2.2. Les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques
2.2.2 Méthodes mathématiques
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Les méthodes purement abstraites ou théoriques ne sont pas brevetables. Cette exclusion s'applique si une revendication porte sur une méthode mathématique purement abstraite et que la revendication ne nécessite aucun moyen technique. Si une revendication porte sur une méthode impliquant l'utilisation de moyens techniques (p. ex. un ordinateur) ou sur un dispositif, son objet présente un caractère technique dans son ensemble et n'est donc pas exclu de la brevetabilité en vertu de l'art. 52(2) CBE et art. 52(3) CBE.
Le simple fait de spécifier la nature technique des données ou des paramètres de la méthode mathématique peut ne pas suffire pour qu'elle constitue une invention au sens de l'art. 52(1) CBE, étant donné que la méthode résultante peut encore appartenir à la catégorie exclue des méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles en tant que telles (art. 52(2)c) CBE et art. 52(3) CBE, cf. Directives G‑II, 3.3 et G‑II, 3.5.1 – version de novembre 2018).
Même s'il était possible de considérer que l'idée qui sous-tendait une invention résidait en une méthode mathématique, une revendication portant sur un procédé technique dans lequel la méthode était utilisée ne recherchait pas la protection pour la méthode mathématique en tant que telle (T 208/84, JO 1987, 14 ; G 2/88, JO 1990, 93).
La jurisprudence des chambres de recours a établi que si une méthode qui n'est pas "technique" en tant que telle (par exemple une méthode mathématique) est utilisée dans un procédé technique, que ce procédé est appliqué à une entité physique par un moyen technique mettant en œuvre la méthode, et qu'il en résulte une certaine modification de cette entité, il y a contribution au caractère technique de l'invention dans son ensemble. Aussi cette caractéristique doit-elle être prise en compte pour apprécier l'activité inventive (T 208/84, JO 1987, 14 ; T 641/00, T 258/03 ; T 1814/07, JO 2003, 352).
Dans l'affaire T 1326/06, il a été retenu qu'une méthode pour crypter/décrypter ou signer des communications électroniques peut être considérée comme un procédé technique même si elle est essentiellement fondée sur une méthode mathématique.
Dans la décision T 208/84 (JO 1987, 14) les revendications de procédé 1-7 et 12 avaient pour objet une méthode de traitement numérique d'images. L'une des questions fondamentales à trancher était de savoir si une telle méthode était exclue de la brevetabilité en vertu de l'art. 52(2) et (3) CBE 1973 au motif qu'il s'agissait d'une méthode mathématique en tant que telle. La chambre a noté qu'il ne faisait aucun doute que n'importe quelle opération mathématique portant sur un signal électrique pouvait être décrite en termes mathématiques. Les caractéristiques d'un filtre, par exemple, pouvaient s'exprimer par une formule mathématique. Toutefois, une différence fondamentale entre une méthode mathématique et un procédé technique pouvait être perçue dans le fait qu'une méthode mathématique ou un algorithme mathématique s'appliquait à des nombres (quoi que ces nombres pussent représenter) et donnait un résultat également sous forme numérique, la méthode mathématique ou l'algorithme n'étant qu'un concept abstrait prescrivant la façon de traiter les nombres. Aucun résultat technique direct n'était produit par la méthode en tant que telle. Par contre, si l'on utilisait une méthode mathématique dans un procédé technique, ce procédé s'appliquait à une entité physique (qui pouvait être un objet matériel mais également une image mémorisée sous forme de signal électrique) par quelque moyen technique mettant en œuvre la méthode et il en résultait une certaine modification de cette entité. Le moyen technique pouvait aussi consister en un calculateur comportant un matériel ad hoc ou un calculateur universel programmé de manière appropriée. La Chambre était par conséquent d'avis que, même s'il était possible de considérer que l'idée qui sous-tendait une invention résidait en une méthode mathématique, une revendication portant sur un procédé technique dans lequel la méthode était utilisée ne recherchait pas la protection pour la méthode mathématique en tant que telle. Par contre, une "méthode pour le filtrage numérique de données" restait une notion abstraite ne se distinguant pas d'une méthode mathématique aussi longtemps qu'il n'était pas spécifié que les données représentaient une entité physique, et laquelle, et que cette entité était l'objet d'un procédé technique, c'est-à-dire d'un procédé susceptible d'application industrielle (voir aussi T 1161/04, T 212/94).
