CHAMBRES DE RECOURS
Communications des chambres de recours de l'OEB
DEUXIEME PARTIE - LA JURISPRUDENCE DES CHAMBRES DE RECOURS ET DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS EN 2011
I. BREVETABILITE
A. Exceptions à la brevetabilité
1. Brevetabilité des inventions biologiques
1.1 Plantes et variétés végétales
Conformément à l'article 53b) CBE, il n'est pas délivré de brevets pour les variétés végétales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux. Cette exclusion ne s'applique pas aux procédés microbiologiques et aux produits obtenus par ces procédés.
Dans l'affaire T 1854/07, qui a été jugée avant les décisions G 2/07 (JO OEB 2012, 130) et G 1/08 (JO OEB 2012, 206) de la Grande Chambre de recours, la chambre a examiné les revendications de l'intimé (titulaire du brevet), relatives à des graines de tournesol qui se distinguaient de préférence par un profil en acides gras dont la principale caractéristique était une teneur élevée en acide oléique souhaité et une faible teneur en acide palmitoléique non souhaité. Elle a estimé que les deux revendications ne portaient pas individuellement sur une variété végétale, même si elles pouvaient couvrir des variétés végétales. La chambre en a conclu que, conformément à la décision G 1/98 (JO OEB 2000, 111), l'objet de ces revendications ainsi que celui de certaines revendications dépendantes n'était pas exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53b) CBE.
La chambre n'a pas fait sien l'argument du requérant selon lequel la décision G 1/98 ne pouvait s'appliquer au cas présent puisqu'elle portait exclusivement sur des variétés végétales en tant que produits obtenus par recombinaison génétique. Le requérant a fait valoir que, dans l'affaire instruite, les revendications avaient pour objet des végétaux (graines) produits par des procédés classiques d'obtention de végétaux, fondés sur le croisement et la sélection, et qu'elles portaient par conséquent sur des variétés végétales. La chambre a souligné que la décision G 1/98 établissait clairement et sans le moindre doute que l'assimilation - ou la non-assimilation - d'un végétal à une variété végétale dépend uniquement de la question de savoir si les critères de la définition figurant à la règle 26(4) CBE sont ou non remplis. Il est à cet égard indifférent que le procédé d'obtention de ce végétal repose sur la recombinaison génétique ou sur un procédé classique d'obtention de végétaux.
Dans l'affaire T 189/09, la chambre a indiqué que, conformément à la décision G 1/98 (JO OEB 2000, 111), une plante définie par des séquences individuelles d'ADN recombinant ne constitue pas un ensemble végétal individuel auquel il est possible d'attribuer toute une structure, au sens de la définition donnée dans le règlement de l'UE instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales. Une plante définie de cette manière ne représente pas un être vivant concret ou un ensemble d'êtres vivants concrets, mais une définition abstraite et ouverte englobant un nombre indéfini d'entités individuelles définies par une partie de leur génotype ou par une propriété que celle-ci leur a conféré.
Dans l'affaire concernée, l'objet de la revendication 1 portait sur une betterave sucrière rendue tolérante au glyphosate par l'insertion d'un gène CP4/EPSPS dans le génome du végétal. Ce végétal se caractérisait par au moins l'un des trois fragments spécifiques amplifiés par la PCR, lesquels englobaient soit la totalité, soit des parties du transgène. La chambre a conclu que, conformément à la décision G 1/98, il ne s'agissait pas d'une variété végétale, puisque le végétal revendiqué n'était défini que par des séquences individuelles d'ADN recombinant. L'objet des revendications ne contrevenait donc pas aux exigences de l'article 53b) CBE.
2. Méthodes de traitement médical
Conformément à l'article 53c) CBE, il n'est pas délivré de brevets pour les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal.
2.1 Méthodes de traitement chirurgical
Dans sa décision intermédiaire T 992/03 du 20 octobre 2006, la chambre avait saisi la Grande Chambre de recours, qui a répondu dans la décision G 1/07 (JO OEB 2011, 134) aux questions qui lui avaient été soumises et, en premier lieu, à celle de savoir si une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic, qui comprend ou englobe une étape consistant en une intervention physique pratiquée sur le corps humain ou animal est une méthode chirurgicale.
Au cours de la procédure suivant G 1/07, la chambre a admis, dans la décision T 992/03 du 4 novembre 2010, des modifications apportées aux revendications de telle sorte que la revendication 1 porte sur une méthode d'imagerie par résonance magnétique du système vasculaire pulmonaire et/ou cardiaque d'un sujet, utilisant du gaz 129Xe polarisé en phase dissoute. Cette méthode "comprenait" les étapes consistant à exciter du gaz 129Xe polarisé en phase dissoute avec au moins une impulsion d'excitation radiofréquence à grand angle de bascule et à obtenir au moins une image par résonance magnétique associée au gaz 129Xe polarisé en phase dissoute. La chambre a déclaré que même si un homme du métier sait qu'une méthode d'imagerie par résonance magnétique est une procédure assez complexe, qui nécessite notamment des étapes préparatoires comme le placement d'un sujet dans un système à résonance magnétique, l'administration du gaz 129Xe polarisé au sujet et la mise en route du système à résonance magnétique, ces étapes préparatoires ne font pas partie de la contribution de l'invention à l'état de la technique. Les revendications de méthode 1 et 22 ne comprenaient donc pas "une étape invasive représentant une intervention physique majeure sur le corps, dont la mise en œuvre exige des compétences médicales professionnelles, et qui comporte un risque considérable pour la santé même s'il est fait preuve de la diligence et de l'expertise requises" (G 1/07).
Le fait que 129Xe puisse également être utilisé comme anesthésiant n'était pas pertinent pour apprécier la question de savoir s'il convenait d'exclure les méthodes revendiquées de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE. La Grande Chambre de recours avait précisé dans la décision G 1/07 que "l'exclusion de la brevetabilité d'une méthode chirurgicale ne vaut que si le risque pour la santé est lié au mode d'administration et non pas uniquement à l'agent en tant que tel", si bien qu'un éventuel effet anesthésiant du gaz 129Xe n'était pas frappé d'exclusion. Il était également indifférent que les méthodes revendiquées dans l'affaire instruite fournissent des informations permettant au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale.
La chambre a conclu que les méthodes revendiquées ne concernaient pas des méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal, qui tombent sous le coup de l'interdiction visée à l'article 53c) CBE.
Dans l'affaire T 663/02, la chambre devait décider si, dans le contexte de la revendication 1 du brevet délivré, relative à une méthode d'imagerie d'une artère dans une région d'intérêt chez un patient, utilisant l'imagerie par résonance magnétique et un agent de contraste pour la résonance magnétique, l'étape consistant à "injecter l'agent de contraste pour la résonance magnétique dans une veine éloignée de l'artère" avait un caractère chirurgical. Conformément au brevet délivré, cette étape impliquait la pose d'un cathéter intraveineux par lequel l'agent de contraste pouvait ensuite se répandre dans le système vasculaire.
La chambre a rappelé que la Grande Chambre de recours avait considéré de manière explicite dans la décision G 1/07 (JO OEB 2011, 134) que "toute" définition plus restrictive des termes "traitement chirurgical" "doit" couvrir les interventions que l'on retrouve "au cœur des activités médicales". Le fait qu'un médecin puisse confier à un professionnel paramédical qualifié le soin d'effectuer l'injection intraveineuse d'un agent de contraste pour la résonance magnétique indique qu'une telle injection peut être considérée comme représentant une intervention de routine mineure, qui n'implique aucun risque important pour la santé lorsqu'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises. Ces actes n'entrent pas dans le champ d'application de l'exclusion prévue à l'article 53c) CBE, conformément à l'approche restrictive préconisée par la Grande Chambre de recours (G 1/04, JO OEB 2006, 334 et G 1/07).
La chambre a également évalué si la méthode par injection intraveineuse impliquait un risque pour la santé. Elle a estimé que les risques pour la santé pouvaient être évalués notamment à l'aide d'une matrice de risques, qui permet d'associer les niveaux de probabilité et l'incidence sanitaire de complications résultant d'un acte médical, et ce pour un nombre élevé de patients. Le but d'une telle matrice est d'obtenir des données statistiques sur les risques pour la santé, qui puissent être utilisées pour décider de la manière de procéder. Selon la chambre, une telle évaluation étayait le point de vue selon lequel l'injection intraveineuse d'un agent de contraste pour la résonance magnétique représentait une intervention de routine mineure, n'impliquant aucun risque considérable pour la santé lorsqu'il était fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises.
La chambre a estimé qu'une injection intraveineuse constituait une intervention invasive, mais que le caractère invasif et la complexité pouvaient être considérés comme faibles, du moins eu égard aux injections dans des veines superficielles des bras ou des jambes, comme cela était envisagé dans le brevet en litige.
La chambre a conclu que la méthode selon les revendications concernées ne portait pas sur une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal, qui tombe sous le coup de l'interdiction visée à l'article 53c) CBE.
Dans l'affaire T 1075/06, la chambre a estimé que la ponction veineuse pratiquée sur des donneurs et le prélèvement de sang sur le corps d'un donneur représentent des interventions physiques majeures sur l'organisme, dont la mise en œuvre exige des compétences médicales professionnelles et qui comportent un risque considérable pour la santé, même s'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requise. Une revendication de méthode qui comprend des étapes englobant ces procédures est une méthode de traitement chirurgical du corps humain, qui est exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE.
La chambre a établi une distinction entre cette affaire et la décision T 663/02, relative à l'injection intraveineuse d'un agent de contraste. Cette dernière présentait des liens étroits, mais aussi des différences avec la ponction veineuse, qui implique le prélèvement de grandes quantités de sang sur un donneur.
La méthode revendiquée comportait en outre l'étape consistant à réinjecter à un donneur le sang traité, dont certains des constituants avaient été éliminés, et auquel un anticoagulant avait été ajouté. L'élimination, à l'aide de la méthode revendiquée de traitement du sang, de certains constituants sanguins ayant des propriétés nocives, et la réinjection des constituants restants produisaient bien un effet thérapeutique chez les patients ayant des quantités pathologiquement élevées ou des propriétés nocives de constituants sanguins. De plus, les anticoagulants étaient des médicaments, et leur administration au donneur au moyen du mode de réinjection entraînait également un effet thérapeutique sur l'organisme du donneur, à savoir une diminution de la formation des caillots de sang, et partant la prévention de problèmes tels que la thrombose veineuse profonde. La chambre a souligné que le terme "thérapeutique" couvre également les méthodes de traitement à titre prophylactique. Elle en a conclu que la méthode revendiquée était une méthode de traitement thérapeutique du corps humain, exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE.
Dans l'affaire T 836/08, la revendication 1 avait pour objet un procédé pour déterminer la position de l'extrémité distale d'un fil de guidage osseux à l'aide d'un système de repérage et de navigation optique médical. Ce procédé permettait d'établir par des moyens optiques, et donc de manière non invasive, notamment la position et l'orientation de l'extrémité proximale du fil de guidage ainsi que l'orientation du canal tubulaire dans un os, dans lequel se trouve l'extrémité distale du fil de guidage. Ce procédé faisait appel à des dispositifs de référence. Selon la chambre, il était certes nécessaire à cette fin de fixer le dispositif de référence sur l'os et d'introduire le fil dans l'os, mais ces étapes ne faisaient pas partie du procédé revendiqué. La revendication ne contenait ni ne couvrait une étape de procédé visant au traitement chirurgical du corps.
Le fait que le procédé soit mis en œuvre après qu'une intervention chirurgicale ait été pratiquée sur un corps, voire pendant cette intervention, ne signifiait pas que le procédé revendiqué, destiné à déterminer une position, constituait en tant que tel une méthode de traitement chirurgical. Il s'agissait davantage d'un procédé purement "passif", et non invasif, de mesure et d'analyse, qui n'avait aucune incidence sur le corps humain et le traitement médical réalisé.
Des circonstances comparables ont été à la base de la décision T 923/08. Il ressortait de la description que le procédé revendiqué était prévu notamment pour déterminer si la longueur d'un fémur avait changé, par exemple lorsqu'il était procédé à l'ablation d'une tête fémorale endommagée dans le cadre d'une opération de l'articulation de la hanche, et à son remplacement par une prothèse. Ce procédé permettait de déterminer la longueur du fémur opéré par rapport à sa longueur initiale, de telle sorte que l'articulation de la hanche reconstituée soit autant que possible identique à une articulation saine. Pour mettre en œuvre le procédé, il était indispensable au stade initial, à savoir avant le début ou au début de l'opération de l'articulation de la hanche, de raccorder un premier système de référence de préférence directement à un os du bassin.
La chambre a décidé que si un procédé prévu pour recueillir des mesures sur le corps humain ou animal implique obligatoirement une étape chirurgicale visant à fixer, au corps humain ou animal, un élément de mesure indispensable pour la mise en œuvre du procédé, cette étape doit être considérée comme une caractéristique essentielle du procédé, qui est couverte par un tel procédé, même si aucune caractéristique du procédé ne porte expressément sur cette étape dans la revendication. Un tel procédé est exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE.
La chambre s'est également penchée sur la décision T 836/08, dans laquelle la revendication 1 portait sur un procédé pour déterminer la position de l'extrémité distale d'un fil de guidage osseux à l'aide d'un système de repérage et de navigation optique médical. Ce procédé était mis en œuvre, à l'instar de l'affaire présentement instruite, à l'aide de dispositifs de référence se trouvant d'une part sur l'extrémité proximale du fil et d'autre part au niveau de l'os. La chambre chargée de l'affaire T 836/08 avait cependant procédé différemment pour évaluer les étapes du procédé devant être considérées comme nécessaires à cette fin, et en avait conclu que les revendications 1 à 3 se bornaient à définir le fonctionnement d'un dispositif technique, en conséquence de quoi il s'agissait d'un procédé optique et non d'une méthode chirurgicale. Selon la chambre instruisant l'affaire T 923/08, cette différence d'évaluation pouvait tenir notamment au fait que dans la présente espèce, le choix de la catégorie de la revendication était évalué d'une autre manière que dans l'affaire T 836/08. Cela montrait toutefois qu'il existe en définitive des marges d'appréciation pour chaque décision individuelle, et que l'on ne peut s'attendre à ce qu'elles conduisent à des résultats identiques (voir aussi le point II.B.1.).
Dans l'affaire T 1695/07, la chambre a estimé qu'un procédé de manipulation du sang qui consiste à retirer continuellement du sang d'un patient, à le faire s'écouler dans une ligne de circulation d'un circuit extracorporel et à le réinjecter au patient, était une méthode de traitement chirurgical du corps humain exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE. Cette méthode ne fait pas partie de celles qui ne doivent pas être couvertes par la disposition d'exclusion, conformément à l'"interprétation plus restrictive" proposée par la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/07, parce que le procédé n'est pas mis en œuvre dans un "environnement commercial non médical" et ne peut pas être considéré comme une "intervention mineure" pratiquée sur des "parties non vitales de l'organisme".
Un procédé in vivo tel que celui-ci exige des "compétences médicales professionnelles" et fait partie du type d'interventions que l'on retrouve "au cœur des activités médicales", même si le procédé est mis en œuvre par un personnel paramédical auxiliaire.
Même s'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises, ce procédé comporte des "risques considérables pour la santé" du patient. Un risque pour la santé est "considérable" dès lors qu'il va au-delà des effets secondaires liés aux traitements mentionnés dans la décision G 1/07, tels que le tatouage, les piercings, l'épilation par rayonnement optique et la micro-abrasion de la peau. Une analyse factuelle des risques relatifs et absolus et de leur probabilité sur la base de preuves objectives est difficilement réalisable et n'est donc pas requise.
2.2 Méthodes de traitement thérapeutique
Dans l'affaire T 1635/09 (JO OEB 2011, 542), la revendication 1 de la requête principale portait sur l'utilisation d'une composition pour la contraception orale dans laquelle la teneur hormonale était choisie à si faibles doses que les effets secondaires pathologiques à craindre lors de la contraception orale étaient évités ou atténués. Après avoir constaté qu'en vertu de la jurisprudence constante des chambres de recours, la contraception ne constitue pas un procédé thérapeutique, y compris au sens d'une prévention, la chambre a examiné si l'objet de la revendication comportait dans son ensemble une ou plusieurs étapes thérapeutiques et/ou un ou plusieurs effets thérapeutiques.
La chambre a souligné que la réduction de la concentration du principe actif n'améliorait en aucun cas l'efficacité contraceptive, mais visait exclusivement à éviter ou à atténuer les effets secondaires, par exemple des effets secondaires indésirables. Ainsi, la revendication en question revendiquait une utilisation en soi non thérapeutique, mais, dans le même temps, la sélection des concentrations de principe actif qui y étaient définies permettait de prévenir des effets secondaires auxquels il fallait s'attendre lors de la mise en œuvre de l'utilisation en soi non thérapeutique. Cette prévention, qui était ancrée dans la revendication par l'indication des concentrations de principe actif et qui, en raison de la nature pathologique des effets secondaires, méritait clairement d'être qualifiée de thérapeutique, était indissociablement liée à la mise en œuvre de la contraception, en soi non thérapeutique, si bien que l'objet de la revendication 1 de la requête principale contenait un procédé thérapeutique. Cet objet était donc exclu de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE.
En ce qui concernait la requête subsidiaire 1, qui se distinguait de la revendication 1 de la requête principale par l'introduction du disclaimer "non thérapeutique", la chambre a déclaré que ce type de disclaimer permet d'exclure les utilisations thérapeutiques d'une revendication qui englobe concrètement des utilisations thérapeutiques et non thérapeutiques, pouvant ainsi être objectivement dissociées, de sorte que l'objet subsistant ne tombe plus sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE. Un tel disclaimer ne permet pas toutefois de définir comme non thérapeutique une utilisation qui comprend obligatoirement une ou plusieurs étapes thérapeutiques, car la question de savoir si une utilisation revendiquée est thérapeutique ou non thérapeutique ne peut être tranchée que sur la base des actions mises en œuvre ou des effets obtenus dans ladite utilisation. L'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53c) CBE s'appliquait donc aussi à l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 malgré l'introduction du disclaimer "non thérapeutique" (voir aussi le point III.B.2.).
Dans l'affaire T 1075/06, la chambre a considéré qu'une revendication de procédé comprenant l'étape qui consiste à réinjecter à un donneur du sang traité, dont certains des constituants avaient été éliminés, et auquel un anticoagulant avait été ajouté, était une méthode de traitement thérapeutique du corps humain, qui est exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE (cf. également point 2.1 ci-dessus).
Dans l'affaire T 385/09, la chambre devait se pencher sur un procédé non thérapeutique de refroidissement pour des animaux, tels que des vaches, dans lequel le liquide réduit à une fine pulvérisation était appliqué sur les animaux et de l'air soufflé sur les animaux mouillés. Le procédé était mis en œuvre dans une stalle de traie et l'objectif était d'y attirer les animaux. La chambre a constaté que le procédé revendiqué, n'étant pas thérapeutique, devait être interprété en ce sens qu'il portait sur le traitement d'animaux sains et dans un état normal, même s'ils ressentaient de la chaleur. Par conséquent, le procédé revendiqué n'était pas une méthode de traitement thérapeutique du corps animal, mais une méthode visant à procurer une sensation agréable à un animal sain, de manière à l'inciter à rejoindre la stalle de traie, où il retrouverait cette sensation.
B. Nouveauté
1. Détermination de l'état de la technique
Selon l'article 54(2) CBE, l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.
1.1 Droits antérieurs nationaux exclus
Dans l'affaire T 1698/09, la chambre a rappelé que selon l'article 54(3) CBE, l'état de la technique est représenté par le contenu des demandes de brevet européen qui ont une date de dépôt antérieure à la date de priorité du brevet litigieux et ont été publiées seulement après cette date. La chambre de recours a indiqué qu'un modèle d'utilité allemand n'est ni une demande de brevet allemand, ni une demande de brevet européen. La désignation de l'Allemagne dans le brevet litigieux ne peut rien y changer.
1.2 Droits antérieurs européens
L'ancien article 54(4) CBE 1973 limitait l'effet de la fiction de l'article 54(3) CBE 1973 au minimum nécessaire pour éviter une interférence entre différents droits, c'est-à-dire aux Etats contractants désignés à la fois dans la première et dans la deuxième demande. L'article 54(4) CBE 1973 (qui a été supprimé) reste néanmoins applicable aux brevets européens déjà délivrés et aux demandes européennes en instance à la date d'entrée en vigueur de la CBE 2000.
