4.4.1 Généralités
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Il peut se révéler nécessaire de reformuler le problème technique qui se pose et notamment de le reformuler en termes moins ambitieux, lorsqu'il a été prouvé expérimentalement que la combinaison de caractéristiques indiquée dans la revendication ne permet pas de résoudre ce problème dans l'ensemble du domaine défini dans la revendication (voir T 20/81, JO 1982, 217 ; T 39/93, JO 1997, 134). Voir aussi T 2001/12.
D'après la jurisprudence constante des chambres de recours, quand la description identifie un problème spécifique, le demandeur ou le titulaire du brevet peut être autorisé à en fournir une version modifiée, notamment si la question de l'activité inventive doit être appréciée objectivement par rapport à un nouvel état de la technique plus proche de l'invention que celui qui avait été cité dans la demande de brevet initiale ou dans le fascicule du brevet délivré (T 184/82, JO 1984, 261 ; T 386/89). Dans l'approche problème-solution, lorsque le problème technique formulé initialement dans la demande telle que déposée doit être modifié pour prendre en compte l'état de la technique le plus proche, le problème objectif plus restreint est défini par les caractéristiques sous-jacentes subsistant dans les revendications (T 39/93, JO 1997, 134). Néanmoins, la reformulation du problème n'est autorisée que si le nouveau problème peut être déduit de la demande telle que déposée (T 13/84, JO 1986, 253), donc s'il s'inscrit dans les limites de la description initiale (T 162/86, JO 1988, 452). En principe, tout effet produit par l'invention peut être utilisé comme base pour reformuler le problème technique, dès lors que ledit effet peut être déduit de la demande telle qu'elle a été déposée (T 386/89, voir Directives G‑VII, 5.2 – version de novembre 2018). La reformulation du problème peut aussi être de mise si l'effet attribué à une caractéristique décrite peut être déduit de la demande par l'homme du métier à la lumière de l'état de la technique, ou si de nouveaux effets présentés ultérieurement par le demandeur au cours de la procédure sont implicitement contenus dans le problème tel que formulé initialement ou ont un rapport avec celui-ci. Il n'est pas autorisé de modifier la nature de l'invention en rapport avec de nouveaux effets (T 344/89, T 2233/08).
Lorsqu'il s'agit d'apprécier l'effet de l'invention, la chambre a, dans la décision T 184/82 (JO 1984, 261), autorisé la reformulation du problème dans la mesure où l'homme du métier "pouvait discerner que l'effet était implicitement contenu dans le problème, tel que formulé initialement, ou avait un rapport avec celui-ci". Une reformulation du problème, adaptée à la poursuite d'un but moins ambitieux, peut donc être admise (voir aussi T 106/91, T 339/96, T 767/02). Il est précisé en outre dans la décision T 13/84 (JO 1986, 253) que l'art. 123(2) CBE 1973 n'interdit pas la reformulation du problème, à condition que l'homme du métier ait pu déduire le problème ainsi reformulé de la demande telle que déposée, en l'examinant à la lumière de l'état de la technique le plus proche (T 469/90, T 530/90, T 547/90, T 375/93, T 687/94, T 845/02). Dans l'affaire T 818/93, la chambre a déclaré qu'il suffisait que le problème reformulé découle ultérieurement de la comparaison de la demande avec l'état de la technique le plus proche. Vu qu'il est autorisé d'introduire dans les revendications, ainsi que dans la description, des caractéristiques tirées des dessins (afin que les revendications se fondent sur la description) (voir T 169/83, JO 1985, 193), l'on peut également faire appel aux effets et avantages liés à ces caractéristiques pour reformuler le problème, dans la mesure où celui-ci ressort clairement de la comparaison évoquée ci-dessus. Dans l'affaire T 162/86 (JO 1988, 452) la chambre a ajouté qu'il ne devait pas être interdit, au stade de la procédure de recours, de préciser le problème initialement posé, à condition de rester dans les limites de l'exposé initial.
