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Conformément à la jurisprudence constante, les modifications, y compris les requêtes modifiées, sont généralement admises dans la procédure de recours, pour autant qu'elles sont justifiées par le déroulement normal de la procédure ou que, dans les circonstances de l'espèce, elles peuvent être considérées comme une réaction normale de la partie déboutée (T 1072/98, T 540/01, T 848/09, T 2485/11, T 618/14).
Dans l'affaire T 848/09, la chambre a considéré que le dépôt de la requête principale était une réaction normale et légitime à la décision de révoquer le brevet puisque la modification consistait en l'ajout d'une caractéristique d'une revendication dépendante qui limitait davantage l'objet. En outre, la requête avait été présentée le plus tôt possible dans la procédure de recours, à savoir en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours (cf. également T 881/09). Même si, théoriquement, le titulaire du brevet aurait pu être en mesure de déposer cette requête à la fin de la procédure orale devant la division d'opposition, la chambre a relevé une différence par rapport à l'affaire T 144/09, à savoir que le titulaire du brevet n'avait manifestement pas fait le choix réfléchi et délibéré de ne pas présenter sa requête à stade. Les motifs de révocation du brevet n'étaient pas aussi explicitement connus que dans l'affaire T 144/09 et il est plausible que la formulation d'une nouvelle requête adaptée pour répondre à l'objection n'était pas d'emblée évidente.
Dans l'affaire T 134/11, la chambre a fait remarquer que le simple fait qu'une requête aurait pu être présentée pendant la procédure de première instance ne conduit pas automatiquement en soi à l'irrecevabilité de cette requête (car cela signifierait en l'occurrence que la chambre n'a pas de pouvoir d'appréciation). Au contraire, ce n'est que dans des cas exceptionnels qu'une telle requête est en principe irrecevable, par exemple lorsqu'elle n'est présentée qu'au stade du recours dans le but d'éviter que certaines questions ne soient tranchées par la division d'opposition, et que la décision est dès lors confiée à l'instance du deuxième degré (une pratique qualifiée de "forum shopping" – ou "vagabondage judiciaire" – dans l'affaire T 1067/08). Dans la présente affaire, l'intention du requérant n'était vraisemblablement pas d'éviter que la division d'opposition ne prenne de décision concernant ladite requête principale. De plus, celle-ci ne soulevait pas de nouvelles questions, mais s'inscrivait simplement dans le prolongement de la démarche adoptée par le requérant tout au long de la procédure d'opposition devant l'instance du premier degré. La requête principale était donc recevable. Contrairement à l'opinion de l'intimé, cette conclusion ne divergeait pas des décisions T 144/09 et T 936/09. Dans ces décisions, certaines requêtes avaient été rejetées essentiellement au motif que le titulaire du brevet n'avait présenté aucune requête qui aurait pu lever l'objection de la division d'opposition pendant la procédure de première instance, et qu'il n'avait en fait présenté une telle requête qu'au stade du recours.
Dans l'affaire T 2485/11, le requérant avait déposé une requête principale modifiée et une requête subsidiaire pendant la procédure de première instance, afin de tenter de lever les objections formulées dans l'acte d'opposition. Lors de la procédure orale, la division d'opposition avait conclu que les requêtes modifiées ne satisfaisaient pas à l'art. 123(2) CBE. Contrairement aux affaires T 144/09 et T 936/09, le requérant avait saisi l'occasion qui lui était offerte et déposé d'autres requêtes modifiant les changements apportés à la requête principale, afin de répondre à l'objection soulevée par la division d'opposition au titre de l'art. 123(2) CBE. Le fait que le requérant n'ait pas déposé de nouvelle requête lorsque ces autres requêtes ont été elles aussi jugées contraires à l'art. 123(2) CBE, ne pouvait être considéré comme un abus, car il aurait pu, théoriquement, déposer des modifications. Par conséquent, compte tenu des circonstances de l'affaire, le dépôt, par le requérant, des requêtes subsidiaires 1 à 5 a été considéré comme une réaction normale et légitime d'une partie déboutée (cf. également l'affaire similaire T 2244/11).
Dans l'affaire T 1226/12, la chambre a tenu compte, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, du fait que la division d'opposition avait pris la décision contestée sans notification préalable, ni procédure orale. Bien que le requérant n'ait défendu le brevet litigieux, dans son mémoire produit en réponse aux oppositions, que dans la version telle que délivrée et qu'il n'ait pas non plus présenté de requête en procédure orale, force était de constater que la division d'opposition n'avait pas fait part de son avis provisoire aux parties. Un tel avis aurait pu inciter le requérant à définir, au moyen de requêtes subsidiaires, des positions de repli supplémentaires. Or, c'était avec la décision de révocation que le requérant avait été confronté pour la première fois à l'avis alors définitif (du moins à ce stade) de la division d'opposition concernant les motifs d'opposition invoqués.