Dans la décision T 1926/08, pour établir la nouveauté par rapport au document D1, les titulaires du brevet avaient déposé deux jeux de revendications pour des Etats contractants différents. Les opposants avaient contesté l'admissibilité d'un second jeu de revendications. Le brevet litigieux avait été délivré avant l'entrée en vigueur de la CBE 2000.
La chambre a jugé nécessaire d'examiner le cadre légal régissant la possibilité de déposer des revendications, des descriptions et des dessins différents pour des Etats différents. Selon l'article 7 de l'acte portant révision de la CBE (édition spéciale nº 1 du JO OEB 2007, 196) ensemble la décision du Conseil d'administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires, l'article 123 CBE 2000 s'applique aux brevets européens délivrés avant le 13 décembre 2007 et l'article 54(4) CBE 1973 continue de s'appliquer à ces brevets. Cela n'a pas été contesté. Le point litigieux était de savoir si la règle 87 CBE 1973 est une règle d'application de l'article 54(4) CBE 1973, auquel cas elle s'applique, ou si la situation est couverte par l'article 123 et la règle 138 CBE. En effet, la règle 87 CBE 1973 permettait de déposer des revendications, descriptions et dessins différents pour des Etats différents, tant dans le cas d'une demande de brevet européen antérieure faisant partie de l'état de la technique au titre de l'article 54(3) et (4) CBE 1973 que dans le cas où existait un droit national antérieur, alors que la règle 138 CBE 2000 ne prévoit que ce dernier cas.
La chambre a fait remarquer qu'une règle pouvait concerner différents articles, comme l'a expliqué la chambre de recours juridique (J 3/06, JO OEB 2009, 170 ; J 10/07, JO OEB 2008, 567). La chambre n'a pas contesté que la règle 87 CBE 1973 concerne aussi l'article 123 CBE, mais la règle 87 CBE 1973 a clairement pour but de tenir compte des cas où une demande interférente représente l'état de la technique, non pas pour la totalité des Etats désignés, mais pour certains d'entre eux seulement. Cette règle régit la procédure à suivre dans ce cas précis et est donc clairement liée à l'article 54(4) CBE 1973. Une règle met en œuvre un article non seulement quand elle en précise le contenu, comme le fait la règle 23bis CBE 1973 en fixant une condition pour la portée territoriale de la demande interférente, mais également quand elle indique une procédure à suivre pour son exécution. Faute de pouvoir déposer un jeu de revendications séparé, le titulaire du brevet doit limiter son brevet pour tous les Etats désignés. Cela signifie que la demande interférente produirait ses effets pour tous les Etats désignés. Telle est la situation au titre de la CBE 2000, laquelle n'était cependant pas encore applicable dans l'espèce considérée. Ne pas prévoir de procédure pour la mise en œuvre de l'article 54(4) CBE 1973 rendrait ledit article superflu et irait donc à l'encontre de l'intention du législateur. Par conséquent, la règle 87 CBE 1973 est applicable et un jeu de revendications séparé est admissible.
1.3 Accessibilité au public
L'état de la technique comprend ce qui a été rendu accessible au public.
Dans la décision T 7/07, un tiers avait notamment fait valoir que les principales revendications du brevet manquaient de nouveauté par rapport à un usage antérieur consistant en des essais cliniques effectués avec des contraceptifs contenant la composition revendiquée dans le brevet. Les participants avaient été informés des ingrédients, mais ils n'avaient pas signé d'accord de confidentialité et les médicaments non utilisés n'avaient pas été restitués dans leur totalité. Le tiers a fait valoir que les médicaments étaient ainsi devenus accessibles au public. La chambre a noté que, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, si une seule personne du public non tenue au secret est théoriquement en mesure d'accéder à des informations déterminées, celles-ci sont réputées avoir été rendues accessibles au public au sens de l'article 54(2) CBE. Après avoir distribué les médicaments, le titulaire du brevet les a apparemment perdus de vue, rien n'empêchant les participants aux essais d'en disposer à leur guise. Dans ces conditions, la chambre a conclu que les médicaments avaient été mis à la disposition du public du fait d'avoir été distribués aux participants. Il restait à déterminer si l'homme du métier était à même d'analyser leur composition et leur structure. Etait-il notamment à même de constater la micronisation de la drospirénone, information non communiquée aux femmes qui avaient participé aux essais cliniques ? La chambre a conclu que l'homme du métier était capable de mettre à jour la composition ou la structure interne du produit utilisé dans les essais cliniques, et de le reproduire sans effort excessif (voir aussi les points VII.C.2 et VIII.2.1).
Dans l'affaire T 278/09, concernant la mise à disposition du public d'un descriptif de produit, la chambre a fait remarquer qu'un descriptif de produit ne fait qu'indiquer la composition et les propriétés de produits nouvellement développés ou améliorés, mais qu'il ne dit rien en soi sur la commercialisation et l'accessibilité éventuelle au public. La décision relative à la commercialisation du produit et au calendrier de commercialisation peut dépendre d'autres circonstances, comme la situation économique et la politique commerciale de l'entreprise. Par ailleurs, un descriptif de produit ne devient pas forcément une information destinée au public parce que la décision a été prise de commercialiser le produit décrit, car il peut aussi être distribué aux clients avec obligation de confidentialité. En pareil cas, la simple probabilité d'une mise à la disposition du public d'un descriptif de produit présumé destructeur de nouveauté et dont l'accessibilité au public n'est qu'hypothétique, est insuffisante (voir également T 738/04).
Dans l'affaire T 2/09, la chambre a décidé que le contenu d'un courrier électronique n'a pas été rendu accessible au public au sens de l'article 54(2) CBE 1973 au simple motif que ce courrier électronique a été transmis par Internet avant la date de dépôt, qui était en l'occurrence le 1er février 2000.
Dans l'affaire T 1553/06, la chambre a affirmé que la simple possibilité théorique d'avoir accès à un moyen de divulgation ne rend pas ce dernier accessible au public au sens de l'article 54(2) CBE 1973. Il est impératif en effet qu'au moins une personne du public ait la possibilité pratique d'accéder au moyen de divulgation, c'est-à-dire d'y accéder "directement et sans équivoque".
Lorsque l'on ne peut accéder à un document stocké sur le World Wide Web qu'en devinant une URL (adresse universelle) qui n'a pas été rendue accessible au public, l'accès "direct et sans équivoque" à ce document n'est possible que dans des cas exceptionnels, à savoir lorsque ladite URL est si évidente, ou si prévisible, qu'elle peut facilement être devinée.
Le fait qu'un document stocké sur le World Wide Web pouvait être trouvé en saisissant des mots-clés dans un moteur de recherche public avant la date de priorité ou de dépôt du brevet ou de la demande de brevet ne suffit pas toujours pour conclure que ce document était accessible "directement et sans équivoque."
Lorsque toutes les conditions énoncées dans le test ci-dessous sont remplies, il peut être conclu sans risque de se tromper qu'un document stocké sur le World Wide Web a été rendu accessible au public :
Si, avant la date de dépôt ou de priorité du brevet ou de la demande de brevet, un document stocké sur le World Wide Web et accessible via une URL
1) pouvait être trouvé à l'aide d'un moteur de recherche public en saisissant un ou plusieurs mots-clés tous liés au contenu essentiel du document, et
2) était resté accessible via cette URL suffisamment longtemps pour qu'une personne du public, à savoir quelqu'un n'ayant aucune obligation de garder secret le contenu du document, ait pu avoir un accès direct et sans équivoque au document,
alors ce document a été rendu accessible au public au sens de l'article 54(2) CBE 1973.
Toutefois, il faut noter que si l'une des conditions 1) ou 2) n'est pas remplie, le test ci-dessus ne permet pas de déterminer si le document en question a été ou non rendu accessible au public.
1.4 Obligation de confidentialité
Si la personne qui a pu avoir connaissance de l'invention était tenue au secret, l'invention n'est pas réputée avoir été mise à la disposition du public, pour autant que la personne en question n'ait pas enfreint cette obligation.
Dans l'affaire T 1168/09, deux utilisations antérieures étaient invoquées, premièrement la livraison de 170 appareils de contrôle ESG 400 et deuxièmement la livraison de 111 143 appareils de contrôle ESG 300/600.
La chambre a conclu que lors d'une vente sans conditions d'appareils de contrôle, l'acheteur doit être considéré comme faisant partie du public, car il peut disposer de l'objet de la vente comme il l'entend. En l'espèce toutefois, les conditions de livraison ne spécifiaient rien et étaient notamment muettes sur l'existence ou non d'une obligation de confidentialité. La chambre a donc examiné si la relation commerciale entre le fournisseur et le client était telle qu'une obligation de confidentialité tacite était supposée avoir existé.
Une obligation de confidentialité tacite peut notamment être supposée si les partenaires commerciaux ont un intérêt mutuel à ce que le secret soit maintenu. C'est par exemple le cas lorsque les partenaires d'un projet de développement commun se transmettent des échantillons pour procéder à des essais. Un tel intérêt ne peut toutefois être présumé que jusqu'à la livraison des pièces pour la production en série, car à partir de ce moment, les pièces sont destinées à être montées dans des véhicules pour la vente et deviennent donc accessibles au public. En d'autres termes, un intérêt mutuel à garder le secret ne peut plus être supposé dès lors que des pièces sont livrées pour la production en série (cf. T 1512/06).
En l'espèce, la chambre a conclu qu'un trop grand nombre d'appareils de contrôle avaient été livrés pour qu'ils puissent l'avoir été à titre expérimental, et qu'il fallait donc les considérer comme ayant été rendus accessibles au public.
Dans l'affaire T 945/09, l'enseignement de la revendication 1 du brevet litigieux était utilisé par un patient sous "nutrition parentérale à domicile". La division d'opposition a estimé que toutes les informations relatives à l'utilisation de la taurolidine comme solution verrou pour cathéter, mises à la disposition de l'équipe médicale, du titulaire du brevet (fournisseur de la taurolidine) et du patient, étaient couvertes par une obligation de confidentialité implicite découlant des circonstances particulières.
La chambre a noté que le patient, après sa longue histoire de complications nécessitant des remplacements à répétition du cathéter, était généralement bien au courant de ce qui lui arrivait et qu'il s'intéressait à tout ce qui pourrait soulager son état. En outre, "l'évaluation du protocole des soins sur site du patient" n'aurait pas pu se faire sans explication précise. Par conséquent, la chambre a estimé que le but du remplacement de l'héparine par 1,5 mL de solution de taurolidine lui avait été suffisamment expliqué. La chambre a donc basé son raisonnement et ses conclusions sur le fait que le savoir du patient était assez clair et précis pour lui permettre de remarquer la technique utilisée après le remplacement du verrou à l'héparine par le verrou à la taurolidine, qui représentait l'enseignement de la revendication 1 du brevet litigieux.
Selon la chambre, le patient n'avait aucune raison de traiter ce savoir comme confidentiel, puisqu'à l'époque les médecins tentaient simplement d'utiliser de la taurolidine d'une provenance quelconque en utilisant une technique qu'ils tiraient librement et facilement de l'état de la technique disponible à l'époque. La simple utilisation d'un composé en tant que tel était essentielle pour l'appréciation de la nouveauté. De surcroît, l'utilisation en milieu hospitalier du verrou à la taurolidine n'était pas typique d'une approche clinique, ni même expérimentale, car elle était dictée par la nécessité immédiate d'aider un patient en situation désespérée et qu'elle n'avait pas été prévue systématiquement en tant qu'expérience scientifique. Par conséquent, l'objet ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 54 CBE.
1.5 Questions relatives à la preuve
1.5.1 Informations extraites de l'Internet
Dans l'affaire T 2339/09, la chambre a fait remarquer que les divulgations sur l'Internet sont réputées rendues accessibles au public à partir du moment où elles sont publiées en ligne. Il s'agit fondamentalement de déterminer si, selon toute probabilité, les documents sont compris dans l'état de la technique. D'après le rapport de recherche, D4 était un article Internet du 22 mai 2006, relatif à un catalogue de la société HBE GmbH trouvé le 21 mars sur le site d'archivage www.archive.org. La publication en ligne de ce catalogue a donc eu lieu le 22 mai 2006, date antérieure à la date de dépôt de la demande examinée (17 novembre 2006). Le catalogue portait en outre l'indication "11.10.04", ce qui suggérait une date de publication "hors ligne" plus précoce. En tout cas, les dates pertinentes se situaient donc avant la date de dépôt, et il fallait partir du principe que D4 était compris dans l'état de la technique.
Selon la chambre, c'était à la requérante qu'il incombait d'argumenter et de prouver le contraire, à savoir que D4 n'avait pas été publié avant la date du dépôt. La requérante a affirmé avoir trouvé, à l'aide du moteur de recherche de www.archiv.org, le document D4 portant la date de publication du 7 janvier 2007, date postérieure à la date du dépôt. La requérante n'a cependant fourni aucune preuve à l'appui de cette affirmation. Par ailleurs, le nom du moteur de recherche n'était pas le même que celui figurant dans le rapport de recherche et le moment de l'interrogation se situait vraisemblablement bien après celui du rapport de recherche. Les dires de la requérante étaient donc insuffisamment fondés, et impropres à remettre en question l'appartenance de D4 à l'état de la technique.
2. Détermination du contenu de l'état de la technique pertinent
Une fois établi ce qui appartient à l'état de la technique, il convient de déterminer quel est son contenu technique et si celui-ci est compréhensible.
2.1 Prise en considération de caractéristiques implicites
Dans la décision T 701/09, la chambre de recours a estimé qu'une divulgation directe et non ambiguë n'est pas forcément une divulgation explicite ou littérale, mais qu'il peut s'agir tout aussi bien d'une divulgation implicite que l'homme du métier déduira au-delà de tout doute raisonnable du contexte général d'une antériorité.
3. Les inventions dans le domaine de la chimie et les inventions de sélection
Dans l'affaire T 1130/09, la décision attaquée impliquait une appréciation de la nouveauté sur la base du principe de l'invention de sélection et des trois critères énoncés dans la décision T 198/84 (cf. JO OEB 1985, 209). Selon la chambre de recours, ce principe doit être utilisé lorsqu'il y a sélection d'un domaine limité à l'intérieur d'un domaine plus large. Le passage de la page 9, lignes 5 à 7 du document (2), divulgue que l'ordre de grandeur des structures est nanométrique ou micrométrique. Par conséquent, comme cela avait déjà été constaté dans la décision attaquée, le domaine spécifique revendiqué représentait une sélection limitée qui, faute d'exemples dans le document (2), s'avérait également très éloignée des principaux modes de réalisation du document (2).
La chambre a fait remarquer que les deux premiers critères, tels que définis dans T 198/84, étaient par là réunis. Le troisième critère, en vertu duquel un effet technique doit être démontré pour un domaine revendiqué plus limité, ne devait toutefois pas être pris en considération pour l'appréciation de la nouveauté, puisque la nouveauté et l'activité inventive sont deux conditions de brevetabilité indépendantes l'une de l'autre. Un effet technique se produisant dans le domaine revendiqué plus limité ne fonde pas la nouveauté d'une plage numérique déjà nouvelle en soi, mais ne fait que confirmer la nouveauté déjà établie de ce domaine numérique plus limité. La question de savoir s'il y a ou non effet technique reste néanmoins une question d'activité inventive (cf. T 1233/05 ; T 230/07). La chambre a donc conclu que le document (2) relatif à la grandeur des structures ne divulguait pas le domaine défini de 10 nm à 100 mym revendiqué en l'espèce, et que l'objet de la revendication 1 initiale était nouveau au sens de l'article 54 CBE par rapport au document (2).
C. Activité inventive
1. Approche problème-solution
Les instances de l'OEB ont régulièrement recours à l'"approche problème-solution" lorsqu'elles décident si un objet revendiqué satisfait ou non aux exigences de l'article 56 CBE. Dans l'affaire T 188/09, le requérant, se référant à la décision T 465/92, a fait observer qu'il existe toutefois des cas où l'"approche problème-solution" était un obstacle, plutôt qu'une aide, pour répondre à la question de savoir si l'objet revendiqué est évident par rapport à l'état de la technique. Dans la décision T 465/92 (JO OEB 1996, 32), la chambre avait expressément décidé de ne pas faire appel à l'"approche problème-solution" car, selon elle, les sept antériorités pertinentes présentaient toutes la même analogie avec l'invention revendiquée.
La chambre a tout d'abord noté que dans une situation donnée où il existe un certain nombre de preuves, l'approche utilisée comme moyen complémentaire d'évaluation de l'activité inventive doit, quelle qu'elle soit, conduire au même résultat, que l'activité inventive soit confirmée ou qu'elle soit invalidée. Par conséquent, dans l'affaire en cause, même si l'"approche problème-solution" était appliquée, la décision concernant l'inventivité devrait être la même que si ladite approche n'était pas suivie. Dans la décision T 465/92, la chambre avait noté qu'il peut y avoir certaines situations susceptibles de "conduire à développer un raisonnement compliqué, en plusieurs étapes, alors que les faits plaidant pour ou contre l'existence d'une activité inventive sont clairs. Ainsi, lorsqu'une invention porte sur un objet entièrement nouveau, il peut suffire de constater qu'il n'existe pas d'état de la technique proche de l'invention, plutôt que de bâtir un problème en se fondant sur ce que l'on considère arbitrairement comme correspondant à l'état de la technique le plus proche".
La chambre a déclaré qu'aucune des circonstances permettant d'éviter l'"approche problème-solution" classique n'étaient réunies dans l'affaire en question : l'objet revendiqué ne pouvait pas être considéré comme entièrement nouveau et il n'existait pas un grand nombre de documents de l'état de la technique présentant la même analogie avec l'invention revendiquée.
2. Etat de la technique le plus proche
Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, lorsque plusieurs documents peuvent entrer en ligne de compte en tant qu'éléments le plus proche de l'état de la technique, il y a lieu de considérer comme document le plus proche celui qui permet à l'homme du métier de parvenir le plus facilement à l'objet de l'invention, autrement dit celui qui sert de point de départ le plus vraisemblable à l'objet en question (T 824/05).
Dans l'affaire T 53/08, les documents (1) et (10) concernaient, comme le brevet en litige, des herbicides utilisés contre les mauvaises herbes présentes dans les cultures de maïs, de riz et de céréales. Le document (1) décrivait l'herbicide de formule (A1) et sa combinaison avec d'autres substances actives. Le document (10) divulguait des composés contenant des dérivés d'isoxazoline substitués, exerçant une action antidote.
La chambre a constaté que les exposés de ces deux documents ne se distinguaient du brevet en litige que par une seule caractéristique. Pour décider celui des documents (1) ou (10) qui devait être considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche, la chambre a tenu compte de la finalité du brevet, qui consistait à développer l'agent herbicide hautement actif de formule (A1) de telle sorte qu'il n'endommage pas de manière notable, sous sa forme concentrée active, les plantes cultivées.
Le point de départ évident pour l'invention était donc le document exposant la substance active de formule (A1), à savoir le document (1). Même si le document (10) contenait des suggestions pour résoudre le problème, il portait avant tout sur le développement de dérivés d'isoxazoline en tant qu'antidote, si bien que l'homme du métier ne l'aurait pas envisagé d'emblée comme point de départ pour améliorer la sélectivité d'un herbicide spécifique.
3. Combinaison de documents
Dans l'affaire T 715/09, l'intimé a fait valoir que la technologie du dépôt par plasma ne faisait pas partie des connaissances générales de l'homme du métier formé à la technique des bougies à incandescence. Il s'est appuyé sur le fait que selon le système de classification internationale des brevets, les bougies à incandescence et les techniques de traitement des surfaces sont rattachées à des classes totalement différentes, à savoir respectivement F23Q7/00 et C23C.
La chambre n'a pas suivi cet argument et a déclaré que l'on ne saurait se fonder sur la seule classification selon la CIB pour déterminer si deux documents de l'état de la technique peuvent ou non être combinés entre eux. Le simple fait que deux documents appartiennent à la même classe ne permet pas d'affirmer que la combinaison de ces enseignements est évidente (cf. T 745/92). De même, le simple fait que des technologies soient rattachées à des classes différentes de la CIB ne signifie pas nécessairement qu'elles ne puissent pas être combinées.
