1.5. Plages de paramètres – définition des limites supérieure et inférieure
1.5.2 Création d'une plage à l'aide d'une valeur isolée provenant d'un exemple
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Dans l'affaire T 201/83 (JO 1984, 481), la chambre est parvenue à la conclusion que la modification de la plage de valeurs de concentration, dans une revendication portant sur un mélange tel qu'un alliage, était recevable sur la base d'une valeur décrite dans un exemple spécifique, à condition que l'homme du métier puisse identifier aisément cette valeur comme n'étant pas associée aux autres caractéristiques de l'exemple de façon suffisamment étroite pour déterminer l'effet de ce mode de réalisation conforme à l'invention, dans son ensemble, d'une manière singulière et à un degré notable. Dans l'affaire examinée, la nouvelle limite pouvait être déduite des documents initiaux.
Dans l'affaire T 876/06, la chambre a appliqué le principe établi dans la décision T 201/83 et a conclu que l'homme du métier aurait pu reconnaître dans la demande telle que déposée que le ratio pondéral entre le caoutchouc liquide et le caoutchouc solide n'était pas associé aux autres caractéristiques des exemples de façon suffisamment étroite pour déterminer l'effet de l'invention dans son ensemble, d'une manière singulière et à un degré notable. La valeur particulière utilisée dans plusieurs exemples pouvait dès lors servir à limiter la plage de valeurs du ratio pondéral entre le caoutchouc liquide et le caoutchouc solide. La limitation de la revendication ne représentait ni plus ni moins qu'une réduction quantitative d'une plage de valeurs à une valeur déjà envisagée dans le document, et non une restriction arbitraire apportant une contribution technique à l'objet de l'invention revendiquée. De plus, la chambre a également estimé que c'était à tort que l'intimé (opposant) soutenait que la modification n'a été jugée admissible dans l'affaire T 201/83 que parce qu'elle représentait la plus petite valeur divulguée eu égard à l'invention qui était alors revendiquée. En effet, ce critère n'entrait absolument pas en ligne de compte. Il était dès lors satisfait aux exigences de l'art. 123(2) CBE 1973.
Dans la décision T 612/09, la chambre a estimé qu'en ce qui concerne l'affaire sous-jacente à la décision T 201/83, le fait que la valeur était divulguée dans un exemple, était pertinent dans la mesure où la chambre avait dû tout d'abord établir que la valeur divulguée dans le cadre d'un exemple pouvait être prise en considération indépendamment des autres caractéristiques divulguées dans l'exemple en question. Cependant, dans l'affaire T 612/09, la chambre n'a pu déduire de la décision T 201/83 l'exigence selon laquelle la valeur devant servir de fondement à une plage limitée devait nécessairement être divulguée dans un exemple. En revanche, la valeur devait, comme indiqué dans la décision T 201/83, pouvoir être identifiée par l'homme du métier en tant que particularité située à l'intérieur ou à l'extrémité d'une plage de valeurs possibles et susceptible de définir un point limite d'une plage réduite particulière.
Dans l'affaire T 517/07, la nouvelle limite maximale introduite dans les pièces initiales de la demande était divulguée uniquement comme valeur de mesure isolée dans l'exemple 1. La chambre a estimé que le fait de tirer d'un mode de réalisation particulier une valeur isolée et de l'utiliser comme nouvelle limite maximale dans la revendication 1 revenait à créer une nouvelle plage de valeurs, désormais plafonnée, qui n'était pas divulguée dans les pièces initiales.
