T 1839/18 × View decision
Reasons 2: admissibility of straw man oppositions
2.1.4 Formation d'une opposition par un mandataire agréé agissant en son nom propre – homme de paille
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En ce qui concerne la question de savoir si une opposition est irrecevable lorsque l'opposant agit pour le compte d'un tiers, à savoir un homme de paille, la Grande Chambre de recours a précisé, dans ses décisions G 3/97 et G 4/97 (JO 1999, 245 et 270), que l'opposant est la personne qui remplit les conditions prévues à l'art. 99(1) CBE ensemble l'art. 100 CBE et les règles 55 CBE 1973 et règle 56(1) CBE 1973 (règles 76 et 77(1) CBE). En faisant opposition, cette personne obtient elle-même, en droit procédural, la qualité d'opposant qui remplit les conditions de forme prévues. Le fait que l'opposant agit pour le compte d'un tiers ne rend pas l'opposition irrecevable. En revanche, une telle opposition est irrecevable lorsque l'intervention de l'opposant doit être considérée comme un contournement abusif de la loi. Il y a contournement abusif de la loi notamment lorsque :
- l'opposant agit pour le compte du titulaire du brevet. Selon la décision G 9/93 (JO 1994, 891), le titulaire du brevet est irrecevable à former opposition contre son propre brevet, étant donné que la procédure d'opposition est une procédure contentieuse et qu'en conséquence, le titulaire du brevet et l'opposant doivent être des personnes différentes.
- l'opposant agit pour le compte d'un client dans le cadre d'activités qui, dans l'ensemble, sont caractéristiques de celles d'un mandataire agréé, sans posséder les qualifications requises (art. 134 CBE 1973). Il s'agit du cas où la personne non habilitée à assurer la représentation exerce pour le compte d'un client l'ensemble des activités caractéristiques d'un mandataire agréé, tout en assumant elle-même le rôle de partie, afin de contourner l'interdiction qui lui est faite d'agir en tant que mandataire agréé.
En revanche, il n'y a pas contournement abusif de la loi pour la simple raison qu'un mandataire agréé fait opposition en son nom propre pour le compte d'un client ; en tout état de cause, le principe de la libre appréciation des preuves s'applique. La charge de la preuve appartient à celui qui invoque l'irrecevabilité de l'opposition. L'existence d'un contournement abusif de la loi doit être établie sur la base d'une preuve claire et sans équivoque, qui emporte la conviction de l'instance appelée à statuer.
L'ancienne jurisprudence pertinente (cf. T 10/82, JO 1983, 407 ; T 635/88, JO 1993, 608 ; T 25/85, JO 1996, 81 ; T 582/90, T 289/91, JO 1994, 649 ; T 548/91, T 339/93, T 590/93, JO 1995, 337 ; T 798/93, JO 1997, 363) a été annulée et remplacée par les décisions G 3/97 et G 4/97.
Dans l'affaire T 2365/11, l'acte d'opposition avait été déposé par une personne physique. Cependant, dans un document (destiné à indiquer la langue qui serait utilisée au cours de la procédure orale), le mandataire de l'opposant avait mentionné une certaine société comme étant l'opposant. De l'avis du titulaire du brevet, il y avait eu un contournement abusif de la loi. La chambre a estimé que l'opposant avait été clairement identifié dans l'acte d'opposition. La question de savoir si cet opposant correctement identifié avait agi ou non pour le compte d'un tiers n'avait aucune incidence sur la recevabilité de l'opposition. Dans l'affaire en cause, aucune des situations décrites dans la décision G 3/97 (points 1 b) et c) du dispositif) comme constituant un contournement abusif de la loi ne se présentait.
Les affaires parallèles T 1553/06 et T 2/09 intéressant les mêmes parties mais portant sur des brevets différents, ont été traitées par la même chambre. Considérant la question de la recevabilité des oppositions respectives, la chambre a notamment examiné si les parties et leurs mandataires avaient collaboré sur un dossier-test afin d'obtenir des réponses de l'OEB à des questions juridiques particulières concernant l'état de la technique. Suivant les principes énoncés dans les décisions G 9/93 et G 3/97, la chambre a souligné que le caractère contentieux d'une procédure d'opposition était une condition nécessaire à la recevabilité de cette dernière et elle a examiné si un abus de la procédure rendait l'opposition irrecevable au motif que l'opposant avait agi pour le compte du titulaire du brevet ("homme de paille"). La chambre n'a constaté aucun contournement abusif de la loi, ne voyant aucune raison de douter de l'argument avancé par les parties selon lequel l'opposant n'était lié par aucune instruction du titulaire de brevet ou du comité d'étude. Le seul fait qu'une opposition est formée dans le cadre d'un dossier-test ne suffit pas à rendre celle-ci irrecevable pour autant que le déroulement de la procédure qui en résulte soit contentieux en cela que les parties défendent pour l'essentiel des positions divergentes. Les oppositions respectives ont donc été jugées recevables.