4. Traitement de caractéristiques techniques et non techniques
4.1 Formulation du problème technique
Dans l'affaire T 1769/10, la division d'examen avait rejeté la demande pour absence d'activité inventive par rapport au document D1. L'invention concernait un serveur de jeux à distance sur Internet. D1 divulguait un système de jeux qui comprenait le serveur d'un casino communiquant avec une pluralité d'appareils de jeu qui donnaient à des joueurs la possibilité de faire des paris. L'objet de la revendication 1 de la demande se distinguait de l'état de la technique le plus proche en ce que l'anonymat du joueur pouvait être préservé dans les opérations entre les serveurs gérant les résultats des jeux et le serveur gérant les données relatives au joueur. L'invention visait donc entre autres à améliorer l'accès d'un joueur aux jeux et à conserver la confidentialité des données relatives au joueur dans la base de données qui lui était dédiée.
La chambre a déclaré que ces objectifs faisaient partie du domaine non technique des plans, principes et méthodes en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, et qu'ils pouvaient donc, conformément à la jurisprudence constante, légitimement être énoncés dans la formulation du problème technique à résoudre, notamment en tant que contrainte à respecter (La Jurisprudence des Chambres de recours, 6e édition 2010, I.D.8.1 ; T 641/00, JO OEB 2003, 352). La chambre a fait observer qu'en ce qui concerne les inventions impliquant des aspects dans un domaine non technique, la jurisprudence constante prévoyait une méthodologie pour appliquer l'approche problème-solution, généralement suivie à l'OEB pour apprécier l'activité inventive. En fait, la Grande Chambre de recours avait constaté que si de nombreuses décisions des chambres de recours citaient les décisions antérieures définissant cette méthodologie, elle n'avait pas connaissance d'une divergence dans cette jurisprudence, ce qui suggérait que les chambres s'en accommodaient généralement plutôt bien, et elle avait conclu qu'il semblerait que la jurisprudence, telle que résumée dans l'affaire T 154/04 (JO OEB 2008, 46), avait créé un système praticable pour délimiter les innovations susceptibles d'être brevetées (G 3/08, JO OEB 2011, 10).
La chambre a indiqué en outre que selon l'approche problème-solution, le problème technique objectif à résoudre est formulé sur la base de l'effet technique provoqué par les caractéristiques de la revendication qui se distinguent de l'état de la technique, et que ce problème est donc différent dans chaque cas. Il en va de même pour les inventions qui impliquent des aspects dans un domaine non technique. En fonction de l'état de la technique disponible et de ce qui est revendiqué, le problème technique objectif à résoudre peut donc être formulé de manière générale, comme consistant à mettre en œuvre techniquement (les contraintes imposées par) les objectifs à atteindre dans le domaine non technique. Lorsque la mise en œuvre de ces objectifs est déjà comprise dans l'état de la technique sous une forme générale, le problème technique objectif à résoudre peut être énoncé de manière plus spécifique, en indiquant comment les objectifs dans le domaine non technique peuvent être mis en œuvre sur le plan technique, ou il peut être reformulé de manière à proposer une solution technique assortie de moyens techniques permettant d'atteindre les objectifs dans le domaine technique. Le problème technique à résoudre était d'améliorer l'accès du joueur aux jeux tout en maintenant la confidentialité de ses données dans la base de données qui lui était dédiée, grâce à une solution technique faisant appel à des moyens techniques. Dans l'affaire concernée, l'objet impliquait une activité inventive.
Dans l'affaire T 1235/07, l'invention utilisait un diagramme arborescent permettant de visualiser et de parcourir les différentes dimensions et divers niveaux de données dans une base de données multidimensionnelle. L'invention montrait les résultats de combinaisons arbitraires par zoom avant (drill down) et par permutation d'axes (slice-and-dice) dans le diagramme arborescent.
La chambre a estimé que le problème résolu par l'invention revenait à montrer à l'utilisateur ce qu'il souhaitait voir dans la structure arborescente, en l'occurrence le résultat d'une analyse par zoom avant ou par permutation d'axes. La chambre a déclaré qu'une opération par permutation d'axes était une simple manipulation de données, comme le calcul d'une racine carrée, qui n'avait pas en soi de caractère technique et ne saurait contribuer à l'activité inventive. De même, le fait d'afficher les résultats dans la structure arborescente était une présentation d'informations dépourvue de technicité. La chambre a estimé que la nature des informations proprement dites, qui constituaient simplement des données abstraites puisqu'elles n'étaient pas liées à une application spécifique, ne présentait aucun caractère technique. Elle a indiqué que cela valait également pour l'analyse par zoom avant. La chambre a donc en l'espèce interprété la "présentation d'informations" dans un sens plus large que le simple affichage d'informations concrètes (contenu "cognitif"), de manière à prendre en compte les aspects structurels relatifs au mode d'affichage des informations. De l'avis de la chambre, ces aspects supplémentaires ne pouvaient contribuer à l'activité inventive que s'ils avaient un caractère technique.
La chambre s'est référée à la jurisprudence dans ce domaine, selon laquelle des présentations d'informations similaires n'avaient pas un caractère technique. Dans l'affaire T 1143/06 en particulier, qui évoque cette jurisprudence, la chambre avait conclu que le fait de représenter, par la vitesse de mouvement d'un élément affiché, la pertinence de données dans une base de données en vue de trier des énoncés n'avait aucun effet technique. La chambre a conclu que la revendication 1 n'impliquait pas d'activité inventive.
4.2 Méthodes en matière de jeu
Dans les décisions T 1782/09 et T 1225/10, la chambre a dû se pencher sur la mise en œuvre technique de principes en matière de jeu. La chambre a déclaré que les "principes en matière de jeu" font partie du "cadre réglementaire convenu entre [ou avec des] joueurs et portant sur une conduite, des conventions et des conditions qui ne sont pertinentes que dans le cadre du jeu (T 12/08). Ils régissent la conduite et les actions des joueurs pendant une partie (T 336/07). Par conséquent, les "principes en matière de jeu" définissent entre autres la mise en place de la structure du jeu, qui permet d'opérer des choix et qui détermine l'évolution de la partie du début à la fin, en réponse aux actions et décisions des joueurs.
Les deux inventions sont mixtes, puisqu'elles revêtent des aspects à la fois non techniques (liés aux principes en matière de jeu) et techniques (liés à leur mise en œuvre). Pour traiter ces inventions "mixtes", la chambre a adopté l'approche exposée dans la décision T 1543/06, qui s'appuie principalement sur la décision T 641/00 (JO OEB 2003, 352). Selon cette approche, seules les caractéristiques qui contribuent au caractère technique doivent être prises en considération pour apprécier l'activité inventive. Cette contribution ne peut s'appuyer uniquement sur un objet (non technique) exclu de la brevetabilité, si original qu'il puisse être. La simple mise en œuvre technique d'un élément exclu ne peut fonder l'activité inventive. La question qui est décisive au regard de l'activité inventive est de savoir comment l'objet exclu est mis en œuvre sur le plan technique, et si cette mise en œuvre est évidente à la lumière de l'état de la technique. Comme indiqué dans la décision T 1543/06, l'examen porte plus particulièrement sur les effets techniques éventuellement associés à la mise en œuvre de l'objet exclu, qui vont au-delà des effets inhérents à celui-ci.
Dans l'affaire T 1782/09, la division d'examen a considéré que l'objet revendiqué n'impliquait pas d'activité inventive puisqu'il concernait une modification évidente des principes du jeu informatique classique "Tetris". La revendication 1 avait pour objet un jeu informatique consistant dans la chute de blocs, dans lequel des objets ou des blocs tombaient de la partie supérieure vers la partie inférieure du champ de jeu à l'écran.
Les principes du jeu découlaient clairement des caractéristiques distinctives de la revendication 1. Ils définissaient la configuration du jeu et son affichage, et limitaient les options disponibles pendant la partie. La chambre en a conclu que les aspects non techniques des caractéristiques distinctives reflétaient les principes modifiés du jeu informatique D1 (état de la technique le plus proche), tandis que les aspects techniques représentaient la mise en œuvre desdits principes. La chambre n'a pu relever d'autres avantages ou effets techniques éventuellement associés aux caractéristiques spécifiques de la mise en œuvre, qui seraient allés au-delà des effets et avantages inhérents aux principes de jeu modifiés. Le problème technique objectif consistait donc simplement à mettre en œuvre, sur le plan technique, les principes de jeu modifiés sur le dispositif de jeu informatique D1, ce qui était évident.
Dans la décision T 1225/10, la demande (Nintendo) concernait essentiellement un jeu informatique, dans lequel un personnage de joueur était déplacé sur un écran à l'intérieur d'un champ constitué d'objets d'arrière-plan et où des collisions avec certains objets généraient une réponse de jeu en fonction du sens de la collision. Dans certaines conditions, le champ pouvait effectuer une rotation, et la partie se poursuivre à l'intérieur du champ pivoté. L'invention revendiquée n'avait pas tant pour objet ces principes de jeu sous-jacents, que la manière dont ils étaient mis en œuvre dans les diverses opérations d'affichage, de traitement et de détermination du programme de jeu enregistré sur un support à mémoire (revendication 1), ou dont ils étaient réalisés par des moyens correspondants de l'appareil de jeu (revendication 8). L'accent était mis principalement sur la manière spécifique de générer et d'afficher les champs, et sur celle dont le système détectait les collisions.
La chambre a déclaré que les principes de jeu - qui sont par essence des objets non techniques, exclus de la brevetabilité en vertu de l'article 52(2)c) CBE - étaient mis en œuvre sous la forme d'un support à mémoire où était enregistré un programme de jeu commandant l'affichage et le traitement des données de jeu (revendication 1) d'une part, et par des moyens correspondants de l'appareil de jeu (revendication 8) d'autre part. Dans les deux cas, la mise en œuvre faisait intervenir des moyens techniques, si bien que, conformément à l'approche suivie dans les décisions T 931/95 (JO OEB 2001, 441) et T 258/03 (JO OEB 2004, 575), le support à mémoire et l'appareil de jeu revendiqués étaient techniques. Dans l'affaire en cause, la chambre a conclu que l'objet revendiqué impliquait une activité inventive.
4.3 Autres affaires
Dans l'affaire T 1244/07, la demande était une demande divisionnaire qui découlait de la demande initiale "1-click" (Amazon), qui avait été retirée. Cette demande divisionnaire, qui était pour l'essentiel identique à la demande initiale, avait pour objet l'achat d'un article sur Internet en une seule action. Dans les achats en ligne traditionnels, l'utilisateur sélectionne des articles (par exemple à l'aide du modèle "panier"), puis complète la commande par des informations personnelles. L'invention visait à réduire le nombre d'opérations nécessaires pour sélectionner et acheter les articles, ainsi que la quantité d'informations sensibles transmises par Internet. Ces deux objectifs étaient atteints au moyen d'un bouton de commande "en un seul clic" disposé à côté de la description d'un article. La chambre a estimé que toutes les requêtes étaient dénuées d'activité inventive.
La chambre a considéré que l'objet de la revendication 1 différait de l'état de la technique le plus proche (article D1, "Implementing a Web Shopping Cart") en ceci que les informations relatives à l'identification de l'acheteur n'étaient pas saisies lors de la commande, mais recherchées dans le tableau client à l'aide d'un identifiant envoyé par le client, et que l'indication relative à l'"action unique" n'était transmise que si elle était "activée". Ces caractéristiques pouvaient être considérées comme résolvant les deux problèmes susmentionnés dans la demande, en l'occurrence la diminution du nombre d'opérations et de la quantité d'informations sensibles transmises par Internet.
La chambre a indiqué que pour accéder à des données sensibles provenant de la base de données, il fallait disposer d'un code identifiant l'acheteur concerné. De l'avis de la chambre, il était évident d'utiliser à cette fin l'identifiant de l'utilisateur ou un cookie, comme le prévoyait déjà D1. A la date de priorité, on savait que les cookies permettaient de suivre les données relatives à l'utilisateur. Le requérant a fait valoir que l'étape consistant à activer la commande en un seul click était une composante majeure de l'invention considérée dans son ensemble, et qu'elle relevait de la sécurité du système, puisqu'elle impliquait que des articles pouvaient être achetés par erreur. La chambre a fait observer que cela revenait simplement à transférer à l'acheteur la responsabilité en matière de sécurité, puisque c'est lui qui décidait d'activer ou non le mode de commande en un seul click. Une telle décision faisait intervenir certaines formes de comportement et de raisonnement humains, qui entrent dans la catégorie des activités intellectuelles, exclues de la brevetabilité. Conformément à la jurisprudence de l'OEB, celles-ci ne peuvent contribuer à l'activité inventive. Leur mise en œuvre lors d'une étape de détermination et d'envoi conditionnel montre qu'il s'agit manifestement de procédures de routine liées à la conception.
Enfin, la chambre a constaté qu'un besoin ressenti depuis longtemps est souvent un indicateur de l'activité inventive, qui relègue généralement au second plan les aspects liés au succès commercial. Or, dans la présente espèce, des cookies avaient été proposés pour la première fois en 1996, peu avant la mise au point de l'invention. L'invention ne répondait donc pas à un besoin ressenti depuis longtemps, mais représentait davantage une application immédiate de cette nouvelle fonction de programmation, dès qu'elle avait existé dans ce domaine.
Des juridictions nationales aux Etats-Unis et au Canada, ainsi que dans plusieurs autres pays, ont examiné des demandes similaires.
Dans l'affaire T 928/07 (guichet automatique et carte bancaire), la chambre a indiqué que le fait d'empêcher une carte bancaire d'être rendue inutilisable par inadvertance est un problème technique, et que la solution à ce problème, qui consiste, d'après les revendications, à prévoir sur la carte une zone où sont enregistrés les détails du compte-maître de manière qu'ils ne soient pas effacés ultérieurement, présente également un caractère technique. Pour ce qui est de la carte bancaire proprement dite, il ressort de la jurisprudence constante des chambres de recours qu'un support lisible par ordinateur est un produit technique et revêt donc un caractère technique (T 424/03). Par conséquent, le système revendiqué, comprenant un guichet automatique et une carte bancaire, avait un caractère technique. Après avoir établi que le problème spécifique consistant à empêcher la carte d'être entièrement effacée et la solution à ce problème étaient tous deux techniques, et que le système revendiqué proprement dit avait lui aussi un caractère technique, la chambre devait décider s'il aurait été évident pour l'homme du métier, à la lecture du document D1, de développer un système comme celui qui était revendiqué, qui permette à l'utilisateur d'ajouter et de supprimer des comptes de sa carte. Elle a constaté que non seulement D1 ne prévoyait pas la possibilité de supprimer des comptes, mais que son enseignement était également incompatible avec cette idée et divergeait clairement de celle-ci. L'invention impliquait donc une activité inventive.
5. Inventions dans le domaine de la chimie
Dans l'affaire T 777/08 (JO OEB 2011, 633), les revendications en question portaient sur un polymorphe particulier (forme IV) d'hydrate d'atorvastatine sous une forme cristalline. La chambre a estimé que la forme amorphe de l'atorvastatine, obtenue conformément aux procédés décrits dans les documents (1) et (2), représentait l'état de la technique le plus proche. D'après le requérant, le problème à résoudre compte tenu de cet état de la technique consistait à fournir de l'atorvastatine sous une forme ayant des caractéristiques améliorées du point de vue de la filtrabilité et du séchage. Les résultats expérimentaux rapportés dans le document (25) avaient montré que la forme IV avait des temps de filtrage et de séchage plus courts que la forme amorphe. Par conséquent, la chambre a reconnu que le problème avait bien été résolu.
Il restait à déterminer si la solution proposée aurait été évidente pour l'homme du métier à la lumière de l'état de la technique et des connaissances générales pertinentes à ce sujet.
Dans le sommaire de la décision, la chambre a déclaré qu'à la date de priorité du brevet litigieux, l'homme du métier dans le domaine du développement des médicaments aurait su que le polymorphisme est un phénomène répandu dans les molécules intéressant l'industrie pharmaceutique, et qu'il était conseillé de rechercher les polymorphes à un stade précoce du développement d'un médicament. Il aurait par ailleurs été bien au courant des procédés habituels de criblage. Par conséquent, en l'absence de préjugé technique et en l'absence de propriété inattendue, le simple fait de fournir une forme cristalline d'un composé pharmaceutique actif connu ne pouvait être considéré comme impliquant une activité inventive.
Partant de la forme amorphe d'un composé pharmaceutique actif comme état de la technique le plus proche, l'homme du métier s'attendrait manifestement à ce qu'une forme cristalline de ce composé résolve le problème consistant à fournir un produit ayant des caractéristiques améliorées du point de vue de la filtrabilité et du séchage. Le choix arbitraire d'un polymorphe spécifique dans un groupe de candidats pouvant pareillement convenir ne pouvait être considéré comme impliquant une activité inventive.
La perspective d'une éventuelle perte de solubilité et de biodisponibilité par rapport à la forme amorphe ne dissuaderait nullement l'homme du métier dans le domaine du développement de médicaments de tenter d'obtenir une forme cristalline. Il considérerait plutôt qu'il s'agit là d'une question de compromis entre les avantages et inconvénients attendus de ces deux classes de forme solide.
6. Indice d'existence - activité supérieure
Dans l'affaire T 423/09, l'intimé a fait valoir que l'idée sous-jacente à l'invention en cause consistait à mieux préserver la qualité des échantillons de lait collectés, en accélérant fortement la dissolution du conservateur dans ces échantillons, et que cette idée n'était pas enseignée par l'état de la technique.
La chambre n'a pas adhéré à cet argument et s'est référée au manuel D9 intitulé "National Dairy Herd Improvement Handbook", qui traite des pratiques à suivre en matière de préservation des échantillons de lait. Il est ainsi recommandé à la page 2 du manuel de veiller à bien mélanger le lait et le conservateur en faisant pivoter les bouteilles lors du remplissage, ou en faisant pivoter doucement le récipient entier après avoir fini la traite. La chambre en a conclu que l'homme du métier, suivant cette recommandation, envisagerait également d'agiter l'élément de collecte d'un échantillon de lait au moment du remplissage, et accélérerait donc "fortement" la dissolution du conservateur dans l'échantillon.
La chambre s'est référée à la jurisprudence constante des chambres de recours, en particulier à la décision T 296/87 (JO OEB 1990, 195), selon laquelle une activité supérieure ne saurait impliquer une activité inventive si elle peut être constatée à partir d'expériences évidentes. Elle a indiqué que dans l'affaire examinée, l'activité supérieure, à savoir la dissolution fortement accélérée du conservateur chimique, ne découlait pas d'essais de routine, mais de la pratique à suivre conformément aux règles et recommandations énoncées dans le manuel. L'homme du métier, en appliquant les recommandations du manuel et, partant, en accomplissant des gestes de pure routine, obtiendrait inévitablement cette activité supérieure, laquelle ne pouvait donc pas être un indice de l'activité inventive.
La chambre a conclu qu'une activité supérieure ne peut être considérée comme un indice de l'activité inventive si elle résulte de la pratique recommandée dans un manuel.
II. CONDITIONS EXIGEES POUR LA DEMANDE DE BREVET
A. Possibilité d'exécuter l'invention
1. Eléments de la demande déterminants pour l'appréciation de la suffisance de l'exposé
Dans l'affaire T 390/08, la chambre a souligné que la suffisance de l'exposé d'un brevet ne doit pas être appréciée sur la seule base des revendications, mais en fonction du fascicule de brevet dans son ensemble (cf. par exemple décisions T 147/83 et T 202/83). Un fascicule de brevet ne s'adresse pas non plus à un profane, mais à un homme du métier ayant des connaissances générales dans le domaine technique concerné. Dans l'affaire en question, la description figurant dans le fascicule du brevet apprenait ainsi à l'homme du métier qu'il convenait d'attribuer à l'expression "without formation of hydrocarbons" ("sans formation d'hydrocarbures") une signification technique plus large que l'interprétation strictement littérale que lui avait donnée la division d'opposition.