Selon la décision T 39/93 (JO 1997, 134), il peut être nécessaire de reformuler le problème technique qui avait été énoncé initialement dans la demande ou le brevet en litige (le problème technique "subjectif"), de manière à tenir compte d'éléments objectivement plus pertinents, qui n'avaient pas été pris en considération à l'origine par le demandeur ou le titulaire du brevet. Cette reformulation conduit à définir le problème technique "objectif", lequel représente ce qui subsiste en dernière analyse (effet obtenu), c'est-à-dire la contribution objective qu'apportent par rapport à l'état de la technique les éléments définis dans la revendication pertinente (les caractéristiques).
Conformément à cette jurisprudence, la chambre de recours a confirmé, dans la décision T 1397/08, que selon l'approche problème-solution appliquée pour l'appréciation de l'activité inventive dans le domaine de la chimie le problème technique peut être reformulé, et, dans certaines circonstances doit même l'être, puisque pour la détermination objective du problème, seul compte le résultat effectivement atteint par rapport à l'état de la technique le plus proche. Rien n'empêche, même au stade du recours, de modifier ce problème initialement posé, sauf à respecter l'esprit de l'exposé originaire de l'invention. Voir aussi T 2371/13, T 659/15.
Dans l'affaire T 716/07, s'agissant de la reformulation du problème, la chambre a examiné si les exemples du document de l'état de la technique le plus proche et ceux du brevet litigieux étaient comparables de sorte qu'il puisse être démontré de manière convaincante que l'effet allégué était dû à la caractéristique distinctive de l'invention (T 197/86, JO 1989, 371, T 1835/07). La chambre s'est ensuite attachée à déterminer s'il était probable que cet effet soit obtenu sur toute la plage des revendications du brevet litigieux (voir T 1188/00), et enfin si l'effet était lié au problème à résoudre divulgué dans la demande correspondante telle qu'elle avait été déposée. En l'espèce, la comparaison entre les exemples de l'état de la technique et ceux du brevet a montré un effet inattendu.
Dans l'affaire T 143/13, la chambre a rappelé que, conformément à l'approche problème-solution, c'est le problème décrit dans la demande de brevet qui est normalement utilisé comme point de départ pour apprécier l'activité inventive. Dans la décision attaquée, l'étape consistant à déterminer si le problème défini dans la demande était résolu, avait été omise. Toutefois, le problème avait été reformulé dans des termes qui n'avaient pas été proposés par le requérant (demandeur). Le motif avancé pour justifier la reformulation du problème était que le problème défini à l'origine était artificiel. Or, la chambre ne voyait pas en quoi cela était le cas. Elle a donc estimé que la reformulation du problème dans la décision attaquée n'était pas appropriée.
Dans l'affaire T 564/89, le requérant avait allégué que les modifications apportées au problème technique ne devaient pas aller à l'encontre des dispositions de l'art. 123(2) CBE 1973. La chambre a déclaré que cet article n'avait rien à voir avec la question de savoir si le problème technique peut être reformulé dans le cadre de l'approche problème-solution. L'art. 123(2) CBE 1973 ne pourrait jouer que s'il était introduit dans la description un problème technique modifié (T 276/06).
Dans l'affaire T 732/89, l'intimé, tout en reconnaissant que la performance dans des conditions de chaleur et d'humidité élevées des composites revendiqués était meilleure que celle de la composition de référence, avait allégué qu'elle constituait un effet entièrement nouveau qui ne pouvait être introduit dans le problème technique sans contrevenir aux dispositions de l'art. 123(2) CBE 1973. La chambre n'a pas suivi cette argumentation et s'est référée à la décision T 184/82 (JO 1984, 261), qui a autorisé la redéfinition d'un problème portant sur l'effet d'une invention à condition que l'homme du métier ait été en mesure de discerner que cet effet était implicitement contenu dans le problème tel que formulé initialement, ou avait un rapport avec celui-ci. Dans l'affaire en question, la chambre avait tenu compte, pour la formulation du problème technique, de l'effet dont l'existence avait été démontrée, et déclaré que lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont les effets cruciaux et ceux qui sont simplement accidentels (effets "obtenus en prime"), il convient d'adopter une approche réaliste, en tenant compte dans chaque cas donné de l'importance relative de ces effets sur le plan technique et pratique (voir aussi T 227/89).