CHAMBRES DE RECOURS
Décision de la Grande Chambre de recours en date du 24 mars 2015 - G 3/14
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | W. van der Eijk |
Membres : | K. Garnett |
| I. Beckedorf |
| H. Meinders |
| U. Oswald |
| O. Spineanu-Matei |
| M.-B. Tardo-Dino |
Titulaire du brevet/Requérant : Freedom Innovations, LLC
Opposant/Intimé :
Otto Bock HealthCare GmbH
Dispositions juridiques pertinentes :
Articles 54, 56, 64, 69, 82, 83, 84, 94, 97, 99, 100, 101(1), 101(2), 101(3), 105bis, 111(1), 112, 114, 123(2), 123(3), 138(1), 138(2) et 138(3) CBE
Règles 43(1), 43(3), 43(4), 80, 86, 95(2), 100(1) CBE
Article 2, point 15 du règlement relatif aux taxes
Dispositions juridiques pertinentes (CBE 1973) :
Articles 101(1), 101(2), 102(1), 102(2), 102(3) CBE
Conventions
Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, articles 31, 31(1) et 32
Mot-clé :
"Modifications apportées aux revendications par le titulaire du brevet au cours de la procédure d'opposition devant l'OEB" – "Question de savoir si les revendications telles que modifiées au cours de la procédure d'opposition doivent satisfaire aux exigences de l'article 84 CBE" – "Signification du terme "modifications" tel qu'utilisé dans la décision G 9/91" – "Signification du terme "modifications" tel qu'utilisé à l'article 101(3) CBE" – "Question de savoir si la combinaison de revendications du brevet délivré constitue une modification" – "Portée générale de l'article 101(3) CBE et des exigences de l'article 84 CBE en cas de revendications modifiées" – "Portée de l'article 101(3) CBE et des exigences de l'article 84 CBE en cas de revendications modifiées qui englobent l'insertion, dans une revendication indépendante du brevet tel que délivré, d'éléments de revendications dépendantes du brevet tel que délivré" – "Portée de l'article 101(3) CBE et des exigences de l'article 84 CBE en cas de revendications modifiées qui englobent l'insertion, dans une revendication indépendante du brevet tel que délivré, de revendications dépendantes entières du brevet tel que délivré"
Sommaire :
Lorsqu'il s'agit d'évaluer si, aux fins de l'article 101(3) CBE, un brevet tel que modifié satisfait aux exigences de la CBE, la conformité des revendications du brevet aux exigences de l'article 84 CBE ne peut être examinée que si – et uniquement dans la mesure où - la modification concernée aboutit à une violation de l'article 84 CBE.
Table des matières
Exposé des faits et conclusions
I - IV. Introduction
V. Moyens généralement favorables à l'approche conventionnelle restrictive
a) Titulaire du brevet
b) Observations de tiers
i) FICPI
ii) Autres observations de tiers
VI. Moyens généralement favorables à un pouvoir plus étendu
a) Opposant
b) Président de l'Office
c) Observations de tiers
i) Éléments de réflexion d'ordre général sur les orientations à suivre
ii) Procédure d'examen
iii) Procédure d'opposition
Motifs de la décision
A. Recevabilité de la saisine
B. Questions soumises : considérations préliminaires
C. Question de droit
D. Jurisprudence actuelle de la Grande Chambre de recours
E. Jurisprudence actuelle des chambres de recours techniques
i) Approche "conventionnelle"
ii) Décisions dans lesquelles le terme "découlant" a été interprété
iii) Affaires "divergentes"
F. Interprétation de l'article 101(3) CBE
i) Contexte de l'article 101(3) CBE ; objet et finalité de la CBE
a) Procédure d'examen
b) Phase postérieure à la délivrance : procédure d'opposition devant l'OEB
c) Phase postérieure à la délivrance : procédure au niveau national
d) Procédure de limitation
e) Conclusion
ii) Travaux préparatoires
b) CBE 2000 : article 101(3) CBE
e) Article 84 CBE : Conclusion
G. Réponses aux questions soumises
i) Considérations préliminaires
ii) Modifications de type B
iii) Modifications de type A
iv) Remarques finales
Dispositif
Exposé des faits et conclusions
Introduction
I. Pendant la procédure de recours concernant l'affaire à l'origine de la saisine (T 373/12), le titulaire du brevet a déposé une requête subsidiaire visant au maintien du brevet et consistant à combiner la revendication 1 du brevet délivré et la revendication dépendante 3 dudit brevet. Cette revendication dépendante du brevet délivré était entachée d'un manque de clarté, à savoir que l'élément revendiqué était "revêtu substantiellement sur toute sa superficie". Par décision en date du 2 avril 2014, et à la lumière de la jurisprudence des chambres de recours, jugée contradictoire, la chambre a soumis les questions suivantes à la Grande Chambre de recours en vertu de l'article 112 CBE (ci-après dénommées les "questions soumises") :
1. Le terme "modifications" tel qu'utilisé dans la décision G 9/91 de la Grande Chambre de recours (cf. point 3.2.1) doit-il être compris en ce sens qu'il englobe le fait d'insérer textuellement dans une revendication indépendante a) des éléments de revendications dépendantes du brevet tel que délivré et/ou b) des revendications dépendantes entières du brevet tel que délivré, de sorte que les divisions d'opposition et les chambres de recours doivent toujours examiner, en vertu de l'article 101(3) CBE, la clarté des revendications indépendantes ainsi modifiées pendant la procédure ?
2. Si la Grande Chambre de recours répond par l'affirmative à la question 1, l'examen de la clarté de la revendication indépendante est-il dans de tels cas limité aux caractéristiques insérées, ou peut-il être étendu à des caractéristiques qui figuraient déjà dans la revendication indépendante non modifiée ?
3. Si la Grande Chambre de recours répond par la négative à la question 1, l'examen de la clarté des revendications indépendantes ainsi modifiées est-il dès lors toujours exclu ?
4. Si la Grande Chambre de recours conclut qu'un examen de la clarté des revendications indépendantes ainsi modifiées n'est ni toujours nécessaire, ni toujours exclu, quelles conditions doivent être appliquées pour décider si un examen de la clarté doit être envisagé dans une affaire donnée ?
II. Dans sa décision de saisine, la chambre a fait observer ce qui suit :
a) Lors de procédures d'opposition ou de recours faisant suite à une opposition, le cadre juridique dans lequel s'inscrit l'examen de la clarté est déterminé d'un côté en ce que a) la non-conformité avec l'article 84 CBE ne constitue pas un motif d'opposition au sens de l'article 100 CBE, et en ce que b) les dispositions de l'article 101(1) et (2) CBE limitent expressément l'examen de l'opposition aux motifs énoncés à l'article 100 CBE. D'un autre côté, l'article 101(3)b) CBE prévoit que la division d'opposition doit révoquer le brevet modifié en cours d'opposition si elle estime qu'il ne satisfait pas aux exigences de la Convention. Cela signifie que le pouvoir d'examen conféré à la division d'opposition par l'article 101(3) CBE est en principe plus étendu que celui que lui confère l'article 101(1) et (2) CBE. En vertu de l'article 111(1) CBE, le même principe vaut pour les chambres de recours.
b) Dans sa décision G 9/91, la Grande Chambre avait énoncé ce qui suit (point 19 des motifs) :
"Afin d'éviter tout malentendu, il importe en définitive de confirmer qu'en cas de modifications des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours, il faut examiner en détail si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE (eu égard par exemple aux dispositions de l'article 123(2) et (3) CBE)."
La chambre à l'origine de la saisine a constaté que la Grande Chambre n'a pas précisé si par "modifications", il faut entendre n'importe quels changements apportés à une revendication, ou uniquement les modifications de nature plus ou moins qualitative. De même, la chambre à l'origine de la saisine a été d'avis que le contexte de la décision ne donne pas non plus d'orientation à ce sujet. Dans la décision G 9/91, la Grande Chambre s'intéressait à un autre aspect, à savoir les motifs d'opposition que les divisions d'opposition et les chambres de recours sont tenues d'examiner en application des articles 99(1) et 100, et de la règle 55c) CBE 1973 (cf. règle 76(2)c) CBE). Les objections fondées sur l'article 84 CBE ne font pas partie des motifs d'opposition répertoriés exhaustivement à l'article 100 CBE (cf. également la décision T 381/02, point 2.3 des motifs).
c) La chambre a ensuite examiné en détail la jurisprudence des chambres de recours. Elle a estimé que selon l'un des courants jurisprudentiels, dont le point de départ a été la décision T 301/87, l'article 101(3) CBE exige que soit examinée la question de savoir si les modifications aboutissent à une violation des exigences de la Convention, y compris celles de l'article 84 CBE, mais ne permet pas de fonder des objections sur l'article 84 CBE si celles-ci ne découlent pas des modifications apportées. Par contraste, un deuxième courant jurisprudentiel, divergeant du premier et suivant une approche plus large, a émergé suite à la décision T 1459/05. Selon l'approche la plus large, le pouvoir d'examiner si une revendication modifiée satisfait à l'exigence de clarté, est pratiquement illimité.
d) Compte tenu de cette divergence et de l'importance de cette question dans la pratique, la chambre a estimé qu'il y avait lieu de saisir la Grande Chambre de recours.
III. En réponse à une invitation émise par la Grande Chambre de recours, des moyens, des observations, notamment des observations de tiers, ont été présentés respectivement par :
a) le titulaire du brevet (Freedom Innovations, LLC) et l'opposant (Otto Bock HealthCare GmbH) ;
b) le Président de l'Office européen des brevets ;
c) la Fédération Internationale des Conseils en Propriété Intellectuelle ("FICPI"), l'Association américaine du droit de la propriété intellectuelle ("AIPLA"), la Compagnie britannique des conseils en propriété industrielle ("CIPA") et l'Institut des mandataires agréés près l'OEB ("epi") ;
d) Koninklijke Philips N.V., un certain nombre de mandataires en brevets européens et américains à titre individuel, et quelques personnes qui n'ont pas indiqué leur identité.
IV. Aucune des deux parties n'a requis la tenue d'une procédure orale. Concernant les moyens écrits, résumés ci-dessous, une distinction a été établie entre ceux qui soutiennent (à l'instar des moyens présentés par le titulaire du brevet) la réponse "conventionnelle" restrictive aux questions soumises, et ceux (au premier rang desquels les moyens soumis par l'opposant) qui sont favorables à une extension - plus ou moins importante - du pouvoir d'examiner si un brevet modifié satisfait à l'exigence de clarté.
V. Moyens généralement favorables à l'approche conventionnelle restrictive
V.a) Titulaire du brevet
- La constatation formulée dans la décision T 1459/05, selon laquelle le nombre de revendications avait augmenté au cours des années précédentes (au point qu'elles n'étaient pas, et ne pouvaient pas être, toutes examinées), est antérieure à la mise en place de l'actuel système dissuasif de taxes de revendication supplémentaires. Actuellement, le nombre de brevets comptant plus de quinze revendications est relativement faible. Dans la présente affaire, le brevet délivré ne contient d'ailleurs que deux revendications indépendantes et sept revendications dépendantes.
- Le pouvoir d'examen conféré par l'article 101(3) CBE doit s'appliquer uniquement aux aspects soulevés par l'opposition, et non aux questions fondamentales de brevetabilité qui ont déjà été tranchées pendant la procédure d'examen.
- Si la Grande Chambre accordait un pouvoir étendu en matière d'examen de la clarté, elle encouragerait les opposants à soulever de nouvelles objections. Les dispositions de l'article 101(3) CBE doivent être interprétées de manière restrictive, en conformité avec la grande majorité des décisions rendues à ce jour par les chambres de recours.
- Dans la présente affaire, la requête en cause est une simple combinaison des revendications 1 et 3 du brevet délivré. Cette combinaison a été examinée par la division d'examen. Or, il est maintenant demandé à la Grande Chambre de recours d'autoriser qu'une décision contraire soit rendue. L'opposant n'a pas pu soulever d'objection pour manque de clarté en vertu de l'article 84 CBE contre la revendication 1 ou la revendication 3 du brevet délivré. Pourquoi cela devrait-il lui être permis lorsque ces revendications sont simplement combinées l'une à l'autre ?
- Dans la décision G 9/91, la Grande Chambre de recours a indiqué que l'"exigence posée à la règle 55c) CBE de préciser dans quelle mesure le brevet est mis en cause par l'opposition dans le délai fixé à l'article 99(1) CBE serait de toute évidence dénuée de sens si, ultérieurement, des parties du brevet autres que celles ainsi mises en cause pouvaient être librement introduites dans la procédure. Ceci serait contraire à la conception de base de l'opposition après délivrance telle que prévue par la CBE, et exposée ci-avant."
- Il ne peut être répondu que par l'affirmative à la question 1 si la nature de l'objet revendiqué change sur le plan qualitatif à tel point que l'objet des revendications présente, du point de vue de l'homme du métier, une différence manifeste suite à la modification apportée. Si, en revanche, la modification ne consiste qu'à regrouper, sur le plan linguistique, les éléments couverts par les revendications du brevet délivré, le statu quo doit prévaloir. Si l'OEB se voyait accorder le pouvoir de réexaminer, pendant la procédure d'opposition, des questions qui ont déjà été réglées devant la division d'examen, les principes de l'article 100 CBE en seraient fragilisés.
- La décision rendue dans l'affaire T 459/09 est aberrante. La chambre n'a pas expliqué dans cette décision pourquoi le terme "modifications" figurant à l'article 101(3) CBE ne devrait pas être interprété de manière restrictive, ou pourquoi une modification devrait faire l'objet d'un examen afin de s'assurer qu'elle respecte toutes les dispositions de la CBE. L'approche suivie dans cette affaire est beaucoup plus large que celle suggérée dans la décision G 9/91.
V.b) Observations de tiers
V.b)i) FICPI
- Le cadre juridique dans lequel il doit être répondu aux questions est plus vaste que celui suggéré par la chambre à l'origine de la saisine.
- Il est inexact d'affirmer que le pouvoir d'examen conféré par l'article 101(3) CBE est en principe plus étendu que celui que confère l'article 101(1) et (2) CBE. La décision G 1/91 a traité de manière générale la question de savoir si l'article 101(3) CBE signifie que toutes les exigences de la CBE doivent être appliquées aux modifications apportées au cours de la procédure d'opposition. Elle a toutefois expressément laissé en suspens celle de savoir s'il est justifié d'appliquer dans une certaine mesure les exigences de clarté au sens de l'article 84, deuxième phrase CBE. Elle a en outre précisé que l'applicabilité des termes "autres exigences de la présente convention" figurant à l'article 101(3) CBE ne peut dépendre simplement du texte de cet article ; elle dépend en effet également a) de la raison d'être ("ratio legis") de l'article pertinent (l'article 82 CBE dans ce cas) d'une part, et de la procédure d'opposition d'autre part, b) de la systématique juridique et c) éventuellement de l'intention poursuivie à l'origine de l'article.
- Les articles 75 et 76 CBE concernent la demande de brevet et non le brevet délivré ; l'article 69 CBE fait la distinction entre les revendications de la demande et celles du brevet délivré. Cela s'explique par leur différence de nature. La revendication d'un brevet délivré, en ce qu'elle détermine la protection conférée, a le caractère d'une norme juridique, étant donné que les juridictions nationales sont liées par son libellé. Celles-ci doivent interpréter le sens voulu d'une revendication "manquant de clarté" de la même manière que pour une norme juridique "manquant de clarté", et ne peuvent invalider la revendication que dans les limites de l'article 138 CBE (cf. la décision "Straßenbaumaschine" de la Cour fédérale allemande de justice – XZR 95/05).
- La raison d'être de la procédure d'opposition est de permettre à des tiers de s'opposer à des droits de protection injustifiés qui sont conférés par le brevet délivré, et à en obtenir l'annulation (G 1/91). Si, par exemple, un brevet a été délivré alors qu'il contrevient à l'article 83 CBE, l'article 100b) CBE prévoit le motif d'opposition correspondant. Une référence à l'article 83 CBE aurait été inadéquate, puisque celui-ci concerne uniquement la demande de brevet. Il en va de même pour les articles 123(2) et 100c) CBE. Les articles 100 ainsi que 101(1) et (2) CBE offrent par conséquent tous les instruments nécessaires et voulus pour satisfaire à la raison d'être de la procédure d'opposition.
- Les exigences de la Convention qui doivent être observées, conformément à l'article 101(3) CBE, sont énoncées aux articles 52 à 74 CBE (droit matériel des brevets), 99 à 105quater CBE (opposition et limitation) et 113 à 125 CBE (dispositions communes relatives aux demandeurs et aux brevets délivrés). La décision G 1/91 mentionne ainsi l'article 123(2) et (3) pour illustrer l'applicabilité de l'article 101(3) CBE. Tel qu'il est formulé, l'article 84 CBE concerne pour sa part les revendications des demandes de brevet. Cet article (ainsi que les articles 75 à 86 CBE) devient sans objet dès lors que le brevet a été délivré.
- La raison d'être de la procédure d'opposition et de l'article 84 CBE ne peut donc justifier l'existence d'un pouvoir général pour examiner la clarté de revendications modifiées.
- La décision G 1/91 n'a pas répondu à la question de savoir si la pratique de l'OEB, qui consiste à examiner dans une certaine mesure la clarté pendant la procédure d'opposition, est justifiée. Une application directe de l'article 84, deuxième phrase CBE est exclue en raison de son libellé et de sa place dans la CBE, mais aussi compte tenu de la nature juridique des revendications d'un brevet délivré.
- L'expression "le brevet tel qu'il a été modifié" qui figure à l'article 101(3)a) CBE ne peut se référer qu'à la forme modifiée telle que le titulaire du brevet l'a requise, et la question essentielle concerne donc la recevabilité de la requête plutôt que l'article 84 CBE. S'agissant de la recevabilité de la requête, les règles 80 et 86 CBE sont éventuellement pertinentes. Pour ce qui est de la règle 86 CBE, la troisième partie du règlement d'exécution n'a pas pour objet la clarté au sens de l'article 84 CBE (bien qu'elle prévoie l'application de l'article 84 CBE au titre de la règle 43 CBE), si bien qu'aucune de ces dispositions procédurales ne se rapporte, explicitement ou implicitement, à la clarté des revendications dont le maintien est requis.
- Cependant, selon un principe général de procédure, une requête d'ordre procédural doit clairement indiquer l'objet de la requête, même s'il peut s'avérer nécessaire de l'interpréter dans une certaine mesure. Ce principe de procédure peut dûment justifier la pratique suivie par l'OEB, qui consiste à exiger un certain degré de clarté dans le cadre de la procédure d'opposition. Cette pratique doit toutefois respecter la raison d'être fondamentale de la procédure d'opposition et la nature juridique des revendications d'un brevet délivré.