2. Exposé clair et complet
Pour évaluer s'il est satisfait aux exigences de l'article 83 CBE, la chambre n'a pas besoin de déterminer si un effet désiré a effectivement été obtenu, ni de vérifier si une invention fonctionne correctement (T 1546/08). Une invention est considérée comme suffisamment exposée s'il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention et que la divulgation comprend les informations techniques nécessaires pour permettre d'obtenir le résultat visé au moins dans certains cas réalistes (T 487/91). L'exposé doit à tout le moins faire ressortir de manière plausible que son enseignement résout bel et bien le problème qu'il se propose de résoudre (T 1329/04).
3. Exécution de l'invention sans effort excessif
Lorsqu'une application thérapeutique est revendiquée sous la forme de l'utilisation d'une substance ou d'une composition pour le médicament destiné à une application thérapeutique définie, l'obtention de l'effet thérapeutique revendiqué constitue une caractéristique technique d'ordre fonctionnel de la revendication. Par conséquent, pour répondre aux exigences de suffisance de l'exposé, l'indication du produit à fabriquer pour l'application thérapeutique revendiquée doit être divulguée dans la demande litigieuse (décision T 1685/10, dans la ligne de la décision T 433/05).
4. Rapport entre l'article 83 et l'article 84 CBE
4.1 L'article 83 CBE et la description, fondement des revendications
Dans l'affaire T 1414/08, l'intimé/opposant avait fait valoir qu'en vertu de l'article 69(1) CBE, la description devait servir à interpréter les revendications. La chambre a fait remarquer que l'article 69(1) CBE se rapporte à l'étendue de la protection conférée par un brevet européen ou une demande de brevet européen. D'après le protocole interprétatif de l'article 69 CBE, il convient d'éviter qu'une importance excessive ne soit accordée au texte littéral des revendications ou au concept inventif général divulgué dans la description.
En transposant ce principe à la présente espèce, la chambre a estimé que, lorsqu'un produit en papier tissu est revendiqué et que l'état de la technique contient plusieurs méthodes de mesure de la résistance de ce produit à la traction aboutissant à des résultats différents, cela signifie que les valeurs extrêmes de la plage relative à la résistance à la traction demeurent ambiguës et ce, que le brevet divulgue ou non une méthode de test spécifique. En d'autres termes, s'il est nécessaire, pour apprécier la suffisance de l'exposé, qu'un homme du métier connaisse la portée des revendications, la divulgation de l'objet revendiqué serait insuffisante, sauf si une méthode complète était incluse dans la revendication.
La chambre a relevé que l'étendue de la protection telle que définie à l'article 69 CBE pouvait avoir une certaine importance pour les articles 84 CBE et 123(3) CBE, qui mentionnent tous deux la protection recherchée avec un brevet ou conférée par ce dernier. En revanche, l'article 83 CBE, qui concerne la suffisance de l'exposé, reste totalement muet sur ce point. Pour ces raisons, et compte tenu des circonstances de l'espèce, la question de savoir si un homme du métier serait en mesure de déterminer ce qui est couvert par les revendications relève de la définition de l'objet revendiqué, donc de l'article 84 CBE, plutôt que de la suffisance de l'exposé (article 83 CBE).
4.2 L'article 83 CBE et la clarté des revendications
Dans l'affaire T 891/07, la chambre a estimé que l'article 83 CBE n'impose pas de fournir des informations permettant de mettre en œuvre l'ensemble des interprétations couvertes par les revendications ; cette entreprise serait impossible lorsque les revendications sont rédigées en termes fonctionnels. Même si des interprétations hypothétiques impossibles à mettre en œuvre sont concevables, il n'en reste pas moins possible de revendiquer le principe général dans toute sa portée, pour autant que l'homme du métier ne soit pas systématiquement obligé de faire appel au génie inventif pour exécuter l'invention. L'examen prévu à l'article 83 CBE ne saurait être réduit à la recherche d'une seule interprétation qui ne puisse pas être mise en œuvre sur la base des informations fournies dans la demande ; cet article porte sur la question de savoir si l'invention a été suffisamment exposée et ne vise pas à déterminer s'il existe des scénarios pour lesquels aucune explication complète n'a été fournie.
Selon la décision T 256/87, l'un des critères en matière de suffisance de l'exposé est le fait qu'un expert, après avoir lu le fascicule du brevet, soit en mesure d'exécuter l'invention dans tous ses aspects essentiels et puisse savoir s'il travaille dans le domaine interdit des revendications. Dans l'affaire T 482/09, la chambre a toutefois estimé que cela ne saurait signifier qu'une invention est forcément impossible à exécuter au sens de l'article 83 CBE si les revendications contiennent un concept vague au sens de l'article 84 CBE et que la description ou les connaissances techniques ne permettent pas de le concrétiser.
La question de déterminer si un concurrent peut savoir qu'il travaille dans le domaine interdit implique donc tout au plus d'établir si les revendications présentent la clarté requise pour satisfaire à l'article 84 CBE. En revanche, l'article 83 CBE ne mentionne pas l'étendue de la protection conférée par les revendications ou le brevet. En effet, cette disposition exige seulement que le brevet expose l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
Au cours des procédures d'opposition et de recours sur opposition, l'utilisation d'un terme indéfini dans une revendication conduit, au contraire, à prendre en considération, pour apprécier la nouveauté et l'activité inventive, l'état de la technique qui couvre toutes les interprétations possibles de ce terme ayant un sens du point de vue technique, puisque le terme en question empêche de délimiter la portée des revendications. Lorsqu'un tel terme ne revêt absolument aucune signification concrète, il perd même entièrement son effet limitatif par rapport à l'état de la technique à prendre en compte.
5. Preuve
Dans l'affaire T 386/08, le requérant/opposant a fait valoir que, lorsque ni le brevet, ni l'état de la technique ne divulguent expressément la manière d'obtenir un mode de réalisation particulier de la revendication, il appartient au titulaire du brevet de prouver que les variantes en cause peuvent être obtenues, citant à l'appui de ses allégations les décisions T 792/00 et T 397/02.
La chambre n'a pas été de cet avis. Dans la décision T 792/00, il avait été considéré que la charge de la preuve incombait au titulaire du brevet parce que (i) l'invention revendiquée allait à l'encontre d'une opinion technique prédominante et que (ii) le brevet contenait un seul exemple, expressément décrit comme un protocole expérimental hypothétique. Dans l'affaire T 397/02, le procédé revendiqué différait, sur un plan conceptuel, de l'approche enseignée dans l'état de la technique, et comme la chambre n'était pas convaincue que l'invention fonctionnait, le titulaire du brevet avait dû en apporter la preuve.
Les circonstances de la présente espèce sont différentes ; le concept et les procédés sont connus et peuvent, d'un point de vue technique, être appliqués. L'argument selon lequel il n'existe aucune divulgation indiquant que quelqu'un ait appliqué le procédé connu dans cette situation particulière ne prouve pas nécessairement que ce soit impossible selon l'opinion prédominante. Il incombe dès lors au requérant/opposant de prouver que les variantes en cause ne peuvent pas être réalisées.
B. Revendications
1. Indication de toutes les caractéristiques essentielles dans la revendication
Dans le sommaire de la décision T 923/08, la chambre a indiqué :
Si un procédé ayant pour objet de mesurer des valeurs sur le corps humain ou animal implique obligatoirement une étape chirurgicale consistant à fixer sur le corps humain ou animal un élément de mesure indispensable à l'exécution du procédé, cette étape doit être considérée comme une caractéristique essentielle du procédé, et inhérente à celui-ci, même lorsqu'aucune caractéristique de procédé se rapportant explicitement à cette étape ne figure dans la revendication. Un tel procédé est exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE.
L'exclusion d'une telle étape chirurgicale, que ce soit à l'aide d'une formulation selon laquelle l'élément de mesure fixé par voie chirurgicale était déjà disposé sur le corps avant le début du procédé, ou sur la base d'un disclaimer, est contraire à l'article 84 CBE 1973 car une revendication de procédé ainsi rédigée ne contiendrait pas toutes les caractéristiques essentielles de l'invention revendiquée. Voir aussi le chapitre I.A.2.1.
2. Charge de la preuve en cas d'exception au titre de la règle 43(2) CBE
La demande de brevet objet de la décision T 1388/10 a été rejetée par la division d'examen sur la base d'un jeu de revendications modifié contenant deux (et non plus trois) revendications indépendantes de la même catégorie. Dans son exposé des motifs, la division d'examen indiquait que le demandeur n'avait pas répondu à la précédente objection soulevée au titre de l'article 84 CBE ensemble la règle 29(2) CBE 1973 [règle 43(2) CBE]. En effet, le demandeur n'avait pas fourni de motifs à l'appui de son argumentation selon laquelle le jeu de revendications modifié relevait de l'une des trois exceptions citées à la règle 43(2) CBE.
Contrairement à ce qu'alléguait le requérant, la chambre a estimé que l'objection de la division d'examen était formulée clairement. La chambre a par ailleurs souligné que la charge de l'allégation et de la preuve de la présence d'une exception (en l'occurrence, l'une des situations exceptionnelles prévues à la règle 43(2) CBE) incombait à celui qui se prévalait de l'exception en question. Il s'agissait en l'espèce du demandeur, qui est seul responsable de la formulation des revendications et décide à ce titre du nombre de revendications de la même catégorie que doit contenir la demande.
Un demandeur souhaitant plus d'une revendication indépendante de la même catégorie doit montrer de manière convaincante, au cas où la division d'examen soulève une objection à cet égard, que toutes les autres revendications indépendantes relèvent de l'une des situations exceptionnelles citées à la règle 43(2) CBE (cf. par ex. T 56/01 ainsi que le document préparatoire à la modification de la règle 29(2) CBE par le Conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets, en date du 10 décembre 2001, CA/128/01 Rév. 2, page 2, point 6).
Dans la présente espèce, le demandeur ne s'était nullement acquitté de son obligation d'étayer ses allégations. Voir aussi le point VII. B. 2.1.
3. Utilisation de la description pour interpréter les revendications
Dans l'affaire T 197/10, la revendication 1 se rapportait à un produit de lavage ou de nettoyage comportant un système adjuvant, contenant un "bloc de builder" hydrosoluble, lui-même composé des éléments a) à e). L'intimé (titulaire du brevet) a indiqué que le terme "bloc de builder" n'était pas nécessairement clair pour l'homme du métier et que ce dernier ferait probablement appel à la description, laquelle lui enseignerait que le terme englobait tous les adjuvants contenus dans le détergent, toutes ces substances devant être hydrosolubles. La chambre a rejeté cette argumentation et considéré que le terme était défini dans la revendication 1 comme composé des éléments a) à e) et que le reste de la formulation de la revendication ne laissait planer aucun doute sur la définition du terme "bloc de builder". La formulation de la revendication ménageait tout à fait la possibilité qu'en plus du "bloc de builder" hydrosoluble, d'autres composants soient également présents, par exemple des adjuvants non solubles.
A cet égard, la chambre a fait part des observations suivantes :
Si les revendications du brevet sont rédigées clairement et sans ambiguïté, de sorte que l'homme du métier peut les comprendre sans difficulté, il n'y a pas lieu d'utiliser la description pour interpréter les revendications. S'il existe des divergences entre les revendications et la description, la formulation explicite des revendications doit être interprétée comme l'homme du métier la comprendrait sans s'aider de la description.
Ainsi, en cas de divergence entre des revendications clairement définies et la description, les éléments de la description qui ne sont pas repris dans les revendications ne doivent pas, en principe, être pris en considération pour l'évaluation de la nouveauté et de l'activité inventive.
4. Prise en considération de l'article 84 CBE en cas de requêtes multiples
La procédure que doit suivre la division d'examen lorsqu'elle apprécie la conformité des revendications avec l'article 84 CBE, dans le cas où plusieurs requêtes ont été déposées, est considérée dans la décision T 75/09 (voir le chapitre Procédure d'examen, VII.B.).
III. MODIFICATIONS
1. Généralités
Dans l'affaire T 1171/08, le requérant/opposant a estimé que l'objet revendiqué ne pouvait être déduit clairement et sans ambiguïté de la demande initiale (article 123(2) CBE). Le titulaire du brevet/intimé a fait valoir qu'il n'y avait eu aucune extension de l'objet de la demande ne serait-ce que parce que toutes les conditions nécessaires pour obtenir l'élimination sélective de COS étaient implicitement contenues dans la revendication du fait de l'indication du but de l'utilisation.
La chambre a fait observer que l'indication du but comme caractéristique fonctionnelle dans une revendication d'utilisation limitait ladite revendication aux modes de réalisation qui remplissent ce but. Ce n'est que dans cette mesure que cette indication peut englober implicitement des caractéristiques nécessaires à l'obtention de la sélectivité recherchée. Cependant, une telle indication ne peut en aucun cas se substituer à des caractéristiques essentielles qui, dans ce contexte, sont concrètement divulguées dans une demande. Si tel était le cas, dans la revendication 1 en cause, il aurait pu être renoncé à l'identification des composants essentiels de la solution de lavage et de son degré de concentration. Or, cela aurait manifestement donné lieu à une extension de l'objet au-delà du contenu de la demande initiale, cette dernière ne divulguant que des solutions de lavage qui contiennent nécessairement des quantités données d'une alcanolamine aliphatique particulière et d'amines primaires ou secondaires particulières servant d'activateurs. Au regard de l'article 123(2) CBE, la chambre a donc examiné quelles caractéristiques pouvaient être déduites directement et sans ambiguïté de la demande initiale dans l'affaire en cause et dans le contexte du but de l'utilisation.
L'élimination sélective du COS par rapport au CO2 était mentionnée trois fois dans la demande initiale. Contrairement à l'avis du titulaire du brevet/intimé, l'enseignement selon lequel l'élimination sélective du COS n'était attribuable qu'à la composition du liquide de lavage et à sa teneur en activateurs ne pouvait être déduit directement et sans ambiguïté de la description initiale de la demande
La chambre a donc décidé qu'en l'absence d'une référence à l'utilisation du liquide de lavage particulier défini dans la revendication 9 initiale pour l'élimination sélective du COS, l'homme du métier n'était pas en mesure de déduire directement et sans ambiguïté de la demande initiale la nouvelle combinaison de caractéristiques.
2. Généralisations intermédiaires – combinaisons non divulguées
Dans l'affaire T 477/09, l'invention portrait sur une composition dentaire à base d'une silicone réticulable par voie cationique. La requérante a indiqué par écrit et pendant la procédure orale que les modifications soumises dans la requête subsidiaire numérotée V se fondaient sur l'exemple 3 du brevet en litige.
La chambre juge en particulier que la demande telle que déposée ne contient aucune indication qui permettrait de conclure qu'il serait possible de combiner des caractéristiques particulières relatives aux charges employées dans l'exemple 3 avec d'autres caractéristiques divulguées dans un contexte plus général. La demande telle que déposée ne contenait en particulier aucune information indiquant que les caractéristiques des charges (3) n'étaient pas étroitement liées aux autres caractéristiques des composés (1), (2) et (4) selon la revendication 1 mis en œuvre dans l'exemple 3.
La chambre conclut que l'exemple 3 ne divulguait rien de plus qu'une combinaison très particulière de caractéristiques techniques et la demande telle que déposée ne contenait aucune information qui permettait de généraliser un quelconque enseignement dérivable de l'exemple 3 à l'ensemble des compositions définies dans la revendication 1.
La requérante ne proposait que l'exemple 3 comme fondement des modifications. La chambre n'a pas identifié d'autre(s) passage(s) de la demande telle que déposée qui auraient pu servir de fondement pour les modifications effectuées à un tel niveau de généralité. La requête subsidiaire numérotée V a été refusée.
3. Apport d'une contribution technique – ajout ou suppression d'une caractéristique
Dans l'affaire T 783/09, la division d'opposition a fait valoir que l'objet de la revendication 1 en cause consistait en une sélection dans deux listes et enfreignait donc l'article 123(2) CBE. Elle a déclaré en particulier que la liste comprenant la pioglitazone, la rosiglitazone et la troglitazone ne pouvait être considérée de manière isolée car la demande telle que déposée ne donnait aucun indice selon lequel ces trois composés seraient préférés aux autres "composés antidiabétiques supplémentaires" préférés.
La chambre a estimé que l'affaire dont elle était saisie soulevait dans un premier temps la question de savoir si l'une des trois combinaisons "de base" mentionnées dans la revendication 1, à savoir le LAF237 combiné à la pioglitazone, à la rosiglitazone ou à la troglitazone, serait ou non déduite directement et sans ambiguïté par l'homme du métier de la demande telle que déposée. La chambre a notamment conclu que l'homme du métier déduirait du cinquième paragraphe de la page 21 que les combinaisons "particulièrement préférées" de l'invention seraient : i) celles ayant comme inhibiteur de DPP-IV le composé LAF237 et comme composé antidiabétique supplémentaire l'un des 22 composés divulgués et ii) celles ayant comme inhibiteur de DPP-IV le composé "DPP728" et comme composé antidiabétique supplémentaire l'un des 22 composés divulgués. Par conséquent, l'homme du métier reconnaîtrait directement et sans ambiguïté 44 combinaisons spécifiques, dont les trois combinaisons "de base" mentionnées dans la revendication 1.
La chambre s'est référée à la décision T 12/81 (JO OEB 1982, 296), qui énonce que "si la préparation du produit final nécessite deux classes différentes de produits de départ et si des exemples en sont fournis sous forme de deux listes d'une longueur déterminée, on peut considérer qu'un produit obtenu par réaction d'un couple particulier de produits provenant des deux listes constitue une sélection au sens où l'entend le droit des brevets et peut donc être considéré comme nouveau". A cet égard, la chambre a noté que nombre de chambres avaient estimé qu'un objet donné n'était pas divulgué de manière directe et non ambiguë s'il ne pouvait être déduit d'un document qu'en combinant des éléments figurant sur des listes.
La chambre s'est référée à la décision T 12/81 (JO OEB 1982, 296), qui énonce que "si la préparation du produit final nécessite deux classes différentes de produits de départ et si des exemples en sont fournis sous forme de deux listes d'une longueur déterminée, on peut considérer qu'un produit obtenu par réaction d'un couple particulier de produits provenant des deux listes constitue une sélection au sens où l'entend le droit des brevets et peut donc être considéré comme nouveau". A cet égard, la chambre a noté que nombre de chambres avaient estimé qu'un objet donné n'était pas divulgué de manière directe et non ambiguë s'il ne pouvait être déduit d'un document qu'en combinant des éléments figurant sur des listes.
Dans l'affaire en cause, toutes les combinaisons d'éléments choisis dans les deux listes figurant dans le passage pertinent de la page 21 étaient divulguées directement et sans ambiguïté dans ledit passage. Par conséquent, chacune des combinaisons selon la revendication 1 était divulguée individuellement dans la demande telle que déposée si bien qu'il n'y avait aucune violation de l'article 123(2) CBE à cet égard.
Une autre question à trancher était celle de savoir si le fait de ne revendiquer que trois des 44 combinaisons divulguées en bloc dans le passage pertinent de la page 21 étendait de manière non admissible le contenu de la demande telle que déposée. Ledit passage présentait ces 44 combinaisons en tant que modes de réalisation particulièrement préférés ("very preferred"). Pour l'homme du métier, cela signifiait que chacune des 44 combinaisons avait la même qualité, qu'elles étaient toutes "particulièrement préférées" dans le contexte de l'invention. Rien d'autre ne pouvait être déduit du reste de la demande : aucune qualité particulière (par exemple un effet technique particulier) n'a été attribuée aux trois combinaisons de la revendication 1 ni aux 41 restantes. Le groupe de combinaisons mentionné dans la revendication 1 ne pouvait donc être considéré comme résultant de la sélection de trois éléments qualitativement égaux dans une liste de 44 éléments inégaux sur le plan qualitatif, sélection pour laquelle il n'y aurait eu aucun indice dans la demande telle que déposée et qui, à ce titre, aurait dû être considérée comme ajoutant des éléments. Au contraire, il y avait lieu de considérer que le groupe mentionné dans la revendication 1 résultait de la suppression de 41 éléments d'une liste de 44 éléments égaux sur le plan qualitatif. Selon la chambre, dans ces circonstances, la revendication 1 ne portait pas sur un objet qui s'étendait au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Cette opinion de la chambre s'appuyait sur la jurisprudence, par exemple par la décision T 10/97.
En résumé, l'objet de la revendication 1 satisfaisait aux exigences de l'article 123(2) CBE. La décision de la division d'opposition a été annulée.
