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Dans la jurisprudence antérieure, les chambres de recours ont déjà appliqué des critères stricts à l'admission d'un usage antérieur public, dont l'opposant est à l'origine et que celui-ci invoque tardivement. Se fondant sur l'art. 114(2) CBE 1973, elles n'ont pas admis dans la procédure les preuves produites tardivement, car dans les circonstances particulières des affaires dont elles étaient saisies, il y avait abus de procédure et atteinte au principe de la bonne foi. Au vu de ces faits, les chambres de recours ont renoncé à examiner l'éventuelle pertinence des moyens (cf. T 17/91 ; T 534/89, JO 1994, 464 et T 211/90). Dans la décision T 985/91, la chambre, s'appuyant sur la décision T 17/91, a défendu le point de vue selon lequel les documents produits tardivement ne peuvent être admis que dans des circonstances exceptionnelles s'ils ont trait à un prétendu usage antérieur.
Dans l'affaire T 17/91, il avait été invoqué une utilisation antérieure accessible au public due à l'activité de l'opposant lui-même, deux ans après l'expiration du délai d'opposition, sans que ce retard eût été vraiment justifié. La chambre a jugé qu'il y avait eu abus de procédure et atteinte au principe de la "bonne foi". Conformément à l'art. 114(2) CBE 1973, elle n'a pas tenu compte de la prétendue utilisation antérieure accessible au public, nonobstant son éventuelle pertinence.
De même, dans la décision T 534/89 (JO 1994, 464), la chambre a considéré qu'une objection fondée sur un usage antérieur par l'opposant et formulée seulement après l'expiration du délai d'opposition bien que l'opposant ait eu connaissance des faits et que rien ne l'ait empêché de formuler ladite objection au cours du délai d'opposition, constituait un abus de procédure.
Dans l'affaire T 211/90, le requérant avait, quatre semaines avant la tenue d'une procédure orale dans le cadre de la procédure de recours, fait valoir pour la première fois l'existence d'une utilisation antérieure connue du public, alors qu'il disposait déjà des preuves à cet égard avant l'expiration du délai d'opposition. La chambre a estimé que le fait d'avoir méconnu, au moment de former l'opposition, la pertinence de ce document dont il connaissait l'existence, ne pouvait autoriser le requérant à produire ce document à un stade aussi tardif de la procédure, quelles que soient les raisons qui l'avaient empêché de prendre plus tôt conscience de sa pertinence. Aussi la chambre n'a-t-elle pas tenu compte de ce document dans la suite de la procédure, et ce sans en examiner la pertinence.
Dans l'affaire T 691/12, la chambre a fait observer qu'un usage antérieur qui est invoqué pour la première fois pendant la procédure de recours ne peut être introduit dans la procédure et être considéré comme l'état de la technique que s'il est au moins satisfait aux trois conditions suivantes : a) il ne doit pas s'agir d'un abus manifeste de procédure ; b) l'usage antérieur doit de prime abord être pertinent au point de mettre en cause la validité du brevet, conformément à ce qui est allégué ; et c) l'usage antérieur doit être prouvé de manière incontestable, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer des recherches supplémentaires pour constater l'objet ou les circonstances de cet usage. Ces trois conditions n'étaient pas remplies dans la présente espèce (voir aussi T 1847/12, T 63/13).
Dans l'affaire T 2393/13, la chambre a décidé de ne pas tenir compte de l'allégation infondée d'utilisation antérieure. L'art. 12(4) RPCR 2007 exige non seulement que les faits et les preuves soient produits en temps utile, mais également qu'ils satisfassent aux exigences prévues à l'art. 12(2) RPCR 2007, c'est-à-dire, en l'espèce, qu'ils soient complets. Cela signifie qu'il convient de présenter à la chambre tous les faits permettant de déterminer la date, l'objet, ainsi que les circonstances de cette utilisation antérieure, car la chambre ne peut effectuer d'examen approprié de cette utilisation antérieure et statuer sur celle-ci que si l'affaire a été présentée de façon exhaustive, avec suffisamment de détails concernant les faits, les preuves et les arguments pertinents.