- Une revendication dépendante d'un brevet délivré et sa revendication indépendante ont toutes deux le caractère d'une norme juridique. Une revendication dépendante découle pour l'essentiel de l'application de l'exigence relative à la concision, qui est énoncée à l'article 84 CBE, tel que mis en œuvre par la règle 43(4) CBE. Une combinaison de revendications d'un brevet délivré ne fait qu'annuler une partie des revendications dudit brevet, et limiter les revendications restantes. Dans ce cas, un examen de la clarté n'est donc pas possible, que cet examen porte sur la requête d'ordre procédural ou qu'il soit effectué sur la base de l'article 84 CBE. Si cette revendication modifiée pouvait être examinée quant à sa clarté, cela aurait pour effet d'admettre de facto l'article 84 CBE comme motif d'opposition. La signification de la revendication doit être déterminée par interprétation.
- En ce qui concerne la question 2, lorsqu'une caractéristique provenant d'une revendication dépendante est insérée dans la revendication indépendante, l'examen de la clarté n'est pas exclu en vertu du caractère juridique de la revendication du brevet délivré. Un tel examen n'est toutefois pas opportun dans tous les cas :
a) Il devrait être possible d'examiner la clarté lorsque la modification entraîne un problème de clarté qui n'existait pas dans les revendications du brevet délivré. Dans un souci de respecter l'équilibre entre la sécurité juridique du public et les intérêts légitimes du titulaire du brevet, il convient en effet d'éviter de nouveaux problèmes de clarté.
b) Toutefois, si le problème de clarté existait déjà dans les revendications du brevet délivré, la clarté ne doit pas être examinée. Les intérêts du titulaire du brevet doivent prévaloir, puisque le problème était déjà présent et que la modification n'a pas eu d'incidence sur la sécurité juridique du public.
V.b)ii) Autres observations de tiers
- Il convient de formuler les revendications de telle sorte qu'elles définissent l'objet de la protection demandée. La correspondance entre les revendications et la description doit - ou devrait - être telle que les revendications se fondent sur la description.
- Une revendication manque de clarté si l'homme du métier peut la comprendre d'au moins deux façons différentes, au point que même en s'appuyant sur la description et les dessins, il n'est pas en mesure de dire laquelle des deux interprétations correspond à celle souhaitée par le demandeur.
- Le recours à la description pendant l'examen des revendications est nécessaire, étant donné que l'article 84 CBE exige que les revendications soient formulées de façon claire et concise, ce qui signifie que les explications données dans la description servent à comprendre les revendications, la description devant, en même temps, servir de fondement aux revendications.
- Les revendications qui manquent de clarté ne sont pas admises dans la procédure d'examen.
- Même si le manque de clarté n'est pas un motif de nullité en droit allemand, les juridictions allemandes (Tribunal fédéral des brevets et Cour fédérale de justice) appliquent l'article 84 CBE lorsqu'elles examinent les modifications apportées dans le cadre des actions en nullité ; elles n'ont pas admis jusqu'ici des modifications de revendications qui ne satisfont pas à l'exigence de clarté.
- Les chambres de recours ont indiqué à maintes reprises que les revendications doivent être claires, afin que les concurrents du titulaire du brevet puissent déterminer, au prix d'un effort raisonnable, si leurs activités sont ou non comprises dans la portée des revendications. La CBE ne transfère à l'OEB la tâche de déterminer l'étendue de la protection (conférée par les revendications du brevet délivré) que lorsque les revendications sont modifiées au cours de la procédure d'opposition. L'OEB doit alors examiner si l'étendue de la protection s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (article 123(2) CBE). Pour le reste, il incombe aux juridictions nationales de déterminer l'étendue exacte de la protection.
- Dans les actions en contrefaçon devant les juridictions nationales, le débat peut porter (mais cela est rarement le cas) sur la nature des propriétés ou caractéristiques techniques que présente l'élément allégué de contrefaçon. Cependant, la plupart du temps, c'est l'interprétation des revendications en vertu de l'article 69 CBE qui fait débat. Le défendeur invoque généralement le fait que le demandeur interprète les revendications dans un sens plus large que celui prévu par l'article 69 CBE, tandis que le demandeur tend habituellement à faire valoir que le défendeur interprète les revendications d'une manière trop littérale, ce qui est interdit par le protocole interprétatif de l'article 69 CBE. La question de savoir si la revendication pertinente est claire au sens de l'article 84 CBE ne joue aucun rôle dans la pratique. L'expérience montre qu'une revendication peut donner lieu à des interprétations différentes, d'une juridiction nationale à l'autre.
- Tout examen, par l'OEB, de l'étendue de la protection est vain, car il est impossible de savoir comment la juridiction nationale interprétera les revendications.
- Si une revendication manque de clarté, les juridictions nationales interprètent, ou peuvent interpréter, la revendication d'une manière qui est favorable au défendeur.
- Quand il s'agit en particulier de chiffres ou de mesures, la juridiction saisie de la contrefaçon peut interpréter la revendication d'une manière raisonnable plutôt que stricte.
- Pour les tribunaux allemands, un brevet délivré a le caractère d'une norme juridique, et ce même si une revendication manque de clarté ou si son interprétation pose problème.
- Par conséquent, la question de savoir si une revendication est claire au sens de l'article 84 CBE ne saurait être tranchée sur la seule base de son libellé.
- Il n'est pas possible d'établir une nette distinction entre des revendications qui sont claires et celles qui ne le sont pas.
VI. Moyens généralement favorables à un pouvoir plus étendu
VI.a) Opposant
- Il découle clairement de la décision G 9/91 qu'un brevet, une fois délivré, peut encore être examiné au regard de l'un ou de plusieurs des motifs d'opposition prévus à l'article 100 CBE. Si au moins un motif d'opposition est justifié (et que la procédure d'opposition est donc engagée), et si le titulaire du brevet propose des modifications, la division d'opposition doit établir si le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont à toutes les exigences de la CBE.
- Les décisions T 409/10 et T 459/09 sont parvenues à la conclusion qu'un examen de la clarté est admis lorsqu'une modification de nature substantielle est apportée, même si, selon la décision T 459/09, cette modification consiste à combiner des revendications du brevet délivré. Il y aurait lieu de confirmer cette jurisprudence récente, qui diverge de la jurisprudence antérieure. L'article 101 CBE ne justifie pas la conclusion selon laquelle il n'est en aucun cas possible d'examiner la clarté lorsque les revendications du brevet délivré étaient déjà entachées du manque de clarté allégué. Les motifs d'opposition énoncés à cet article déterminent seulement sur quelles bases la procédure d'opposition peut être "engagée". L'article 100 CBE ne donne aucune précision sur l'obligation d'examen au titre de l'article 101 CBE.
- Les questions soumises partent du principe qu'une combinaison de revendications d'un brevet délivré constitue une modification. Il ne fait aucun doute que l'insertion, dans la revendication indépendante du brevet délivré, de caractéristiques provenant d'une revendication dépendante dudit brevet, constitue une modification substantielle ("wesentliche Änderung"), relevant de l'article 101(3) CBE, ainsi qu'il ressort du libellé de cet article ("compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition"). Le point de départ de cette situation est l'article 101(2) CBE, et le fait que les revendications non modifiées ne satisfont pas aux exigences de la CBE ("au moins un motif d'opposition s'oppose au maintien du brevet européen"), alors que les revendications modifiées y satisfont peut-être. Une modification au sens de l'article 101 CBE est donc en mesure de contribuer à rendre les revendications brevetables, que cela soit ou non réellement le cas dans l'affaire considérée. La combinaison d'une revendication dépendante et de sa revendication indépendante est donc une modification au sens de l'article 101(3) CBE et de la décision G 9/91.
- Dans de nombreux cas, il n'est guère possible de faire la distinction établie par la jurisprudence des chambres de recours, selon laquelle la possibilité d'examiner la clarté d'une revendication modifiée dépend de la question de savoir si le texte du brevet délivré était ou non déjà entaché d'un manque de clarté. Avec l'incorporation, dans la revendication indépendante, d'une caractéristique provenant d'une revendication dépendante du brevet délivré, le manque de clarté existant est susceptible d'avoir beaucoup plus d'importance que ce n'était le cas pour la revendication dépendante du brevet délivré. Il est fréquent qu'une telle incorporation ne constitue pas un simple ajout d'une caractéristique supplémentaire, mais qu'elle modifie aussi l'enseignement de la revendication indépendante dans son ensemble. Limiter la possibilité d'examiner la clarté de la revendication aurait pour effet de restreindre la capacité de la division d'opposition à effectuer l'examen, ce qui n'aurait pas de sens. La division d'examen devrait avoir des talents de devin pour évaluer toutes les conséquences découlant de l'ajout d'une caractéristique particulière extraite de revendications interdépendantes.
- La limitation des motifs pour lesquels une procédure d'opposition peut être "engagée" a pour but d'empêcher que celle-ci ne soit fondée que sur des irrégularités de forme concernant la procédure d'examen ou la décision relative à la délivrance. Cela n'exclut pas la possibilité d'examiner la clarté si une opposition recevable entraîne une modification de l'objet revendiqué.
VI.b) Président de l'Office
- L'article 101(3) CBE est la disposition clé en ce qui concerne l'examen de modifications apportées aux brevets. Il convient de rappeler que les dispositions très étudiées de la CBE relatives à l'opposition et à l'examen quant au fond sont destinées à garantir que l'OEB ne délivrera et ne maintiendra en vigueur des brevets que si ceux-ci sont jugés valables (G 1/84). Les réponses aux questions soumises auront donc une incidence considérable sur la qualité des brevets européens.
- Les exigences de l'article 84 CBE doivent permettre au public de savoir clairement quels sont les objets qui sont couverts par une revendication donnée. Elles sont donc d'une importance primordiale pour la sécurité juridique.
- Les revendications indépendantes doivent contenir les caractéristiques essentielles de l'invention ; les revendications dépendantes contiennent les modes de réalisation particuliers. L'exigence de clarté s'applique aux deux types de revendications.
- L'exigence de clarté n'est pas un motif d'opposition et ne peut donc être invoquée contre les revendications du brevet délivré. Si des modifications sont toutefois apportées, l'article 101(3) CBE confère à la division d'opposition une compétence plus étendue, qui lui permet d'examiner le brevet modifié à la lumière des exigences de la CBE. Cette compétence plus étendue est confirmée dans la décision G 9/91 et l'avis G 10/91, point 19 des motifs. Contrairement à l'unité d'invention, la clarté est une condition requise pour les textes modifiés au cours de la procédure d'opposition (G 1/91).
- La décision G 9/91 et l'avis G 10/91 ne donnent pas de précisions quant aux types de modifications qui nécessitent un examen complet au cours de la procédure d'opposition. Il en va de même à l'article 101(3) CBE. La jurisprudence des chambres de recours est divisée sur ce point. L'absence de fondement joue également un rôle, bien qu'elle ne soit pas mentionnée dans les questions soumises.
- Les travaux préparatoires relatifs à la CBE 1973 n'apportent pas de réponse directe aux questions soumises. Le fait que les exigences de l'article 84 CBE soient énoncées dans un article de la Convention plutôt que dans son règlement d'exécution, dénote l'importance que leur a accordée le législateur. Il découle des travaux préparatoires que la décision de ne pas faire du manque de clarté un motif d'opposition ou de révocation était délibérée et qu'elle a été prise, eu égard à la procédure d'opposition, dans le but de rationaliser celle-ci.
- Le texte de la version précédente de l'article 101(3) CBE a en fait été modifié, pour revêtir sa forme actuelle, au cours des travaux préparatoires, lesquels font apparaître que l'intention initiale du législateur avait été de limiter aux motifs d'opposition les pouvoirs d'examen de la division d'opposition, et que ces pouvoirs avaient ensuite été étendus.
- La version précédente de l'article 101(3) CBE a été modifiée dans le cadre de la CBE 2000, afin de fournir une base juridique claire pour la révocation lorsque le brevet modifié ne satisfait pas aux exigences de la CBE. Il ressort des documents de travail que si des modifications sont apportées au cours de la procédure d'opposition, le brevet modifié doit être conforme à l'ensemble des dispositions de la CBE.
- Lors des travaux de révision pour la CBE 2000, une délégation nationale (britannique) a une nouvelle fois proposé d'introduire l'absence de fondement en tant que motif d'opposition et de révocation, afin de faire obstacle aux revendications de portée excessive. Cette proposition a été rejetée au motif que le même objectif pouvait être atteint en appliquant soit l'article 83, soit l'article 56 CBE. Une proposition soumise par l'epi en vue de faire du manque de clarté un motif d'opposition, a elle aussi été rejetée.
- On peut conclure de ce qui précède d'une part que les utilisateurs ont jugé nécessaire d'introduire dans la pratique un tel motif d'opposition, et d'autre part qu'il a été confirmé que le brevet tel que modifié au cours de la procédure d'opposition doit être examiné quant à sa conformité à l'ensemble des dispositions de la CBE et que l'article 84 CBE peut être un motif de révocation d'un brevet modifié.
- Dans le cadre des négociations relatives à un Traité sur le droit matériel des brevets, un document sur les pratiques suivies au titre de certaines législations nationales/régionales a fait apparaître qu'en 2002, la plupart des systèmes étudiés prévoyaient des exigences comparables à celles de l'article 84 CBE, et qu'elles constituaient des motifs d'opposition et/ou de nullité.
- S'agissant de la jurisprudence des chambres de recours, seules quelques décisions ont autorisé un examen de la clarté lorsque des caractéristiques de revendications dépendantes avaient été introduites dans la revendication indépendante. Cela n'a pas été le cas dans la majorité des décisions rendues. La même remarque est valable en ce qui concerne une combinaison de revendications du brevet délivré. Le même type d'argument a été utilisé dans chaque cas, et a été en partie invoqué lorsque la caractéristique ajoutée provenait de la description. (Les observations du Président de l'Office contiennent une analyse approfondie de la jurisprudence des chambres de recours techniques. Cette analyse n'est pas reproduite ici, mais la jurisprudence est résumée et commentée par la Grande Chambre de recours dans la partie E, points 18 à 43 ci-dessous.)
- Les chambres de recours ayant rendu des décisions divergentes, le texte actuel des Directives relatives à l'examen précise seulement qu'en cas de modifications, des objections ne peuvent être formulées au titre de l'article 84 CBE que si l'irrégularité alléguée est due à la modification, et non pas si l'irrégularité ne découle pas des modifications (il est renvoyé à la décision T 301/87). Une clarification du droit est de la plus haute importance pour le travail des divisions d'opposition. Environ 70 % des dossiers d'opposition ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal en 2013 concernaient un brevet qui avait été modifié au cours de la procédure d'opposition.
- Pour ce qui est de l'interprétation de l'article 101(3) CBE, la question cruciale qui se pose est de savoir comment limiter l'examen de revendications modifiées. Le texte de cet article ne restreint pas le pouvoir d'examen, mais prévoit que le brevet dans son ensemble et l'invention qui en fait l'objet doivent satisfaire aux exigences de la CBE. Il correspond en cela au texte de l'article 97 CBE, qui concerne la procédure d'examen, et on peut donc en déduire que l'intention du législateur a été de conférer des pouvoirs similaires aux divisions d'examen et aux divisions d'opposition.
- L'expression "modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition", telle que figurant à l'article 101(3) CBE, revêt un caractère absolu et ne définit ni l'étendue ni la nature de la modification (T 459/09). Cette interprétation est conforme à d'autres dispositions de la CBE qui régissent le droit de modifier une demande ou un brevet (article 123 CBE et règle 137 CBE). Par exemple, conformément à la règle 137(3) CBE, la division d'examen est essentiellement tenue de prendre en considération et de mettre en balance tous les éléments pertinents du cas d'espèce, en particulier l'intérêt du demandeur à obtenir un brevet valable, et l'intérêt de l'OEB et du public à disposer d'une procédure d'examen simple et efficace ; la nature de la modification proprement dite n'entre pas en ligne de compte. Il découle de la décision G 7/93 que les modifications qui ne nécessitent pas une reprise de l'examen quant au fond peuvent être autorisées : elles n'en sont pas moins des modifications.
- Même s'il était admis que le pouvoir d'examiner la clarté ne s'applique que dans le cas de modifications "fondamentales", toute modification recevable est nécessairement fondamentale, en ce sens que par l'incorporation d'une caractéristique significative sur le plan technique, cette modification vise à lever une objection (règle 80 CBE ; T 459/09). Cela est conforme à la décision G 9/91 et à l'avis G 10/91, qui se réfèrent à des "modifications des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours", sans préciser de quel type de modifications il s'agit.
- La limitation du pouvoir d'examiner la clarté de revendications modifiées est principalement justifiée dans la jurisprudence par le fait que l'article 84 CBE ne constitue pas un motif d'opposition. Or, l'article 101 CBE établit une nette distinction entre le cas où aucune modification n'est apportée (article 101(2) CBE) et celui où des modifications sont effectuées (article 101(3) CBE). Dans ce dernier cas, le pouvoir d'examen n'est pas limité aux motifs d'opposition. C'est dans le but de clarifier cet aspect que le texte de la version précédente de l'article 102(3) CBE a été explicitement changé. Toute modification apportée à une revendication indépendante a une incidence sur l'ensemble des revendications dépendantes, si bien que la clarté de ces dernières doit être examinée. Selon la décision G 9/91 et l'avis G 10/91, toutes les revendications dépendantes peuvent être examinées, même si l'opposition est dirigée uniquement contre les revendications indépendantes.
- Les problèmes de clarté ou d'absence de fondement qui étaient déjà présents dans les revendications du brevet délivré doivent donner lieu à des objections pendant la procédure d'examen au titre de l'article 94(1) CBE (sic). La procédure d'opposition ne doit pas être considérée comme le prolongement de la procédure d'examen ; elle est conçue comme une procédure simple et rapide, qui doit permettre, d'un côté, d'examiner dûment les objections pertinentes et, de l'autre, de rendre une décision le plus vite possible.
- Même si l'article 84 CBE n'est pas devenu un motif d'opposition, il n'en reste pas moins que le brevet tel que modifié au cours de la procédure d'opposition n'a pas encore été examiné, et ne peut avoir été examiné par la division d'examen au regard des exigences de la CBE. De nouveaux problèmes de clarté peuvent se poser même dans le cas où une revendication dépendante est incorporée dans la revendication indépendante.
- Un manque de clarté peut également être mis en évidence dans le cas où les revendications étaient liées entre elles par des dépendances multiples et qu'elles font désormais l'objet d'une combinaison qui n'avait pas la même importance auparavant.
- La clarté des revendications est importante pour le public comme pour le titulaire du brevet. Elle est une condition préalable à la sécurité juridique et permet d'éviter des actions en contrefaçon et en nullité coûteuses au niveau national. La procédure d'opposition est une procédure centralisée et économique, à la différence des actions nationales individuelles en nullité et en contrefaçon.