L'invention dans l'affaire T 2230/08 portait sur un procédé pour régénérer un catalyseur/absorbeur. La modification non divulguée contenue dans la revendication 1 du brevet tel que délivré, et encore présente dans la revendication 1 de la requête subsidiaire, serait préjudiciable aux tiers qui se fondent sur l'invention décrite dans la demande telle que déposée initialement, étant donné que cette modification, qui avait un sens du point de vue technique, pouvait potentiellement être à l'origine d'une invention valable. La revendication 1 de la requête subsidiaire ne se limitait pas à un procédé particulier selon lequel la définition de la température du gaz régénérant n'apporterait aucune contribution technique dans le contexte de la revendication. En l'absence de divulgation de toute caractéristique limitative supplémentaire, il fallait considérer que la température du gaz régénérant entrant interagissait avec les autres caractéristiques de l'invention de manière à influer sur la solution du problème tel qu'il est présenté dans la demande déposée initialement. Il s'ensuivait que dans l'affaire en cause, il n'était pas satisfait à la condition énoncée dans la décision G 1/93 (JO OEB 1994, 541) selon laquelle aucune contribution technique ne pouvait être apportée, et en vertu de laquelle il pouvait être considéré que des éléments ajoutés ne s'étendaient pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire s'étendait au-delà du contenu de la demande telle que déposée et était donc en violation de l'article 123(2) CBE.
4. Disclaimer
4.1 Droit applicable - décisions G 1/03, G 2/03 et G 2/10
A la suite de ses décisions G 1/03 (et G 2/03) (JO OEB 2004, 413 et 448), des avis différents avaient été exprimés dans la jurisprudence des chambres de recours sur la question de savoir si la décision G 1/03 portait sur l'exclusion par disclaimer de modes de réalisation qui étaient divulgués comme faisant partie de l'invention dans la demande telle que déposée ou si, en pareille situation, la jurisprudence telle qu'établie précédemment suivant la décision T 4/80 (JO OEB 1982, 149) restait applicable (cf. G 1/07, point 4.2.3). Dans la décision G 2/10 (JO OEB 2012, 376), la Grande Chambre a reformulé la question dont elle était saisie en indiquant que celle-ci était à interpréter comme consistant à déterminer si la modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer enfreignait l'article 123(2) CBE lorsque l'objet du disclaimer était divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention dans la demande telle que déposée. Elle a ensuite défini les termes de "disclaimer" et de "mode de réalisation. La Grande Chambre a déclaré qu'il était d'emblée évident que la question n'est pas la même selon que le disclaimer exclut d'une revendication formulée de manière générique un seul mode de réalisation particulier ou tout un sous-groupe ou domaine.
Dans la décision G 2/10, la Grande Chambre a souligné que la décision G 1/03 ne venait en rien étayer la conclusion que la chambre de recours technique tirait de ce passage dans la décision T 1050/99, à savoir que la décision G 1/03 se rapporte aussi aux disclaimers excluant un objet divulgué. En outre, il n'avait pas été établi dans la décision G 1/03 qu'un disclaimer non divulgué serait toujours admissible au titre de l'article 123(2) CBE. Les questions soumises pour réponse à la Grande Chambre de recours dans les affaires G 1/03 et G 2/03 avaient pour but d'établir si, et, dans l'affirmative, dans quelles circonstances, des disclaimers non divulgués pouvaient être considérées admissibles, en principe, malgré l'absence de fondement dans la demande telle que déposée. C'est à cette question, et rien de plus, que la Grande Chambre devait répondre. Dans la décision, G 1/03, elle a fait précéder les critères énoncés dans sa réponse par la formulation suivante : "un disclaimer peut être admis", ce qui montre qu'elle n'entendait pas définir de manière exhaustive toutes les circonstances dans lesquelles un disclaimer enfreint ou n'enfreint pas l'article 123(2) CBE.
La Grande Chambre a affirmé que ni la décision G 1/93 ni la décision G 1/03 n'avaient pour objectif de modifier la définition générale que donnaient l'avis G 3/89 (JO OEB 1993, 117) et la décision G 11/91 (JO OEB 1993, 125) des exigences de l'article 123(2) CBE, cette définition étant désormais généralement admise, au point de devenir la norme de référence pour évaluer la conformité de toute modification avec l'article 123(2) CBE. S'agissant des critères à appliquer, le principe selon lequel toute modification apportée à une demande ou à un brevet, et en particulier à une revendication, doit satisfaire aux exigences de l'article 123(2) CBE, s'applique aussi à une modification qui limite une revendication en excluant par disclaimer un objet divulgué. Par conséquent, pour une modification apportée à une revendication par l'introduction d'un disclaimer excluant un objet divulgué, considéré comme faisant partie de l'invention dans la demande telle que déposée, il convient, comme pour toute autre modification, de déterminer si cette modification apporte de nouvelles informations techniques à l'homme du métier. Aussi, l'exclusion d'un objet divulgué dans la demande telle que déposée peut-elle enfreindre l'article 123(2) CBE s'il en résulte que l'homme du métier obtient des informations techniques qu'il n'aurait pas déduit directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée en se fondant sur ses connaissances générales.
Le point de repère pour apprécier la compatibilité d'une revendication modifiée avec l'article 123(2) CBE est l'objet contenu dans la revendication modifiée, en d'autres termes, l'objet restant dans la revendication après la modification. Il s'agit de déterminer si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, considérerait l'objet restant dans la revendication comme étant explicitement ou implicitement, mais directement et sans ambiguïté divulgué dans la demande telle que déposée.
Il est procédé de la même manière que lorsque l'on détermine si la limitation d'une revendication par une caractéristique définie en termes positifs est admissible. La Grande Chambre a estimé qu'aucune raison convaincante n'avait été avancée pour ne pas appliquer de la même manière à la limitation de revendications par l'introduction de disclaimers qui excluent un objet divulgué dans la demande telle que déposée les principes énoncés dans le contexte de l'article 123(2) CBE pour apprécier les modifications apportées aux revendications par l'introduction de caractéristiques limitatives positives. Elle a souligné dans sa décision, l'importance d'appliquer de manière uniforme la notion de divulgation.
Dans la décision G 2/10, la Grande Chambre de recours a répondu comme suit aux questions qui lui avaient été soumises :
1a. La modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer excluant de cette revendication un objet divulgué dans la demande telle que déposée enfreint l'article 123(2) CBE si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, ne saurait déduire explicitement ou implicitement, directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée l'objet restant dans la revendication après introduction du disclaimer.
1b. Déterminer si c'est le cas ou non, nécessite une évaluation au cas par cas portant sur l'ensemble des aspects techniques, en tenant compte de la nature et de l'étendue de la divulgation dans la demande telle que déposée, de la nature et de l'étendue de l'objet exclu ainsi que de sa relation avec l'objet restant dans la revendication telle que modifiée.
Dans la décision T 1068/07 en date du 25 juin 2010 (JO OEB 2011, 256), la chambre avait soumis à la Grande Chambre de recours une question qui a été tranchée dans la décision G 2/10 (JO OEB 2012, 376). La décision T 1068/07 en date du 7 mars 2012 est celle rendue par la chambre de recours faisant suite à la réponse donnée par la Grande Chambre de recours dans la décision G 2/10.
La chambre a fait observer que pour décider dans l'affaire en cause si la requête principale satisfaisait aux exigences de l'article 123(2) CBE, il était nécessaire de poser les deux questions suivantes : i) l'objet du disclaimer introduit dans la revendication 1 de la requête principale était-il explicitement ou implicitement, directement et sans ambiguïté divulgué dans la demande telle que déposée ? et ii) l'objet restant dans la revendication 1 de la requête principale après l'introduction du disclaimer dans cette revendication pouvait-il être déduit explicitement ou implicitement, directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée ?
Au regard de la décision G 2/10, la chambre a demandé au requérant de clarifier ses requêtes. Elle a estimé que le disclaimer actuellement contenu dans la revendication 1 de la requête principale était divulgué dans la demande telle que déposée. Elle a conclu par ailleurs que dans l'affaire en cause, il convenait de répondre aussi par l'affirmative à la question ii). Par conséquent, le disclaimer contenu dans la revendication 1 de la requête principale remplissait les critères énoncés au point 1a du dispositif de la décision G 2/10 si bien qu'il était satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE.
4.2 Décisions appliquant les critères posés par les décisions G 1/03 et G 2/03
Dans la décision T 477/09, la revendication 1 a été modifiée par ajout d'une caractéristique négative ou disclaimer dans le but de restaurer la nouveauté par rapport au document D1. Il n'était pas contesté en l'espèce que le disclaimer ne trouvait pas de fondement dans la demande telle que déposée. La chambre rappelle que la décision G 1/03 définit deux conditions liées à la formulation des disclaimers. Les deux conditions énoncées aux points 2.2 et 2.4 du dispositif de la décision G 1/03 ont la même valeur. Il ne peut donc pas être considéré que la titulaire du brevet dispose d'une marge de manœuvre quelconque dans la formulation du disclaimer et, par là même, dans la définition de sa portée : afin de satisfaire aux conditions posées par la décision G 1/03 un disclaimer ne doit pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté.
La chambre conclut en l'espèce que la portée du disclaimer est beaucoup plus large que la divulgation de D1 effectivement destructrice de nouveauté. La condition posée au point 2.2 du dispositif en combinaison avec le paragraphe 3 des motifs de la décision G 1/03 n'est donc pas satisfaite et le disclaimer de la requête subsidiaire numérotée IV n'est pas admissible. La requête subsidiaire numérotée IV a par conséquent été rejetée (voir aussi le point III.A.2).
Dans l'affaire T 1695/07, la chambre a estimé que les revendications 1 à 8 de la requête principale portaient sur une méthode de traitement chirurgical du corps humain, ce qui constitue une exception à la brevetabilité en vertu de l'article 53c) CBE. La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 comprenait le disclaimer suivant : "caractérisé en ce que le procédé ne constitue pas une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal".
S'agissant de la recevabilité d'un disclaimer qui exclut un objet non susceptible d'être protégé par brevet, la chambre a d'abord souligné, en se référant à la décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413), que les exigences de l'article 84 CBE sont également applicables aux revendications contenant des disclaimers. Afin d'opérer une délimitation et une différenciation claires entre des applications chirurgicales exclues et des applications non chirurgicales éventuellement admissibles du procédé revendiqué, les deux méthodes doivent être distinctes, c'est-à-dire dissociables, ce qui signifie qu'elles doivent être de nature différente et être susceptibles d'êtres réalisées de différentes manières. La chambre ne voyait pas comment le procédé revendiqué fonctionnerait sans les étapes chirurgicales impliquées. Elle a conclu que dans l'affaire en cause, il n'était pas satisfait à l'exigence de clarté et que la requête subsidiaire 2 n'était donc pas admissible (voir aussi le point I.A.2.1).
1. Généralités
Dans l'affaire T 177/08, concernant l'article 123(3) CBE, la chambre s'est référée à la deuxième phrase de l'article 69 CBE qui dispose que la description et les dessins servent à interpréter les revendications. La chambre a indiqué qu'il y avait ainsi lieu de décider si le principe selon lequel les revendications doivent être interprétées au regard du contenu de la description était limité aux cas dans lesquels les revendications appelaient une interprétation, par exemple en présence de caractéristiques fonctionnelles ou ambiguës, ou s'il s'appliquait également à l'affaire en cause où le sens connu et généralement admis d'un terme était détourné et remplacé par une nouvelle définition donnée dans la description.
Le requérant a cité dans ce contexte les décisions T 1321/04 et T 190/99. Contrairement à la situation dans l'affaire T 190/99, où un terme employé au sens habituel n'avait aucun sens du point de vue technique, la formule II selon la revendication 1 du brevet contesté ne comportait pas d'éléments qui seraient illogiques ou qui n'auraient pas de sens du point de vue technique si le terme "alkyle" était employé au sens habituel connu. Dans la décision T 1321/04, la question n'était pas de déterminer l'étendue de la protection mais de savoir comment interpréter un terme aux fins de l'appréciation de la nouveauté.
Dans l'affaire en cause, le sens de la caractéristique en question est généralement admis, parfaitement compréhensible en soi, et clairement défini par l'IUPAC qui est reconnue par l'homme du métier comme étant l'autorité compétente en la matière. L'homme du métier n'avait donc pas besoin de consulter la description pour la définition du terme "alkyle". Selon la chambre, la deuxième phrase de l'article 69 CBE ne s'appliquait pas aux cas dans lesquels une définition non ambiguë et généralement admise d'un terme figurant dans les revendications était remplacée par une définition différente figurant dans la description. Si l'intention était d'attribuer une nouvelle définition à un terme qui n'appelait aucune interprétation, cette définition devait figurer dans les revendications. Il ne peut être attendu des tiers de vérifier pour chaque terme figurant dans les revendications si une définition potentiellement différente ne se cache pas quelque part dans la description.
Par conséquent, la chambre a conclu que l'objet de la requête principale étendait la protection conférée et ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 123(3) CBE.
Dans l'affaire T 547/08, l'invention portait sur des machines de dialyse avec interface utilisateur à écran tactile. La chambre a déclaré que les arguments du requérant/opposant concernant les droits du titulaire de brevet d'intenter une action en justice pour contrefaçon directe ou indirecte ne présentaient aucune pertinence pour la question de l'extension de l'étendue de la protection au titre de l'article 123(3) CBE. La décision G 2/88 (JO OEB 1990, 93) énonce clairement qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte des législations nationales des Etats contractants en matière de contrefaçon et que cette question n'est pas pertinente lorsqu'on a à décider de l'admissibilité de modifications au regard de l'article 123(3) CBE. S'agissant de la question de l'extension de l'étendue de la protection au titre de l'article 123(3) CBE, il convient en revanche de garder à l'esprit que la protection conférée par un brevet est déterminée par la teneur des revendications, et notamment par les catégories auxquelles appartiennent ces revendications, ainsi que par les caractéristiques techniques indiquées dans celles-ci, conformément à l'article 69(1) CBE et à son protocole interprétatif (G 2/88, JO OEB 1990, 93). En vertu de ce protocole, l'article 69 CBE devrait être interprété comme définissant une position de compromis qui assure à la fois une protection équitable au titulaire de brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers. La description et les dessins peuvent servir dans une certaine mesure à interpréter les revendications, mais pas dans le seul but de résoudre de possibles ambiguïtés dans le libellé des revendications.
En outre, de l'avis de la chambre, les décisions citées par le requérant pour soutenir son argumentation n'étaient pas applicables à la situation. L'affaire T 352/04 concernait une modification d'une substance en une combinaison d'une substance avec un dispositif, ce qui fut considéré comme un changement de la catégorie de la revendication. Or, dans l'affaire en cause, il n'y avait eu aucun changement de catégorie. La décision T 867/05 concernait elle une modification consistant à remplacer un "matériau de membrane à utiliser en dialyse ", autrement dit une "substance A pour la mise en œuvre de la méthode X" par "un rein artificiel dans lequel est utilisé un matériau de membrane …", autrement dit "une combinaison du dispositif B avec la substance A", situation également très différente de celle dont la chambre était saisie.
La chambre n'a pas suivi l'argument du requérant selon lequel l'objet de la protection était désormais différent (notion de l'aliud), la combinaison d'une interface utilisateur et d'un appareil d'affichage ayant été remplacée par une machine de dialyse, ce qui constituait une violation de l'article 123(3) CBE. Elle a fait observer qu'il était courant et habituel, et tout à fait conforme aux exigences de l'article 123(3) CBE, d'apporter au cours de la procédure d'opposition une modification consistant à remplacer dans une revendication (du brevet tel que délivré) une première entité physique par une deuxième entité physique plus complexe (l'aliud). En effet, l'ajout d'une ou de plusieurs caractéristiques techniques limitatives à un dispositif revendiqué rend naturellement l'entité revendiquée plus complexe et entraîne donc une restriction et non une extension de l'étendue de la protection.
Dans l'affaire T 1172/08, l'invention portait sur des méthodes pour produire des protéines mutantes avec une réponse allergène plus faible chez l'homme. L'interprétation de l'étendue de la protection conférée à la lumière de l'article 69 CBE ne relevait pas normalement de la compétence des chambres de recours (cf. T 175/84). Aux fins d'établir si des modifications de la requête principale étaient contraires aux dispositions de l'article 123(3) CBE, il était toutefois nécessaire que les chambres de recours procèdent à une telle interprétation. La chambre a déclaré qu'il était évident, et non contesté par les parties, qu'obtenir d'un échantillon de sang une solution de cellules monocytes n'était pas la même chose qu'obtenir d'un échantillon de sang une solution de cellules dendritiques. Par conséquent, la revendication 1 selon le brevet tel que délivré et la revendication 1 selon la requête principale, lues de manière isolée, protégeaient chacune un objet différent.
Le requérant I/titulaire du brevet a reconnu qu'un tel déplacement de l'étendue de la protection ne serait pas normalement admissible. Il a toutefois fait valoir que l'affaire en cause présentait comme grande particularité que les revendications du brevet tel que délivré n'englobaient pas l'objet de l'unique exemple figurant dans le fascicule de brevet. Il y avait donc lieu d'établir si les modifications de la revendication 1 entraînaient une extension de la protection conférée par l'ensemble du brevet.
Le requérant I a conclu que ce n'était pas le sens littéral du terme "cellule dendritique" qui déterminait l'étendue de la protection dans l'affaire en cause. Etant donné que ce terme au sens littéral était incohérent au regard de l'exemple 1, il n'y avait aucune extension de l'étendue de la protection selon une interprétation correcte de la revendication 1.
Pour la chambre, il n'y avait aucun doute que les cellules dendritiques et les cellules monocytes sont des cellules de types différents aux caractéristiques différentes, ce que les parties n'ont pas contesté. Ces deux types de cellules se distinguent par des caractéristiques morphologiques ainsi que par des marqueurs phénotypiques et moléculaires. Par ailleurs, le procédé consistant à isoler d'un échantillon de sang des fractions de cellules dendritiques enrichies avait été divulgué dans le document de l'état de la technique D8. L'homme du métier n'aurait donc eu aucune raison a priori de donner un sens technique différent à l'expression "obtenir d'un échantillon de sang une solution de cellules dendritiques". S'il suivait l'interprétation conférée à la revendication 1 par le requérant I, il serait obligé de faire complètement abstraction du libellé de la revendication 1 selon le brevet tel que délivré, qui, en soi, n'était pas dépourvue de sens du point de vue technique. Ce libellé ne constituerait alors qu'une coquille vide.
Il y avait là une incompatibilité manifeste avec l'esprit de l'article 69 CBE et de son protocole interprétatif. En outre, si l'interprétation du requérant I était jugée acceptable, l'intérêt des tiers au regard de la sécurité juridique serait entièrement négligé.
La chambre est parvenue à la conclusion que la requête principale ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 123(3) CBE.
Dans l'affaire T 260/10, la caractéristique suivante contenue dans la revendication 1 du brevet tel que délivré : "avec au moins une unité d'affichage optique et en particulier au moins une unité de commande ..." avait été remplacée, le segment suivant "et en particulier au moins une unité de commande" ayant été supprimé.
La chambre a fait observer que la question de savoir si une caractéristique précédée de l'expression "en particulier" doit être considérée comme facultative dépend généralement du contexte. En principe, une caractéristique facultative dans la revendication principale n'est pas nécessaire à l'enseignement revendiqué, mais illustre, à titre d'exemple, d'autres caractéristiques.
Selon la formulation de la revendication 1 du brevet tel que délivré, l'appareil ménager revendiqué comporte non seulement une unité d'affichage optique, mais aussi une unité de commande, si bien que l'expression "en particulier" doit en l'occurrence être interprétée comme signifiant "avant tout" ou "tout spécialement". L'unité de commande n'est pas mentionnée ici en tant qu'exemple d'un élément potentiel mais en tant qu'élément essentiel de l'appareil ménager. Dans l'affaire en cause, l'expression "en particulier" sert à mettre en évidence l'unité de commande en tant que partie de l'appareil ménager.
Cette caractéristique non facultative limitant l'étendue de la protection conférée, sa suppression enfreignait l'article 123(3) CBE.
