9.1. Traitement de caractéristiques techniques et non techniques
9.1.2 Inventions qui ont des caractéristiques à la fois techniques et non techniques
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Les inventions mixtes sont des inventions qui ont des caractéristiques à la fois techniques et non techniques, les caractéristiques "non techniques" portant sur un objet qui, conformément à l'art. 52(2) CBE, ne peut être considéré comme une invention au sens de l'art. 52(1) CBE (T 1543/06). Dans le cas de revendications comprenant des caractéristiques techniques et non techniques, chaque caractéristique doit être évaluée afin de déterminer si elle contribue, dans le contexte de l'invention, au caractère technique de l'objet revendiqué, étant donné que cette approche est pertinente pour apprécier l'activité inventive (Directives G‑II, 2 – version de novembre 2018).
Une revendication peut à la fois comprendre des caractéristiques techniques et "non techniques", les caractéristiques "non techniques" pouvant même constituer la majeure partie de l'objet revendiqué (T 26/86, JO 1988, 19 ; T 769/92, JO 1995, 525 ; T 641/00, JO 2003, 352 ; T 531/03 ; T 154/04, JO 2008, 46 ; T 1784/06).
Pour apprécier l'activité inventive de ces inventions de type mixte, il est tenu compte de toutes les caractéristiques qui contribuent au caractère technique de l'invention, y compris des caractéristiques qui, lorsqu'elles sont considérées isolément, ne sont pas techniques mais qui, dans le contexte de l'invention, contribuent à produire un effet technique visant un objectif technique, et, ce faisant, concourent au caractère technique de l'invention. Cependant, les caractéristiques qui ne contribuent pas au caractère technique de l'invention ne peuvent étayer l'existence d'une activité inventive (T 641/00). Cela peut être par exemple le cas lorsqu'une caractéristique aide uniquement à résoudre un problème non technique, tel qu'un problème se posant dans un domaine exclu de la brevetabilité (Directives G‑VII, 5.4 – version de novembre 2018).
Dans la décision T 26/86 (JO 1988, 19), la chambre a estimé qu'une invention doit s'apprécier de manière globale. Si l'invention utilise à la fois des moyens techniques et des moyens non techniques, la mise en œuvre de moyens non techniques n'ôte pas son caractère technique à l'enseignement considéré globalement. La Convention sur le brevet européen n'exige nullement qu'une invention brevetable soit exclusivement ou principalement de nature technique, en d'autres termes, elle n'exclut pas de la brevetabilité les inventions reposant sur un ensemble d'éléments, les uns techniques et les autres non techniques même si la partie technique n'est pas la partie prédominante de l'invention. Tout en admettant que soit revendiquée une combinaison de caractéristiques techniques et non techniques, la chambre a apprécié l'activité inventive en se fondant uniquement sur la partie technique de l'invention (cf. T 641/00, JO 2003, 352, point 4 des motifs ; cf. aussi T 209/91).
Les conditions relatives à l'activité inventive énoncées aux art. 52(1) et 56 CBE 1973 sont évaluées via l'approche éprouvée "problème-solution", qui est de nature fondamentalement technique (T 172/03). Celle-ci nécessite une analyse de l'invention en termes de solution technique apportée à un problème technique. Appliquée à des inventions "mixtes", cette approche doit impérativement faire la distinction entre caractéristiques techniques et caractéristiques non techniques.
D'après la jurisprudence constante, les caractéristiques d'une invention qui n'ont pas d'effet technique ou qui n'interagissent pas avec les autres caractéristiques de l'invention pour donner lieu à une contribution technique fonctionnelle, ne peuvent être considérées comme contribuant à l'activité inventive au sens de l'art. 56 CBE. Cela est le cas non seulement lorsque les caractéristiques elles-mêmes ne contribuent pas au caractère technique de l'invention (T 641/00, JO 2003, 352 ; T 258/03, JO 2004, 575 , et T 531/03 ; cf. aussi T 456/90, T 931/95, T 27/97, T 258/97, T 1121/02 et T 1784/06), mais aussi lorsque les caractéristiques peuvent, en principe, être qualifiées de techniques sans remplir toutefois aucune fonction technique dans le contexte de l'invention revendiquée (T 619/02, JO 2007, 63) (cf. par exemple T 72/95, T 157/97, T 158/97, T 176/97). De surcroît, cela s'applique indépendamment du fait que les caractéristiques soient elles-mêmes évidentes ou pas (cf. T 72/95, T 157/97, T 158/97 et T 176/97).
