3.8.1 Généralités
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Le demandeur est lié par toute déclaration de retrait valablement effectuée et parvenue à l'OEB, même si, en cas de retrait effectué par erreur, il convient d'appliquer la règle 139 CBE (règle 88 CBE 1973) (voir J 10/87, JO 1989, 323 ; J 4/97 ; voir aussi T 1673/07 ; J 6/13 ; J 11/16). Un retrait ne peut toutefois être annulé dès lors que le public en a été officiellement informé (J 1/11, J 2/15). Une publication au Registre européen des brevets produit les mêmes effets sur le plan juridique qu'une publication au Bulletin européen des brevets, à moins qu'il n'en soit disposé autrement (J 1/11, J 2/15).
Il conviendrait de ne faire droit, sans demander d'autres précisions, à une requête en retrait d'une demande de brevet européen que si la déclaration de retrait ne comporte aucune réserve et est formulée sans équivoque (cf. J 11/87, JO 1988, 367 ; J 27/94, JO 1995, 831 ; J 19/03 ; voir aussi J 11/80, JO 1981, 141 ; T 60/00 ; J 38/03 ; T 1673/07). Dans la décision J 11/87 (JO 1988, 367), la chambre juridique a ajouté que lorsqu'un doute quelconque est possible quant à l'intention réelle de l'auteur de la déclaration, elle a toujours considéré qu'une telle déclaration ne devait être interprétée comme une déclaration de retrait que si les faits postérieurs confirmaient que telle avait été la véritable intention du titulaire du brevet.
Dans l'affaire J 15/86 (JO 1988, 417), la chambre juridique a indiqué qu'on établit habituellement une distinction entre l'abandon passif d'une demande de brevet européen et son retrait, qui procède d'une démarche active. Chaque cas d'espèce dans lequel il y a litige quant aux intentions du demandeur doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres. Une déclaration écrite contenue dans un document émanant du demandeur ou de son mandataire doit être interprétée dans le contexte du document considéré dans son ensemble et en fonction des circonstances. De même, dans l'affaire J 7/87 (JO 1988, 422), la chambre a considéré que les termes employés doivent s'interpréter en fonction des circonstances, lesquelles doivent permettre d'établir que le demandeur souhaite réellement un retrait inconditionnel et immédiat et non pas un abandon passif qui, au fil du temps, conduirait à considérer que la demande est réputée retirée. Pour qu'un retrait soit véritablement effectué, il importe peu que le demandeur ait employé ou non le terme "retrait".
Dans l'affaire J 6/86 (JO 1988, 124), la chambre juridique a interprété la déclaration selon laquelle "le demandeur souhaite abandonner la demande" comme constituant un retrait sans équivoque d'une demande de brevet européen, étant donné que dans les circonstances qui avaient présidé à cette déclaration, il était impossible de trouver le moindre élément qui pût inciter à nuancer cette interprétation. Il est trop tard pour demander la révocation d'une déclaration de retrait d'une demande de brevet, une fois que le public a été informé de ce retrait dans le Bulletin européen des brevets (voir J 15/86, JO 1988, 417).
Dans l'affaire J 4/97, les demandeurs ont informé l'OEB trois jours après le retrait que leur requête avait été présentée par erreur et devait être annulée. L'OEB a indiqué aux demandeurs que le retrait avait pris effet et s'imposait à eux, et l'annonce de ce retrait a été publiée ultérieurement dans le Bulletin européen des brevets. Cependant, la chambre juridique a estimé que le retrait de la demande pouvait être corrigé sur le fondement de la règle 88 CBE 1973. Le raisonnement juridique développé dans la décision J 10/87 en ce qui concerne l'annulation du retrait de la désignation d'un État contractant s'applique de la même manière au retrait de toute une demande de brevet. Il convient notamment de s'assurer que le retrait était dû à une erreur excusable, que la requête en révocation du retrait a été formulée immédiatement après la constatation de l'erreur, et que l'annulation du retrait n'a pas lésé les intérêts du public ou des tiers. Dans les circonstances de l'espèce, la chambre juridique a considéré que le seul fait que le retrait ait été annulé trois jours après avoir été effectué constituait déjà un solide indice qu'il avait été effectué par erreur. Le requérant avait en effet confondu les deux numéros de référence similaires qu'il avait assignés à ses demandes de brevet. De l'avis de la chambre juridique, on pouvait admettre que cette erreur était excusable. L'intérêt du public n'a pas été lésé, vu que le retrait a été annulé avant l'inscription de la mention correspondante au Registre européen des brevets et plus de six semaines avant que le retrait ne soit officiellement communiqué au public dans le Bulletin européen des brevets. Ainsi, à la date à laquelle le public a été informé du retrait, la partie du dossier ouverte à l'inspection publique indiquait clairement qu'une requête en annulation du retrait avait était présentée ; les tiers qui s'étaient fiés aux informations publiées par l'OEB avaient donc été avertis. De plus, les intérêts des tiers pouvaient être protégés dans le cadre de l'application par analogie de l'art. 122(6) CBE 1973 par une juridiction nationale.