2. Changement de catégorie
L'affaire T 1635/09 (JO OEB 2011, 542) concernait la transformation d'une revendication d'utilisation en revendication de type suisse. En l'occurrence, la revendication 1 de la requête subsidiaire 23 se distinguait de la revendication 1 telle que délivrée en ce que la revendication d'utilisation telle que délivrée initialement avait été mise au format de type suisse, à savoir une revendication portant sur l'application d'une substance ou d'un mélange de substances en vue de la fabrication d'un médicament destiné à une application thérapeutique déterminée. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, pour savoir si un tel changement avait élargi l'étendue de la protection, il fallait prendre en compte les revendications délivrées dans leur globalité. Il convenait donc de vérifier si la reformulation d'une revendication portant sur une "utilisation d'une posologie orale comprenant ...pour la contraception ... ", en une revendication portant sur une "utilisation d'une composition comprenant ... pour la fabrication d'une forme posologique orale … pour la contraception ...", était conforme à l'article 123(3) CBE.
Ce faisant, il importait de savoir si la revendication de type suisse était une revendication portant a) sur l'utilisation d'une substance ou d'un mélange de substances dans un but précis ou b) sur la fabrication d'un médicament. Se référant aux décisions G 6/83 (JO OEB 1985, 67) et G 2/88 (JO OEB 1990, 93), la chambre a décidé dans cette affaire qu'il y avait extension de l'étendue de la protection lorsqu'une revendication portant sur l'utilisation d'une substance ou composition dans un but précis était transformée en une revendication de type suisse ou en une revendication de produit limitée à un usage déterminé au titre de l'article 54(5) CBE (voir aussi le point I.A.2.2).
L'invention dans l'affaire T 2230/08 portait sur un procédé pour régénérer un catalyseur/absorbeur. De l'avis du requérant/titulaire du brevet, la modification de la revendication 1 dans la requête principale selon laquelle le domaine de température de 121 à 399 °C définissait la température de régénération et non celle du courant entrant de gaz régénérant, constituait une simple correction au titre de la règle 139 CBE de la revendication 1 selon le brevet tel que délivré.
La chambre a affirmé que le fait que le domaine de température défini dans la première étape de la revendication 1 selon le brevet tel que délivré n'était pas divulgué dans la demande telle que déposée initialement n'a pas été contesté par les parties. Le domaine de température de 121 à 399 °C (250 à 750 °F) était clairement défini dans la revendication 1 du brevet tel que délivré comme correspondant à la température du courant entrant de gaz régénérant. L'étape consistant à fournir un gaz à une température spécifique avait un sens du point de vue technique pour l'homme du métier. Les requérants ont fait valoir que la seule température qui comptait était celle à laquelle la régénération s'effectue, soit la température du catalyseur/absorbeur, et non celle du courant entrant de gaz régénérant. La chambre a fait observer qu'il n'y avait aucune divulgation en ce sens dans le brevet tel que délivré, au contraire. La définition du domaine de température du courant entrant de gaz régénérant dans la revendication 1 n'apparaissait pas à l'homme du métier comme étant une erreur, encore moins comme une erreur manifeste. En outre il n'y avait aucune preuve selon laquelle une faute de transcription était survenue dans l'affaire en cause, au contraire. Par conséquent, la requête en rectification au titre de la règle 139 CBE a été rejetée et le domaine de température de 121 à 399 °C indiqué dans la revendication 1 du brevet tel que délivré devait être interprété par l'homme du métier comme définissant la température du courant entrant de gaz régénérant, et non celle de la réaction de régénération. Il n'a pas été contesté que la revendication 1 selon la requête principale ne satisferait pas aux exigences de l'article 123(3) CBE si la requête en rectification au titre de la règle 139 CBE était rejetée (voir également le point III.A.3).
IV. DEMANDES DIVISIONNAIRES
1. Demande antérieure en instance
Dans l'affaire J 4/11 (JO OEB 2012, ***), la question s'est posée de savoir si une demande antérieure était toujours en instance au sens de la règle 25 CBE 1973. En l'espèce, une demande antérieure avait été réputée retirée pour défaut de paiement d'une taxe annuelle, et le demandeur avait présenté une requête en restitutio in integrum quant au délai de paiement de cette taxe annuelle. Par la suite, la requête en restitutio concernant la demande antérieure avait été définitivement rejetée, mais le demandeur avait entre-temps déposé une demande divisionnaire.
La chambre a considéré que la simple existence du droit de présenter une requête en restitutio in integrum portant sur une demande réputée retirée ne signifie pas que la demande est en instance tant que le délai de présentation de cette requête continue de courir. De même, la demande ne saurait être à nouveau en instance du seul fait qu'une requête en restitutio in integrum est effectivement présentée. La chambre a déclaré que la demande est réputée retirée à la date à laquelle le délai de paiement de la taxe annuelle arrive à expiration ; la perte de droits se produit lorsque le délai non observé expire et, à ce titre, est définitive en soi. La présentation d'une requête en restitutio ne restaure pas provisoirement une demande réputée retirée. La présentation d'une telle requête a simplement pour effet de rendre possible une annulation de la fiction du retrait. Lorsqu'une requête en restitutio n'aboutit pas, la demande demeure réputée retirée.
L'affaire portait sur la question de savoir si le demandeur bénéficie de droits substantiels concernant la demande antérieure qui subsistent (encore) lors du dépôt de la demande ultérieure (cf. G 1/09, JO OEB 2011, 336). Il a été considéré que les droits substantiels visés à l'article 64 CBE, que la Grande Chambre de recours avait identifiés dans la décision G 1/09, ne subsistent plus. S'agissant des autres droits possibles, la chambre a estimé que le droit de l'inventeur prévu à l'article 60 CBE ne subsistait plus lors du dépôt de la demande divisionnaire, puisque ce droit cesse d'exister si et lorsque la demande est définitivement rejetée, ou bien qu'elle est retirée ou réputée retirée. La chambre a rejeté l'argument du requérant selon lequel le droit de demander la restitutio in integrum est un droit substantiel.
La chambre a conclu qu'une demande réputée retirée pour défaut de paiement d'une taxe annuelle n'est pas en instance au sens de la règle 25(1) CBE 1973 pendant le délai prévu à l'article 122 CBE 1973 pour la présentation d'une requête en restitutio in integrum quant audit défaut de paiement, ni pendant la période postérieure au dépôt d'une telle requête dans le cas où la requête précitée est rejetée.
Dans l'affaire J 24/10, la chambre de recours juridique devait décider si, en raison de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance du brevet, la demande antérieure avait cessé d'être en instance au sens de la règle 36(1) CBE depuis le début de la journée en question ou seulement à partir de 14 h, heure à laquelle le Bulletin européen des brevets avait été rendu accessible au public via Internet.
La chambre de recours juridique a relevé que la Grande Chambre de recours avait décidé, dans la décision G 1/09 (JO OEB 2011, 336), que "la demande de brevet européen est normalement en instance jusqu'au jour précédant la publication de la mention de la délivrance, puisqu'à partir de ce moment-là, les droits substantiels conférés par la CBE n'émanent plus de la demande de brevet, mais du brevet délivré". Dans l'affaire J 7/04, la chambre de recours juridique avait estimé qu'à partir de la mention de la délivrance du brevet antérieur, le demandeur et l'OEB n'avaient plus aucune influence sur le brevet, qui devenait autonome et devait être traité comme s'il avait été délivré par une autorité nationale conformément à l'article 64(1) CBE. Dans l'affaire J 24/10, la chambre de recours juridique a ajouté que, selon la formulation de l'article 97(4) CBE 1973 (article 97(3) CBE), la plus petite unité de temps est la date (version allemande : "der Tag", version anglaise : "the date") en tant que telle, et non une heure ou l'ordre chronologique des événements survenus à une date donnée. En outre, l'article 64(1) CBE dispose que la condition préalable à l'obtention de la protection prévue à cet article est la date de la publication, et non cet événement en tant que tel. Apparemment, le législateur avait voulu fixer un moment incontestable et prévisible à partir duquel les instances nationales deviennent compétentes et où le brevet confère à son titulaire les droits, définis à l'article 64(1) CBE, relatifs aux tiers. Dès lors, la demande cesse d'être en instance dès le début de la journée à laquelle le Bulletin européen des brevets mentionne la délivrance du brevet antérieur. En l'espèce, la demande antérieure n'était donc plus en instance au sens de la règle 36(1) CBE.
Dans l'affaire J 19/10, la demande avait été déposée en tant que demande divisionnaire le jour même de la publication de la mention de la délivrance relative à la demande de brevet européen antérieure. La chambre a confirmé la jurisprudence selon laquelle, lorsque la demande antérieure aboutit à la délivrance d'un brevet, une demande est en instance jusqu'à (mais non y compris) la date à laquelle la mention de la délivrance est publiée au Bulletin européen des brevets.
Toutefois, dans l'affaire en question, le demandeur avait soutenu qu'une grève des services postaux avait eu lieu dans la région de Munich, au moins le jour précédant le dépôt de la demande divisionnaire. En conséquence, le demandeur était parti du principe que la demande divisionnaire devait être réputée déposée dans les délais conformément à la règle 134(2) CBE, dont le passage pertinent s'énonce comme suit : "Si un délai expire un jour où se produit une perturbation générale concernant la distribution ou l'acheminement du courrier..., le délai est prorogé jusqu'au premier jour suivant la fin de cette période de perturbation...". La question soumise à la chambre visait à clarifier si la règle 134(2) CBE était applicable en relation avec la règle 36(1) CBE ; cela ne serait le cas que si la formulation "à toute demande de brevet européen antérieure encore en instance" dans la règle 36(1) CBE imposait un délai ("period" ou "time limit"). La chambre de recours juridique a rejeté cet argument en soulignant que les chambres de recours avaient déjà considéré que la formulation "à toute demande de brevet européen antérieure encore en instance", figurant à la règle 36(1) CBE, ne fixe pas de délai, mais plutôt une condition ; cf. par exemple les décisions J 10/01, J 24/03 (JO OEB 2004, 544), J 18/04 (JO OEB 2006, 560), J 7/05 et G 1/09 (JO OEB 2011, 336). La chambre de recours juridique a estimé qu'aucune conséquence juridique ne saurait être déduite du remplacement du terme "time limit" à la règle 85(2) CBE 1973 par le terme "period" à la règle 134(2) CBE. A cet égard, elle a renvoyé à la décision J 18/04 (JO OEB 2006, 560), dans laquelle la chambre avait considéré qu'à la règle 83 CBE 1973 ("Calculation of time limits"/"Calcul des délais"), le mot "period" était le seul équivalent logique du terme "time limit" tout au long de la règle en question.
2. Contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée
L'affaire T 2175/09 concernait un brevet délivré pour une demande divisionnaire faisant partie d'une série de demandes divisionnaires (demande en cause, demande antérieure dont celle-ci était issue, demande remontant à deux générations et demande initiale). Une caractéristique, omise dans la demande remontant à deux générations telle que déposée, avait été réintroduite dans ladite demande au cours de la procédure d'examen avant qu'un brevet ne soit finalement délivré. La division d'opposition avait révoqué le brevet délivré pour la demande divisionnaire en cause, car elle estimait que l'objet du brevet attaqué ne pouvait être déduit directement et sans aucune équivoque de ce qui était divulgué dans la demande remontant à deux générations telle que déposée.
Devant la chambre, le requérant n'a pas contesté le fait que les articles 76(1) et 100c) CBE 1973 interdisent d'ajouter un objet qui s'étend au-delà du contenu de la demande immédiatement précédente dont est issue une demande divisionnaire. Le requérant a également admis que ces articles visent à interdire une extension de l'objet au-delà de la demande initiale telle que déposée. Toutefois, le requérant faisait valoir qu'une violation de l'article 76(1) CBE 1973, dans le cas d'une demande divisionnaire intermédiaire d'une génération antérieure (en l'occurrence la demande remontant à deux générations), ne constituait pas un motif d'opposition en vertu de l'article 100c) CBE 1973. La chambre a considéré que l'article 100c) CBE 1973 donnait au public notamment la possibilité de faire opposition à un brevet au motif que son objet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle que déposée si une violation de l'article 76(1) CBE 1973 n'a pas été décelée au cours de la procédure d'examen. Cela s'applique également dans le cas particulier d'une violation de l'article 76(1) CBE 1973 dans une demande divisionnaire intermédiaire d'une génération antérieure. La demande remontant à deux générations est également "la demande antérieure" au sens de l'article 100(c) CBE. La chambre a ajouté que la modification, apportée devant la division d'examen, qui avait réintroduit la caractéristique omise dans la demande remontant à deux générations ne pouvait être réputée faire partie à titre rétroactif du contenu de la demande remontant à deux générations telle que déposée. Dans l'affaire en question, la chambre a conclu que l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué s'étendait au-delà du contenu de la demande antérieure telle que déposée, puisqu'il contenait un élément qui n'avait pas été divulgué dans l'une des demandes (antérieures) précédentes telles que déposées, à savoir la demande remontant à deux générations. Dès lors, la décision de révoquer le brevet rendue par la division d'opposition était correcte.
3. Date de dépôt
Dans l'affaire T 600/08, le brevet litigieux avait été délivré sur la base d'une demande divisionnaire. Le demandeur indiqué pour la demande divisionnaire au moment de son dépôt n'était pas le même que celui qui avait déposé la demande initiale. Le demandeur de la demande initiale avait donc présenté une requête en rectification (règle 88 CBE 1973) du nom du demandeur pour la demande divisionnaire, car la société qui avait été indiquée par erreur en qualité de demandeur pour la demande divisionnaire n'était pas la bonne. La section de dépôt avait fait droit à cette requête.
Devant la chambre, le requérant (opposant) a fait valoir qu'une correction n'aurait pas dû être apportée au titre de la règle 88 CBE 1973. Dès lors, la demande divisionnaire n'était pas valable. Selon lui, la date de dépôt pertinente pour le brevet litigieux était donc la date de réception de la demande dont il était issu. Par conséquent, le contenu de la demande initiale détruisait la nouveauté de la demande qui était à la base du brevet litigieux.
La chambre n'a pas suivi cette argumentation et a confirmé qu'une demande de brevet déposée comme demande divisionnaire peut uniquement avoir pour date de dépôt celle de la demande initiale. Ainsi que la Grande Chambre de recours l'a déjà souligné, "en vertu de la CBE, la date de dépôt de la demande d'origine est la seule date de dépôt qui puisse être attribuée à une demande divisionnaire, au moyen de la fiction juridique contenue dans l'article 76(1), deuxième phrase, deuxième membre de phrase CBE [...]. La CBE ne prévoit pas qu'une demande divisionnaire puisse avoir comme date de dépôt sa date de dépôt effective auprès de l'OEB" (cf. G 1/05). Selon la chambre, il n'existe donc que deux possibilités en cas de demande de brevet européen déposée en tant que demande divisionnaire : soit elle n'est pas traitée comme une demande divisionnaire, auquel cas la procédure de délivrance du brevet n'est pas engagée, soit elle est traitée comme une demande divisionnaire, auquel cas sa date de dépôt ne peut être que celle de la demande initiale. Puisque la demande sur laquelle se fondait le brevet litigieux avait été déposée en tant que demande divisionnaire et avait été traitée comme telle, seule la date de dépôt de la demande initiale pouvait lui être attribuée. La demande initiale n'était dès lors pas comprise dans l'état de la technique pour le brevet litigieux et ne détruisait pas la nouveauté de son objet.
V. PRIORITE
1. Identité de l'invention
Dans l'affaire T 110/07, le document de priorité P1 divulguait, pour l'épaisseur d'une couche formant barrière à la diffusion des ions sodium (SIDB), les plages de valeurs de 2 à 50 nm et de 2 à 18 nm ainsi que, dans les exemples, des valeurs individuelles de 101 nm, de quelque 100 nm et de 434 nm, pour l'épaisseur de la couche SnO2 formée par un procédé de dépôt chimique en phase vapeur, et de 50 nm pour les couches SnO2 obtenues au moyen d'une pyrolyse par pulvérisation. La chambre a estimé que P1 ne divulguait donc pas la plage de valeurs dans la caractéristique de la revendication 1 "une couche formant barrière à la diffusion des ions sodium … ayant une épaisseur d'au moins 10 nm". Au vu de l'avis G 2/98, ni la valeur minimale revendiquée de 10 nm ni la plage de valeurs non délimitée ≥ 10 nm ne pouvait en outre être déduite directement et sans ambiguïté de P1. La date de priorité n'était donc pas valable.
La chambre a considéré que l'application, par la division d'opposition, d'un "test de nouveauté" fondé sur la notion de recoupement de plages de valeurs (qui l'avait conduite à conclure que la priorité était valable) n'était pas appropriée au vu de l'avis G 2/98, puisqu'il n'y avait en l'occurrence pas de recoupement, mais plutôt une généralisation de plages de valeurs. Si la Grande Chambre a déclaré, dans son avis G 2/98 qu'"il ne doit pas être fait droit à de telles revendications de priorité si les inventions de sélection en question sont considérées comme "nouvelles" en application desdits critères", c'est-à-dire en application des critères suivis par l'OEB pour déterminer la nouveauté d'une invention de sélection par rapport à l'état de la technique, cette affirmation ne signifie pas automatiquement qu'il doit être fait droit aux revendications de priorité si les inventions de sélection en question ne sont pas considérées comme "nouvelles". Dans ce contexte, la chambre s'est référée aux décisions T 1233/05, T 230/07 et T 1130/09, selon lesquelles la démonstration d'un effet technique par rapport à une fraction de plage de valeurs n'est pas décisive pour déterminer la nouveauté. Une fraction de plage de valeurs doit être nouvelle en tant que telle.
VI. PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCEDURE DEVANT L'OEB
A. Principe de protection de la confiance légitime
1. Responsabilité du dépôt d'un pouvoir valable
L'affaire T 267/08 concernait un changement de mandataire intervenu après la signification de la décision de la division d'opposition. Un document confirmant qu'un nouveau mandataire était désormais chargé du recours avait été déposé par téléfax. Le changement de mandataire avait été inscrit au Registre européen des brevets et l'ancien et le nouveau mandataires en avaient tous deux été avisés. Après avoir constaté que le document déposé ne mentionnait pas le bon opposant, la chambre avait informé le nouveau mandataire que le pouvoir requis n'avait pas été produit. Le nouveau mandataire avait téléfaxé le pouvoir, mais n'avait pas envoyé l'original.
La chambre a considéré que les mandataires agréés sont censés connaître tous les communiqués publiés par l'OEB qui sont importants pour la pratique en matière de brevets. Le nouveau mandataire aurait dû savoir que la Décision de la Présidente de l'Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de pouvoirs (édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, L.1.) impose explicitement de déposer un exemplaire original du pouvoir et que la Décision de la Présidente de l'Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de demandes de brevet et d'autres pièces par téléfax (édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, A.3) interdit de déposer des pouvoirs par téléfax. Le fait que le nouveau mandataire ait été préalablement informé de l'enregistrement du changement de mandataire n'aurait pas dû lui faire croire à tort qu'un exemplaire téléfaxé du pouvoir serait suffisant. Seule une "méconnaissance du droit qui, sur le principe, est inexcusable" (J 5/02) a pu le conduire à cette conclusion. Par ailleurs, la chambre n'a pas admis qu'en vertu du principe de la bonne foi, il y aurait eu lieu de signaler que l'original n'avait pas été produit. Ce principe ne fait pas obligation à une chambre d'indiquer à une partie les irrégularités qui relèvent de la responsabilité de cette partie (G 2/97, JO OEB 1999, 123). La chambre n'est nullement tenue d'avertir une partie que le dépôt d'un pouvoir comporte des irrégularités ; il relève, au contraire, de la responsabilité de ladite partie de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour éviter une perte de droits. La responsabilité de déposer un pouvoir valable ne saurait être transférée à la chambre. La chambre a conclu que le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué dans le cas d'espèce.
2. Inobservation du délai d'opposition
Dans l'affaire T 1644/10, l'Office européen des brevets avait publié un fascicule de brevet B1 erroné qui avait été corrigé ultérieurement sous la forme d'un fascicule B9. Le requérant avait supposé que le fascicule de brevet B1 publié était exact et, partant, n'avait pas formé d'opposition dans les délais.
