3.4. Point de départ le plus prometteur
Vue d'ensemble
Dans l'affaire T 1450/16, le requérant (demandeur) faisait valoir que l'homme du métier n'aurait pas choisi le document D1 en tant qu'état de la technique le plus proche. La chambre ne s'est pas ralliée à l'hypothèse avancée par le requérant selon laquelle, dans l'approche problème-solution de base, l'homme du métier peut être chargé de sélectionner l'état de la technique le plus proche ou un point de départ approprié pour l'appréciation de l'activité inventive, cette sélection constituant la première des différentes étapes de la méthode adoptée au titre de cette approche problème-solution. Selon la chambre, une telle hypothèse impliquerait que la personne (fictive) évaluant en dernier lieu l'évidence d'un objet revendiqué donné est également celle qui a précédemment sélectionné son document de l'état de la technique "préféré" aux fins de cette évaluation. Étant donné que le problème technique objectif doit être déduit des caractéristiques distinctives établies par rapport à l'état de la technique le plus proche qui a été choisi, une sélection réalisée de la sorte impliquerait par ailleurs que l'homme du métier peut se poser à lui-même le problème technique objectif. Or, cela serait en contradiction avec la finalité même de l'approche problème-solution, à savoir fournir une méthode objective permettant d'apprécier l'activité inventive et d'éviter autant que possible une analyse rétrospective non autorisée. La chambre a fait observer qu'elle avait connaissance de la jurisprudence qui indique, au moins implicitement, que l'homme du métier peut choisir son "propre" état de la technique le plus proche (cf. par ex. T 1841/11, T 2057/12 et T 1248/13). Dans l'affaire en question, elle a toutefois suivi les conclusions des affaires T 422/93 (JO 1997, 24, cf. point 1 du sommaire) et T 1140/09, selon lesquelles l'homme du métier compétent doit être défini à partir du problème technique objectif. Selon la chambre, l'homme du métier au sens de l'art. 56 CBE n'intervient qu'à partir du moment où le problème technique objectif a déjà été formulé. Par conséquent, l'homme du métier visé à l'art. 56 CBE est la personne qui est qualifiée pour résoudre le problème technique objectif établi (cf. par ex. T 32/81, JO 1982, 225 ; T 26/98 et T 1523/11), et pas nécessairement la personne versée dans le domaine de la demande sous-jacente ou dans le domaine de l'état de la technique le plus proche qui a été sélectionné, comme cela semble avoir été préconisé dans la décision T 25/13. La chambre a conclu que, conformément aux conclusions énoncées dans la décision T 855/15, la sélection de l'état de la technique le plus proche doit être effectuée par l'instance appelée à statuer dans l'affaire en question (dont les membres ne peuvent être assimilés à l'homme du métier en tant qu'entité abstraite ; cf. T 1462/14), qu'il s'agisse de la division d'examen, de la division d'opposition ou de la chambre de recours concernée, plutôt que par l'homme du métier visé à l'art. 56 CBE. Dans l'exergue de sa décision, la chambre a résumé ses conclusions de la manière suivante : dans l'application de l'approche problème-solution en vue de l'appréciation de l'activité inventive, l'homme du métier au sens de l'art. 56 CBE n'intervient qu'à partir du moment où le problème technique objectif a été formulé à la lumière de l'"état de la technique le plus proche" sélectionné. C'est seulement ensuite qu'il est possible de définir de manière adéquate le domaine technique pertinent pour l'homme du métier théorique ainsi que l'étendue de ce domaine. Par conséquent, l'"homme du métier" ne peut pas être la personne qui sélectionne l'état de la technique le plus proche, lors de la première étape de l'approche problème-solution. C'est plutôt à l'instance appelée à statuer qu'il revient d'opérer cette sélection, sur la base des critères établis, afin d'éviter toute analyse rétrospective.
Dans l'affaire T 787/17, la chambre a considéré que le document D2 était le plus proche de l'objet de l'invention et constituait donc l'"état de la technique le plus proche" du point de vue de l'approche problème-solution. Dans D2, c'est le mode de réalisation présenté à la figure 11a qui se rapprochait le plus de l'invention. La chambre n'a pas pu se rallier à l'argument selon lequel ce mode de réalisation ne constituait pas un point de départ réaliste puisqu'il ne fournissait pas à l'homme du métier d'indication quant à la manière de procéder pour résoudre le problème posé. En principe, tout élément de l'état de la technique qui relève du domaine de l'invention et qui divulgue un objet conçu dans le même but ou avec le même objectif que l'invention revendiquée constitue un point de départ possible. Aucune justification particulière, s'appuyant par exemple sur le raisonnement suivi par l'homme du métier, n'est nécessaire pour cela. En particulier, la question de savoir si un tel élément comporte un indice menant à la solution au problème technique objectif ne joue aucun rôle dans le choix effectué en faveur de cet élément en tant que point de départ. En atteste le simple fait que le problème technique objectif ne peut être défini que sur la base de ce point de départ. Il n'est pas non plus nécessaire de justifier pourquoi l'homme du métier, placé devant une publication antérieure comprenant un grand nombre de modes de réalisation, prend précisément pour point de départ un mode de réalisation particulier. Chacun des modes de réalisation représente un élément de l'état de la technique qui, en tant que tel, est connu de l'homme du métier (fictif) et peut donc également servir de point de départ.
3.4. Point de départ le plus prometteur
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- Jurisprudence 2020