Dans l'affaire T 953/94, la revendication 1 de la requête principale portait sur un procédé pour réaliser, avec un ordinateur numérique, une analyse de données du comportement cyclique d'une courbe représentée par une pluralité de points ou de tracés mettant en relation deux paramètres (utilisation d'une méthode mathématique dans une entité physique). La chambre a estimé que ce procédé ne pouvait être considéré comme une invention brevetable, au motif que l'analyse du comportement cyclique d'une courbe est à l'évidence une méthode mathématique, exclue en tant que telle de la brevetabilité. La référence à un ordinateur numérique avait eu pour seul effet d'indiquer que le procédé revendiqué était mis en œuvre à l'aide d'un ordinateur, à savoir un ordinateur universel programmable, dont les fonctions sont commandées par un programme exclu en tant que tel de la brevetabilité. Le fait que la description comportait des exemples dans des domaines aussi bien non techniques que techniques confirmait que le problème résolu par la méthode mathématique revendiquée était indépendant d'un quelconque domaine d'application et ne pouvait donc appartenir, en l'espèce, qu'au domaine mathématique et non pas à un domaine technique.
Dans l'affaire T 27/97, la requérante (opposante) avait tiré du libellé de la revendication l'argument que malgré la définition concernant la destination du procédé, à savoir être utilisé dans des systèmes électroniques, l'étendue de la revendication englobait des méthodes purement intellectuelles, de sorte que l'objet revendiqué devait être considéré comme exclu de la brevetabilité en vertu de l'art. 52(2)c) CBE 1973. La chambre n'étant pas d'accord avec cette interprétation de la revendication, elle a décidé que la revendication 1 définissait comme objet de la protection un procédé pour crypter ou décrypter un message représenté sous la forme d'un mot numérique à l'aide d'algorithmes à clé publique de type RSA, le procédé étant destiné à être utilisé dans des systèmes électroniques. Cette définition indiquait clairement qu'il s'agissait d'une méthode dans le domaine de l'informatique électronique et des télécommunications qui ne serait pas exclue de la brevetabilité en vertu de l'art. 52(2) et (3) CBE 1973, même si un algorithme abstrait ou une méthode mathématique formaient la base de l'invention.
Dans l'affaire T 1326/06, la chambre a considéré que les procédés consistant à coder/décoder ou à signer des messages électroniques à l'aide de solutions RSA devaient être assimilés à des procédés techniques, même si ceux-ci reposent essentiellement sur des procédés mathématiques (voir aussi T 953/04, point 3.3 des motifs et T 27/97, point 3 des motifs).
Dans l'affaire T 1784/06 (point 3.1.1 des motifs), la chambre a déclaré que l'algorithme était une méthode mathématique (entre autre booléenne) et que les méthodes mathématiques en tant que telles sont réputées être des non-inventions (art. 52(2) et (3) CBE). Un caractère technique ne peut être attribué à un algorithme que s'il vise un objectif technique (voir par exemple T 1227/05, point 3.1 des motifs, JO 2007, 574) (voir aussi T 306/10).
Dans l'affaire T 556/14, l'invention portait sur une méthode de masquage d'une clé privée utilisée dans des opérations cryptographiques sur un dispositif de sécurité, tel qu'une carte à puce, contre des attaques par analyse de courant. La chambre a retenu qu'en raison de la référence expresse à une carte à puce sur laquelle les éléments clés et les éléments nouveaux sont stockés, la méthode revendiquée de masquage n'était pas une méthode mathématique en tant que telle.