La chambre a fait observer que la Grande Chambre de recours a relevé à plusieurs reprises que la protection de la confiance légitime est reconnue dans les Etats parties à la Convention sur le brevet européen. Toutefois, la chambre a considéré que le principe de protection de la confiance légitime en tant que "principe de procédure" ne constitue, ni dans la jurisprudence des chambres de recours, ni dans celle des Etats contractants, une règle de droit définie de manière uniforme et qu'il ne peut être appliqué directement sous la forme d'une règle de procédure concrète en se fondant sur l'article 125 CBE 1973. Par conséquent, l'application de ce principe n'est pas valable de façon illimitée et doit toujours faire l'objet d'une vérification dans le cadre de la situation procédurale concrète de l'espèce. Ainsi, il n'existe pas non plus dans les Etats contractants de principe généralement reconnu selon lequel le fait d'invoquer une information "officielle" erronée comme motif d'inobservation d'un délai applicable à un moyen de recours durant une procédure inter partes puisse à lui seul faire courir, après la rectification "officielle" de cette information erronée, un nouveau délai applicable à un moyen de recours, ou aboutir à ce que l'inobservation du délai soit réputée ne pas avoir eu lieu.
L'application du principe de protection de la confiance légitime dans une procédure inter partes au cours de laquelle le délai d'opposition n'a pas été observé est soumise à une mise en balance des intérêts. Le principe selon lequel le titulaire du brevet doit pouvoir se fier à ce que la décision de délivrance du brevet soit devenue définitive n'est pas généralement de rang inférieur au principe selon lequel l'opposant doit pouvoir se fier à l'exactitude du contenu du fascicule de brevet publié. Cela s'opposerait au principe de l'égalité de traitement procédural des parties.
En l'espèce, il n'existait aucune circonstance qui aurait pu justifier de faire prévaloir le principe selon lequel le requérant (opposant) doit pouvoir se fier à l'exactitude du contenu du fascicule de brevet sur le principe selon lequel le titulaire du brevet doit pouvoir se fier à ce que la décision de délivrance du brevet soit devenue définitive. En effet, contrairement à l'affaire G 5/88 (JO OEB 1991, 137) par exemple, aucun acte d'opposition n'avait été reçu pendant le délai d'opposition. Dès lors, le requérant ne pouvait pas invoquer l'application du principe de la confiance légitime s'agissant de l'inobservation du délai d'opposition. L'opposition n'a donc pas été formée dans les délais (voir aussi le point VII.D.1.2).
B. Droit d'être entendu
Dans l'affaire T 2415/09 le requérant (titulaire du brevet) a fait valoir devant la chambre que son droit d'être entendu n'avait pas été respecté pendant la procédure d'opposition. Les nouveaux documents et essais expérimentaux soumis par l'intimé n'avaient été transmis au requérant que six semaines avant la procédure orale devant la division d'opposition. Selon le requérant, ce délai rendait impossible une réponse nécessitant la présentation de contre-essais. Le jour de la procédure orale devant la division d'opposition, le brevet européen a été révoqué sur la base des nouveaux moyens de preuve soumis par l'intimé.
La chambre a fait valoir qu'elle ne pouvait se prononcer sur le délai exact nécessaire à la réalisation d'essais comparatifs. Elle a noté cependant qu'en matière de délai, la règle 132(2) CBE impose par exemple que les délais impartis par l'OEB ne peuvent être inférieurs à deux mois et qu'ils peuvent être prorogés sur requête. En règle générale, le délai pour répondre à des questions de fond est fixé à quatre mois, prolongé à six mois sur requête, et il peut être fait droit à une requête en prorogation d'une durée supérieure en raison de circonstances exceptionnelles, par exemple en cas de nécessité de produire des essais expérimentaux. Ces délais, même s'ils ne s'appliquaient pas en l'espèce (règle 116(1) CBE), montrent cependant qu'il ne peut pas être requis d'une partie de produire des essais comparatifs dans un laps de temps aussi court que six semaines. La chambre a conclu que la division d'opposition en fondant sa décision sur ces nouveaux moyens sans permettre au requérant d'y répondre par le biais des contre-essais qu'il estimait nécessaires, n'a pas respecté son droit d'être entendu, contrairement aux dispositions de l'article 113(1) CBE, ce qui constituait un vice substantiel de procédure.
C. Procédure orale
1. Décision de la division d'examen concernant le lieu de la procédure orale
Dans l'affaire T 689/05, la division d'examen avait rejeté, sans donner aucun motif, les requêtes du demandeur visant à transférer la procédure orale à Munich et à rembourser les frais de déplacement à La Haye. Dans son recours, le requérant demandait le renvoi à la première instance.
La chambre a considéré que les dispositions de l'article 116 CBE 1973 ensemble l'article 10(1), (2)a) et b) CBE 1973 formaient la base juridique sur laquelle s'appuyer pour tenir la procédure orale devant la division d'examen à La Haye (cf. également T 1012/03). Comme le requérant avait été cité en bonne et due forme, suffisamment tôt avant la procédure orale et au lieu approprié, le droit d'être entendu au cours d'une procédure orale (articles 113(1) et 116(1) CBE 1973) n'avait pas été violé en l'espèce. La chambre a toutefois estimé, comme le requérant, que l'absence de motif (règle 68(2), première phrase, CBE 1973) équivalait à un vice de procédure. Elle n'était cependant pas convaincue que ce vice de procédure était un vice majeur entachant la procédure de première instance au sens de l'article 11 RPCR, qui justifierait d'annuler la décision attaquée et de renvoyer l'affaire à la division d'examen. La chambre a précisé que tous les vices de procédure ne constituaient pas un vice majeur et qu'un vice majeur découlait plutôt d'un vice substantiel de procédure, c'est-à-dire d'une irrégularité objective affectant toute la procédure (J 7/83, JO OEB 1984, 211). En l'occurrence, le vice de procédure établi n'affectait pas toute la procédure devant la division d'examen. La chambre a déclaré que les motifs de fond invoqués pour rejeter la demande satisfaisaient à la règle 68(2), première phrase, CBE 1973. Par ailleurs, le requérant et la chambre avaient été en mesure d'examiner et de commenter les motifs de la décision de la division d'examen rejetant la demande et la partie manquante du raisonnement de la décision attaquée n'avait aucune influence sur ce débat. La chambre a ajouté que les questions concernant le changement du lieu de la procédure orale et l'absence de prise en charge des frais de déplacement étaient plutôt secondaires dans le cas d'espèce. Elle a en outre indiqué qu'elle était en mesure de statuer sur la question essentielle du recours lors de la procédure orale. Il aurait donc été disproportionné d'annuler toute la décision attaquée en raison de son absence partielle de motif.
Dans l'affaire T 933/10, le demandeur avait présenté une requête afin que la procédure orale se tienne à Munich plutôt qu'à La Haye. La division d'examen avait émis une notification selon laquelle il n'était "pas prévu" qu'une division d'examen située à Rijswijk se déplace à Munich pour une procédure orale.
La chambre a rappelé qu'en vertu de la règle 111(2) CBE (règle 68(2) CBE 1973), les décisions de l'OEB contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées. Elle a conclu que la notification de la division d'examen ne pouvait être considérée comme contenant un quelconque motif étayant les conclusions tirées. Par ailleurs, la division d'examen n'avait pas tenu compte d'un argument présenté par le demandeur à l'appui de sa requête, à savoir que les activités de son client relatives aux brevets se déroulaient pour l'essentiel à Munich. Le demandeur avait donc été privé de facto du droit d'être entendu, ce qui était contraire à l'article 113(1) CBE. Chacun de ces vices de procédure justifiait le renvoi à la première instance et le remboursement de la taxe de recours.
2. Requête tendant à recourir à la procédure orale
Dans l'affaire T 1050/09, seul l'opposant avait requis une procédure orale devant la division d'opposition ; le titulaire du brevet ne l'avait pas fait. La division d'opposition avait statué en faveur de l'opposant et révoqué le brevet sans convoquer de procédure orale. Lors du recours, le requérant (titulaire du brevet) avait invoqué un vice substantiel de procédure, en arguant qu'une requête de sa part tendant à recourir à la procédure orale n'avait pas été nécessaire dans la mesure où il pouvait compter sur la requête (sans condition) de l'opposant.
La chambre a rejeté l'argument du requérant. Elle a estimé que le droit à une procédure orale régi par l'article 116(1) CBE forme une partie substantielle du droit d'être entendu accordé par l'article 113(1) CBE. Par conséquent, le refus de faire droit à une requête tendant à recourir à la procédure orale prive la partie concernée d'une importante occasion de présenter son affaire de la manière souhaitée, dans le cadre des possibilités qui lui sont offertes par la CBE. Toutefois, l'article 113(1) CBE ne confère pas une position formelle à une partie à une procédure devant l'OEB, mais vise à garantir la conduite équitable de cette procédure. Une partie ayant obtenu gain de cause n'a aucune raison de mettre en doute la justesse de la procédure ayant abouti à la décision en sa faveur. Lorsqu'une partie présente une requête tendant à recourir à une procédure orale, la division d'opposition ne peut rendre une décision qui ne fait pas droit aux prétentions d'une telle partie sans avoir auparavant convoqué une procédure orale (cf. T 686/92 et T 795/91). Cependant, en l'espèce, la tenue d'une procédure orale suivant la requête sans condition de l'opposant n'aurait présenté aucun intérêt compte tenu de la conclusion favorable à l'opposant. La division d'opposition avait également informé les parties que, de son point de vue, la révocation du brevet était prévisible. Après avoir reçu cette notification sans citation à une procédure orale, il incombait au requérant de présenter une requête claire en vue de la tenue d'une procédure orale.
Dans l'affaire T 1829/10, le demandeur avait répondu à la première notification de la division d'examen en indiquant qu'une audience serait opportune si des réserves importantes continuaient d'être formulées à l'encontre de la brevetabilité. La division d'examen avait rejeté la demande de brevet sans convoquer de procédure orale.
La chambre a estimé que le droit absolu à une procédure orale, tel que prévu par l'article 116(1) CBE, avait été en l'occurrence violé. La formulation employée par le demandeur englobait une requête tendant à recourir à la procédure orale au sens de l'article 116 CBE. Le terme "audience" équivaut à une "procédure orale". Le demandeur n'avait certes pas utilisé les termes "requérir" ou "requête", mais une interprétation honnête et compréhensive de la formulation choisie donnait indubitablement à penser que le demandeur souhaitait à nouveau être entendu avant que la division d'examen ne prenne une décision, et qu'il désirait, donc requérait, une audience, c'est-à-dire une procédure orale. Dans ce contexte, il était sans importance que les notions formelles de "requête" ou de "requérir" soient employées ou non (cf. également T 263/91). Seule comptait l'intention du demandeur, qui était en l'occurrence claire et sans équivoque. Si la division d'examen avait eu le moindre doute à cet égard, elle aurait été tenue de prendre contact avec le demandeur pour déterminer s'il requérait effectivement ou non une procédure orale au titre de l'article 116(1) CBE, étant donné qu'il s'agit d'un droit absolu des parties aux procédures devant l'Office européen des brevets (cf. par exemple T 668/89 et T 95/04). Dans le cas d'une requête tendant à recourir à la procédure orale, et à la différence d'une demande d'entrevue, l'adjectif "sachdienlich" (opportun) utilisé par le demandeur ne conférait aucun pouvoir d'appréciation à la division d'examen pour faire droit ou non à la requête.
3. Changement de date de la procédure orale
Dans l'affaire T 1610/08, le mandataire de l'intimé demandait un report de la procédure orale devant la chambre en raison de vacances ayant déjà fait l'objet d'une réservation ferme. Le mandataire ne pouvait pas non plus être remplacé parce que la partie avait noué avec lui une relation étroite, empreinte de confiance, après une représentation personnelle de longue date, et qu'aucun de ses associés n'avait connaissance de l'activité ou de la technologie de l'opposant, si bien que leur mise au courant aurait entraîné des coûts supplémentaires pour la partie, et enfin parce que sa connaissance des procédures précédentes devant la division d'opposition était hors pair et irremplaçable.
La chambre a fait observer qu'en vertu de l'article 15(2) RPCR, elle peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, changer à titre exceptionnel la date d'une procédure orale. Le Communiqué du Vice-Président chargé de la Direction générale 3, en date du 16 juillet 2007, relatif à la tenue de procédures orales devant les chambres de recours de l'OEB (édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, 115) mentionne les vacances ayant déjà fait l'objet d'une réservation ferme avant la signification de la citation parmi les motifs sérieux en vertu desquels un mandataire peut demander le changement de date de la procédure orale (cf. point 2.1 du Communiqué). Le point 2.1 du Communiqué doit être mis en balance avec le point 2.3 de ce même Communiqué, qui dispose que toute requête en fixation d'une autre date pour la procédure orale doit contenir une déclaration expliquant pourquoi le mandataire qui se trouve dans l'impossibilité de participer à la procédure orale ne peut être remplacé par un autre mandataire au sens des articles 133(3) CBE ou 134 CBE. Le point 2.3 du Communiqué indique donc clairement que le remplacement du mandataire est une alternative possible au report.
La chambre a estimé que les circonstances indiquées par l'intimé, eu égard au point 2.3 du Communiqué, étaient en réalité communes à toutes les affaires impliquant un remplacement. Si le point 2.3 du Communiqué devait être interprété de sorte que les motifs mentionnés par l'intimé remplissent les critères permettant d'exclure la possibilité d'un remplacement, cette disposition ne pourrait jamais être appliquée et serait dépourvue de toute signification. On ne peut raisonnablement considérer que telle était l'intention de son auteur. De l'avis de la chambre, seules des circonstances extraordinaires, c'est-à-dire qui ne sont pas communes à chaque affaire de remplacement, devraient être acceptées. Les raisons invoquées ne constituaient pas des circonstances extraordinaires. Elle a donc refusé de reporter la procédure orale.
Dans l'affaire T 584/09, la chambre a rejeté la demande de changement de date de la procédure orale en invoquant les points 2.1 et 2.3 du Communiqué du Vice-Président chargé de la Direction générale 3, en date du 16 juillet 2007. La demande du requérant n'était motivée que par une déclaration selon laquelle un mandataire supplémentaire du requérant était convoqué ce jour-là devant la Cour d'appel du Royaume-Uni ; le représentant mandaté pouvait en revanche comparaître à la procédure orale. De plus, la demande de report n'indiquait pas les raisons pour lesquelles le mandataire supplémentaire, qui ne participait pas jusqu'à cette date à la procédure et pour lequel aucun pouvoir n'avait encore été déposé, ne pourrait pas être remplacé par un autre mandataire. La chambre a donc considéré que l'empêchement de ce mandataire supplémentaire à la date fixée ne constituait pas un motif de fond sérieux susceptible de justifier la fixation d'une nouvelle date.
4. Appel téléphonique au stade du recours
Dans l'affaire T 263/07, le requérant avait demandé que le rapporteur de la chambre appelle son mandataire pour examiner la question à savoir si la demande pouvait donner lieu à la délivrance d'un brevet conformément à une de ses requêtes antérieures à la procédure orale, de manière à ce que la procédure orale puisse être annulée.
La chambre a rappelé que la CBE prévoit le droit absolu à une procédure orale au titre de l'article 116(1) CBE 1973, mais pas le droit à un entretien téléphonique. S'agissant plus précisément de la procédure de recours, les articles 4 et 5 RPCR disposent que le rapporteur peut être chargé de certaines étapes de la procédure. Si tel est le cas, les fonctions du rapporteur consistent soit à veiller, sous la supervision de la chambre, à ce que les parties se conforment au règlement de procédure ou aux ordonnances de la chambre, soit, pour des questions de fond (article 5(3) RPCR), à agir au nom de la chambre. En d'autres termes, cela implique d'avoir informé les autres membres de la chambre et de les avoir mis en mesure de rendre une opinion éclairée sur la suite à donner. Il importe à cette fin que la même affaire soit présentée à tous les membres de la chambre. Si l'un des membres de la chambre a connaissance de preuves ou d'arguments qui ne sont pas à la disposition des autres membres, cela constitue une violation du principe de prise de décision collective et de l'article 21 CBE 1973 (cf. T 1109/02). Puisque l'entretien téléphonique demandé aurait pu conduire le rapporteur à prendre position sur une question pour laquelle une décision collective aurait été requise, ou à engager la chambre sans discussion préliminaire, la requête a été rejetée au motif qu'elle n'était pas compatible avec le principe et les règles précités qui régissent la procédure de recours.
Dans l'affaire T 1984/07, le requérant avait demandé, avant la procédure orale, à être contacté par téléphone si aucune des requêtes figurant au dossier n'était considérée comme admissible sur le fond, "de sorte qu'un jeu de revendications admissibles puisse être préparé avant la date de la procédure orale". Comme annoncé à l'avance, le requérant n'avait pas assisté à la procédure orale.
La chambre a rappelé qu'il n'existe pas de droit à un entretien téléphonique informel et a fait observer que conformément à la règle 100(2) CBE, la chambre invite les parties, "aussi souvent qu'il est nécessaire", à présenter leurs observations. Cependant, comme une procédure orale avait été convoquée, il n'y avait pas lieu de donner une autre occasion de présenter des observations ou des requêtes en dehors de ce cadre, la procédure orale fournissant la plateforme requise pour échanger des avis. La chambre n'a pas exclu qu'un appel téléphonique pouvait être approprié dans certaines circonstances, par exemple s'il ne subsiste que des objections mineures susceptibles d'être facilement traitées par de simples modifications. En l'occurrence, les objections étaient cependant telles que toute modification aurait probablement impliqué plus qu'une simple reformulation des revendications ou adaptation de la description.
D. Restitutio in integrum
1. Compétence de la chambre pour statuer sur la requête
Dans l'affaire T 1973/09, le requérant (demandeur) avait requis la restitutio in integrum quant au délai de recours. L'agent des formalités, agissant au nom de la division d'examen, avait fait droit à la requête du demandeur. Dans le cadre de la révision préjudicielle (article 109 CBE), la division d'examen avait conclu que le recours était recevable, mais non fondé.
La chambre a rappelé qu'en vertu de la règle 136(4) CBE, l'instance compétente pour statuer sur une requête en restitutio in integrum est l'instance compétente pour statuer sur l'acte non accompli. En l'occurrence, l'acte non accompli correspondait à la formation du recours, qui doit être effectuée dans le délai prévu à l'article 108 CBE. Conformément à la règle 101(1) CBE, la chambre de recours était l'instance compétente pour déterminer si le recours était irrecevable en raison d'un manquement à l'article 108 CBE. Seule la chambre était donc admise à statuer sur la requête en restitutio in integrum.
La chambre a déclaré que l'article 109(1) CBE, qui habilite l'instance du premier degré à annuler sa propre décision au cours d'une procédure ex parte si elle considère le recours comme "recevable et fondé" (mise en évidence par la chambre), prévoit une exception au principe de l'effet dévolutif général du recours, afin de permettre la révision préjudicielle. Dans le cas d'espèce, l'instance du premier degré n'avait toutefois observé ni l'article 109(1) CBE ni les Directives relatives à l'examen, qui indiquent que l'instance compétente ne doit examiner la requête en restitutio in integrum que si la révision préjudicielle doit être accordée (Directives E-VIII, 2.2.7, version d'avril 2010), ce qui n'était en l'occurrence pas le cas. L'instance du premier degré avait uniquement statué sur la requête en restitutio in integrum pour conclure que le recours était recevable, mais qu'il n'était pas fondé (mise en évidence par la chambre). La décision de l'instance du premier degré était donc entachée d'excès de pouvoir et a été annulée par la chambre.
2. Recevabilité de la requête en restitutio in integrum
Dans l'affaire J 21/10, la chambre devait statuer sur la recevabilité d'une requête en restitutio in integrum. Conformément à la règle 136(1), première phrase CBE, une telle requête doit être présentée dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement. De l'avis de la chambre, dans le cas d'une requête en restitutio in integrum, l'existence d'un empêchement ayant un rapport de cause à effet avec la non-observation du délai est une condition préalable à l'ouverture de la procédure ou à la délivrance d'un jugement au fond et doit donc être prise en considération lors de l'examen de la recevabilité de cette requête. Ceci vaut également lorsque l'existence d'un empêchement, comme dans la présente espèce, doit être démentie sur le plan juridique au motif qu'une erreur ayant empêché l'exécution d'un acte de procédure à accomplir dans un délai déterminé aurait dû être détectée s'il avait été fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances. Si l'empêchement qui consiste en une erreur et qui est invoqué dans la requête en restitutio in integrum cesse avant l'expiration du délai non observé en conséquence d'un manquement de l'une des personnes responsables à son obligation de faire preuve de toute la vigilance nécessaire, cette cessation entraîne l'irrecevabilité de la requête en restitutio in integrum.
