G 3/19 × View decision
Taking into account developments after decisions G 2/12 and G 2/13 of the Enlarged Board of Appeal, the exception to patentability of essentially biological processes for the production of plants or animals in Article 53(b) EPC has a negative effect on the allowability of product claims and product-by-process claims directed to plants, plant material or animals, if the claimed product is exclusively obtained by means of an essentially biological process or if the claimed process features define an essentially biological process.
This negative effect does not apply to European patents granted before 1 July 2017 and European patent applications which were filed before that date and are still pending.
Dans son avis G 3/19 (JO 2020, A119), la Grande Chambre de recours a commencé par analyser la portée et l'objet de la saisine et a estimé que les deux questions sous-tendant cette saisine étaient liées et pouvaient être combinées pour faire l'objet de la question unique suivante : "Compte tenu des développements intervenus à la suite d'une décision de la Grande Chambre de recours qui donne une interprétation de l'étendue de l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux prévue à l'article 53b) CBE, cette exclusion peut-elle avoir un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit ou des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique ?" Considérant l'art. 53b) CBE de manière isolée, autrement dit sans se référer à la règle 28(2) CBE, la Grande Chambre a confirmé ses décisions antérieures sur l'affaire G 1/98 (JO 2000, 111), les affaires G 2/07 (JO 2012, 130) et G 1/08 (JO 2012, 206) et les affaires G 2/12 (JO 2016, 27) et G 2/13 (JO 2016, 28). Par ailleurs, la Grande Chambre de recours n'a trouvé aucun accord ultérieur ni aucune pratique ultérieurement suivie, au sens de l'art. 31(3)a) et b) de la Convention de Vienne, applicable à l'interprétation qu'elle avait retenue jusqu'alors. La Grande Chambre de recours a estimé que l'application des différentes méthodes d'interprétation prévues aux art. 31 et 32 de la Convention de Vienne, compte tenu également des développements ultérieurs dans les États contractants, ne permettait pas de conclure que l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" à l'art. 53b) CBE doit être interprétée, clairement et sans ambiguïté, comme couvrant également les produits définis ou obtenus par de tels procédés. Elle a dès lors entériné les conclusions auxquelles elle était parvenue à ce sujet dans sa décision G 2/12. Cela étant, la Grande Chambre a reconnu que l'art. 53b) CBE n'interdisait pas non plus une telle interprétation plus large de l'exclusion des procédés. Elle a en outre admis que l'introduction de la règle 28(2) CBE avait modifié de manière significative la situation de droit et de fait qui sous-tendait la décision G 2/12. Ce changement représentait un nouvel aspect apparu depuis la signature de la CBE qui pourrait donner à penser qu'une interprétation grammaticale, et restrictive, du libellé de l'art. 53b) CBE est en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur, tandis qu'une interprétation dynamique pourrait donner un résultat qui diverge du libellé des dispositions. La Grande Chambre de recours a estimé que l'exclusion des produits obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique n'était pas incompatible avec le libellé de l'art. 53b) CBE, qui n'excluait pas cette interprétation plus large de l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux". La Grande Chambre de recours a conclu qu'eu égard à l'intention législative manifeste des États contractants, tels que représentés au sein du Conseil d'administration, et compte tenu de l'art. 31(4) de la Convention de Vienne, l'introduction de la règle 28(2) CBE permettait et même appelait une interprétation dynamique de l'art. 53b) CBE. En conséquence, la Grande Chambre de recours a abandonné l'interprétation de l'art. 53b) CBE donnée dans la décision G 2/12 et, à la lumière de la règle 28(2) CBE, a estimé que l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux" à l'art. 53b) CBE doit être interprétée et appliquée comme couvrant également les produits obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique et les cas où les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique. En conclusion, la Grande Chambre de recours a répondu comme suit à la question dont elle avait été saisie : "Compte tenu des développements qui sont intervenus après les décisions G 2/12 (JO 2016, 27) et G 2/13 (JO 2016, 28) de la Grande Chambre de recours, l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux prévue à l'article 53b) CBE a un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit et des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique. Cet effet négatif ne s'applique pas aux brevets européens délivrés avant le 1er juillet 2017, ni aux demandes de brevet européen qui ont été déposées avant cette date et qui sont encore en instance."