- La proposition visant à introduire la clarté comme motif d'opposition et de révocation lors des préparatifs de la CBE 1973 montre à quel point cet aspect est important. Il convient aussi d'avoir présent à l'esprit que d'autres systèmes de brevets prévoient un tel motif d'opposition ou de révocation. Le fait qu'il n'a pas été retenu est qualifié de "défaut congénital de la CBE". La nécessité de garantir l'efficacité de la procédure d'opposition ne saurait prévaloir sur l'exigence selon laquelle le brevet tel que modifié et l'invention qui en fait l'objet doivent satisfaire aux exigences de l'article 84 CBE.
- L'autre exigence énoncée à l'article 84 CBE, à savoir que les variantes couvertes par les revendications doivent se fonder sur la description, reflète le principe général en vertu duquel les revendications doivent correspondre à l'apport technique (T 409/91). Les tentatives répétées visant à introduire l'absence de fondement comme motif d'opposition et de révocation montrent que la formulation d'objections au titre de l'article 84 CBE est une nécessité dans la pratique lorsque des revendications ne se fondent pas suffisamment sur la description.
- S'il n'est pas permis d'élever d'objections à l'encontre de modifications entraînant des problèmes de clarté, les ambiguïtés doivent être levées en interprétant les revendications pendant la procédure d'opposition. Cela est le cas dans les actions nationales en contrefaçon / en nullité, qui peuvent aboutir à des interprétations différentes des revendications. Même si l'historique du dossier n'est pas admis dans tous les systèmes juridiques en tant que source d'interprétation d'une revendication, les juridictions nationales et les parties doivent bénéficier d'un examen rigoureux de la clarté d'un brevet, et non se voir contraintes à une étude approfondie du dossier d'examen ou d'opposition pour mettre en évidence des incohérences.
- Il est exact que certains aspects relatifs à la clarté ou à l'absence de fondement sont effectivement traités conformément à l'article 83 CBE (cf. par exemple les décisions T 465/05 et T 815/07, à comparer toutefois avec la décision T 593/09, point 4 des motifs). On peut considérer que cette jurisprudence soutient l'idée que le pouvoir découlant de l'article 101(3) CBE ne devrait pas être inutilement limité, puisqu'il existe une nécessité pratique de traiter ces irrégularités au cours de la procédure d'opposition.
- Les questions soumises appellent donc les réponses suivantes :
(1) La réponse est affirmative, et devrait inclure l'exigence selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description, conformément à l'article 84 CBE.
(2) Il convient de répondre par l'affirmative. L'examen ne doit pas se limiter aux caractéristiques insérées. Un examen approfondi de la clarté est essentiel pour le maintien de brevets valides, dans la mesure où il améliore la sécurité juridique.
(3), (4) L'examen de la clarté du brevet modifié ne saurait être réservé à des circonstances exceptionnelles. Il est en tout état de cause inévitable dans le cas où, s'il n'était pas effectué, l'évaluation des autres conditions serait beaucoup plus difficile, par exemple lorsque la pertinence technique de la caractéristique ajoutée est déterminante pour faire la distinction entre la revendication et l'état de la technique.
VI.c) Observations de tiers
VI.c)i) Éléments de réflexion d'ordre général sur les orientations à suivre
- La clarté des revendications est un aspect important à la fois pour le titulaire du brevet et les tiers.
- Il importe particulièrement que l'OEB exige qu'il soit satisfait à la condition de clarté à chaque étape de la procédure, car l'article 138 CBE ne permet pas aux juridictions nationales de déclarer nul un brevet pour absence de clarté ; il convient par conséquent d'adopter les procédures adéquates.
- Parmi les trois éléments de réflexion concernant les orientations à suivre et pertinents à l'égard des questions soumises, à savoir a) limiter les obstacles à l'obtention d'un brevet, b) éviter de rendre plus complexe la procédure d'opposition, et c) garantir la qualité des brevets européens, l'élément c) est primordial. Il est préférable d'avoir un brevet entaché d'éventuels problèmes de clarté que pas de brevet du tout (notamment en Europe, où la clarté ne peut pas être directement réexaminée dans les actions en nullité au niveau national).
- Il convient d'éliminer les titres de propriété intellectuelle non valables, afin de ne pas fausser la concurrence.
VI.c)ii) Procédure d'examen
- Des critères plus ou moins stricts doivent être appliqués en ce qui concerne l'approche à suivre en matière de clarté. Ainsi, les caractéristiques techniques qui sont déterminantes doivent être suffisamment claires pour que l'objet revendiqué puisse être différencié des éléments non revendiqués. Un niveau de clarté moins élevé est acceptable pour le reste. Il convient de mettre en balance la protection équitable de l'inventeur et la sécurité juridique du public.
- Si, au cours de l'examen, une revendication indépendante est par exemple considérée comme nouvelle, peu importe (au regard de la nouveauté) qu'une revendication dépendante manque de clarté : elle n'en sera pas moins nouvelle. Ce n'est que lorsqu'un autre élément de l'état de la technique est cité pendant la procédure d'opposition que la question de savoir si cette revendication dépendante délimite clairement l'objet par rapport à cet élément de l'état de la technique peut devenir cruciale. Il se peut en effet que le manque de clarté n'ait pas pu être mis en évidence pendant la procédure d'examen, autrement dit qu'il ne soit apparu qu'à la lumière du nouvel élément cité de l'état de la technique.
- Les ressources dont la division d'examen dispose pour examiner les revendications dépendantes ne sont pas illimitées et doivent être affectées en fonction de priorités. L'attention se focalisera inévitablement davantage sur les revendications indépendantes que sur les revendications dépendantes.
- Si un doute existe pendant la procédure d'examen en ce qui concerne la clarté d'une revendication, l'examinateur peut raisonnablement accorder le bénéfice du doute au demandeur.
- Il est peu probable que le fait d'accorder plus d'attention à la clarté des revendications dépendantes pendant l'examen améliore la qualité de la procédure de délivrance des brevets dans son ensemble. En tout état de cause, cela n'aurait aucune incidence sur les brevets délivrés.
- En réalité, seules les revendications indépendantes font l'objet d'un examen rigoureux de la clarté pendant la procédure d'examen. Si tant est que l'énoncé d'une revendication dépendante soit évalué au regard de la clarté, la revendication dépendante en question sera examinée isolément au regard de cette condition, et non pas en combinaison avec la revendication indépendante.
- Il est irréaliste de croire que la clarté de revendications ayant des dépendances multiples est évaluée pendant la procédure d'examen.
VI.c)iii) Procédure d'opposition
- La raison pour laquelle la clarté n'est pas un motif d'opposition tient au fait que la clarté des revendications a été évaluée pendant la procédure d'examen. Il n'en va pas de même pour les revendications modifiées au cours de la procédure d'opposition.
- Il peut certes être utile de limiter les motifs d'opposition (afin d'éviter toute perte de temps et des oppositions abusives, ergotant sur le manque de clarté), mais la situation n'est plus la même dès lors que les revendications doivent être modifiées.
- Une invention ne peut jamais être définie d'une manière qui soit claire en tous points. Par conséquent, si l'article 84 CBE était un motif d'opposition, chaque revendication d'un brevet délivré serait contestée.
- Dans la décision G 9/91, la Grande Chambre adopte une position claire, en s'appuyant sur un examen minutieux des dispositions de la CBE et de la volonté des auteurs de la CBE d'imposer, pendant la procédure postérieure à la délivrance, une obligation destinée à éviter que des brevets non valables soient éventuellement maintenus, puisque cela diminuerait l'attrait de la CBE.
- Une distinction nette est établie entre, d'une part, l'article 101(3) CBE (qui se réfère aux exigences de la Convention) et, d'autre part, l'article 101(1) et (2) CBE (qui ne renvoie qu'aux motifs d'opposition). Cette différence ne peut être qu'intentionnelle. Les "exigences de la Convention" (dont fait partie à l'évidence l'article 84 CBE) sont plus nombreuses que les motifs d'opposition. Rien ne justifie une interprétation restrictive de l'article 101(3) CBE ou du terme "modification", ou une limitation de l'examen aux aspects liés à la modification. Le texte de l'article 101(3) CBE ne permet pas à l'OEB de limiter l'examen de la clarté en fonction de la question de savoir si le manque de clarté allégué découle ou non des modifications apportées.
- Le brevet doit être révoqué si la modification ne satisfait pas aux exigences de la Convention.
- Les termes "compte tenu des modifications apportées ... au cours de la procédure d'opposition" suggèrent uniquement que quelque chose doit être pris en considération. Si une limitation du pouvoir d'examen avait été voulue, des termes tels que "sur la base de" auraient été choisis à la place de "compte tenu de".
- Il convient de partir du principe qu'un brevet délivré satisfait à toutes les exigences de la CBE et, partant, que toutes les revendications dépendantes remplissent les conditions de l'article 84 CBE. C'est donc l'opposant qui devrait apporter la preuve qu'à première vue, l'incorporation de toutes les caractéristiques d'une revendication dépendante dans une revendication indépendante ne satisfait pas aux exigences de l'article 84 CBE. À cet égard, le simple fait de signaler qu'une modification a été apportée ne saurait être considéré comme constituant à première vue une preuve.
- Les aspects qui relèvent de l'article 84 CBE doivent être examinés lorsqu'une revendication dépendante est intégralement ou partiellement insérée dans une revendication indépendante. L'argument selon lequel une revendication dépendante insérée dans une revendication indépendante est (et reste) une revendication du brevet délivré ne trouve pas de fondement dans l'article 101(3) CBE.
- Aucune disposition de la CBE ne permet de conclure qu'une simple combinaison de revendications ne constitue pas une modification. L'article 101(3) CBE ne distingue pas entre différents types de modifications ; il est applicable quel que soit le type de modifications. La jurisprudence conventionnelle interprète le terme "modifications" figurant à l'article 101(3) CBE et dans la décision G 9/91 d'une manière trop restrictive. Elle n'est fondée sur aucune disposition spécifique de la CBE. Distinguer entre différents types de modifications afin de légitimer l'existence, ou l'absence, d'un pouvoir d'examen de la clarté n'a aucun intérêt et n'est pas justifié sur le plan juridique. La limitation d'un tel pouvoir aux modifications qui sont substantielles est ambiguë, puisque la question de savoir si une modification est substantielle dépend de l'opinion subjective de la division d'opposition ou de la chambre de recours.
- Bien que la saisine porte sur la question de la clarté, une revendication modifiée qui enfreint les articles 83 ou 123(2) CBE ne devrait pas, elle non plus, être maintenue, même si les motifs d'opposition prévus à l'article 100b) ou 100c) CBE n'ont pas été invoqués. Dans certaines affaires dans lesquelles les caractéristiques d'une revendication dépendant de plusieurs revendications de rang plus élevé ont été incorporées dans une revendication indépendante, les chambres de recours ont examiné la revendication modifiée afin de déterminer si elle satisfaisait aux exigences de l'article 123 CBE, car ces liens de dépendance avaient rendu nécessaire un tel examen. Si cela est admis, il convient d'évaluer également la conformité de revendications modifiées avec l'article 84 CBE.
- L'image de marque de l'OEB est fondée sur la qualité. Lorsqu'il est établi qu'un motif d'opposition s'oppose au maintien d'un brevet, l'OEB ne doit pas maintenir le brevet tel qu'il a été modifié s'il ne satisfait pas (pour toute autre raison) aux exigences de la CBE. L'existence même d'une procédure d'opposition indique que le brevet est important et qu'il peut donner lieu à des litiges. Un manque de clarté conduit à une insécurité juridique et occasionne des frais de contentieux.
- Les motifs donnés dans la décision T 301/87 pour ne pas examiner la clarté de modifications apportées à des revendications du brevet délivré ne peuvent être corrects, et ce pour les raisons suivantes :
a) des modifications apportées au cours de la procédure d'opposition ne sont jamais mineures. Elles visent à lever une objection.
b) Si l'on peut raisonnablement admettre qu'un brevet délivré ne devrait être réexaminé qu'au regard d'un nombre limité de motifs d'opposition ou de nullité, afin de ne pas mettre en cause trop facilement les brevets délivrés, il en va autrement dès lors qu'il a été établi que le brevet ne peut être maintenu. L'examen doit de toute façon être repris.
c) Une opposition est limitée non seulement aux motifs d'opposition visés à l'article 100 CBE, mais elle l'est aussi par l'acte d'opposition. Lorsqu'une revendication modifiée enfreint l'un des motifs d'opposition qui n'ont pas été invoqués, l'OEB ne devrait pas maintenir le brevet s'il a connaissance de cette violation. Il n'y a pas de différence entre une disposition comme l'article 84 CBE et des dispositions telles que les articles 83 et 123 CBE qui n'ont pas été invoquées par un opposant.
- Le titulaire d'un brevet qui, au cours de la procédure d'opposition, combine une revendication dépendante avec la revendication indépendante ne devrait pas être avantagé par rapport à un demandeur qui fait de même pendant la procédure d'examen (durant laquelle la clarté de la revendication modifiée sera examinée).
- Une caractéristique extraite de la description et insérée dans une revendication du brevet délivré en vue de sauvegarder le brevet, fera l'objet d'un examen extrêmement rigoureux au regard de la clarté, alors que cela ne sera pas le cas pour une caractéristique tirée d'une revendication dépendante du brevet délivré. Cette approche rigide et cette différence de traitement ne sont pas appropriées.
- La règle 80 CBE devrait être interprétée en ce sens que les termes "apportées pour pouvoir répondre" incluent l'idée d'une conséquence "directe" ou "indirecte", autorisant ainsi le titulaire d'un brevet à modifier une nouvelle fois les revendications, afin de lever des objections valablement émises au titre de l'article 84 CBE suite à une modification apportée pour répondre à un motif d'opposition relevant de l'article 100 CBE.
- Par conséquent, et compte tenu des différents moyens soumis, il conviendrait, pour chaque modification apportée, d'examiner l'ensemble du brevet, ou seulement les revendications modifiées, afin d'établir s'il est satisfait aux exigences de la CBE. Une autre possibilité consisterait à vérifier la conformité des revendications modifiées à l'article 84 CBE en toutes circonstances, ou bien seulement sur la base des critères appliqués dans une ou plusieurs des décisions "divergentes" des chambres de recours. Il a également été suggéré que lorsqu'une modification semble à première vue être à l'origine d'un problème de clarté, la clarté devrait être examinée selon des critères raisonnables, mais non illimités. Une autre possibilité serait encore d'examiner la clarté des revendications modifiées, mais uniquement pour établir si une modification d'une revendication indépendante aurait pour effet de rendre la revendication modifiée si peu claire que son ambiguïté serait selon toute vraisemblance irrémédiable (conformément à l'approche suivie par la Cour d'appel des États-Unis pour le circuit fédéral). Il a également été proposé au regard de la question 4 que la première condition devrait être l'existence, dans la revendication indépendante telle que modifiée, d'un éventuel problème relevant de l'article 84 CBE, la deuxième condition étant que ce problème éventuel ne devrait pas résider entièrement ni exclusivement dans le jeu de caractéristiques de la revendication non modifiée. Si la caractéristique modifiée contribue d'une quelconque manière, ou dans une mesure significative, au problème relevant de l'article 84 CBE, il conviendrait d'examiner la conformité du brevet modifié avec l'article 84 CBE.
Motifs de la décision
A. Recevabilité de la saisine
1. La décision de saisine attire l'attention sur une divergence apparue dans la jurisprudence des chambres de recours, divergence qui est confirmée dans les moyens soumis par les parties, les observations du Président de l'Office et les observations de tiers, et qui est traitée plus en détail ci-dessous. Il ne fait également aucun doute que la saisine soulève une question de droit d'importance fondamentale, étant donné que les réponses apportées auront une incidence qui ira au-delà de l'affaire spécifique en instance et seront pertinentes dans un grand nombre d'affaires similaires. Voir la décision G 1/12 (à paraître au JO OEB)1, points 11 et 12 des motifs. De plus, il doit être répondu à au moins une partie des questions soumises, afin que la chambre à l'origine de la saisine puisse statuer sur le recours qu'elle instruit. La saisine est donc recevable.
B. Questions soumises : considérations préliminaires
2. La partie b) de la question 1 vise à déterminer si le terme "modifications" tel qu'utilisé dans la décision G 9/91 doit être compris en ce sens qu'il englobe le fait d'insérer textuellement dans une revendication indépendante des revendications dépendantes entières du brevet tel que délivré. Adoptant la classification choisie par la chambre à l'origine de la saisine, la présente Chambre fera référence à cet égard à une modification de type B. Celle-ci peut être illustrée par l'exemple simplifié suivant : la revendication 1 du brevet délivré a pour objet un produit comprenant X ; la revendication 2 du brevet délivré concerne un produit selon la revendication 1, dans laquelle la quantité de X comprise dans le produit est substantielle ; la revendication 1 modifiée porte sur un produit comprenant une quantité substantielle de X.
Il se peut bien entendu que la revendication indépendante soit déjà entachée d'un manque de clarté, par exemple dans le cas où la revendication 1 du brevet délivré a pour objet un produit comprenant une quantité substantielle de X et où la revendication 2 du brevet délivré concerne un produit selon la revendication 1, qui comprend également Y (voir par exemple l'affaire T 626/91).
3. La partie a) de la question 1 vise à établir si le terme "modifications" tel qu'utilisé dans la décision G 9/91 doit être compris en ce sens qu'il englobe le fait d'insérer textuellement dans une revendication indépendante des éléments de revendications dépendantes du brevet tel que délivré. La présente Chambre, adoptant là aussi la classification retenue par la chambre à l'origine de la saisine, se référera à cet égard à une modification de type A. Cette catégorie de modifications n'est pas aussi simple que la catégorie précédente (type B) de modifications. Elle inclut les cas suivants :
a) Une revendication dépendante couvre différents modes de réalisation (un ou plusieurs de ces modes de réalisation étant éventuellement privilégiés), dont l'un d'eux est ensuite combiné à la revendication indépendante correspondante, comme dans l'exemple suivant : la revendication 1 du brevet délivré a pour objet un produit comprenant X ; la revendication 2 du brevet délivré concerne un produit selon la revendication 1, qui comprend également une quantité substantielle de Y ou [de préférence] Z, la revendication modifiée portant sur un produit comprenant X ainsi qu'une quantité substantielle de Z. Ce cas de figure est illustré par les affaires T 681/00 et T 1484/07. On pourrait également prendre l'exemple similaire suivant : une revendication dépendante énonce qu'un composé doit être choisi parmi une série de composés identifiés, et la revendication indépendante modifiée que le produit doit ensuite contenir un tel composé (voir par exemple l'affaire T 493/10). La Grande Chambre de recours se référera en l'occurrence aux cas de type A)i).
b) Une caractéristique provenant d'une revendication dépendante est introduite dans une revendication indépendante, ladite caractéristique ayant été précédemment liée à d'autres caractéristiques de la revendication dépendante concernée dont elle est désormais séparée. La saisine ne porte pas vraiment sur les cas où une modification aboutit à un manque de clarté allégué qui n'existait pas antérieurement. Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, la conformité des revendications modifiées à l'article 84 CBE peut être examinée dans ce type de cas, cela n'ayant pas, du reste, été mis en doute dans la présente saisine. Celle-ci concerne plutôt les cas dans lesquels le manque de clarté ne découle pas d'une modification mais existait déjà dans les revendications du brevet délivré. Ce cas de figure a été très bien décrit dans l'affaire T 589/09, dans laquelle une caractéristique technique contenue dans la revendication dépendante 4 avait été incorporée dans la revendication indépendante 1. La chambre avait énoncé ce qui suit :
"... la caractéristique de la revendication 4 du brevet délivré qui a été incorporée n'interagit pas avec les autres caractéristiques de la revendication 1 d'une manière qui modifie le sens initial de la combinaison de caractéristiques des revendications 1 et 4 du brevet délivré"
(cf. point 1.2.1 des motifs).