Dans l'affaire T 1188/10, la plage générale la plus étendue qui se rapportait à la concentration de LAE (lauramide du chlorhydrate d'arginine) dans des produits alimentaires, et qui était divulguée dans la demande telle que déposée, allait de 0,0001 % à 1 %. La nouvelle plage, allant de 0,006 % à 0,015 %, a été créée en prenant, en tant que points limites, les valeurs individuelles des exemples 2 et 4 relatifs à l'utilisation de LAE comme agent conservateur dans deux produits alimentaires spécifiques différents, à différentes températures de développement. Pour évaluer si cette nouvelle plage était conforme à l'art. 123(2) CBE, il fallait établir si un homme du métier, par analogie avec la décision T 201/83, généraliserait ces valeurs en ce sens qu'il considérerait qu'elles ne sont pas uniquement associées aux produits alimentaires et températures spécifiques qui étaient utilisés dans les exemples. Comme cela était le cas dans la présente espèce, la plage revendiquée était conforme à l'art. 123(2) CBE.
Dans l'affaire T 184/05, la chambre a jugé que la concentration d'une impureté présentée par un produit obtenu dans des conditions opératoires particulières ne peut être considérée indépendamment des exemples, sauf s'il a été démontré que cette concentration n'est pas étroitement liée, par le biais du procédé appliqué, aux valeurs maximales spécifiques (non divulguées) de toutes les autres impuretés comprises dans le produit.
Dans l'affaire T 570/05, la modification proposée était que "la couche de revêtement avait une épaisseur de 220 à 500 nm". Seuls trois exemples de la demande telle que déposée initialement fondaient expressément la valeur minimale de 220 nm de la plage de valeur revendiquée : dans aucune des pièces telles que déposées, cette valeur ne constituait une valeur minimale (ou même maximale) d'une plage de valeur de l'épaisseur. Rappelant la jurisprudence pertinente, à savoir les décisions T 201/83, T 1067/97 et T 714/00 (voir aussi le chapitre II.E.1.9. "Généralisation intermédiaire"), concernant l'extraction d'une caractéristique isolée, la chambre a examiné s'il existait un lien fonctionnel ou structurel entre l'épaisseur de la couche de revêtement, en particulier sa valeur minimale, et les autres caractéristiques de la revendication. Elle a conclu que la condition d'absence de tout lien fonctionnel ou structurel manifeste n'était pas remplie en l'espèce et que la modification ne pouvait donc être admise.
Dans l'affaire T 931/00, la chambre a déclaré que, bien que les chiffres dans des exemples puissent, dans certaines conditions, servir à délimiter un domaine déjà spécifié dans la demande initiale, ils ne peuvent pas être utilisés pour définir une relation entièrement nouvelle entre des paramètres qui n'ont jamais été associés auparavant. Une telle association nouvelle et arbitraire de paramètres existants introduit un objet nouveau, ce qui est contraire aux exigences des art. 123(2) et 100 c) CBE 1973.
Dans l'affaire T 1146/01, la chambre devait répondre à la question de savoir si une seule mesure d'une caractéristique ou propriété choisie d'un échantillon divulgué seulement dans un seul exemple pouvait être pertinente pour apprécier le caractère général de l'objet revendiqué, indépendamment des autres paramètres inhérents à ce même échantillon. Les circonstances de cette espèce étaient différentes de celles de l'affaire T 201/83. Dans la décision T 201/83, la chambre avait admis une modification se fondant sur une valeur particulière décrite dans un exemple spécifique, à condition que l'homme du métier puisse identifier aisément cette valeur comme n'étant pas associée aux autres caractéristiques de l'exemple de façon suffisamment étroite pour déterminer l'effet de ce mode de réalisation conforme à l'invention, dans son ensemble, d'une manière singulière et à un degré notable. La chambre a estimé dans la décision T 1146/01 que, si une nouvelle plage de valeurs était formulée à partir de valeurs tirées d'exemples choisis et non liés directement les uns aux autres, le lecteur se trouvait confronté à de nouvelles informations non déductibles directement du texte de la demande telle que déposée initialement.
