part, le caractère technique est une condition sine qua non d'une invention au sens de la CBE (T 931/95, JO 2001, 441 ; T 935/97, T 1173/97, JO 1999, 609 ; T 641/00, JO 2003, 352 ; T 914/02, T 154/04, JO 2008, 46, T 1227/05, JO 2007, 574). D'après la décision T 208/84 (JO 1987, 14), un indice de caractère technique est que la méthode ait un effet technique global, comme celui de commander une entité physique (cf. également T 313/10). Ainsi, conformément à la décision T 258/03, une invention revendiquant des aspects techniques possède dans l'ensemble un caractère technique, même si elle est de type "mixte" (c'est-à-dire si elle comporte des aspects techniques et non techniques) (T 859/07, T 188/11, T 414/12, T 1331/12).
Dans l'affaire T 914/02, la chambre a estimé que la présence de considérations techniques ne suffit pas à conférer un caractère technique à une méthode susceptible d'être exclusivement exécutée mentalement. Le caractère technique peut provenir de la mise en œuvre technique de la méthode par laquelle celle-ci produit un effet technique tangible, par exemple une entité physique telle que l'objet en résultant ou une activité non abstraite à l'aide par exemple de moyens techniques. La chambre a rejeté une revendication portant sur une invention impliquant des considérations techniques et englobant des modes de réalisation techniques (point 3 des motifs), au motif que l'invention telle que revendiquée pouvait aussi être exclusivement mise en œuvre par des activités purement intellectuelles, lesquelles sont exclues de la brevetabilité au titre de l'art. 52(2)c) CBE (voir T 619/02, JO 2007, 63 ; T 388/04, JO 2007, 16).
Dans l'affaire T 388/04 (JO 2007, 16), la chambre a estimé que les objets ou activités exclus de la brevetabilité au titre de l'art. 52(2) et (3) CBE 1973 restent exclus même s'ils impliquent la possibilité d'utiliser des moyens techniques non spécifiés.
L'affaire T 930/05 concernait un procédé de modélisation d'un réseau de processus. Il a été conclu à l'absence de caractère technique, car même si l'objet revendiqué englobait d'éventuels modes de réalisation techniques, il était possible d'envisager également des modes de réalisation devant être considérés comme dépourvus de technicité.
L'affaire T 2079/10 portait sur un procédé de commande électronique et un procédé de commande de systèmes d'alarme cellulaires. La chambre a constaté à cet égard qu'il n'était pas possible de procéder à une interprétation purement non technique de l'objet des revendications, étant donné qu'il fallait tenir compte du réseau d'entrée et du réseau de sortie. Bien que les signaux d'activation (côté sortie) puissent parfaitement être employés pour commander des systèmes d'alarme basés sur la valeur monétaire, les signaux de capteurs physiques (coté entrée) représentaient toujours des valeurs techniques dont on ne pouvait pas faire abstraction pour interpréter l'objet de la revendication.
Dans l'affaire T 339/13, la demande concernait un animal de compagnie virtuel pouvant produire une "rétroaction haptique", à savoir, par exemple, des sensations tactiles, comme des vibrations ou des pulsations, ou des effets visuels/audio. La chambre a fait observer qu'une personne en possession d'un jouet était nécessairement prête à considérer le comportement de ce jouet comme étant réel. Elle a convenu que dans le contexte d'animaux de compagnie virtuels, la restitution d'une perception fidèle et reproduisible d'une interaction physique avec le véritable animal de compagnie représentait un problème technique. De plus, elle a constaté que l'invention résolvait ce problème par des moyens techniques, à savoir un mouvement alternatif de curseur et une rétroaction haptique.
Dans l'affaire T 1375/11, l'invention concernait un appareil de jeu et/ou de divertissement. Le problème à résoudre par l'objet de la revendication 1 consistait à améliorer "la visibilité des champs de mise occupés et, partant, à accroître le confort d'utilisation, afin de permettre aux participants de jouer sans se fatiguer, tout en surveillant en permanence le déroulement de la partie". Pour résumer, le problème consistait à "améliorer la maniabilité d'un point de vue ergonomique". La chambre a souscrit à cette formulation du problème. Selon elle, il ne faisait aucun doute que le problème lié à l'amélioration de l'ergonomie était d'ordre technique (citant la décision T 1296/05). Elle s'est également référée à l'approche adoptée dans la décision T 862/10 selon laquelle le problème comme la solution avaient un caractère technique, puisqu'ils ne dépendaient pas de facteurs psychologiques ou subjectifs. Ils étaient au contraire fonction de paramètres techniques (se fondant entre autres sur la physiologie humaine) qui pouvaient être définis de manière précise.
Dans l'affaire T 548/13, la chambre a constaté l'absence de technicité de l'unique élément distinctif, lequel exigeait que les caractéristiques de sécurité correspondent à des représentations différentes d'un même motif en fonction de la face observée. La chambre a fait observer qu'un document de valeur était ainsi mieux protégé contre les falsifications, mais que l'on pouvait tout aussi bien employer deux motifs différents.
La question du caractère technique est traitée en détail au chapitre I.A.1.1. "Caractère technique de l'invention".