La Grande Chambre de recours se référera à cet égard aux cas de type A)ii).
4. La chambre à l'origine de la saisine est confrontée à un cas de type B (cf. point I ci-dessus), si bien qu'elle n'a pas besoin de réponse à la question relative aux cas de type A pour statuer sur le recours. Néanmoins, la Grande Chambre de recours juge opportun de traiter ces deux types de cas dans la présente décision.
5. Outre ces deux catégories générales de modification mentionnées dans la décision de saisine, d'autres variantes peuvent être envisagées pour des revendications d'un brevet délivré. En voici des exemples, qui ne s'excluent pas nécessairement mutuellement :
a) Suppression pure et simple d'une revendication indépendante (et généralement des éventuelles revendications dépendantes) sans modification des autres revendications indépendantes (et de leurs revendications dépendantes). Voir par exemple la décision T 9/87 (JO OEB 1989, 438).
b) Suppression de l'intégralité de certaines revendications dépendantes. Voir par exemple les décisions T 522/91 et T 759/91.
c) Modification consistant à supprimer des passages dans une revendication indépendante ou dépendante du brevet délivré, et ayant pour effet d'en réduire la portée, tandis qu'une caractéristique qui manquait déjà de clarté est conservée. Voir par exemple la décision T 301/87 (la revendication du brevet délivré avait été modifiée par la suppression des termes "donnés à titre d'exemples non limitatifs" de divers inserts d'ADN, ce qui avait limité la revendication aux inserts d'ADN mentionnés précédemment à titre d'exemples).
d) Suppression de caractéristiques facultatives dans une revendication (indépendante ou dépendante) du brevet délivré.
La Grande Chambre de recours estime que les réponses aux questions soumises devraient également prendre en considération ces autres scénarios possibles et leur être applicables.
6. La saisine a pour objet l'examen de la clarté de revendications modifiées. Cependant, ainsi qu'il a été souligné dans divers moyens présentés, l'article 84 CBE, qui est au cœur de la saisine, n'est pas limité à la question de la clarté proprement dite. Ainsi, dans l'affaire T 433/97, l'incohérence alléguée entre une revendication modifiée et certaines parties de la description et des dessins n'avait pas pour origine les passages modifiés de la revendication, mais existait déjà dans la revendication du brevet délivré. Dans l'affaire T 367/96, l'absence de fondement d'une revendication modifiée avait été invoquée, mais elle était déjà présente dans le brevet délivré. Dans l'affaire T 518/03, il avait été allégué que des caractéristiques essentielles faisaient défaut dans les revendications indépendantes, objection qui est d'ordinaire traitée en tant qu'objection pour absence de clarté au titre de l'article 84 CBE ensemble la règle 43(1) et (3) CBE. Dans chacune de ces affaires, les objections soulevées par l'opposant (sur la base de l'article 84 CBE) n'ont pas été prises en considération, conformément à la jurisprudence "conventionnelle" mentionnée par la chambre à l'origine de la saisine (dont le point de départ a été la décision T 301/87, JO OEB 1990, 335 ; cf. point 18 ci-dessous). La Grande Chambre de recours estime que les réponses aux questions soumises doivent également tenir compte de ces types de situations.
7. En résumé, et étant donné la finalité assignée par l'article 112 CBE à la saisine de la Grande Chambre de recours, celle-ci juge qu'il n'est pas opportun d'aborder d'une manière trop restrictive les questions soumises et qu'il y a lieu de les examiner et d'y répondre de façon à clarifier les points de droit qu'elles recouvrent. Voir à cet égard les décisions G 2/88 et G 6/88 (JO OEB 1990, 93 et 114), point 1 des motifs.
C. Question de droit
8. La question de droit tourne autour de l'interprétation correcte de l'article 101(3) CBE, qui dispose ce qui suit :
"Si la division d'opposition (ou la chambre de recours) estime que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet
a) satisfont aux exigences de la présente convention, elle décide de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié, pour autant que les conditions prévues par le règlement d'exécution soient remplies ;
b) ne satisfont pas aux exigences de la présente convention, elle révoque le brevet."
(Les mots figurant entre crochets ont été ajoutés par la Grande Chambre de recours, sur la base de l'article 111(1) CBE et de la règle 100(1) CBE.)
9. La question 1 de la saisine vise à établir comment le terme "modifications" tel qu'utilisé dans la décision G 9/91 doit être compris. Même si la Grande Chambre de recours comprend pour quelle raison la question a été formulée de cette façon, la question de droit pertinente n'est pas tant de savoir comment il y a lieu d'interpréter ce que la Grande Chambre de recours a énoncé dans la décision G 9/91, que de savoir comment il convient d'interpréter l'article 101(3) CBE.
10. De façon générale, dans l'éventail des opinions exprimées, il est allégué d'un côté que, selon cet article, lorsqu'une modification est apportée à un brevet délivré, l'examen destiné à établir s'il est satisfait à toutes les exigences de la CBE doit être effectué pour l'ensemble du brevet, et non pas seulement pour la partie modifiée des revendications. À l'autre extrémité de l'éventail, il est affirmé qu'une objection soulevée au titre de l'article 84 CBE ne peut être examinée que si une modification a entraîné le manque de clarté allégué, autrement dit que ce manque de clarté n'existait pas auparavant. Des opinions situées entre ces deux extrêmes ont été également exprimées.
11. La Grande Chambre de recours reviendra sur cette question de l'interprétation, mais elle va d'abord examiner comment elle a été traitée dans les décisions des chambres de recours.
D. Jurisprudence actuelle de la Grande Chambre de recours
12. Dans l'affaire G 1/91 (JO OEB 1992, 253), le titulaire du brevet avait modifié les revendications au cours de la procédure devant la division d'opposition, transformant une revendication indépendante et quatre revendications dépendantes en trois revendications indépendantes (auxquelles s'ajoutaient une revendication dépendante). Pendant la procédure de recours, l'opposant avait soulevé une objection pour absence d'unité. La question de savoir si une telle objection était admissible a été soumise à la Grande Chambre de recours, qui a énoncé ce qui suit :
"2.1 ... l'article 102, paragraphe 3 CBE [1973, qui est l'ancienne version de l'article 101(3) CBE] ... dit qu'en cas de maintien du brevet dans sa forme modifiée, "le brevet et l'invention qui en fait l'objet doivent satisfaire aux conditions de la présente convention". On pourrait comprendre à première vue que toutes les conditions de la Convention doivent être remplies. Le fait que l'article 102, paragraphe 3 CBE [1973] reprenne exactement la formulation utilisée à l'article 94(1) CBE qui vise les demandes de brevet européen pourrait également parler en faveur de cette interprétation.
2.2 Toutefois, l'on peut conclure également du texte même des dispositions précitées que les conditions auxquelles un brevet modifié doit satisfaire ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qui sont exigées dans le cas d'une demande de brevet, mais ceci ne permet d'exclure du terme "conditions" utilisé à l'article 102, paragraphe 3 CBE que les conditions applicables à la demande de brevet qui n'auraient aucun sens si elles étaient appliquées au brevet. Ce n'est pas le cas de la condition d'unité de l'invention." (C'est la Grande Chambre statuant présentement qui souligne.)
La Grande Chambre de recours a ensuite indiqué que si des dispositions éventuellement pertinentes s'appliquent à la procédure d'opposition (à savoir, dans ce cas, l'ancienne règle 61bis CBE 1973, qui est désormais la règle 86 CBE), "les « dispositions » dont il est question en l'occurrence ne peuvent être que les conditions dont il y a encore lieu d'exiger le respect en ce qui concerne les nouveaux documents afférents au brevet modifié" (Le terme "nouveaux documents" renvoie à l'évidence aux revendications modifiées.) Soulignant que l'exigence d'unité est essentiellement une condition d'ordre administratif et qu'elle n'a aucune importance pendant la procédure d'opposition, la Grande Chambre de recours a fait observer qu'il n'y avait pas lieu d'exiger que les revendications modifiées satisfassent à l'article 82 CBE.
13. L'un des arguments avancés avait consisté à dire que les chambres de recours vérifiaient la clarté au sens de l'article 84 CBE des nouveaux documents déposés au cours de la procédure d'opposition, si bien que l'on était amené à se demander pourquoi l'article 82 et l'article 84 CBE devaient être considérés différemment au stade de la procédure d'opposition. La Grande Chambre de recours a répondu à cet argument de la manière suivante (point 5.2 des motifs) :
"... il n'est pas nécessaire non plus d'examiner s'il est justifié que dans la pratique de l'OEB il soit attaché, au stade de l'opposition, une certaine importance à l'exigence de clarté au sens de l'article 84, 2e phrase CBE, alors que l'exigence d'unité énoncée à l'article 82 CBE ne joue plus aucun rôle. Ces deux articles font partie d'une série de dispositions, à savoir la série d'articles allant de l'article 81 (désignation de l'inventeur) à l'article 85 (abrégé), qui ont une signification très différente - ou n'ont même plus aucune signification - pour le brevet une fois délivré. Il n'est dès lors pas contradictoire de ne plus accorder d'importance à l'exigence d'unité pour les brevets modifiés au cours de la procédure d'opposition, alors que l'on maintient pour ces textes modifiés l'exigence de clarté. Par conséquent, il n'y a pas lieu non plus d'examiner à ce propos ce que recouvre exactement l'exigence de clarté au sens de l'article 84, 2e phrase CBE".
14. Dans l'affaire G 9/91 (JO OEB 1993, 408), certaines revendications du brevet délivré avaient pour objet des composés de type X, tandis que d'autres portaient sur ceux de type Y. Dans les motifs d'opposition, l'opposant n'avait demandé la révocation qu'en ce qui concerne les composés de type X. Les revendications relatives aux composés de type Y n'étaient pas contestées. Le brevet avait été maintenu sous une forme modifiée, avec des revendications portant sur les deux types de composés. Au stade du recours, l'opposant avait alors demandé la révocation de l'intégralité du brevet, c'est-à-dire également en ce qui concerne les revendications ayant pour objet des composés de type Y. La chambre à l'origine de la saisine avait demandé à la Grande Chambre de recours si la compétence de la division d'opposition et des chambres de recours pour examiner et trancher la question du maintien du brevet en application des articles 101 et 102 CBE 1973 dépendait de la mesure dans laquelle celui-ci était mis en cause dans l'acte d'opposition. Dans une saisine de la Grande Chambre de recours par le Président de l'Office (affaire G 10/91 (JO OEB 1993, 420), jointe à l'affaire G 9/91), celui-ci avait posé la question de savoir si la division d'opposition était tenue, lorsqu'elle instruisait une opposition, d'examiner l'ensemble des motifs d'opposition énumérés à l'article 100 CBE, ou si elle ne devait examiner que les motifs mentionnés dans le mémoire exposant les motifs d'opposition. S'agissant des questions soumises dans l'affaire G 9/91, la Grande Chambre de recours avait indiqué ceci (au point 10 des motifs) :
"L'exigence posée à la règle 55c) CBE de préciser dans quelle mesure le brevet est mis en cause par l'opposition dans le délai fixé à l'article 99(1) CBE serait de toute évidence dénuée de sens si, ultérieurement, des parties du brevet autres que celles ainsi mises en cause pouvaient être librement introduites dans la procédure. Ceci serait contraire à la conception de base de l'opposition après délivrance telle que prévue par la CBE...".
15. Il a donc été répondu par la négative à la question soumise (à ceci près que lorsqu'une revendication indépendante n'était pas admise, l'objet couvert par une revendication dépendante pouvait être examiné dans certaines conditions). S'agissant de la question posée dans l'affaire G 10/91, la Grande Chambre de recours a rejeté le point de vue selon lequel, conformément aux articles 101(1) et 102(2) CBE 1973, la division d'opposition avait non seulement le pouvoir mais aussi l'obligation d'examiner tous les motifs d'opposition, que l'acte d'opposition s'appuie ou non sur l'ensemble de ces motifs. La Grande Chambre a estimé que la division d'opposition avait cependant compétence, en vertu de l'article 114(1) CBE, pour soulever un motif d'opposition ne figurant pas dans l'acte d'opposition, si certaines conditions étaient réunies (point 16 des motifs). En revanche, les chambres de recours n'avaient pas une telle compétence, à moins que le titulaire du brevet ne consente à l'introduction d'un tel motif (point 18 des motifs).
16. Étant parvenue à ces conclusions, la Grande Chambre de recours a ajouté ce qui suit (point 19 des motifs dans les deux affaires) :
"Afin d'éviter tout malentendu, il importe en définitive de confirmer qu'en cas de modifications des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours, il faut examiner en détail si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE (eu égard par exemple aux dispositions de l'article 123(2) et (3) CBE)." (C'est la Grande Chambre statuant présentement qui souligne.)
Il convient de noter que la Grande Chambre de recours n'a pas dit que c'est sur le brevet tel que modifié que devait porter l'examen de la compatibilité dudit brevet avec les conditions posées par la CBE ; elle a seulement mentionné les "modifications". Cependant, ainsi qu'il a été relevé au point 3.2.1 des motifs de la décision de saisine, la Grande Chambre de recours n'a pas précisé si par "modifications", il fallait entendre n'importe quels changements apportés à une revendication, ou uniquement les modifications de nature plus ou moins qualitative. De plus, dans l'affaire en question, elle n'a pas directement traité du présent sujet.
17. Dans l'affaire sous-jacente à la décision G 9/91, les revendications avaient toutefois été modifiées devant la division d'opposition, ce que n'ignorait manifestement pas la Grande Chambre de recours (cf. point 1 des motifs). Selon la présente Chambre, il est très improbable que la Grande Chambre de recours n'ait pas pleinement pris en compte les dispositions de l'article 102(3) CBE 1973, et ce notamment en raison du fait que les termes utilisés dans l'extrait ci-dessus ("il faut examiner en détail si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE") font écho aux dispositions de l'article 102(3) CBE 1973, sur lesquelles la Grande Chambre s'est probablement appuyée. Si la Grande Chambre de recours avait estimé que l'article 102(3) CBE 1973 donnait à la division d'opposition et aux chambres de recours une compétence étendue pour examiner la conformité de revendications modifiées aux exigences de la CBE, y compris aux exigences se rapportant à des motifs d'opposition qui n'avaient pas été invoqués dans l'acte d'opposition, on ne peut concevoir, selon la présente Chambre, que la Grande Chambre de recours ne se serait pas exprimée en ce sens dans le contexte des affaires dont elle était saisie. La présente Chambre part donc du principe que la Grande Chambre de recours a utilisé le terme "modifications" dans l'extrait ci-dessus dans un sens limité, selon lequel les aspects à examiner doivent avoir d'une manière ou d'une autre un rapport direct avec la modification.
E. Jurisprudence actuelle des chambres de recours techniques
E.i) Approche "conventionnelle"
18. Dans l'affaire T 301/87, le titulaire du brevet avait modifié différentes revendications du brevet délivré en supprimant dans chacune d'elles les termes "donnés à titre d'exemples non limitatifs", étant donné qu'ils se rapportaient à certains inserts d'ADN, si bien que les revendications étaient désormais limitées aux inserts d'ADN fournis antérieurement à titre d'exemples. Il avait été allégué que d'autres parties des revendications (du brevet délivré), qui n'avaient pas été touchées par la suppression, manquaient de clarté. La chambre a fait observer ceci :
"... lorsque des modifications sont apportées à un brevet au cours d'une procédure d'opposition, l'une ou l'autre instance est tenue, aux termes de l'article 102(3) CBE [1973], d'examiner si ces modifications aboutissent à une violation des dispositions de la Convention, y compris celles de l'article 84 CBE. Néanmoins, l'article 102(3) CBE [1973] ne permet pas de fonder des objections sur l'article 84 CBE, si celles-ci ne découlent pas des modifications apportées.
À l'appui de cette conclusion, il y a lieu d'ajouter qu'il semble absurde qu'une modification mineure permette de soulever des objections sortant du cadre de l'article 100 CBE et n'ayant aucun rapport avec la modification elle-même."
(C'est la Grande Chambre de recours qui souligne.)
19. Cette affaire, ainsi que l'affaire examinée ci-après (T 227/88), peuvent être considérées comme étant à l'origine de ce que la Grande Chambre de recours qualifiera d'approche "conventionnelle" à l'égard de la question qui lui est soumise ; cette approche consiste en particulier à établir si la modification aboutit à une violation de l'article 84 CBE, et s'appuie sur le principe selon lequel l'article 102(3) CBE 1973, qui est désormais l'article 101(3) CBE, ne permet pas de fonder des objections sur l'article 84 CBE, si celles-ci ne découlent pas des modifications apportées. Bien que la chambre ayant instruit l'affaire T 301/87 ait préalablement souligné les différences entre les paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 102 CBE 1973, la décision n'explique pas réellement pourquoi l'article 102(3) CBE 1973 ne permet pas de fonder des objections sur l'article 84 CBE, si celles-ci ne découlent pas des modifications apportées. L'unique justification donnée dans la décision pose également problème, puisque lorsque le brevet échappe à la révocation grâce à cette modification, celle-ci ne saurait guère être qualifiée de "mineure" si ce terme est compris dans le sens d'"insignifiant". De même, l'argument selon lequel toute autre conclusion serait en quelque sorte "absurde" ne peut guère constituer en soi une base juridique satisfaisante pour une décision, même s'il est un indice utile que la conclusion tirée par la chambre est correcte.
20. Dans la décision T 301/87, la chambre a cité la décision antérieure rendue dans l'affaire T 227/88 (JO OEB 1990, 292), dans laquelle la revendication 1 modifiée était une combinaison des revendications 1, 2, 3 et 4 du brevet délivré, après suppression de différentes variantes. Dans l'affaire T 227/88, la chambre avait énoncé ce qui suit :
"3. La revendication principale ayant été modifiée, il convient d'en examiner la validité conformément aux dispositions de l'article 102(3) CBE [1973]. En cas de modifications requises par le titulaire du brevet et admissibles eu égard à l'article 123 CBE, la division d'opposition et la chambre de recours sont, selon l'article 102(3) CBE [1973], compétentes et donc autorisées à rendre une décision sur le brevet tel que modifié en tenant compte des exigences de la Convention dans son ensemble. Cette compétence est donc plus large que celle conférée par l'article 102(1) et (2) CBE [1973], qui limite expressément la compétence aux motifs d'opposition visés à l'article 100 CBE. Lorsque des modifications de fond sont apportées à un brevet dans la mesure dans laquelle le brevet européen est mis en cause par l'opposition, les deux instances ont le pouvoir de statuer sur les motifs et les questions découlant de ces modifications...