Dans l'affaire T 1063/18, la chambre a conclu que la règle 28(2) CBE était contraire à l'art. 53b) CBE, tel qu'interprété par la Grande Chambre de recours dans ses décisions G 2/12 (JO OEB 2016, 27) et G 2/13 (JO OEB 2016, 28). En application de l'art. 164(2) CBE, ce sont les dispositions de la Convention qui prévalent. Dans ses décisions G 2/12 et G 2/13, la Grande Chambre de recours a estimé qu'il résultait de l'application à l'art. 53b) CBE des différentes approches méthodologiques d'interprétation que le champ d'application de l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ne devait pas être élargi pour couvrir les revendications de produit ou les revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux ou des matières végétales. La Grande Chambre de recours s'est également demandé si une interprétation dynamique de l'art. 53b) CBE était justifiée et si le fait d'autoriser la brevetabilité d'une telle revendication de produit ne privait pas de sens l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux. Elle a conclu que rien ne justifiait sur le plan juridique de s'écarter de l'interprétation de l'art. 53b) CBE qui résulte de l'application des moyens d'interprétation conventionnels. À la lumière des décisions G 2/12 et G 2/13, la chambre n'a pas souscrit à l'argumentation retenue par la division d'examen dans la décision contestée selon laquelle la règle 28(2) CBE constituait une clarification du champ d'application de l'art. 53b) CBE. Elle a au contraire estimé que le sens de cette disposition était contraire à celui de l'art. 53b) CBE tel qu'interprété par la Grande Chambre de recours. Tout en reconnaissant le pouvoir du Conseil d'administration de prévoir des dispositions de fond dans le règlement d'exécution, la chambre s'est également ralliée à la conclusion formulée dans la décision G 2/07 (JO OEB 2012, 130) selon laquelle les limites du pouvoir législatif conféré au Conseil d'administration au moyen du règlement d'exécution peuvent être déduites de l'art. 164(2) CBE. Par ailleurs, la chambre a repris à son compte la conclusion formulée dans l'affaire T 39/93 (JO OEB 1997, 134) selon laquelle l'interprétation correcte qui a été donnée d'un article de la CBE dans une décision de la Grande Chambre de recours ne saurait être remise en question par une nouvelle règle du règlement d'exécution dont l'application n'est pas compatible avec cette interprétation. L'interprétation de la Directive "Biotechnologie" (98/44/CE) telle qu'exposée dans l'avis de la Commission européenne concernant certains articles de ladite Directive n'avait pas été confirmée de manière contraignante sur le plan juridique et ne pouvait donc pas être considérée comme un développement pertinent. S'agissant de déterminer si une interprétation de l'art. 53b) CBE différente de celle donnée dans les décisions G 2/12 et G 2/13 s'imposait au regard de l'art. 31(3)a) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, la chambre a conclu que ni la décision du Conseil d'administration d'adopter la règle 28(2) CBE ni l'avis de la Commission européenne ne pouvaient être considérés comme un accord ultérieur intervenu entre les parties au sens de la Convention de Vienne.
3.3.3 Revendications de produit relatives à des végétaux ou à du matériel végétal
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Dans les affaires G 2/12 et G 2/13 (JO 2016, A28 et JO 2016, A29), examinées conjointement, la Grande Chambre de recours était appelée à se prononcer sur la question de savoir si l'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'art. 53b) CBE avait un effet négatif sur l'admissibilité de revendications de produit ou de revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention, portant sur des végétaux ou des matières végétales (comme un fruit ou des parties de végétaux) qui sont obtenus directement et/ou définis par un procédé essentiellement biologique. Elle a conclu que ce n'était pas le cas.
La Grande Chambre a appliqué les différentes approches méthodologiques prescrites par les art. 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Aucune de ces approches ne l'a toutefois amenée à conclure que, au-delà des procédés, l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" couvrait également les produits définis ou obtenus par de tels procédés. Cette conclusion s'est trouvée confirmée lorsque la Grande Chambre s'est référée aux travaux préparatoires à la CBE, en tant que moyen complémentaire d'interprétation.
La Grande Chambre a également examiné s'il était apparu, depuis la signature de la Convention, des éléments qui pourraient donner à penser qu'une interprétation littérale de la disposition en question serait en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur. Cependant, elle ne voyait pas pourquoi l'intention initiale de celui-ci lors de la formulation de l'art. 53b) CBE perdrait sa raison d'être du seul fait que de nouvelles techniques d'obtention de végétaux étaient aujourd'hui disponibles.
La Grande Chambre a examiné la question de savoir si le fait d'autoriser la protection par brevet d'une revendication de produit ou d'une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention, portant sur des végétaux ou des matières végétales obtenus au moyen d'un procédé essentiellement biologique, pouvait être considéré comme un contournement de l'exclusion des procédés en question. Elle a répondu par la négative en se fondant sur le libellé explicite de l'art. 53b) CBE. La Grande Chambre a appelé l'attention sur le fait qu'élargir la portée de l'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux au point d'y inclure les produits obtenus par de tels procédés aurait pour effet de créer des incohérences dans le système de la CBE, puisqu'en règle générale, les végétaux et les matières végétales autres que des variétés végétales peuvent de manière générale être protégés par brevet.
En réponse à la question de savoir s'il était important que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'art. 53b) CBE, la Grande Chambre a souligné la distinction qui existe entre les exigences en matière de brevetabilité et l'étendue de la protection. La question de savoir si une revendication de produit ou une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention était brevetable devait être examinée indépendamment de l'étendue de la protection conférée par le brevet délivré.