Dans l'affaire T 1004/01, la question s'est posée, devant la chambre, de savoir s'il existait ou non un fondement, dans la demande telle que déposée, permettant de considérer qu'une résistance au décollement d'"au moins 24 grammes" définissait le stratifié revendiqué. Dans la demande telle que déposée, la résistance au décollement du stratifié était définie comme une caractéristique essentielle de l'invention, et ce au moyen d'une plage de valeurs non délimitée. Ni la description générale, ni les revendications ne mentionnaient une quelconque plage privilégiée pour la résistance au décollement. Selon la chambre, les stratifiés donnés en exemple et la résistance au décollement qu'ils présentaient n'étaient divulgués que dans un contexte technique concret, aucune préférence n'étant accordée à une résistance au décollement d'au moins 24 grammes. La description n'indiquait pas non plus une telle préférence qui pût justifier la limite inférieure. Toutefois, puisqu'une résistance au décollement de 24 grammes était divulguée, la question se posait de savoir dans quelles conditions une telle caractéristique figurant dans un exemple pouvait former la base de la nouvelle plage de valeurs, telle que revendiquée. La résistance au décollement de 24 grammes ne pouvait être séparée des stratifiés donnés en exemple pour servir de base à une limite inférieure généralisée de la plage concernant la résistance au décollement revendiquée, sans tenir compte des autres caractéristiques spécifiques qui lui étaient associées.
Dans l'affaire T 526/92, le brevet avait pour objet un additif concentré ayant un TBN élevé d'au moins 235, destiné à être utilisé dans une huile lubrifiante. La demande telle que déposée ne contenait pas de référence explicite au TBN, mis à part les exemples où le TBN avait la plus petite valeur mentionnée. La caractéristique "ayant un TBN élevé d'au moins 235" a été introduite au cours de la procédure d'examen pour différencier l'objet revendiqué de compositions ayant de faibles valeurs de TBN allant jusqu'à 100, divulguées dans une antériorité. Les valeurs du TBN n'étaient pas initialement divulguées sous la forme d'une plage "large" mais de manière individuelle et ponctuelle ; par conséquent, c'était plutôt une nouvelle plage n'ayant pas été divulguée initialement qui était définie. Par ailleurs, la partie générique du fascicule initial n'indiquait nullement que le TBN jouait un rôle dans le cadre de la demande attaquée. Cela signifie qu'il n'existait pas non plus d'information, quelle qu'elle soit, sur une plage de TBN, que sa limite soit indéterminée ou non. La description ne contenait pas non plus la moindre information sur la contribution du TBN à la solution du problème technique devant être résolu. Par ailleurs, on ne pouvait déduire des valeurs individuelles du TBN divulguées dans les exemples qu'elles étaient représentatives d'une plage de TBN commençant à 235 et n'ayant pas de limite supérieure. La chambre a estimé que dans un cas où les valeurs d'un paramètre ne sont indiquées que dans les exemples, sans que la signification de ce paramètre résulte de façon évidente du fascicule initial, on ne doit pas créer arbitrairement une plage de valeurs dont une limite est indéterminée et dont l'autre est choisie parmi les exemples. Cette décision a été approuvée et citée dans l'affaire T 931/00 – renvoyant également à la décision T 201/83 (JO 1984, 481) – à propos de la création d'une nouvelle plage de paramètres en définissant sa limite supérieure par la sélection d'une seule valeur dans un exemple.
Dans l'affaire T 343/90, la caractéristique supplémentaire relative à "une viscosité allant de 430 à 1 300 dPa.s à 165°C" avait été ajoutée à la revendication. La chambre a fait observer que la plage de viscosité spécifique n'était citée expressément ni dans la description telle que déposée, ni dans le brevet contesté tel qu'il avait été délivré. Cependant, la limite inférieure et supérieure de la plage de viscosité était explicitement mentionnée dans les exemples de la demande telle que déposée. Les valeurs de viscosité extraites des exemples en tant que points limites de la plage de viscosité ne pouvaient pas être considérées uniquement dans le contexte de tous les autres paramètres qui y étaient donnés. La modification satisfaisait donc à l'art. 123(2) CBE.