4. Dans l'exercice de ce pouvoir, il convient toutefois de prendre pleinement en compte les intérêts contradictoires des deux groupes concernés, à savoir le titulaire soucieux de voir la procédure d'opposition se terminer aussi rapidement que le règlement le permet, et les autres utilisateurs ou utilisateurs potentiels des inventions constituant l'objet des brevets européens, qui tiennent à avoir la certitude que ces brevets sont valides et opposables."
(C'est la Grande Chambre de recours qui souligne.)
21. La chambre n'a pas expliqué plus en détail en quoi ce pouvoir pouvait être déduit de l'article 102(3) CBE 1973. De même, à l'instar du mot "mineur", le terme "de fond" peut poser problème, et la Grande Chambre de recours souscrit aux critiques formulées à cet égard dans divers moyens soumis dans le cadre de la présente saisine. Certaines décisions ultérieures n'ont plus fait référence au terme "de fond", mais ont utilisé le terme "substantielle", qui appelle les mêmes critiques. Ainsi, dans l'affaire T 409/10, la chambre, citant la décision T 459/09, a déclaré (au point 3.1 des motifs) que :
"... n'importe quelle modification pouvant être qualifiée de substantielle justifie en principe que l'on puisse exercer sans restriction le pouvoir d'examen découlant de l'article 101(3) CBE, y compris l'examen quant à la clarté, et ce, que la modification découle de l'incorporation d'une caractéristique de la description ou qu'elle découle de la combinaison de revendications du brevet délivré."
22. L'approche retenue dans les décisions T 301/87 et T 227/88 a été appliquée dans de nombreuses affaires, en tant que jurisprudence "constante" des chambres de recours, comme en témoignent les exemples suivants.
23. Dans l'affaire T 381/02, qui est fréquemment citée, dans laquelle la modification avait simplement consisté à combiner la revendication 1 du brevet délivré et la revendication dépendante 2 dudit brevet, la chambre a souligné qu'une modification qui consistait simplement à combiner une revendication indépendante du brevet délivré et des revendications dépendantes ("das Ergebnis einer nur satzbaulichen Umgestaltung des Anspruchssatzes") ne justifiait pas la nécessité d'examiner la conformité de la revendication modifiée aux exigences de l'article 84 CBE ; il ne s'agissait pas d'une modification de fond ("sachliche Änderung").
24. Dans l'affaire T 1855/07, la modification avait consisté à combiner (pour l'essentiel) une revendication indépendante du brevet délivré et une revendication dépendante. La chambre a fondé son raisonnement sur le fait que l'article 84 CBE ne constituait pas un motif d'opposition pouvant être invoqué à l'encontre d'une revendication indépendante ou dépendante du brevet délivré, et qu'une simple combinaison d'une revendication indépendante et d'une revendication dépendante ("eine satzbauliche Eingliederung eines abhängigen in einen unabhängigen Anspruch") ne pouvait pas non plus donner lieu à une objection au titre de cet article. Dans ce contexte, la chambre a cité la règle 29(4) CBE 1973, qui est désormais la règle 43(4) CBE, selon laquelle des revendications dépendantes doivent être formulées de cette manière plutôt qu'en tant que revendications indépendantes distinctes, et ce pour des raisons de concision. La chambre a indiqué que, conformément à la décision G 9/91, il était nécessaire de vérifier si des modifications étaient conformes à la CBE, mais qu'une combinaison de revendications du brevet délivré ne constituait pas une telle modification, puisqu'elle ne représentait pas une modification de fond ("sachliche Änderung").
25. Parmi les autres décisions ayant suivi cette approche figure la décision T 367/96, dans laquelle la chambre a estimé qu'une objection d'absence de fondement soulevée contre une revendication modifiée n'était pas admissible si cette absence de fondement était déjà présente dans le brevet délivré, ainsi que la décision T 326/02, dans laquelle une revendication de produit telle que figurant dans le brevet délivré est devenue, après avoir été reformulée, une revendication d'utilisation.
26. Dans de nombreuses affaires qui ont suivi cette approche et dans lesquelles la revendication du brevet délivré manquait déjà de clarté, il a été alors nécessaire d'interpréter la revendication modifiée, le cas échéant à l'aide de la description (cf. par exemple la décision T 698/99). Cela a pu amener à interpréter la revendication modifiée dans un sens large (cf. par exemple la décision T 2049/07, point 3 des motifs, ainsi que les autres affaires qui y sont citées) ou à la considérer comme dépourvue de sens (cf. par exemple l'affaire T 626/91, dans laquelle la division d'opposition était parvenue à cette conclusion), de sorte que la revendication ne permettait pas de différencier l'objet par rapport à l'état de la technique, ou ne pouvait satisfaire à la condition d'activité inventive. Dans certains cas, en raison du manque de clarté de la revendication modifiée, l'homme du métier ne savait pas comment l'invention devait être exécutée (article 83 CBE – cf. par exemple la décision T 626/91, point 3.2 des motifs).
E.ii) Décisions dans lesquelles le terme "découlant" a été interprété
27. La Grande Chambre de recours estime que la signification des termes "découlant" ou "découlent", tels qu'utilisés dans les décisions T 301/87 et T 227/88, était claire dans le contexte de ces affaires : l'absence de clarté "découle" d'une modification si elle n'existait pas auparavant, ce qui signifie que c'est la modification qui, pour la première fois, a entraîné cette absence de clarté ou qui en est à l'origine. Ce terme a toutefois été interprété par la suite dans un sens plus large, ainsi qu'il ressort de ce qui suit.
28. Dans l'affaire T 472/88, la revendication 1 du brevet délivré (qui comportait déjà une ambiguïté, liée au fait que le produit "comprenait" A et B) a été modifiée par l'introduction de la caractéristique C dans les proportions indiquées. La chambre, ayant cité les décisions T 227/88 et T 301/87 et les ayant jugées correctes, a déclaré (au point 2 des motifs) ce qui suit :
"... il va de soi qu'une modification qui n'a absolument aucun rapport avec, par exemple, un problème relevant de l'article 84 ne saurait entraîner légitimement, du simple fait qu'elle existe, l'application de cet article dans une procédure de recours ou d'opposition. Il va également de soi qu'une modification qui est directement à l'origine d'une ambiguïté pouvant donner lieu à une objection au titre de l'article 84 CBE devra être traitée par la chambre".
La chambre a toutefois poursuivi son raisonnement de la manière suivante :
"Le terme "arise" ("découlent") qui est utilisé dans les deux décisions précitées doit être interprété de façon large, de manière à couvrir toutes ses acceptions normales. Dans l'ouvrage "Concise Oxford Dictionary", le terme "arise" est défini de la manière suivante : "originate, be born, result from, come into notice, present itself" (avoir son origine dans, provenir de, résulter de, être mis en lumière, apparaître). Dans la présente espèce, les modifications mettent manifestement en lumière ("bring into notice", selon le sens ci-dessus) une ambiguïté qui avait toujours existé.
L'introduction spécifique de C dans les proportions indiquées selon la requête principale est seulement un exemple d'introduction d'un composant que la revendication du brevet délivré couvrait déjà – le fait que le produit comprenne A et B (défini en des termes fonctionnels) n'exclut aucunement C dans quelque proportion que ce soit, ni d'ailleurs un quelconque autre composant. Le recours à l'exemple spécifique C dans la requête principale (revendication modifiée) met donc l'accent et focalise l'attention sur l'absence fondamentale de limitation (ambiguïté) de la revendication du brevet délivré et, pour les motifs précités, est donc à l'origine de cette ambiguïté (qui en "découle"), ce qui permet à la Chambre de traiter la question de l'absence de clarté relevant de l'article 84 CBE". (C'est la Grande Chambre de recours qui souligne.)
29. Cette interprétation a été suivie dans un certain nombre de décisions ultérieures, dans lesquelles diverses expressions ont été utilisées, par exemple les décisions T 681/00 et T 1484/07 (problème de clarté qui "se cachait" dans une revendication dépendante et sur lequel, désormais, "l'accent était mis", et qui était "exposé au grand jour"). Selon la Grande Chambre de recours, la manière dont la jurisprudence des chambres de recours s'est ainsi développée n'est pas admissible. Pour interpréter un texte juridique, il peut être bien entendu opportun de consulter un dictionnaire qui aidera à en comprendre le sens, mais il n'est pas nécessaire de procéder ainsi pour interpréter des décisions de justice, lorsque les termes employés relèvent du langage courant ; ceux-ci doivent en effet être compris dans leur contexte. Compte tenu des éléments sous-jacents à ces affaires (cf. également points 18 et 20 ci-dessus), la Grande Chambre de recours ne pense pas que les chambres aient prêté à ces termes la signification plus large qui leur a été donnée dans l'affaire T 472/88 et dans les décisions qui s'en sont inspirées par la suite. En tout état de cause, la Grande Chambre de recours ne voit pas en quoi consistent de facto les critères élaborés sur la base de cette interprétation, ou à partir de quel moment précis il est possible de dire que des modifications mettent en lumière une ambiguïté qui existait déjà, ou encore mettent l'accent ou focalisent l'attention sur celle-ci (cf. également le point 80k) ci-dessous). Cette catégorie d'affaires n'a généralement pas été considérée comme appartenant à un courant divergent (bien qu'elle ait été identifiée en tant que telle dans la décision T 1577/10).
E.iii) Affaires "divergentes"
30. Dans l'affaire T 1459/05, le titulaire du brevet avait combiné la revendication 1 du brevet délivré et la revendication dépendante 4, afin de tenter de délimiter la revendication par rapport à l'état de la technique au moyen de la caractéristique présente dans la revendication 4 du brevet délivré (l'opposant avait par la suite allégué que cette caractéristique manquait de clarté). Après s'être référée à la jurisprudence constante des chambres de recours, selon laquelle l'examen de la clarté n'était pas autorisé dans le cas d'une combinaison de revendications du brevet délivré, la chambre a indiqué qu'exceptionnellement, elle ne pouvait suivre la jurisprudence en question, étant donné que la caractéristique ajoutée était l'unique élément susceptible de différencier l'objet de la revendication modifiée par rapport à l'état de la technique cité, et que ladite caractéristique manquait cependant à ce point de clarté que l'homme du métier ne pouvait reconnaître cette différence ou ne pouvait l'établir avec un degré de certitude raisonnable (cf. point 4.3.4 des motifs).
31. Pour justifier cette approche, la chambre a fait observer que la jurisprudence antérieure était partie de l'hypothèse qu'une division d'examen vérifiait si toutes les revendications dépendantes, y compris les divers liens d'interdépendance, étaient claires, et que pendant la procédure d'opposition, la division d'opposition n'était pas autorisée à procéder à une telle vérification pour la première fois ou à la réitérer. Or, les fondements sur lesquels s'était appuyée la jurisprudence antérieure avaient changé, notamment en raison de l'augmentation constante et rapide du nombre de revendications figurant dans les demandes, si bien que la question se posait de savoir si, dans une affaire complexe, des revendications dépendantes pouvaient faire l'objet d'un examen adéquat de la clarté. La chambre a donc estimé qu'elle disposait d'un pouvoir d'appréciation, qu'elle pouvait exercer au cas par cas ("von Fall zu Fall") pour évaluer la clarté de revendications combinées entre elles, en particulier lorsque l'examen destiné à établir si les revendications modifiées satisfont à d'autres exigences comme la nouveauté ou l'activité inventive, poserait sinon beaucoup plus de difficultés, voire ne conduirait à aucun résultat utile (point 4.3.5 des motifs).
32. La Grande Chambre de recours ne considère pas que la jurisprudence antérieure (cf. partie E.i), points 18 à 26 ci-dessus) repose réellement sur l'hypothèse selon laquelle la pratique d'une division d'examen consiste à évaluer systématiquement toutes les revendications dépendantes et l'ensemble de leurs liens d'interdépendance. Ce n'est pas en tout cas ce qui a été affirmé dans les décisions T 301/87 ou T 227/88, qui sont à l'origine de ce courant jurisprudentiel. De plus, même si la Grande Chambre de recours n'ignore pas que le nombre de revendications présentes dans les demandes a augmenté de manière constante (cf. pour plus de détails le point 33 ci-dessous), il ne s'ensuit pas nécessairement que l'examen de toutes les revendications est devenu de ce fait irréaliste. En tout état de cause, la Grande Chambre de recours n'a pas connaissance d'un changement de pratique des divisions d'examen qui découlerait de cette situation (cf. également les commentaires au point 49 ci-dessous). La Grande Chambre de recours fait observer incidemment que les revendications en cause dans l'affaire T 1459/05 ne semblent pas, globalement, avoir présenté de complexité particulière sur les plans technique ou linguistique, et ne consistaient qu'en deux revendications indépendantes, auxquelles étaient rattachées respectivement cinq et deux revendications dépendantes.
33. Quoi qu'il en soit, pour les demandes déposées depuis le 1er avril 2009 (c'est-à-dire après la date de la décision T 1459/05, à savoir le 21 février 2008), les taxes de revendication ont été augmentées de manière substantielle ; elles s'élèvent à 225 euros pour chaque revendication à partir de la seizième et jusqu'à la cinquantième, et à 555 euros pour chaque revendication à partir de la cinquante-et-unième (cf. article 2, point 15 du règlement relatif aux taxes, tel que modifié par décision du Conseil d'administration CA/D 15/07 du 14 décembre 2007 (JO OEB 2008, 10)). Les taxes de revendication s'élevaient antérieurement à 45 euros pour chaque revendication à partir de la onzième. Le contexte dans lequel s'est inscrite cette hausse importante des taxes de revendication est exposé dans le document CA/44/07 Rév. 1 f (points 13 à 16). Il est ainsi expliqué que le nombre de revendications (indépendantes et dépendantes) figurant dans les demandes de brevet européen avait considérablement augmenté au cours des années précédentes et que les dispositions existantes en matière de taxes de revendication ne reflétaient plus le surcroît de travail que générait le traitement des demandes comportant un nombre de revendications supérieur à la moyenne. La restructuration des taxes de revendication avait pour but d'infléchir le comportement des demandeurs grâce à l'effet incitatif/dissuasif des taxes, en les décourageant de déposer des demandes comportant un nombre élevé de revendications. Cette nouvelle mesure devait entraîner une réduction du nombre de revendications soumises pour la recherche et l'examen et, parallèlement, dûment compenser, sur le plan financier, le travail supplémentaire effectué par les examinateurs qui instruisent des demandes contenant un grand nombre de revendications. La Grande Chambre n'a aucune raison de penser que cette mesure n'a pas atteint son but (comme l'a fait valoir le titulaire du brevet dans la présente affaire). Ainsi qu'il est indiqué au point 4 des motifs de la décision J 9/84 (JO OEB 1985, 233),
"… la règle 31 CBE [1973] a essentiellement pour but d'amener le demandeur à limiter la protection recherchée à un certain nombre de revendications, en premier lieu aux fins de la recherche européenne."
La même remarque figure dans les décisions J 6/96 (point 7 des motifs) et J 6/12 (point 7 des motifs).
34. Plus important encore, la Grande Chambre ne voit pas sur quelle base juridique repose le pouvoir d'appréciation que, selon la décision T 1459/05, une chambre pourrait exercer au cas par cas afin de vérifier si des revendications modifiées sont claires.
35. La Grande Chambre de recours tient à ajouter que si, dans l'affaire T 1459/05, la chambre n'était pas en mesure de comprendre en quoi l'objet de la revendication modifiée se distinguait de l'état de la technique, elle aurait pu conclure qu'il n'y avait pas de différenciation possible, et que la revendication modifiée n'était donc pas nouvelle. Il convient en effet de noter que la chambre, après avoir décidé qu'un examen de la clarté pouvait être effectué pour cette revendication, n'a pas en fait rejeté la requête pour inobservation de l'article 84 CBE, mais a décidé que la caractéristique pertinente était effectivement vague et dépourvue de clarté, et qu'elle ne pouvait donc pas établir de différence essentielle ou nette par rapport à l'état de la technique, ou même une quelconque différence permettant de procéder à l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive ("so dass dieses Merkmal auch keinen wesentlichen, eindeutigen und für die Weiterprüfung unter Artikel 54 und 56 EPÜ notwendigen Unterschied gegenüber E1 definieren kann"). Voir le point 4.3.7 des motifs.
36. Cette décision a été suivie dans un certain nombre d'affaires, par exemple l'affaire T 1440/08, dans laquelle la revendication 1 du brevet délivré avait été combinée aux revendications dépendantes 6, 7 et 8, alors qu'une incohérence existait entre une caractéristique particulière de la revendication 1 et une autre caractéristique figurant dans la revendication dépendante 6. La chambre, s'appuyant sur la jurisprudence, par exemple les décisions T 472/88, T 420/00 et T 681/00, a indiqué qu'un examen de la clarté pouvait être effectué en raison de l'incohérence entre ces caractéristiques – incohérence qui avait été mise en lumière par la modification ("unter einem neuen Blickwinkel erscheint") – un tel examen de la clarté étant en particulier permis lorsque la caractéristique dépourvue de clarté est pertinente pour l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive, conformément à la décision T 1459/05.
37. Dans d'autres décisions, les chambres se sont démarquées de l'affaire T 1459/05, estimant que la situation exceptionnelle décrite dans cette affaire n'était pas applicable aux faits de l'espèce, autrement dit que l'introduction de la caractéristique supplémentaire, au moyen de la combinaison de revendications, n'avait pas en soi compliqué ou empêché la poursuite de l'examen de la clarté. Voir par exemple la décision T 1033/09, point 9.2 des motifs.
38. Dans d'autres affaires, la décision T 1459/05 a aussi fait l'objet de certaines critiques. Ainsi, dans l'affaire T 1855/07, il a été demandé à la chambre de saisir la Grande Chambre de recours au motif que la jurisprudence était divergente (la chambre n'a pas accédé à cette requête). La chambre a indiqué au sujet de la décision T 1459/05 que le raisonnement posait problème d'un point de vue logique et était difficile à comprendre, et que cette décision n'avait pas abordé le fait que le manque de clarté n'était pas un motif d'opposition. Dans l'affaire T 59/10, la chambre, commentant la décision T 1459/05, a défendu un point de vue similaire, estimant que ce n'est pas la "pratique générale" qui interdit un examen au titre de l'article 84 CBE, mais plutôt le fait que l'article 84 CBE n'est pas un motif d'opposition au sens de l'article 100 CBE.