Dans l'affaire T 641/00 (JO 2003, 352), la chambre a estimé que pour apprécier l'activité inventive, il convient de ne pas tenir compte des caractéristiques de l'invention qui n'entrent pas dans le cadre de la solution technique apportée au problème technique (T 931/95, JO 2001, 441) ; T 1121/02, T 1543/06, T 336/07, T 859/07, T 859/07). Dans l'affaire T 531/03, confirmant les principes énoncés dans la décision T 641/00, la chambre a constaté que, lors de l'examen de l'activité inventive, les caractéristiques concernant un objet non considéré comme une invention au sens de l'art. 52(2) CBE 1973 (appelées "caractéristiques non techniques") ne peuvent étayer la présence d'une activité inventive (voir aussi T 1543/06). Dans l'affaire T 258/03 (JO 2004, 575), la chambre a estimé qu'il ne faut tenir compte que des caractéristiques qui contribuent à un caractère technique. Il convient donc de déterminer les caractéristiques qui apportent une contribution technique. Dans l'affaire T 1543/06, la chambre a déclaré que le principe énoncé dans la décision T 641/00 (JO 2003, 352) pourrait aussi être reformulé comme suit : une invention qui, dans son ensemble, ne tombe pas sous le coup de l'exclusion visée à l'art. 52(2) CBE 1973 (c'est-à-dire présente un caractère technique) ne peut pas s'appuyer uniquement sur des éléments exclus, même si elle est nouvelle et non évidente (au sens courant du terme), pour être considérée comme satisfaisant à l'exigence d'activité inventive (voir aussi T 336/07).
La présence d'une activité inventive ne peut être établie que sur la base des aspects techniques des caractéristiques distinctives de l'invention revendiquée par rapport à l'état de la technique le plus proche ainsi que sur la base des aspects techniques des effets obtenus par l'invention revendiquée par rapport à l'état de la technique le plus proche (T 641/00, JO 2003, 352) (voir aussi T 619/02, JO 2007, 63). L'activité inventive ne peut s'appuyer uniquement sur un objet (non technique) exclu de la brevetabilité, si original qu'il puisse être (cf. aussi T 336/07).
Selon la jurisprudence constante des chambres de recours (cf. G 3/08 date: 2010-05-12, JO 2011, 10 ; T 258/03, T 424/03 et T 313/10) un objet revendiqué qui comporte au moins un élément ne tombant pas sous le coup de l'art. 52(2) CBE n'est pas exclu de la brevetabilité par les dispositions de l'art. 52(2) et (3) CBE. Des caractéristiques qui, considérées isolément, feraient partie des objets exclus de la brevetabilité en vertu de l'art. 52(2) CBE, sont néanmoins susceptibles de contribuer au caractère technique d'une invention revendiquée et ne sauraient par conséquent être laissées de côté pour l'appréciation de l'activité inventive. Ce principe avait déjà été défini, certes dans le contexte de l'"approche de la contribution à l'état de la technique", dans l'une des premières décisions des chambres de recours relatives à l'art. 52(2) CBE, à savoir la décision T 208/84 (point 4 et s. des motifs) (voir aussi T 1784/06).
Dans la décision T 258/03 (JO 2004, 575), la chambre a considéré que si l'on admet qu'un mélange de caractéristiques techniques et non techniques peut être considéré comme une invention au sens de l'art. 52(1) CBE 1973, et que l'état de la technique ne doit pas être pris en compte pour décider si l'objet revendiqué constitue une telle invention, une raison irréfutable de ne pas rejeter au titre de l'art. 52(2) CBE 1973 un objet comprenant des caractéristiques techniques et d'autres non techniques est tout simplement que les premières peuvent en soi s'avérer remplir toutes les conditions visées à l'art. 52(1) CBE 1973. Il est souvent difficile de séparer dans une revendication les caractéristiques techniques et celles qui ne le sont pas, et une invention peut comporter des aspects techniques qui sont "dissimulés" dans un contexte largement non technique. Ces aspects techniques peuvent être plus aisés à identifier dans le cadre de l'examen de l'activité inventive, lequel, conformément à la jurisprudence des chambres de recours, porte sur les aspects techniques d'une invention. Ainsi, outre le libellé restrictif de l'art. 52(3) CBE 1973 limitant l'applicabilité de l'art. 52(2) CBE 1973, il peut y avoir des raisons pratiques de prendre globalement en considération des mélanges de caractéristiques techniques et non techniques comme étant des inventions au sens de l'art. 52(1) CBE 1973.
Un résumé de la méthodologie appliquée par les chambres de recours de l'OEB eu égard aux inventions "mixtes" figure dans la décision T 1543/06 (cf. aussi T 859/07).