T 2455/18 × View decision
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Conformément à la jurisprudence constante, il ressort clairement du libellé de l'art. 12(4) RPCR 2007 que dans une procédure inter partes, la chambre peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, décider de ne pas admettre des requêtes qui auraient pu être présentées par le titulaire du brevet au cours de la procédure de première instance, mais qui ne l'ont pas été. La question de savoir si la requête en cause aurait pu être présentée au cours de la procédure de première instance est liée à celle de savoir si on aurait pu attendre de la partie concernée qu'elle présente sa requête en première instance, au vu des circonstances spécifiques de l'affaire (T 1538/10).
Dans l'affaire T 240/04, la chambre n'a pas admis la requête subsidiaire 3 dans la procédure. Selon elle, le requérant aurait pu présenter la requête subsidiaire à la division d'opposition. Cela lui avait même été proposé, car la revendication indépendante modifiée visait un problème qui n'était apparenté que de loin au problème technique d'origine et introduisait des données techniques non encore abordées. Le requérant aurait donc dû s'attendre à ce que la chambre ne soit pas en mesure de trancher cette affaire. Dans une telle situation, considérer la nouvelle requête comme recevable reviendrait dans la pratique à offrir à un titulaire de brevet la possibilité d'imposer à sa guise un renvoi à la première instance. Ceci léserait l'opposant et ne respecterait pas le principe d'économie de la procédure.
Dans T 339/06, le brevet délivré comportait plusieurs revendications indépendantes de la même catégorie. La chambre a constaté qu'elle serait contrainte par la nouvelle requête, le cas échéant, de statuer exclusivement et pour la première fois en procédure de recours, sur un objet contenu dans les revendications qui pourrait se rapporter à une forme d'exécution de l'invention radicalement différente des modes de réalisation à la base de la décision de la division d'opposition. Il convenait donc, en particulier, de juger de la recevabilité d'une requête produite pour la première fois en procédure de recours, se rapportant exclusivement à une revendication indépendante s'inscrivant, certes, dans le cadre de l'opposition mais qui n'avait pas été prise en considération dans la décision de première instance, en se demandant si cette requête aurait tout aussi bien pu être présentée plus tôt (cf. également l'affaire similaire T 38/13).
Dans l'affaire T 1705/07, le requérant a présenté pour la première fois lors de la procédure de recours des requêtes qui ne contenaient plus les revendications de procédé sur lesquelles se fondait la décision attaquée, mais dans lesquelles ne figuraient plus que des revendications d'une autre catégorie, à savoir des revendications de produit et d'utilisation. La chambre a constaté que les requêtes subsidiaires présentées pour la première fois pendant la procédure de recours portaient sur un objet fondamentalement différent. Leur admission dans la procédure de recours entraînerait une modification fondamentale de la matière litigieuse, aussi bien sur le fond que sur le plan juridique, de sorte que l'affaire devrait normalement être renvoyée à la première instance. Cela aurait pour effet de rallonger la durée de la procédure et de laisser les parties et le public dans l'incertitude quant à la validité du brevet attaqué, ce qui n'est pas compatible avec le principe d'économie de la procédure. Une discussion et une décision relatives à ces revendications dans la procédure de recours donneraient au requérant la possibilité de remédier à cette omission dont il était lui-même responsable, ce qui le favoriserait. Or, selon l'adage "nemo auditur propriam turpitudinem allegans", une partie, en l'occurrence le requérant, ne doit pas tirer avantage d'une erreur qu'elle a commise elle-même, puisque cela ne serait pas équitable vis-à-vis de la partie adverse.
Dans l'affaire T 1125/10, le requérant n'a pas réagi aux documents manifestement pertinents qui avaient été produits peu avant la procédure orale devant la division d'opposition, à laquelle il n'a pas assisté. C'était le requérant, qui, par sa passivité totale au vu de nouveaux documents manifestement pertinents, était responsable du fait que la division d'opposition n'avait pas pu rendre une décision motivée sur l'objet des revendications modifiées en réponse à ces documents et, par conséquent, la chambre de recours était dans la situation où elle devrait donner un avis en premier et aussi dernier ressort, ou renvoyer le cas à la première instance, et cela alors même que le requérant de nouveau n'assistait pas à la procédure. La chambre a donc décidé que les nouvelles requêtes du requérant n'étaient pas admises dans la procédure (cf. T 1067/08).
Dans l'affaire T 379/09, le titulaire du brevet n'avait présenté la nouvelle requête en réponse à l'objection soulevée par la division d'opposition qu'un mois avant la procédure orale devant la chambre de recours alors que la teneur de cette objection figurait déjà dans la citation à une procédure orale émise par la division d'opposition. En outre, le fait d'admettre cette requête aurait rallongé la procédure de manière considérable.