39. Dans l'affaire T 656/07, la revendication 1 du brevet délivré, qui avait été combinée à une revendication dépendante, contenait déjà une caractéristique dénuée de clarté. Or, la modification avait apparemment rendu la revendication encore moins claire. Estimant qu'un manque de clarté découle d'une modification lorsque celle-ci met en lumière une ambiguïté qui existait auparavant, la chambre a considéré que tel était le cas dans l'affaire qu'elle instruisait, et que la situation était aggravée par le fait que la modification avait eu pour effet d'étendre et de renforcer le manque de clarté dont la revendication 1 était déjà entachée. La chambre a énoncé ce qui suit :
"Selon la chambre, on ne saurait affirmer qu'il existe dans la jurisprudence une règle générale excluant la possibilité de mettre en cause une combinaison de revendications présentes dans le brevet délivré pour absence de clarté".
et
"... lorsque le titulaire d'un brevet requiert des modifications pendant la procédure d'opposition, l'article 101(3)a) CBE (ancien article 102(3) CBE 1973) donne à la division d'opposition comme aux chambres de recours la capacité de statuer, et donc le pouvoir d'appliquer l'ensemble de la CBE, y compris l'article 84 CBE."
La chambre a estimé que les modifications qui avaient été introduites altéraient considérablement la clarté de la revendication dans son ensemble, l'objet de cette dernière n'étant pas clairement défini, et qu'il était donc impossible de comparer cet objet à l'état de la technique et de commencer l'examen quant au fond de la revendication.
40. De même, dans des affaires ultérieures, par exemple dans la décision T 1659/07, les chambres se sont démarquées de la décision T 656/07. Dans l'affaire T 59/10, la chambre a estimé que la décision T 656/07 était conforme à la jurisprudence antérieure, puisque la caractéristique dépourvue de clarté était bien présente dans les revendications du brevet délivré, mais selon une autre combinaison (cf. point 2.2 des motifs). La chambre a donc considéré que cette décision suivait la jurisprudence conventionnelle.
41. Parmi les affaires divergentes, celle qui est allée le plus loin est la décision T 459/09. La revendication 1 du brevet délivré avait été combinée à sa revendication dépendante 14. La chambre a déclaré ce qui suit :
"4.1.6. ... la présente chambre estime que la clarté d'une revendication indépendante modifiée doit en principe être examinée, même si la modification n'a consisté qu'en une recombinaison textuelle des revendications du brevet délivré. Toute autre approche risquerait de limiter indûment le devoir que l'article 101(3) CBE impose à la division d'opposition d'examiner le brevet modifié.
En fait, le texte de l'article 101(3) CBE ne donne de précisions ni sur la nature ni sur l'étendue des modifications. Après qu'une modification – de quelque nature que ce soit - a été apportée, la division d'opposition ne peut plus décider de rejeter l'opposition, comme elle aurait pu le faire si, par exemple, une objection pour manque de clarté avait été soulevée en tant qu'unique motif d'opposition. Elle peut seulement décider soit de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié, soit de révoquer le brevet. Sa décision dépend de la question de savoir si le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la CBE. L'article 101(3) CBE dispose en effet sans aucune ambiguïté qu'il doit être tenu compte des exigences de la CBE lorsque le titulaire d'un brevet apporte des modifications au cours de la procédure d'opposition. Par conséquent, le terme "modifications" employé à l'article 101(3) CBE ne doit pas être interprété étroitement et le brevet modifié doit être examiné pour s'assurer qu'il satisfait à toutes les exigences de la CBE, la manière dont il a été modifié ne revêtant que peu d'importance. Cette approche est conforme à la décision G 9/91.
4.1.7 Dans ce contexte, la chambre constate qu'une modification consistant à intégrer une caractéristique techniquement significative dans une revendication indépendante d'un brevet délivré constitue bel et bien une tentative de réponse à une objection soulevée dans le cadre de l'article 100 CBE à l'encontre du brevet tel que délivré, la modification ayant été engendrée par un motif d'opposition (règle 80 CBE). Il s'ensuit qu'une telle modification est de nature substantielle et n'est pas normalement sans incidence sur l'examen quant au fond, par exemple en ce qui concerne l'appréciation de la nouveauté et de l'activité inventive."
La chambre a conclu que toute modification visant à lever une objection émise au titre de l'article 100 CBE justifie que l'on puisse exercer sans restriction le pouvoir d'examen découlant de l'article 101(3) CBE, et ce, que la modification découle de la combinaison d'une revendication indépendante avec une caractéristique de la description, ou de la combinaison textuelle de revendications du brevet délivré. Par conséquent, l'examen du brevet modifié doit normalement être effectué de manière à établir si le brevet modifié satisfait à toutes les exigences de la CBE. Il doit toutefois être possible de s'écarter de cette règle dans des situations particulières, où il faudra trancher au cas par cas.
42. La chambre à l'origine de la saisine cite comme décision divergente la décision T 409/10, en s'appuyant sur le point 3.1 des motifs où il est énoncé ce qui suit :
"... n'importe quelle modification pouvant être qualifiée de substantielle justifie en principe que l'on puisse exercer sans restriction le pouvoir d'examen découlant de l'article 101(3) CBE, y compris l'examen quant à la clarté, et ce, que la modification découle de l'incorporation d'une caractéristique de la description ou qu'elle découle de la combinaison de revendications du brevet délivré."
43. Dans l'affaire T 493/10, le titulaire du brevet avait modifié la revendication 1 du brevet délivré en utilisant des caractéristiques tirées de certaines parties des revendications dépendantes 6 et 7, ce qui signifie que la modification n'était pas une simple combinaison des revendications 1, 6 et 7 du brevet délivré. Il avait été allégué que la caractéristique tirée de la revendication 7 du brevet délivré manquait de clarté. La chambre a estimé qu'il ressortait de la jurisprudence (affaires T 1459/05, T 656/07, T 1484/07 et T 1440/08) que la clarté pouvait être examinée même dans le cas où des revendications du brevet délivré étaient combinées entre elles, si l'incorporation d'une caractéristique issue d'une revendication dépendante du brevet délivré révélait un manque de clarté "couvant" dans une revendication dépendante.
F. Interprétation de l'article 101(3) CBE
44. Les termes décisifs de l'article 101(3) CBE qui doivent être interprétés sont les suivants :
"Si la division d'opposition estime que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet ... satisfont aux exigences de la présente convention, ...".
La référence, dans cet article, aux modifications "apportées" par le titulaire du brevet et à la question de savoir si le "brevet" et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la CBE, renvoie clairement aux modifications que le titulaire du brevet propose d'apporter au brevet, en particulier aux revendications, dans le cadre d'une requête visant à obtenir le maintien du brevet tel qu'il a été modifié. Il s'agit ensuite d'établir si, au regard des dispositions de l'article 101(3) CBE, il peut être fait droit à une telle requête (dans l'hypothèse où elle est recevable).
45. La CBE doit être interprétée suivant les règles d'interprétation arrêtées dans la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 ("Convention de Vienne"). L'article 31(1) de la Convention de Vienne dispose ce qui suit :
"Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but."
L'article 32 de la Convention de Vienne dispose quant à lui ce qui suit :
"Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31 :
a) Laisse le sens ambigu ou obscur ; ou
b) Conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable."
F.i) Contexte de l'article 101(3) CBE ; objet et finalité de la CBE
46. Selon la Grande Chambre de recours, les procédures de délivrance des brevets européens et d'opposition aux brevets européens, ainsi que les effets d'un brevet européen tel que délivré (le cas échéant, tel que modifié) représentent le contexte pertinent. En ce qui concerne l'objet et la finalité de la CBE, c'est la mise en œuvre de la CBE au titre de l'article 101(3) CBE qui revêt une importance particulière.
F.i)a) Procédure d'examen
47. Pendant la procédure d'examen, l'OEB est tenu d'examiner si "la demande et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences prévues par la CBE" (article 94 CBE). Si tel est le cas, l'OEB décide de délivrer le brevet européen ; dans le cas contraire, il rejette la demande (article 97 CBE). L'article 84 CBE (qui figure dans le chapitre I de la troisième partie, intitulé "Dépôt de la demande de brevet européen et exigences auxquelles elle doit satisfaire") dispose ce qui suit :
"Les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description."
Les textes allemand et anglais respectifs de cette disposition de la convention sont reproduits ci-après :
"Die Patentansprüche müssen den Gegenstand angeben, für den Schutz begehrt wird. Sie müssen deutlich und knapp gefasst sein und von der Beschreibung gestützt werden."
"The claims shall define the matter for which protection is sought. They shall be clear and concise and be supported by the description."
48. À certains égards, on peut considérer que ces exigences revêtent un caractère davantage administratif que matériel, par exemple dans la mesure où elles prévoient que les revendications doivent être concises ("knapp gefasst" ; "concise"). Il ressort en effet des travaux préparatoires qu'une disposition en ce sens était initialement prévue dans le règlement d'exécution, et que ce n'est qu'à un stade ultérieur qu'elle a été insérée dans la Convention proprement dite. Cependant, l'exigence selon laquelle une revendication doit être claire revêt manifestement une importance fondamentale pour le bon fonctionnement du système des brevets, notamment dans l'intérêt des tiers, par exemple les concurrents du titulaire du brevet. Les demandes de brevet européen font systématiquement l'objet d'un examen quant à leur conformité avec l'article 84 CBE, et elles sont régulièrement rejetées en cas d'inobservation de cette disposition. La compétence pour procéder à un tel examen n'a jamais été mise en doute et ne peut être fondée que sur les articles 94 et 97 CBE. Bien que certains moyens invoqués dans la présente saisine défendent un autre point de vue, la Grande Chambre de recours en conclut que les exigences de l'article 84 CBE font partie des exigences de la Convention au sens de l'article 94 CBE, qui doivent être remplies lors de la délivrance.
49. Ni la CBE proprement dite, ni le règlement d'exécution ne font de distinction entre des revendications indépendantes et dépendantes lorsqu'il s'agit d'établir, au stade de l'examen, si elles respectent les exigences prévues par la CBE. L'article 94 CBE prévoit l'obligation d'examiner la demande et l'invention qui en fait l'objet, à savoir l'intégralité du contenu, afin de déterminer si elles satisfont aux exigences prévues par la CBE. Bien que les Directives relatives à l'examen ne fassent pas expressément partie du cadre juridique de la CBE, elles ne différencient pas, elles non plus, entre revendications indépendantes et dépendantes en cas d'objections pour manque de clarté. Voir par exemple le point IV, 4.1 de la partie F (version applicable à compter de novembre 2014) :
"L'exigence selon laquelle les revendications doivent être claires s'applique à chacune des revendications prises individuellement ainsi qu'aux revendications dans leur ensemble. La clarté des revendications est d'une extrême importance, étant donné qu'elles définissent l'objet pour lequel une protection est demandée. Par conséquent, la signification de la teneur d'une revendication doit, dans la mesure du possible, apparaître clairement aux yeux de l'homme du métier et se dégager des termes mêmes de la revendication. ..."
La Grande Chambre de recours reconnaît bien entendu que dans la pratique, il est inévitable qu'un office de brevets fonctionnant de manière efficace se concentre davantage sur des revendications indépendantes que sur des revendications dépendantes, en particulier lorsqu'il existe un grand nombre de revendications dépendantes ou interdépendantes. Elle reconnaît aussi que ce n'est éventuellement qu'à un stade ultérieur (pendant une procédure d'opposition ou une procédure au niveau national), lorsqu'un nouvel état de la technique est cité, que la signification précise d'une caractéristique deviendra pour la première fois déterminante.
F.i)b) Phase postérieure à la délivrance : procédure d'opposition devant l'OEB
50. Après la délivrance du brevet, toute personne peut, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la mention de la délivrance du brevet européen au Bulletin européen des brevets, faire opposition à ce brevet auprès de l'Office européen des brevets (article 99 CBE). L'opposition ne peut être fondée que sur les motifs énoncés à l'article 100 CBE. L'objection selon laquelle le brevet, en particulier les revendications admises, ne satisfont pas aux exigences de l'article 84 CBE, n'est pas un motif d'opposition.
51. Dans l'hypothèse où l'opposition est recevable, la division d'opposition doit examiner si au moins un motif d'opposition visé à l'article 100 CBE s'oppose au maintien du brevet européen (article 101(1) CBE). Si la division d'opposition conclut que tel est le cas, elle révoque le brevet ; dans le cas contraire, elle rejette l'opposition (article 101(2) CBE, correspondant à l'article 102, paragraphes 1 et 2 CBE 1973).
52. Au cours de la procédure d'opposition, le titulaire du brevet peut déposer une requête avec des revendications modifiées, soit en tant que requête principale (ce qui signifie qu'il ne requiert pas le rejet de l'opposition), soit en tant que requête subsidiaire. Les modifications qui en découlent doivent en tout état de cause satisfaire à la règle 80 CBE, qui dispose ce qui suit :
"... la description, les revendications et les dessins peuvent être modifiés dans la mesure où ces modifications sont apportées pour pouvoir répondre à un motif d'opposition visé à l'article 100, même si ce motif n'a pas été invoqué par l'opposant."
53. Si, en ce qui concerne une telle requête en maintien du brevet sous une forme modifiée, la division d'opposition estime que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la CBE, elle décide de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié (pour autant que les conditions prévues par le règlement d'exécution soient remplies). Si la division d'opposition estime en revanche que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet ne satisfont pas aux exigences de la CBE, elle révoque le brevet. Voir l'article 101(3) CBE.
54. Les termes utilisés à l'article 101(3) CBE, à savoir "satisfont aux exigences de la présente convention", sont les mêmes que ceux employés aux articles 94 et 97 CBE. La Grande Chambre de recours a déjà estimé que les exigences de l'article 84 CBE font partie des exigences prévues par la Convention aux fins des articles 94 et 97 CBE. Elle ne voit pas de raison de douter que les exigences de l'article 84 CBE fassent également partie des exigences de la Convention aux fins de l'article 101(3) CBE. Ainsi, personne n'a jamais remis en question le fait que, lorsque des caractéristiques tirées de la description sont insérées dans une revendication du brevet délivré, il est nécessaire d'examiner si la revendication ainsi modifiée est conforme à l'article 84 CBE à la lumière de ces nouvelles caractéristiques, qu'elles soient examinées individuellement ou telles que combinées à d'autres parties de la revendication sous sa forme désormais modifiée. Cet examen ne peut être fondé que sur l'article 101(3) CBE. La Grande Chambre de recours exprime donc son désaccord avec les moyens tendant à affirmer que l'article 84 CBE devient sans objet dès lors que le brevet a été délivré.
55. Par conséquent, en ce qui concerne le contexte de l'article 101(3) CBE, ainsi que l'objet et la finalité de la CBE telle que mise en œuvre par cet article, les exigences de l'article 84 CBE occupent certes une place importante dans la procédure d'examen, mais elles ne jouent aucun rôle dans la procédure d'opposition lorsque le titulaire du brevet cherche à obtenir le maintien du brevet tel qu'il a été délivré. S'il s'avère que la revendication d'un brevet délivré n'est pas conforme à l'article 84 CBE, il faudra s'en accommoder. Cependant, un manque de clarté des revendications peut encore être extrêmement pertinent pendant la procédure d'opposition, dans la mesure où il est susceptible d'influencer les décisions dans des litiges à trancher en application de l'article 100 CBE, comme l'illustre la décision T 127/85 (JO OEB 1989, 271), sommaire et point 2.1 des motifs. L'absence de clarté d'une revendication peut ainsi avoir une incidence considérable sur le devenir des motifs d'opposition énoncés i) à l'article 100b) CBE, à savoir la suffisance de l'exposé (cf. par exemple décisions T 684/89, point 2.1.2 des motifs ; T 5/99, point 2 des motifs ; T 126/91, point 2.1 des motifs ; T 59/10, point 4 des motifs), ii) à l'article 100a) CBE, eu égard à la nouveauté (cf. par exemple décisions T 57/94, point 2.1 des motifs ; T 525/90, point 2.1 des motifs ; T 892/90, point 2 des motifs ; T 617/92, point 2.2 des motifs), ou eu égard à l'activité inventive (cf. par exemple décision T 892/90). Les motifs pour lesquels la revendication est désormais considérée comme dépourvue de clarté n'ont pas d'importance, que ce manque de clarté soit, par exemple, dû au fait qu'à ce stade, la revendication est examinée peut-être de plus près que pendant la procédure d'examen, ou au fait que cette question soit examinée par d'autres personnes, ou encore que ce manque de clarté n'est devenu manifeste qu'à la lumière d'un élément de l'état de la technique cité pour la première fois pendant la procédure d'opposition.
56. S'agissant des modifications apportées au cours de la procédure d'opposition, la situation se présente de la manière suivante lorsque la procédure est appliquée dans toute sa mesure (à savoir lorsque la première ligne de défense du titulaire du brevet est le maintien du brevet tel qu'il a été délivré). L'examen porte d'abord sur le brevet délivré, et en particulier sur les revendications. Les modifications éventuellement proposées n'entrent en considération que si l'un des motifs d'opposition s'oppose au maintien du brevet. Ces modifications doivent satisfaire à la règle 80 CBE, autrement dit elles doivent être apportées pour répondre à un motif d'opposition, généralement un ou plusieurs de ceux invoqués par l'opposant. La question qui se pose dès lors est de savoir si les modifications (dans l'hypothèse où elles satisfont à l'article 123(2) et (3) CBE) sont de nature à lever les objections. Il s'agit donc avant tout d'établir comment ces modifications ont changé l'objet revendiqué par rapport aux revendications antérieures, ce qui signifie que ce sont les modifications qui sont l'élément décisif à ce stade, et non d'autres aspects du brevet ou des revendications qui n'ont pas été modifiés. (Il va de soi que cette procédure sera souvent abrégée, ou qu'elle se déroulera en plusieurs étapes afin que les divers motifs d'opposition soient traités.)
F.i)c) Phase postérieure à la délivrance : procédure au niveau national
57. Un brevet européen délivré (le cas échéant, tel que modifié) confère à son titulaire, dans chacun des États contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet État (article 64 CBE). L'étendue de cette protection doit être déterminée par les revendications, telles qu'interprétées à l'aide de la description et des dessins (article 69 CBE) et compte tenu du protocole interprétatif de l'article 69 CBE.
58. Lorsqu'un brevet européen fait l'objet d'une procédure nationale dans un État contractant, il ne peut être déclaré nul, avec effet pour cet État, que pour les motifs énoncés à l'article 138(1) CBE. Ne figure pas parmi ces motifs le fait que le brevet, en particulier les revendications, ne satisfont pas aux exigences de l'article 84 CBE. L'article 138(2) CBE dispose que si les motifs de nullité n'affectent le brevet qu'en partie, celui-ci est limité par une modification correspondante ; l'article 138(3) CBE habilite le titulaire d'un brevet européen à modifier son brevet dans une procédure nationale relative à la validité du brevet. Le droit du titulaire du brevet européen de limiter celui-ci dans une procédure nationale a été introduit par la CBE 2000. Voir par exemple le JO OEB 2007, édition spéciale n° 4, 188.