Dans l'affaire T 481/99, la chambre a estimé que le principe selon lequel la division d'opposition ne devrait admettre qu'à titre exceptionnel dans la procédure les faits, preuves et arguments présentés tardivement (cf. par ex. G 9/91, JO 1993, 408 ; T 1002/92, JO 1995, 605), ne signifiait pas qu'une allégation faite tardivement concernant un usage antérieur, et qui serait pertinente si elle était établie, devait être automatiquement rejetée au motif qu'il convient d'abord d'établir les nouveaux faits en réunissant les éléments de preuve. Cependant, si les moyens invoqués et/ou les documents liés à l'allégation tardive d'un usage antérieur montrent des incohérences ou même des contradictions, l'instance qui rend la décision peut ne pas tenir compte de l'allégation d'un usage antérieur, suivant l'art. 114(2) CBE 1973, sans procéder à d'autres vérifications.
Dans l'affaire T 380/00, le requérant (opposant) a pour la première fois invoqué, avec son mémoire exposant les motifs de son recours, les renseignements relatifs aux caractéristiques techniques de l'invention communiqués, à titre non confidentiel, par un ingénieur au cours d'un entretien d'embauche. La chambre a estimé que l'usage antérieur public invoqué par l'ingénieur n'était pas suffisamment établi pour justifier de nouvelles recherches sur le sujet.
A propos de documents fournis au cours de la procédure de recours et relatifs à l'usage antérieur, la chambre, dans la décision T 508/00 a jugé que les mauvaises communications à l'intérieur d'une entreprise, ou d'un groupe d'entreprises filiales ne constituent pas une raison suffisante et acceptable pour admettre la production tardive des preuves concernant un usage antérieur présumé (cf. également T 443/09).
Dans l'affaire T 1914/08, l'intimé n'avait produit les documents annoncés que plus de deux ans plus tard, soit peu avant la date fixée pour la procédure orale, ce qu'il avait justifié en faisant valoir les difficultés économiques auxquelles il avait dû faire face entre-temps. La chambre, exerçant son pouvoir d'appréciation en la matière, a estimé que le fait de produire tardivement des documents annoncés antérieurement, et donc disponibles, sans invoquer de motif propre à la procédure en cours, n'était pas compatible avec un déroulement régulier de la procédure. Les documents produits tardivement n'ont donc pas été admis dans la procédure.
Dans l'affaire T 884/14, la chambre a retenu qu'un produit qui n'est plus fabriqué depuis longtemps dans la propre usine de l'opposant ne peut plus, en tout état de cause, être introduit dans la procédure de recours en tant qu'usage antérieur public prétendu si, dès le début, l'opposant s'est abstenu d'effectuer une recherche concernant ce produit, alors qu'il connaissait l'objet constitutif de l'utilisation antérieure et qu'il aurait dû procéder à une recherche en temps utile dans ses propres documents d'entreprise. Pour ces raisons, il ne saurait se prévaloir, comme il l'a supposé à tort, d'une incapacité d'apporter les preuves nécessaires.
Dans l'affaire T 1835/11, le requérant avait présenté, dans le mémoire exposant les motifs du recours, de nouveaux éléments de l'état de la technique sous la forme d'un prétendu usage antérieur public, sans indiquer les raisons pour lesquelles ils n'avaient pas été produits à un stade plus précoce. Étant donné que les revendications n'avaient pas été modifiées sur le fond et que le prétendu usage antérieur concernait la vente par le requérant de ses propres produits, la chambre a conclu que ce dernier aurait dû être en mesure de présenter ces nouveaux éléments au cours de la procédure devant la division d'opposition.
Dans l'affaire T 450/13, la chambre a estimé que le fait de ne pas apporter la preuve d'un usage antérieur public lors de la procédure d'opposition, mais de tenter de le faire dans le mémoire exposant les motifs du recours peut amener la chambre à ne pas admettre, au titre de l'art. 12(4) RPCR 2007, les moyens ainsi invoqués.
Dans les affaires T 444/09, T 12/11, T 1295/12 et T 2361/15, il a également été décidé de ne pas tenir compte des prétendus usages antérieurs publics qui n'avaient été présentés qu'au stade de la procédure de recours.