Dans l'affaire T 936/09, la chambre a déclaré que la CBE ne contenait aucune disposition juridique obligeant le titulaire d'un brevet à participer activement à la procédure d'opposition. Toutefois, le titulaire du brevet n'est pas libre de présenter ou de compléter ses arguments à n'importe quel moment de la procédure d'opposition ou de la procédure de recours faisant suite à une opposition, en fonction, par exemple, de sa stratégie procédurale ou de sa situation financière. Si le titulaire du brevet décide de s'abstenir de répondre à l'opposition sur le fond (par exemple en produisant des arguments ou des revendications modifiées) ou de ne pas compléter ses moyens au stade de la procédure de première instance et qu'il ne présente ou ne complète son argumentation que dans l'acte de recours ou le mémoire exposant les motifs du recours, il doit s'attendre à ce que la chambre lui demande de répondre de cette conduite, par exemple lorsqu'elle est amenée à exercer le pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 12(4) RPCR 2007. Cela s'applique tout particulièrement dans les cas où, comme dans la présente espèce, le titulaire du brevet a eu connaissance de l'ensemble des motifs de révocation du brevet attaqué avant de recevoir la décision contestée.
Dans l'affaire T 1335/14, la chambre a constaté que le cas présent était comparable à l'affaire T 936/09 en ce que, même si ici la titulaire n'a pas affirmé qu'elle n'allait pas répondre au mémoire d'opposition, l'absence d'action pour une longue période de temps, même en présence de notifications de l'OEB, ne pouvait qu'être perçu, objectivement, de la même manière.
Dans l'affaire T 1400/11 également, le requérant (titulaire du brevet) n'a pas réagi à l'opposition formée contre son brevet, et ce alors qu'il avait connaissance de tous les motifs de révocation du brevet attaqué. Le requérant avait donc réellement contourné la procédure d'opposition en défendant son brevet uniquement pendant la procédure de recours. Il avait tenté de cette manière de transférer entièrement son affaire à l'instance du deuxième degré, contraignant ainsi la chambre soit à rendre une première décision, soit à renvoyer l'affaire à la division d'opposition. Un tel transfert de l'affaire désavantagerait également l'intimé d'une manière injustifiée, car si la requête principale du requérant était admise et tranchée par la chambre, l'intimé serait bel et bien privé de la possibilité de faire examiner l'affaire par deux instances. Le recours a été rejeté, le requérant n'ayant pas déposé de requête recevable sur laquelle la procédure de recours puisse être fondée.
Dans l'affaire T 23/10, la chambre a déclaré que le titulaire d'un brevet qui refuse de déposer des requêtes relatives à des revendications pendant la procédure d'opposition ne saurait obtenir l'admission de ces requêtes pendant la procédure de recours, car, dans le cas contraire, cela lui donnerait la possibilité de pénaliser les parties adverses en adoptant, pendant la procédure de recours, un comportement en contradiction avec son attitude devant la division d'opposition (confirmé dans R 13/11).
Suivant la décision T 23/10, la chambre a estimé dans l'affaire T 1165/10 qu'étant donné que les titulaires de brevet, qui avaient connaissance de l'avis de la division et des objections soulevées par les opposants, auraient pu présenter de nouvelles requêtes au cours de la procédure en première instance et ont délibérément renoncé à le faire, l'introduction de nouvelles requêtes au stade du recours ne saurait être interprétée que comme une tentative de relancer l'opposition, ce qui constitue clairement un abus de procédure.
Dans l'affaire T 872/09, aucune des requêtes subsidiaires déposées par le titulaire du brevet n'a été admise dans la procédure, étant donné que, pendant la procédure d'opposition en première instance, celui-ci avait délibérément choisi de ne défendre aucune requête subsidiaire, alors qu'il savait que sa requête principale n'était pas considérée comme admissible par la division d'opposition.
Dans l'affaire T 301/11, la chambre a déclaré que le fait que le requérant n'avait pas présenté de requête subsidiaire pendant la procédure d'opposition, alors qu'il avait demandé et obtenu un laps de temps supplémentaire à cette fin, ne pouvait être interprété que comme un choix délibéré de ne soumettre à la décision de la division d'opposition aucune autre requête portant sur d'autres questions (cf. également T 144/09). En agissant ainsi, le requérant avait intentionnellement empêché la division d'opposition de statuer sur les autres motifs d'opposition.
Dans l'affaire T 2154/13, la chambre a considéré que la non-comparution à une procédure orale devant la division d'opposition ne justifiait pas en soi la soumission de nouvelles requêtes dans la procédure de recours en réaction (présumée) au déroulement de la procédure orale à laquelle la partie à l'origine des nouvelles requêtes n'avait délibérément pas participé.
- T 2455/18