59. Dans une procédure nationale relative à un brevet européen, la situation, à la connaissance de la Grande Chambre de recours, se présente de la manière suivante : lorsque l'une des questions concerne la validité du brevet délivré (à savoir dans une procédure d'opposition, de révocation ou de nullité, liée ou non à une action en contrefaçon), tout manque de clarté des revendications peut, comme dans la procédure devant l'Office européen des brevets (cf. point 55 ci-dessus), avoir une incidence sur les motifs de nullité allégués, éventuellement au détriment du titulaire du brevet. Quant aux modifications, la Grande Chambre a connaissance de décisions nationales selon lesquelles les modifications ne sont admises que si la revendication modifiée est claire. Cependant, pour autant que la Grande Chambre de recours le sache, aucune juridiction nationale ne s'est prononcée clairement sur les questions examinées ici, notamment en ce qui concerne l'admissibilité de modifications consistant seulement à combiner des revendications du brevet délivré, ou à incorporer des caractéristiques tirées de revendications du brevet délivré, lorsque les revendications du brevet délivré étaient déjà entachées du manque de clarté allégué. S'agissant des affaires de contrefaçon dans lesquelles les revendications du brevet délivré manquent de clarté, il est procédé dans un premier temps à l'interprétation des revendications. Si une revendication indépendante n'est pas valable (par exemple pour absence de nouveauté), mais qu'une revendication dépendante est valable et contrefaite, bien que sa portée globale soit ambiguë, le titulaire du brevet n'aura sans doute guère d'intérêt à supprimer la revendication indépendante (ou à combiner les deux revendications), même dans l'hypothèse où une telle modification est possible sur le plan procédural.
F.i)d) Procédure de limitation
60. L'article 105bis CBE, qui a été introduit dans le cadre de la CBE 2000, dispose que, sur requête du titulaire du brevet, le brevet européen peut être révoqué ou limité par une modification des revendications. (S'il y a concomitance entre une procédure d'opposition et une procédure de limitation, la règle 93 CBE donne la priorité à la procédure d'opposition.) Si la requête en limitation est recevable, la division d'examen examine si les revendications modifiées a) représentent une limitation par rapport aux revendications du brevet tel que délivré ou tel que modifié dans la procédure d'opposition ou de limitation, et b) si elles satisfont à l'article 84, ainsi qu'à l'article 123, paragraphes 2 et 3 CBE (règle 95(2) CBE). Des dispositions sont également prévues pour la suite de la procédure si ces conditions ne sont pas remplies.
61. Cette procédure, qui est une procédure ex parte, se situe, de par sa nature, à mi-chemin entre les procédures d'examen et d'opposition. Même s'il est prévu que les "revendications modifiées" doivent satisfaire à l'article 84 CBE, la Grande Chambre de recours ne voit pas comment elle pourrait en tirer de conclusions quant au sens de l'article 101(3) CBE, lequel ne peut, en tout état de cause, avoir changé suite à cette modification distincte de la CBE.
F.i)e) Conclusion
62. La Grande Chambre de recours conclut que ni le contexte de l'article 101(3) CBE, ni l'objet et la finalité de la CBE telle que mise en œuvre par cet article ne répondent clairement à la question de l'interprétation. Rien ne suggère toutefois que, lorsqu'une revendication du brevet délivré est modifiée, l'objet et la finalité de cet article sont de soumettre le brevet à un réexamen complet au regard de la clarté ou des autres exigences de la CBE. Ce qui transparaît en revanche, c'est que c'est la modification proprement dite qui importe, ainsi que ses effets à l'égard du motif d'opposition auquel elle est censée répondre, et non la question de savoir si d'autres parties du brevet satisfont aux exigences de la CBE. Il ne s'agira évidemment pas uniquement de déterminer si la modification atteint ce but. La modification elle-même ne doit pas donner lieu à de nouvelles objections au titre de la CBE.
F.ii) Travaux préparatoires
63. Conformément à l'article 32 de la Convention de Vienne, il peut être fait appel aux travaux préparatoires, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31 (interprétation des termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but), soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31 laisse le sens ambigu.
F.ii)a) Article 102 CBE 1973
64. À la connaissance de la Grande Chambre de recours, il n'y a pas de travaux préparatoires pertinents qui se rapportent à l'article 102 CBE 1973 (auquel a succédé l'actuel article 101 CBE) et qui traitent de la présente question.
65. Dans les moyens soumis à la Grande Chambre de recours, une certaine importance a été accordée (cf. partie VI.b) ci-dessus) au fait que le projet de texte qui allait devenir l'article 102 CBE 1973 a été modifié au cours de la rédaction de la version initiale de la CBE. L'avant-projet s'énonçait comme suit :
"Si la division d'opposition estime que les motifs d'opposition visés à l'article 101a [à l'article 100 CBE, à un stade ultérieur] ne s'opposent pas à un maintien du brevet, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet au cours de la procédure d'opposition, elle décide de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié pour autant que..."
La version finale s'énonce comme suit :
"Si la division d'opposition estime que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux conditions de la présente convention, elle décide de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié pour autant que..."
La modification apportée est en italique. Là aussi, il n'y a, à la connaissance de la Grande Chambre de recours, aucun élément dans les travaux préparatoires qui explique les raisons de cette modification. Il a été allégué que cette modification reflétait l'intention initiale du législateur de limiter aux motifs d'opposition le pouvoir d'examen de la division d'opposition, et que ce pouvoir avait été par la suite étendu. La Grande Chambre admet cet argument, mais estime qu'il n'est pas possible d'en conclure quoi que ce soit de pertinent. Ainsi, d'après le projet d'article initial, il n'aurait (peut-être) pas été possible d'élever une quelconque objection pour manque de clarté suite à une modification, même dans le cas où des éléments ambigus auraient été repris de la description. C'est vraisemblablement ce genre de considérations qui a été à l'origine de la modification effectuée.
F.ii)b) CBE 2000 : article 101(3) CBE
66. Dans le cadre de la CBE 2000, une modification a été apportée aux articles 101 et 102 CBE 1973. La disposition pertinente de l'article 101 CBE 1973 s'énonçait comme suit :
(1) ... la division d'opposition examine si les motifs d'opposition visés à l'article 100 s'opposent au maintien du brevet européen.
L'article 102 CBE 1973 était rédigé de la manière suivante :
(1) Si la division d'opposition estime que les motifs d'opposition visés à l'article 100 s'opposent au maintien du brevet européen, elle révoque le brevet.
(2) Si la division d'opposition estime que les motifs d'opposition visés à l'article 100 ne s'opposent pas au maintien du brevet européen sans modification, elle rejette l'opposition.
(3) Si la division d'opposition estime que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux conditions de la présente convention, elle décide de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié pour autant que ...
Les passages pertinents de l'article 101 CBE s'énoncent désormais comme suit :
(1) ... la division d'opposition examine ... si au moins un motif d'opposition visé à l'article 100 s'oppose au maintien du brevet européen. ...
(2) Si la division d'opposition estime qu'au moins un motif d'opposition s'oppose au maintien du brevet européen, elle révoque le brevet. Dans le cas contraire, elle rejette l'opposition.
(3) Si la division d'opposition estime que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet
a) satisfont aux exigences de la présente convention, elle décide de maintenir le brevet tel qu'il a été modifié, pour autant que les conditions prévues par le règlement d'exécution soient remplies ;
b) ne satisfont pas aux exigences de la présente convention, elle révoque le brevet.
67. Excepté une restructuration générale, la modification pertinente a consisté à introduire une compétence expresse pour révoquer le brevet si le brevet et l'invention qui en fait l'objet ne satisfont pas aux exigences de la CBE même après avoir été modifiés. Ainsi qu'il ressort des explications données dans l'édition spéciale n° 4 du JO OEB 2007, p. 122, cette modification a été effectuée pour remédier à l'absence d'une telle base juridique expresse dans la CBE 1973. Il convient de noter que le passage décisif "[si] compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet européen au cours de la procédure d'opposition, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la présente convention ..." n'a pas été changé. On notera également que lors de la rédaction de ces modifications de la CBE, qui s'est achevée approximativement en 1999, il n'a pas été suggéré qu'une modification était nécessaire pour annuler les effets de ce qui constituait à l'époque la jurisprudence constante des chambres de recours, fondée sur la décision T 301/87. Dans l'affaire T 493/09, la chambre, après avoir cité les explications ci-dessus, a déclaré ceci :
"4. L'article 101(3)b) CBE n'a donc pas été formulé de manière à prévoir un examen complet des revendications d'un brevet dans une procédure d'opposition lorsque des revendications ont été modifiées, comme l'a allégué le requérant I. L'intention du législateur était plutôt de prévoir, avec l'article 101(3)b) CBE, une base juridique pour révoquer un brevet lorsqu'une modification particulière, introduite dans le brevet au cours de la procédure d'opposition, ne satisfait pas aux exigences de la CBE. Cette base juridique n'existait pas dans la CBE 1973. L'intention du législateur n'était pas de modifier les principes énoncés de manière constante dans la jurisprudence en ce qui concerne l'examen au titre de l'article 84 CBE dans la procédure d'opposition. Ces principes restent valables même après l'entrée en vigueur de la CBE révisée."
Par "principes énoncés de manière constante dans la jurisprudence", la chambre se référait au courant jurisprudentiel conventionnel, qu'elle a ensuite mentionné. La Grande Chambre de recours admet qu'à en juger les modifications apportées au texte et les travaux préparatoires, il n'a pas été dans l'intention du législateur de changer les dispositions applicables pour autant que la question soulevée dans la présente saisine est concernée.
68. Les moyens adressés à la Grande Chambre de recours laissent également entendre qu'il ressort des travaux préparatoires relatifs à la CBE 2000 que, si des modifications sont apportées au cours de la procédure d'opposition, le brevet modifié doit être conforme à toutes les exigences de la CBE ; à cet égard, il a été renvoyé à la remarque explicative n° 6 concernant l'article 101 CBE, figurant dans l'édition spéciale n° 4 du JO OEB 2007, qui s'énonce comme suit :
"Le nouvel article 101(3)b) CBE apporte une clarification. Si le titulaire du brevet demande au cours de la procédure d'opposition des modifications, la division d'opposition examine si les conditions matérielles pour un maintien du brevet sont remplies en tenant compte de l'ensemble des dispositions de la CBE." (C'est le texte original qui souligne.)
Les documents CA/PL 15/00, I.C.8 et MR/2/00, page 113, point 6, dont la teneur est identique, ont également été cités. Ils visaient à expliquer les changements pertinents qui se trouvent à présent à l'article 101 CBE (cf. point 67 ci-dessus) ; ils ne suggèrent pas que l'intention avait été de changer les dispositions applicables concernant les questions dont la Grande Chambre de recours est saisie. Celle-ci estime par conséquent qu'ils n'apportent pas d'éclairage utile.
F.ii)c) Article 84 CBE 1973
69. La Grande Chambre de recours estime également qu'il y a lieu d'examiner pour quelles raisons l'inobservation des exigences de l'article 84 CBE n'est pas un motif d'opposition. Il ressort des travaux préparatoires qu'une proposition présentée par la délégation britannique, et destinée à inclure un tel motif d'opposition, a été rejetée (cf. document BR/87/71, point 7) :
"Plusieurs délégations ont estimé que ce cas de manque de clarté dans la formulation des revendications était déjà couvert dans une large mesure par l'article 133, paragraphe 1, sous b), qui prévoit qu'un brevet européen peut être déclaré nul s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Elles ont estimé qu'il n'était pas opportun d'insérer ce motif d'opposition supplémentaire, d'autant plus que le bon déroulement de la procédure de délivrance du brevet, conforme aux dispositions en la matière, pourrait être retardé indûment par une simple affirmation d'un tiers."
L'affirmation selon laquelle "le bon déroulement de la procédure de délivrance du brevet, conforme aux dispositions en la matière, pourrait être retardé indûment", doit être replacée dans son contexte, à savoir qu'à l'époque, la phase d'opposition était conçue comme se déroulant avant la délivrance, cette idée ayant ensuite été abandonnée au profit d'une phase d'opposition postérieure à la délivrance. Voir van Empel, The Granting of European Patents, Leiden 1975, pages 366, 374, 375. Cela permet de conclure que, s'il n'a pas été prévu de motif d'opposition fondé sur l'article 84 CBE dans la CBE 1973, c'est au moins en partie en raison du fait que d'autres motifs d'opposition (article 100b) CBE en particulier) ont été considérés comme amplement suffisants pour traiter ce problème. De plus, il n'a sans doute pas été jugé sage de permettre à un opposant d'élever des objections (éventuellement en grand nombre) pour absence de clarté pendant la procédure d'opposition et, par conséquent, de retarder celle-ci, même si on ne peut l'affirmer avec le même degré de certitude. Le Président de l'Office indique toutefois dans ses observations que c'est pour "rationaliser la procédure d'opposition" que le manque de clarté n'a pas été introduit en tant que motif d'opposition, ce en quoi il a probablement raison, de l'avis de la Grande Chambre de recours.
F.ii)d) Article 84 CBE 2000
70. Lors de la dernière révision de la CBE, les discussions ont porté sur la question de savoir si les exigences de l'article 84 CBE devraient faire partie des motifs de nullité, suite à une proposition en ce sens émise par la délégation britannique (cf. CA/PL 4/96). La discussion a toutefois été limitée à l'éventuelle prise en considération de l'exigence de l'article 84 CBE relative au fondement des revendications sur la description. Voir à cet égard le document CA/PL 27/99, point 5. L'une des parties concernées, à savoir l'epi, avait certes suggéré à un stade antérieur de faire du défaut de clarté un motif d'annulation, mais il n'a pas été donné suite à cette idée. En soumettant cette proposition, la délégation britannique voulait obtenir que les revendications trop larges puissent être attaquées après la délivrance du brevet (CA/PL 27/99, point 2). La proposition n'a cependant pas reçu de soutien suffisant de la part des autres délégations, et n'a pas été acceptée. Voir le document CA/PL 27/99, point 29 :
"Ceux qui proposent que le non-respect de l'art. 84 CBE soit ajouté à la liste des motifs d'opposition et des causes de nullité méconnaissent peut-être le contenu de l'exigence de fondement des revendications sur la description énoncée à l'art. 84 CBE ainsi que les possibilités qu'offrent les art. 83 et 56 CBE afin d'attaquer des revendications excessivement larges".
Le document CA/PL 27/99 conclut comme suit :
"35. En conséquence, il est proposé de ne pas ajouter dans la liste exhaustive des motifs d'opposition et des causes de nullité figurant respectivement à l'art. 100 et à l'art. 138 CBE le défaut de clarté et le défaut de fondement sur la description visés à l'article 84 CBE." (C'est la Grande Chambre de recours qui souligne.)
F.ii)e) Article 84 CBE : conclusion
71. Il s'ensuit que chaque fois que la question s'est posée, le législateur a rejeté toute proposition visant à faire des exigences de l'article 84 CBE un motif d'opposition, qu'il s'agisse de l'absence de fondement ou du manque de clarté. Les raisons initiales de ce rejet dans le contexte de la CBE 1973 ont déjà été évoquées (cf. point 69 ci-dessus). Même si la question des revendications modifiées n'entrait bien entendu pas dans ces considérations, le fait que l'Office européen des brevets et les juridictions nationales disposent de certains moyens pour traiter les revendications dépourvues de clarté (cf. points 55 et 59 ci-dessus) est, selon la Grande Chambre de recours, un aspect à prendre également en compte dans le contexte des questions soulevées par la présente saisine. La Grande Chambre de recours considère en outre qu'il n'est pas souhaitable qu'à chaque modification, un opposant puisse occasionner des retards en soulevant toutes sortes d'objections au titre de l'article 84 CBE.
72. La Grande Chambre de recours n'admet pas l'argument selon lequel il peut être conclu des travaux préparatoires relatifs à la CBE 2000 que même si la violation de l'article 84 CBE n'a pas été délibérément ajoutée comme motif d'opposition ou d'annulation, "les utilisateurs ont jugé [un tel ajout] nécessaire dans la pratique". Si certains utilisateurs l'ont éventuellement jugé nécessaire (ce point de vue ayant été défendu au départ par l'epi), leur opinion n'a pas fait l'unanimité. La Grande Chambre de recours n'accepte pas non plus l'argument selon lequel les travaux préparatoires confirment qu'un brevet tel que modifié au cours de la procédure d'opposition doit être examiné quant à sa conformité à l'ensemble des dispositions de la CBE, et que l'article 84 CBE peut être un motif de révocation d'un brevet tel que modifié, si cela signifie qu'en cas de modification, il faut examiner toutes les parties d'un brevet pour déterminer si elles satisfont à la CBE, y compris à l'article 84 CBE.
G. Réponses aux questions soumises
G.i) Considérations préliminaires
73. Différentes possibilités d'interprétation ont été suggérées :
a) L'interprétation conventionnelle (partie E.i), points 18 à 26 ci-dessus).
b) L'interprétation prêtant une signification étendue au terme "découlent" (cf. partie E.ii), points 27 à 29 ci-dessus).
c) L'examen de la clarté est admis à titre exceptionnel ; cette faculté relève du pouvoir d'appréciation et doit être exercée au cas par cas, lorsque la caractéristique ajoutée est l'unique élément qui permet de distinguer l'objet de la revendication modifiée par rapport à l'état de la technique (T 1459/05).
d) Un examen illimité des revendications modifiées au regard du manque de clarté est autorisé au cas par cas, quel que soit le type de modification (T 459/09).
e) L'interprétation selon laquelle il est nécessaire d'examiner si l'ensemble du brevet modifié satisfait à toutes les exigences de la CBE, ou, à défaut, aux exigences de l'article 84 CBE.
D'autres variantes sont possibles.
74. De la possibilité d'interprétation e), située à l'une des extrémités de l'éventail, il découle essentiellement que l'article 101(3) CBE est parfaitement clair s'il est lu dans son sens usuel, et qu'aucune interprétation, y compris une interprétation complémentaire, n'est donc nécessaire. Par conséquent, il suffit de déterminer si le brevet tel que modifié (et l'invention qui en fait l'objet), à savoir l'intégralité du brevet, satisfait à toutes les exigences de la CBE. La Grande Chambre de recours estime qu'une telle lecture de l'article 101(3) CBE ne saurait être correcte, et ce à tout le moins pour les deux raisons suivantes.
75. La première est que la Grande Chambre de recours en a déjà décidé autrement dans l'affaire G 1/91 (cf. point 12 ci-dessus). Elle a en effet estimé à l'époque que l'article 102(3) CBE 1973, qui est désormais l'article 101(3) CBE, ne concerne pas les exigences de la CBE relatives à la fois au brevet et à la demande de brevet. La présente affaire est bien entendu différente puisque, comme la Grande Chambre de recours l'a déjà affirmé ici, les exigences de l'article 84 CBE font partie des exigences de la CBE aux fins de l'article 101(3) CBE. Voir le point 54 ci-dessus. Il découle néanmoins de la décision G 1/91 que l'article 101(3) CBE ne doit pas être lu de manière littérale, comme l'exige l'approche e) ci-dessus.