Dans l'affaire J 4/03, la chambre de recours juridique a constaté que la requête en annulation du retrait de la demande avait été présentée après la publication de la mention du retrait dans le Bulletin européen des brevets, l'un des supports de publication officiels de l'OEB. Par conséquent, le public avait déjà été informé que la demande n'existait plus, et la principale condition préalable d'une correction n'était donc pas remplie. Voir aussi J 7/06.
Dans l'affaire J 14/04, la chambre juridique a rejeté la requête en correction du retrait de la demande. Elle a adhéré aux conclusions de la décision J 10/87, selon lesquelles l'intérêt du public est de pouvoir se fier aux informations officielles publiées par l'OEB (voir aussi J 37/03, J 38/03). Cependant, la chambre juridique a estimé que le Registre européen des brevets est une publication officielle et que dans la mesure où, lors de la présentation de la requête en retrait, le public pouvait accéder librement au Registre sur Internet, il avait donc connaissance de cette requête à la date à laquelle le Registre indiquait que la requête en retrait avait été enregistrée. À cet égard, peu importait que le dossier ait été effectivement consulté à la date en question. La chambre juridique n'a pas non plus estimé que l'art. 122(6) CBE 1973 était applicable par analogie aux cas de correction prévus à la règle 88 CBE 1973.
Dans l'affaire J 25/03 (JO 2006, 395), la chambre juridique a constaté, qu'une entrée dans le Registre européen des brevets revenait elle aussi à mettre l'information à la disposition du public à compter de la date de sa publication dans ledit Registre, au même titre que la publication au Bulletin européen des brevets. La chambre juridique a rejeté la requête en rectification du retrait de la demande de brevet et a ajouté que le fait qu'il se soit écoulé seulement quatre jours entre la mention du retrait dans le Registre et la mention de la requête en révocation du retrait ne revêt aucune importance pour la sécurité juridique. Tolérer un retard supplémentaire dans la révocation d'un retrait reviendrait à compromettre de façon inacceptable la sécurité juridique dans des circonstances où, même à l'issue d'une éventuelle inspection du dossier complet, les tiers n'auraient eu aucune raison de soupçonner, au moment où le retrait fut officiellement porté à la connaissance du public, que le retrait était susceptible d'être erroné et d'être révoqué par la suite.
Dans l'affaire J 6/13, la chambre juridique a indiqué qu'un demandeur est lié par les actes de procédure qu'il a notifiés à l'OEB, pour autant que la déclaration aux fins de la procédure soit dépourvue d'ambiguïtés et inconditionnelle (J 19/03). La chambre juridique a considéré qu'un retrait ne pouvait être révoqué si les tiers n'avaient aucune raison de penser que le retrait était erroné. Elle s'est référée à la décision J 12/03, qui citait et approuvait la décision J 25/03 (JO 2006, 395), dans laquelle la chambre juridique avait affirmé qu'"une requête en révocation d'une lettre annonçant le retrait d'une demande de brevet n'est plus possible une fois que le retrait a été mentionné au Registre européen des brevets si, compte tenu des circonstances de l'espèce, même à l'issue d'une éventuelle inspection du dossier complet, les tiers n'auraient eu aucune raison de soupçonner, au moment où le retrait fut officiellement porté à la con naissance du public, que le retrait était susceptible d'être erroné et d'être révoqué par la suite". La chambre juridique a fait observer que pour la sécurité juridique des tiers, et compte tenu du caractère public du registre, la révocation d'un retrait ne peut être autorisée que si un tiers a eu de bonnes raisons de soupçonner, lors de l'inspection publique, que le retrait a été commis par erreur. La chambre juridique devait déterminer si de telles raisons existaient en l'espèce. Elle a estimé, sur la base des décisions J 12/03 et J 18/10, que les perspectives concernant la demande, qui étaient certes prometteuses, ne permettaient pas de déduire une contradiction manifeste, ou même éventuelle, avec un retrait ultérieur. Une demande de brevet peut être retirée pour des motifs de stratégie commerciale, de préférence d'investisseur, d'évolution du portefeuille, d'accord avec des concurrents, etc. Du fait de considérations financières, la plupart des brevets européens délivrés ne sont validés que dans un nombre limité de pays. Ces considérations peuvent entrer en ligne de compte à tout moment, même après le paiement récent de taxes annuelles, ou après la notification d'un rapport de recherche positif. En l'occurrence, les perspectives favorables concernant la demande n'inciteraient donc pas un tiers à conclure que le retrait résultait peut-être d'une erreur. Le mandataire qui a instruit l'affaire n'est pas non plus parvenu à cette conclusion.