La Grande Chambre a souligné que l'examen des considérations d'ordre éthique, social et économique dans le cadre du débat général ne relevait pas de ses fonctions juridictionnelles en tant qu'instance de décision. Elle n'avait pas pour mandat de s'impliquer dans la politique législative.
Il a été répondu comme suit aux questions de droit soumises à la Grande Chambre de recours :
1. L'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'art. 53b) CBE n'a pas d'effet négatif sur l'admissibilité d'une revendication de produit portant sur des végétaux ou une matière végétale comme un fruit (G 2/12) ou des parties de végétaux (G 2/13).
2. Le fait que les caractéristiques d'un procédé contenues dans une revendication de produit caractérisée par son procédé d'obtention et portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale, définissent un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux n'a pas pour effet de rendre ladite revendication inadmissible (G 2/13). Le fait que l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué soit un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet n'a pas pour effet de rendre inadmissible une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale (G 2/12, G 2/13).
3. Dans ces circonstances, il est sans importance que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'art. 53b) CBE (G 2/12, G 2/13).
Dans sa décision T 83/05 du 10 septembre 2015 date: 2015-09-10, la chambre a appliqué la décision G 2/13. La revendication 1 de la requête principale portait sur une plante du genre Brassica comestible obtenue selon un procédé de croisement et de sélection. Les revendications 2 et 3 avaient pour objet une portion comestible et la semence d'une plante brocoli obtenue par un procédé défini de la même manière que dans la revendication 1. Les revendications 4 et 5 portaient quant à elles sur une plante brocoli et une inflorescence de brocoli. La chambre a renvoyé l'affaire à l'instance du premier degré, à charge pour elle de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 5 de la requête principale.
Dans l'affaire T 1242/06 du 8 décembre 2015 date: 2015-12-08, la chambre a appliqué la décision G 2/12. L'objet des nouvelles revendications se limitait à des revendications de produit ayant pour objet un fruit de tomate (naturellement) déshydraté de l'espèce L. esculentum. La chambre a estimé que l'objet en question n'était pas exclu de la brevetabilité en vertu de l'art. 53 b) CBE. La chambre a renvoyé l'affaire à la division d'opposition, avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base de ces revendications.
Suite à un avis de la Commission européenne précisant que la Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques visait à exclure les produits obtenus exclusivement à partir d'un procédé essentiellement biologique, le Conseil d'administration a modifié en 2017 les règles 27 et 28 CBE afin d'exclure de la brevetabilité les végétaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique (JO 2017, A56).
Dans l'affaire T 1063/18, la chambre, siégeant dans une composition élargie à trois membres techniciens et deux membres juristes, a estimé que la règle 28(2) CBE (cf. JO 2017, A56) était contraire à l'art. 53 b) CBE, tel qu'interprété par la Grande Chambre de recours dans les décisions G 2/12 et G 2/13. La chambre a renvoyé à l'art. 164(2) CBE, selon lequel les dispositions de la Convention prévalent en cas de divergence avec celles du règlement d'exécution et a décidé d'annuler la décision contestée et de renvoyer l'affaire à la division d'examen afin qu'elle poursuive la procédure.
La chambre n'a vu aucune raison de s'écarter des décisions G 2/12 et G 2/13. L'interprétation de la Directive "Biotechnologie" (98/44/CE) telle qu'exposée dans l'avis de la Commission européenne concernant certains articles de ladite Directive n'avait pas été confirmée de manière contraignante sur le plan juridique et ne pouvait donc pas être considérée comme un développement pertinent. S'agissant de déterminer si une interprétation de l'art. 53b) CBE différente de celle donnée dans les décisions G 2/12 et G 2/13 s'imposait au regard de l'art. 31(3)a) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, la chambre a conclu que ni la décision du Conseil d'administration d'adopter la règle 28(2) CBE ni l'avis de la Commission européenne ne pouvaient être considérés comme un accord ultérieur intervenu entre les parties au sens de la Convention de Vienne.
Le 4 avril 2019 le Président de l'Office européen des brevets a saisi la Grande Chambre de Recours de questions de droit sur l’interprétation de l'art. 164(2) CBE et l'appréciation de la règle 28(2) CBE à lumière dudit article. Les questions suivantes ont été soumises à la Grande Chambre de recours au titre de l'art. 112(1)b) CBE :
1. Eu égard à l'art. 164(2) CBE, la signification et la portée de l'art. 53 CBE peuvent-elles être clarifiées dans le règlement d'exécution de la CBE sans que cette clarification soit limitée a priori par l'interprétation dudit article donnée dans une décision antérieure des chambres de recours ou de la Grande Chambre de recours ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, l'exclusion de la brevetabilité des végétaux et animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique, prévue par la règle 28(2) CBE, est-elle conforme à l'art. 53b) CBE, lequel n'exclut pas expressément ni n'admet expressément de tels objets ?
Cette saisine est en instance sous le numéro de référence G 3/19.