76. La deuxième raison tient au fait que si cette lecture était correcte, et que même si elle était limitée de manière à ne s'appliquer qu'aux revendications modifiées, et non à l'ensemble du brevet, elle signifierait que la décision G 9/91 et l'avis 10/91 ne seraient plus satisfaisants sur le plan juridique, du moins pas dans leur intégralité, comme le montre l'exemple suivant, dans lequel a) une opposition est formée contre un brevet aux motifs qu'il n'est pas nouveau et/ou n'implique pas d'activité inventive (article 100a) CBE), b) le titulaire du brevet apporte une modification afin de répondre à ces objections, c) l'opposant fait valoir pour la première fois que l'invention n'est pas suffisamment exposée (articles 100b) CBE / 83 CBE), alors que cette objection n'est en rien liée aux éléments introduits par la modification, et affirme qu'en vertu de l'article 101(3) CBE, toute modification justifie l'examen de l'intégralité du brevet (ou, à défaut, un examen portant seulement sur la revendication modifiée) afin de déterminer si elle est conforme à la CBE. Si l'opposant obtenait gain de cause, l'examen des revendications (modifiées) serait désormais possible au regard de toute objection qui aurait pu être soulevée comme motif d'opposition mais qui ne l'a pas été, ce qui, en principe, n'a pas été jugé admissible par la Grande Chambre de recours dans les affaires ci-dessus. La Grande Chambre de recours a bien entendu estimé que la division d'opposition peut, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation au titre de l'article 114 CBE, introduire de nouveaux motifs d'opposition, mais il s'agit d'une autre question et, en tout état de cause, les chambres de recours ne disposent pas d'un tel pouvoir d'appréciation, à moins que le titulaire du brevet n'y consente (G 10/91, point 18 des motifs). La présente Chambre a déjà fait part de ses observations au sujet de la décision G 9/91 et de l'avis G 10/91 (points 14 à 17 des motifs ci-dessus). Elle n'a aucune raison de considérer que leur teneur est inexacte ou que leurs conclusions devraient être modifiées en quoi que ce soit.
77. L'autre option suggérée dans la possibilité d'interprétation e) ci-dessus, à savoir qu'il est nécessaire de vérifier si l'ensemble du brevet modifié satisfait aux exigences de l'article 84 CBE, pose problème dans la mesure où elle établit une distinction apparemment injustifiée entre l'article 84 CBE et les autres exigences de la CBE qui relèvent clairement de l'article 101(3) CBE, par exemple les articles 123, 54, 56 et 83 CBE. Cet aspect mis à part, on peut néanmoins analyser cette interprétation en considérant le cas d'une modification qui consiste à supprimer une ou plusieurs revendications indépendantes (et leurs éventuelles revendications dépendantes), les autres revendications indépendantes et leurs revendications dépendantes restant inchangées, ou bien à supprimer une ou plusieurs revendications dépendantes, les revendications indépendantes et les autres revendications dépendantes restant inchangées (cf. points 5a) et 5b) ci-dessus). Dans ces cas, la Grande Chambre de recours estime que la possibilité qui serait alors offerte d'examiner la conformité de ces autres revendications aux exigences de l'article 84 CBE, n'aurait pas de sens (pour reprendre les termes de la décision G 1/91). Cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore, puisqu'un opposant pourrait soulever un nombre illimité d'objections pour manque de clarté contre les autres revendications du brevet délivré, même si celles-ci ne sont pas concernées par la modification. Dans un grand nombre d'affaires, l'article 84 CBE deviendrait un motif d'opposition, ce qui serait en contradiction avec la raison pour laquelle les exigences de l'article 84 CBE ne constituent pas un motif d'opposition (cf. point 69 ci-dessus). Il y a lieu à cet égard de noter qu'un pourcentage élevé de brevets est modifié au cours de la procédure d'opposition (environ 70 %, selon les observations du Président de l'Office). La Grande Chambre de recours parvient à la même conclusion dans le cas où une revendication est modifiée, sans être entièrement supprimée, mais où une autre revendication, non concernée par la modification, s'en trouve entachée d'un éventuel manque de clarté.
78. Les réponses à la question soumise doivent tenir compte de ces conclusions.
G.ii) Modifications de type B
79. Il est allégué dans plusieurs moyens qu'une modification de type B n'est pas une modification au sens de l'article 101(3) CBE. La Grande Chambre de recours n'est pas d'accord avec cet argument. Il n'est pas réaliste d'affirmer qu'un brevet n'a pas été modifié si sa reformulation a pour seul but d'éviter la révocation dudit brevet. Le texte de l'article 101(3) CBE dispose en outre expressément qu'il convient de tenir compte des "modifications" pour décider si le brevet doit être révoqué ou s'il peut être maintenu. Il semble que, dans ce contexte, aucune distinction significative ne soit faite entre des modifications de fond et celles qui n'en sont pas. La question de savoir si la revendication pertinente doit être considérée comme ayant été modifiée est un autre problème, qui est analysé ci-après.
80. Plusieurs éléments amènent la Grande Chambre de recours à conclure que c'est l'interprétation découlant de l'approche conventionnelle qui est correcte dans le cas de modifications de type B :
a) Ce type de modifications, bien que souvent désigné pour des raisons de commodité (y compris par la Grande Chambre de recours) sous le terme de combinaison de revendications, consiste en réalité à supprimer la revendication indépendante initiale, puis à développer entièrement la revendication auparavant dépendante. Il convient de noter à cet égard que la règle 43(4) CBE empêche un demandeur de développer la revendication dépendante en tant que revendication indépendante distincte :
"Toute revendication qui contient l'ensemble des caractéristiques d'une autre revendication (revendication dépendante) doit comporter une référence à cette autre revendication, si possible dans le préambule, et préciser les caractéristiques additionnelles."
On peut dès lors se demander s'il est opportun de parler, à l'instar de la décision à l'origine de la saisine, du "fait d'insérer textuellement dans une revendication indépendante ... des revendications dépendantes entières du brevet tel que délivré". En tout état de cause, le brevet doit être considéré comme ayant été modifié. La revendication telle qu'elle a été modifiée n'est pas en réalité, et fondamentalement, une nouvelle revendication, puisqu'elle figurait déjà dans le brevet délivré.
b) Si le brevet n'avait pas du tout été modifié, l'opposant n'aurait pas été en mesure de soulever une objection pour manque de clarté contre la revendication dépendante concernée du brevet délivré. Même dans le cas où la caractéristique prétendument ambiguë figurait déjà dans la revendication indépendante qui est désormais combinée à une revendication dépendante claire, aucune objection pour manque de clarté n'aurait pu être invoquée contre cette revendication indépendante. Or, il est à présent affirmé qu'une telle objection serait possible en conséquence de la modification. Une telle conclusion semble fortuite et arbitraire s'agissant du droit de soulever une objection pour manque de clarté à l'encontre d'une caractéristique ambiguë.
c) La Grande Chambre de recours a déjà indiqué (points 74 à 78 ci-dessus) que la suppression d'une revendication indépendante et de ses revendications dépendantes n'autorise pas l'examen de la conformité des autres revendications à l'article 84 CBE. La Grande Chambre de recours est d'avis qu'il serait arbitraire et injustifié de parvenir à une conclusion différente pour les modifications de type B, étant donné que, s'il n'y avait pas eu la règle 43(4) CBE, la revendication dépendante aurait pu être formulée en tant que revendication indépendante distincte. La règle 43(4) CBE ne porte pas sur les conditions de brevetabilité, mais vise à garantir la concision des revendications.
d) Il est allégué qu'un examen de la clarté doit être effectué dans le cas d'une modification de type B, si le sens de la revendication devient primordial en raison du nouvel élément cité de l'état de la technique, dont la division d'examen n'avait pas eu connaissance, mais la logique d'un tel argument est fragile dans le cas où le brevet n'est pas modifié. Si c'est le brevet tel que délivré qui est défendu, il faut en effet s'accommoder du fait qu'un nouvel élément cité de l'état de la technique met en lumière le manque de clarté d'une revendication du brevet délivré.
e) La conclusion de la Grande Chambre de recours est conforme aux conclusions qu'elle a tirées plus haut au sujet de l'interprétation de l'article 101(3) CBE eu égard :
i) aux affaires G 9/91 et G 10/91 (point 17 ci-dessus) ;
ii) au contexte de cet article, ainsi qu'à l'objet et à la finalité de la CBE telle que mise en œuvre par cette disposition (point 62 ci-dessus) ;
iii) aux travaux préparatoires (points 67, 69 et 71 ci-dessus).
f) Selon la Grande Chambre de recours, il est en particulier significatif que dans le cadre de la CBE 2000, aucune modification n'ait été apportée à ce qui est devenu l'article 101(3) CBE, qui est pertinent pour la présente affaire. Il faut partir du principe que le législateur connaissait la teneur de la jurisprudence constante des chambres de recours jusqu'en 1999 inclus, année où les travaux préparatoires ont été menés à leur terme.
g) Il convient de souligner que la présente saisine ne porte pas sur la question de savoir si un opposant a le droit d'alléguer qu'une revendication manque de clarté ou qu'elle n'est (en fait) pas suffisamment fondée sur la description. Ainsi, de même que la délimitation incertaine d'une revendication ou son absence de fondement peuvent jouer un rôle lors de la présentation des divers motifs d'opposition dans des affaires où c'est le brevet tel que délivré qui est défendu, de même ces facteurs peuvent entrer en ligne de compte en cas de modification. L'OEB comme les juridictions nationales disposent donc de moyens pour atténuer les effets d'une inobservation de l'article 84 CBE, à la fois dans le cas d'un brevet non modifié et dans celui d'un brevet modifié (cf. respectivement les points 55 et 59 ci-dessus). La Grande Chambre de recours admet que le fait qu'il puisse y avoir des revendications du brevet délivré qui, même après avoir été modifiées, ne satisfont pas à l'article 84 CBE, n'est pas optimal, mais il est impossible de ne pas tenir compte du choix délibéré du législateur de ne pas faire de l'article 84 CBE un motif d'opposition, de révocation, ou de nullité dans une procédure nationale.
h) À cet égard, la Grande Chambre tient également à rappeler que, dans la décision G 9/91 et l'avis G 10/91 (point 16 des motifs), elle a approuvé la pratique qui consiste, pour la division d'opposition, à soulever d'office un motif d'opposition qui n'est pas couvert par l'exposé des motifs d'opposition, cette pratique "visant à éviter le maintien de brevets européens non valables". Ainsi, lorsqu'une revendication a été modifiée, qu'elle n'est manifestement pas conforme à l'article 84 CBE, et qu'à première vue, il y a donc tout lieu de penser qu'un ou plusieurs motifs d'opposition sont pertinents et s'opposeraient totalement ou partiellement au maintien du brevet européen, il existe donc un moyen permettant soit de ne pas admettre, soit de ne pas faire droit à la requête en modification. La Grande Chambre de recours reconnaît évidemment que ceci n'est pas pertinent lorsqu'aucun des motifs d'opposition n'entre en ligne de compte dans un tel cas, ou lorsque les modifications sont apportées au cours de la procédure de recours (à moins que le titulaire du brevet ne donne son consentement).
i) La Grande Chambre de recours n'est pas convaincue par les divers arguments invoqués contre cette interprétation. Elle admet bien entendu que seuls des brevets valables devraient, dans l'idéal, être délivrés et maintenus. Cependant, elle ne peut abonder dans le sens des moyens soumis (cf. point VIb) ci-dessus). Elle se réfère à la décision G 1/84 (JO OEB 1985, 299), point 3 des motifs, selon laquelle "les dispositions très étudiées de la CBE relatives à l'opposition et à l'examen quant au fond sont destinées à garantir ... que l'Office européen ne délivrera et ne maintiendra en vigueur des brevets européens que si ceux-ci sont jugés valables", et ce notamment en raison du fait que la Grande Chambre de recours a précisé que cela ne valait que "dans toute la mesure du possible". La procédure d'opposition n'est pas conçue comme une procédure permettant de modifier (ou de révoquer) en général des brevets qui contiennent des irrégularités, quelle qu'en soit la nature. Cela est amplement démontré par le fait que l'inobservation des exigences de l'article 84 CBE n'est pas un motif d'opposition. Ainsi qu'il a été indiqué à maintes reprises (cf. par exemple la décision G 1/84, point 9 des motifs), la procédure d'opposition n'est pas conçue comme un prolongement de la procédure d'examen.
j) Il en va de même pour les moyens qui soutiennent que, dès lors qu'il est établi qu'un motif d'opposition s'oppose au maintien d'un brevet, et que ce brevet doit donc être modifié, les conditions sont réunies pour que l'OEB puisse, si tel est l'intérêt des parties, passer au crible le brevet afin d'en vérifier la conformité à l'ensemble des exigences de la CBE. Même si l'existence d'une procédure d'opposition peut suggérer que le brevet est important pour les parties, une procédure d'opposition n'est pas une procédure d'examen.
k) S'agissant de la proposition selon laquelle l'examen de la clarté est autorisé si la modification fait ressortir un manque de clarté "couvant" (ou formulations équivalentes), cela pourrait signifier, semble-t-il, qu'un tel examen est autorisé :
i) lorsque la revendication dépendante est développée pour la première fois entièrement et que l'attention est attirée sur une incohérence entre les revendications initiales du brevet délivré, qui n'avait pas encore été relevée, par exemple en raison des liens complexes d'interdépendance ; et/ou
ii) lorsqu'il importe pour la première fois de connaître les limites précises d'une revendication en raison du nouvel élément cité de l'état de la technique.
Dans les deux cas, cela revient pratiquement à dire que, dès lors qu'une modification est apportée, un examen de la clarté d'une revendication peut être effectué si le sens de cette dernière est déterminant. Une telle interprétation n'est pas étayée par le texte proprement dit de l'article 101(3) CBE, qui ne suggère pas qu'une telle possibilité existe. De plus, la Grande Chambre de recours juge arbitraire d'utiliser un critère fondé sur l'hypothèse selon laquelle le manque de clarté n'a pas été relevé antérieurement (ou formulations équivalentes), et ce notamment parce qu'il est souvent impossible de dire si la division d'examen a bel et bien tenu compte de l'article 84 CBE mais a estimé que la revendication en question ne pouvait donner lieu à une objection. Conformément à la pratique de l'OEB, la décision de délivrer un brevet n'est pas accompagnée d'une décision motivée indiquant que la demande satisfait à toutes les exigences de la CBE.
l) La proposition formulée en ce sens que l'examen destiné à établir un éventuel manque de clarté doit être effectué sur la base du pouvoir d'appréciation et/ou uniquement à titre exceptionnel, n'est pas, elle non plus, étayée par le texte de l'article 101(3) CBE. Une telle conclusion aboutirait en outre à un système arbitraire, dans lequel les parties ne pourraient jamais prévoir de manière fiable quelle serait l'issue de la procédure d'opposition si le titulaire du brevet décidait de modifier le brevet.
81. Par conséquent, la réponse de la Grande Chambre de recours à la partie b) de la question 1 est négative. Lorsqu'il s'agit d'évaluer si, aux fins de l'article 101(3) CBE, un brevet tel que modifié satisfait aux exigences de la CBE, la conformité des revendications du brevet aux exigences de l'article 84 CBE ne peut être examinée que si – et uniquement dans la mesure où - la modification concernée aboutit à une violation de l'article 84 CBE.
G.iii) Modifications de type A
82. Comme expliqué au point 3 ci-dessus, ce type de modifications peut être subdivisé en différentes catégories. Selon la Grande Chambre de recours, les cas de type A)i) (modes de réalisation servant de variantes), ne diffèrent pas sur le fond des modifications de type B. La revendication dépendante du brevet délivré aurait pu (si elle n'avait pas dû satisfaire à l'exigence de concision) être développée de manière à donner lieu à deux revendications dépendantes distinctes (ou davantage). La réponse de la Grande Chambre de recours est par conséquent la même pour les revendications de ce type que pour les modifications de type B.
83. Bien qu'elles ne relèvent pas de la présente saisine, les situations suivantes appellent la même réponse pour les mêmes raisons :
i) modifications consistant à supprimer des passages dans une revendication du brevet délivré (qu'elle soit indépendante ou dépendante), et ayant pour effet d'en réduire la portée, sans que cela ait une quelconque incidence sur une violation préexistante de l'article 84 CBE (cf. la décision T 301/87) ;
ii) suppression de caractéristiques facultatives dans une revendication du brevet délivré (qu'elle soit indépendante ou dépendante).
84. S'agissant des modifications de type A)ii) (modifications qui ont pour effet de séparer certains éléments des caractéristiques de la revendication dépendante auxquelles ils étaient liés), personne n'a jamais douté que si une telle modification aboutit à une prétendue violation de l'article 84 CBE, la conformité de la revendication à cet article puisse être examinée. Si cette modification n'est pas à l'origine de la prétendue violation, la Grande Chambre de recours estime qu'il convient d'apporter la même réponse que pour les modifications de type B, et ce non seulement pour des raisons d'uniformité et de cohérence, mais aussi parce que l'on voit mal comment il serait possible de formuler une réponse qui soit à la fois logiquement cohérente et différente.
85. Par conséquent, la Grande Chambre de recours répond de la manière suivante à la partie a) de la question 1 : lorsqu'il s'agit d'évaluer si, aux fins de l'article 101(3) CBE, un brevet tel que modifié satisfait aux exigences de la CBE, la conformité des revendications du brevet aux exigences de l'article 84 CBE ne peut être examinée que si – et uniquement dans la mesure où - la modification concernée aboutit à une violation de l'article 84 CBE.
G.iv) Remarques finales
86. Les réponses ci-dessus valent également pour les questions 2, 3 et 4 de la saisine.
87. Par conséquent, la Grande Chambre de recours approuve le courant jurisprudentiel conventionnel, tel qu'illustré par la décision T 301/87 (cf. partie E.i), points 18 à 26 ci-dessus), et désapprouve le courant jurisprudentiel tel que représenté par la décision T 472/88 (cf. partie E.ii), points 27 à 29 ci-dessus), ainsi que le courant jurisprudentiel "divergent" (tel qu'illustré dans les affaires exposées dans la partie E.iii), points 30 à 43 ci-dessus).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Il est répondu comme suit aux questions soumises à la Grande Chambre de recours :
Lorsqu'il s'agit d'évaluer si, aux fins de l'article 101(3) CBE, un brevet tel que modifié satisfait aux exigences de la CBE, la conformité des revendications du brevet aux exigences de l'article 84 CBE ne peut être examinée que si – et uniquement dans la mesure où - la modification concernée aboutit à une violation de l'article 84 CBE.