En l'espèce, la chambre a estimé que la requête était irrecevable. L'empêchement résidait dans l'idée erronée du requérant qu'aucun acte ne devait plus être accompli concernant la demande de brevet. Cette erreur provenait du fait qu'une employée du cabinet avait archivé le dossier par mégarde dans les dossiers clos. De ce fait, la notification au titre de la règle 71(3) CBE et la notification indiquant que la demande de brevet était réputée retirée, entre autres, avaient été simplement versées au dossier archivé sans que celui-ci soit présenté au mandataire. Eu égard au respect du délai prévu à la règle 136(1), première phrase CBE, la question déterminante en l'espèce était de savoir si le mandataire, en faisant preuve de la vigilance nécessaire, aurait dû s'apercevoir de l'erreur de l'employée. De l'avis de la chambre, il n'est pas suffisamment satisfait à l'obligation de vigilance incombant à un mandataire en brevets si le travail est organisé de telle manière que les notifications officielles relatives à des dossiers clos, reçues par lettre recommandée, sont versées au dossier sans aucune vérification de leur contenu, et ne sont pas transmises au client. La chambre est parvenue à la conclusion que le mandataire, s'il avait fait preuve de toute la vigilance nécessaire, aurait dû s'apercevoir de l'erreur dès la réception de la notification au titre de la règle 71(3) CBE. La requête en restitutio in integrum n'avait été présentée qu'après le délai calculé à compter de cette date, et était donc irrecevable.
3. Vigilance nécessitée par les circonstances
Dans l'affaire T 1289/10, le demandeur souhaitait être rétabli dans son droit de former un recours. Le mandataire américain du demandeur avait chargé par courriel le mandataire européen de former un recours. Ce courriel avait toutefois été classé comme une menace potentielle et avait été transféré dans la zone de quarantaine du serveur de courrier électronique du mandataire européen. Il avait été trouvé un jour après l'expiration du délai de recours.
La chambre a estimé que le mandataire européen ne pouvait pas démontrer qu'il avait fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances lorsqu'il avait traité le dossier. Elle a expliqué que la vigilance nécessitée par les circonstances (J 5/80) implique une conduite appropriée du requérant et de ses mandataires. Il convient à cet égard de déterminer comment une partie ou un mandataire compétent(e) agirait raisonnablement. En règle générale, un mandataire agissant raisonnablement tiendra au moins compte des problèmes connus et appliquera les solutions connues pour les éviter. La chambre a considéré que le manque de fiabilité occasionnel des filtres de messagerie électronique est manifestement un problème bien connu. Plus précisément, il est notoire que du courrier légitime est parfois identifié à tort comme une menace potentielle et qu'il est traité en conséquence. Les agents du service du courrier auraient dû être avertis qu'un courriel urgent pourrait parvenir à tout moment et qu'il risquait d'être classé à tort comme une menace potentielle par le système de messagerie électronique. La chambre a précisé que si un mandataire européen fournit une adresse électronique de contact pour tous les types de courrier, y compris ceux qui peuvent exiger une action immédiate du mandataire, il est essentiel de contrôler le courrier au moins à la fin de chaque jour d'activité. Sachant que des courriers légitimes sont parfois marqués à tort comme une menace potentielle, il est évident que ce contrôle doit inclure la zone de quarantaine d'un système de messagerie électronique. La requête a été rejetée.
Dans l'affaire T 1149/11, l'acte de recours n'avait pas été déposé dans les délais. L'auxiliaire du mandataire avait commis une première erreur lorsqu'elle avait calculé et noté le délai de recours et acquitté la taxe de recours. Après avoir contrôlé l'exactitude du délai noté dans le système de surveillance de la société et constaté qu'il était incorrect, le mandataire avait chargé l'auxiliaire de le corriger le jour même et de lui rendre compte une fois la correction apportée. L'auxiliaire avait signalé la correction du délai même si, de manière inexplicable, elle ne l'avait pas corrigé. Le mandataire n'avait pas jugé nécessaire de contrôler si le délai avait en effet été enregistré correctement.
La chambre a estimé que si le mandataire d'un demandeur délègue des tâches à un auxiliaire, le mandataire doit faire preuve de vigilance concernant la sélection, l'instruction et la supervision correctes de l'auxiliaire. Cette responsabilité dure aussi longtemps que la délégation des tâches. Le devoir de vigilance relatif à la supervision de l'auxiliaire nécessite de mettre en place un système efficace de vérification, du moins dans une société où un grand nombre de délais doivent être surveillés.
Appliquant ces principes à l'affaire en question, la chambre a considéré que le point crucial résidait dans le fait qu'après avoir identifié la première erreur, le mandataire n'avait pas jugé nécessaire de contrôler si le délai avait en effet été correctement enregistré par l'auxiliaire, comme cela aurait dû être le cas. La responsabilité du mandataire en matière de supervision ne s'arrêtait pas avec l'instruction visant à corriger le délai. Dans un système fonctionnant normalement de manière satisfaisante, une date corrigée doit également faire l'objet de la même vérification. Cela valait spécialement pour le cas d'espèce, puisque la nature du délai concerné exigeait une attention particulière. En réalité, le délai pour former un recours et acquitter la taxe de recours au titre de l'art. 108 CBE est absolument crucial puisque s'il n'est pas observé, il n'existe aucune autre voie ordinaire de recours et la décision attaquée devient définitive (cf. également T 439/06, JO OEB 2007, 491).
E. Règlement relatif aux taxes
1. Remboursement partiel de la taxe d'examen - début de l'examen quant au fond
Dans l'affaire J 25/10 (JO OEB 2011, 624 – voir sommaire), la chambre de recours juridique a jugé qu'après le retrait d'une demande de brevet européen, tout rejet par la division d'examen d'une requête en remboursement à 75 % de la taxe d'examen au motif que l'examen quant au fond a déjà commencé (article 11b) RRT) doit s'appuyer sur des faits propres à démontrer objectivement qu'il en est ainsi.
La deuxième condition de l'article 11b) RRT, en cause dans cette affaire, nécessitait de savoir s'il était établi à la date du retrait de la demande que l'examen quant au fond (article 94(1) CBE) avait déjà commencé. La division d'examen devait avoir accompli un acte concret afférent à l'examen quant au fond après que la requête en examen avait été présentée. Dans la demande en question, aucun élément du dossier n'indiquait sur la base de critères objectifs que la division d'examen avait accompli un tel acte. En définitive, le seul élément sur lequel s'était appuyé le refus du remboursement partiel était l'indication selon laquelle le premier examinateur avait déjà entamé l'examen quant au fond. Or, il ne s'agissait là que d'une énonciation non motivée. La question de savoir si les conditions de l'article 11b) RRT avaient été remplies était une question de fait, et si la requête a été refusée parce que lesdites conditions n'avaient pas été remplies, la division d'examen devait en indiquer les motifs après avoir établi les faits. Affirmer qu'une condition prévue par une disposition n'est pas remplie sans se fonder sur les faits sous-jacents qui démontrent objectivement qu'il en est ainsi constituerait une décision arbitraire, non vérifiable, allant à l'encontre de toute sécurité juridique (G 3/08, JO OEB 2011, 10). La date marquant le début de l'examen quant au fond ne peut être déterminée objectivement en l'absence d'informations relatives aux critères pertinents à cet effet, et en l'espèce, il avait donc semblé que cette détermination avait été laissée à la discrétion de la division d'examen. Sans ces informations, le requérant, mais aussi la chambre, se trouvaient dans l'incapacité de déterminer si la décision selon laquelle l'examen quant au fond avait commencé était correcte ou non. Cette décision n'était donc ni prévisible, ni vérifiable, et allait ainsi à l'encontre des principes énoncés dans la décision G 3/08.
Selon la chambre, l'application de ces principes était particulièrement importante dans le cas d'espèce, premièrement parce que, dans la mesure où la décision que l'Office est tenu de prendre, par l'intermédiaire de la division d'examen, impliquait ses propres intérêts financiers, il importait que le processus décisionnel soit transparent pour préserver la confiance du public envers l'OEB, mais aussi que de telles décisions soient susceptibles de réexamen par les chambres de recours. Deuxièmement, seul l'Office avait accès à toutes les informations pertinentes, contrairement à un cas où, par exemple, une notification a été envoyée au demandeur donnant lieu à des faits vérifiables de l'extérieur sur la base desquels une décision de remboursement des taxes pourrait être rendue et faire l'objet d'un réexamen. C'est pourquoi il était important que le demandeur (et la chambre) aient eu connaissance des faits réels sur lesquels s'appuyait la décision. En conclusion, il ne pouvait être considéré comme établi en l'espèce que l'examen quant au fond avait commencé lorsque la demande a été retirée.
2. Paiement de la taxe d'opposition par ordre de débit
Dans l'affaire T 1265/10, bien qu'à la rubrique X ("Paiement de la taxe d'opposition") du formulaire OEB 2300 (opposition à un brevet européen), la case "comme indiqué sur le bordereau de règlement de taxes et de frais (formulaire OEB 1010) ci-joint" avait été cochée, l'OEB n'avait trouvé aucune pièce jointe de ce type. Le mandataire de l'opposant détenait un compte courant auprès de l'OEB et l'utilisait régulièrement.
La chambre a considéré que le fait d'avoir coché la rubrique X était aussi une déclaration d'intention, à savoir la volonté de payer la taxe d'opposition. Un ordre de débit devait pouvoir être identifié sans aucune ambiguïté et montrer une intention manifeste d'effectuer un paiement particulier (T 170/83, JO OEB 1984, 605 ; T 152/82, JO OEB 1984, 301 ; T 152/85, JO OEB 1987, 191). Dans l'affaire T 170/83, il avait été constaté que pour que l'OEB puisse conclure à l'existence d'une autorisation se fondant sur une appréciation des circonstances, il faut en premier lieu que la personne émettant l'ordre de débit (le titulaire du compte) soit connue et clairement indentifiable, et qu'elle ait manifesté son intention de régler par le moyen d'un ordre de débit (et non par un autre mode de paiement) des taxes données venant à échéance dans le cadre d'une procédure connue engagée devant l'OEB. Il ne doit y avoir aucun doute quant à l'identité et à l'intention réelle du titulaire du compte. En outre, l'examen des circonstances doit faire clairement apparaître que l'OEB peut et doit se considérer comme autorisé à exécuter l'ordre de débit sans autres précisions.
Dans l'affaire T 806/99, basée sur des faits presque identiques, la chambre avait constaté une intention claire de payer la taxe d'opposition. La déclaration faite en cochant la case "comme indiqué sur le bordereau de règlement de taxes et de frais (formulaire OEB 1010) ci-joint" à la rubrique X satisfaisait au moins aux exigences de forme imposées, et l'Office connaissait l'existence et le numéro de compte du mandataire. Il convenait de considérer également les circonstances dans lesquelles cette déclaration a été faite et les circonstances connues de l'Office à la réception de cette déclaration : le recours régulier du mandataire au paiement par la voie d'un débit du compte, la case "chèque" qui n'était pas cochée, l'acte d'opposition détaillé excluant la possibilité que l'opposition n'était pas sérieusement envisagée. La présente chambre a reconnu que la sécurité juridique était considérée comme extrêmement pertinente lorsqu'il s'agissait de former une opposition. La question à poser était la suivante : l'opposant a-t-il donné à l'Office une autorisation valable de débiter la taxe d'opposition de son compte courant ? Comme dans l'affaire T 806/99, la chambre a reconnu, dans ces circonstances, l'intention claire de l'opposant de payer la taxe d'opposition en autorisant, pour un cas précis, le débit d'un compte courant identifiable. Cela était suffisant pour conclure au paiement.
F. Droit de la preuve
1. Appréciation des preuves – usage antérieur public
Dans l'affaire T 2010/08, la chambre confirme les énonciations de la division d'opposition, selon lesquelles l'Office européen des brevets applique, en cas d'allégation relative à un usage antérieur, des exigences très strictes liées au standard (élevé) de preuve "au-delà de tout doute raisonnable". Cela découle notamment du fait que presque tous les éléments de preuve relèvent des connaissances de l'opposant, alors que le titulaire du brevet ne peut que contester ces preuves, en attirant l'attention sur des contradictions ou des lacunes. Contrairement à l'opinion du requérant/opposant, la chambre a fait observer qu'un opposant ne saurait par conséquent contourner l'obligation de prouver un usage antérieur au-delà de tout doute raisonnable en se prévalant de manière excessive du principe de l'examen d'office et en transférant la charge de la preuve qui lui incombe à la division d'opposition ou, le cas échéant, à la chambre de recours. Cela signifie que la division d'opposition ou, le cas échéant, la chambre de recours (et le titulaire du brevet attaqué) doivent disposer de faits et preuves qui leur permettent de constater les aspects suivants, sans devoir effectuer eux-mêmes d'autres recherches :
a) "objet" : en cas d'usage, l'opposant doit indiquer quelles caractéristiques et propriétés reconnaissables peuvent être objectivement déduites, selon lui, de l'état de la technique allégué. Il doit à cet égard établir une liste de caractéristiques se situant à un niveau d'abstraction suffisant pour que l'on puisse déterminer s'il existe une similitude ou identité de fond entre l'objet utilisé et l'objet du brevet attaqué.
b) "quand" : il s'agit de la date de l'utilisation, autrement dit de la question de savoir s'il y a eu un usage avant la date de dépôt de la demande ayant donné lieu au brevet (usage antérieur).
c) "comment" : cet aspect concerne toutes les circonstances de l'usage qui l'ont rendu accessible au public (en particulier à "qui"), par exemple le lieu et le type d'utilisation.
Selon la chambre, il importe également de savoir, compte tenu de la complexité des usages antérieurs, si l'opposant aurait pu et aurait dû soumettre antérieurement des moyens de preuve, comme la demande d'audition d'un témoin.
Contrairement à l'opinion du requérant, les usages antérieurs allégués n'avaient en l'espèce pas été prouvés de manière suffisamment certaine, à savoir au-delà de tout doute raisonnable.
Dans l'affaire T 1914/08, la division d'opposition avait considéré les dépositions de deux témoins comme les moyens de preuve décisifs, permettant d'attester de manière incontestable l'usage antérieur public allégué, dans la mesure exigée par la présente affaire. La chambre a elle aussi jugé que l'usage antérieur public était prouvé, les deux dépositions donnant chacune une image cohérente et complète du procédé en question. Par conséquent, l'appréciation des éléments de preuve par la division d'opposition, le niveau de preuves appliqué ("ne laissant place à aucun doute raisonnable"), ainsi que le résultat de cette appréciation, devaient être considérés comme corrects. Par ailleurs, la chambre n'a pas approuvé l'offre de preuves supplémentaires présentée par le titulaire du brevet/requérant. Etant donné que la division d'opposition avait conclu, après avoir apprécié librement les éléments de preuve, que l'usage antérieur public allégué avait été prouvé pour l'essentiel par les deux dépositions, et que le requérant n'était pas parvenu à remettre en question leur force probante, l'opposant/intimé n'avait aucune raison de déposer d'autres moyens de preuve, que ce soit pendant la procédure d'opposition ou pendant la procédure de recours (voir aussi le point VII.C.1.3).
2. Charge de la preuve
2.1 Répartition de la charge de la preuve
Dans l'affaire T 578/06, la chambre n'a pas fait sien le point de vue de la division d'examen, selon lequel la charge de la preuve incombe au demandeur de brevet dans une procédure ex parte, même si la division d'examen n'a pas émis d'objection motivée. Selon un principe admis de procédure devant l'OEB, celui ou celle qui soulève une objection supporte la charge de la preuve, ce qui signifie que des preuves, des faits ou tout autre type de justification doivent être produits à l'appui de cette objection. Il s'ensuit premièrement que pendant la procédure d'examen, la charge de la preuve ne peut pas peser initialement sur le demandeur en ce qui concerne les questions relatives aux exigences de brevetabilité et, deuxièmement, que si la division d'examen formule une objection, celle-ci doit être motivée de la manière appropriée.
Dans la présente affaire, la division d'examen n'avait pas motivé son objection. De plus, le passage tiré de la publication de l'OEB intitulée "La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets", 6e édition, 2010, page 640, sur lequel la division d'examen s'est appuyée, ne peut soutenir le point de vue de la division d'examen selon lequel, dans une procédure ex parte, il appartient au demandeur de prouver les faits jouant en sa faveur, puisque le passage en question a apparemment été sorti de son contexte. A cet égard, la chambre a précisé que ce passage concerne toutes les situations procédurales où, en réponse à une objection motivée de la division d'examen, le demandeur est tenu d'étayer ses allégations.
2.2 Déplacement de la charge de la preuve
Dans l'affaire T 1162/07, la chambre est partie du principe selon lequel il incombe à chacune des parties à une procédure de recours faisant suite à une opposition de prouver elles-mêmes les faits qu'elles invoquent. Si une partie a apporté des preuves convaincantes des faits qu'elle a avancés, elle a satisfait à cette obligation. Les preuves ne doivent pas nécessairement établir ces faits avec une certitude absolue pour être convaincantes, un degré de probabilité élevé suffisant à cette fin. Si une partie a fourni les preuves requises, il appartient à la partie adverse de prouver les arguments qu'elle oppose afin de tenter d'invalider les faits attestés de manière convaincante.
Dans la présente affaire, la chambre a dû déterminer à qui incombait la charge de la preuve pour le fait allégué par le requérant (titulaire du brevet), selon lequel le pigment commercialisé à la date de priorité du document (D3) ne correspondait pas à la liaison de coordination de mélamine revendiquée pour la fabrication de filtres colorés pour afficheurs à cristaux liquides. A cette fin, la chambre a dû en premier lieu établir si l'intimé avait bien apporté les preuves nécessaires attestant que l'objet des revendications n'était pas nouveau par rapport au document (D3). Les éléments de preuve produits par l'intimé ne pouvaient être considérés comme insuffisants que si le fait allégué par le requérant était vraisemblable. Etant donné que l'intimé avait effectivement apporté les preuves nécessaires, la chambre a conclu qu'il incombait désormais au requérant de prouver son allégation. Selon la chambre, il était indifférent, au regard de la répartition de la charge de la preuve, que le requérant ait plus facilement accès aux moyens de preuve correspondants que l'intimé. Elle n'a donc pas retenu l'argument du requérant selon lequel il n'avait pas accès à d'autres moyens de preuves.
G. Représentation
1. Pouvoir de représentation
Dans l'affaire T 267/08 le remplacement du mandataire agréé a été notifié par le nouveau mandataire lors du dépôt de l'acte de recours. Le mandataire précédent n'avait pas contacté l'OEB pour l'aviser de la cessation de son mandat. En pareil cas, la procédure à suivre est régie par la règle 152 CBE ensemble la Décision de la Présidente de l'Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de pouvoirs (édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007) ("Décision L.1 de la Présidente"). Cette décision dispose qu'en cas de remplacement d'un mandataire, et lorsque l'OEB n'a pas été avisé de la cessation du mandat du mandataire précédent "le nouveau mandataire est tenu de déposer, en même temps que l'avis relatif à la constitution de mandataire, un pouvoir particulier (original accompagné d'une copie) ou bien de faire référence à un pouvoir général déjà enregistré. S'il ne satisfait pas à cette exigence, il est invité à accomplir ces actes dans un délai imparti par l'Office européen des brevets."
Dans l'affaire en cause, la chambre, ayant constaté que le pouvoir déposé ne mentionnait pas le bon opposant, a invité le nouveau mandataire à déposer un pouvoir conformément à la règle 152(2) CBE. Le nouveau mandataire a envoyé le pouvoir par téléfax, mais a omis de déposer l'original. La chambre a conclu, en interprétant la Décision L.1 de la Présidente, que lorsque seule une copie du pouvoir est déposée en réponse à une invitation au titre de la règle 152(2) CBE, l'OEB n'a aucune obligation juridique de réclamer également le dépôt de l'original.
La chambre a indiqué que le dépôt d'un pouvoir valable pour le compte de l'opposant/requérant implique nécessairement le dépôt de l'original, ce qu'un mandataire agréé ne devrait pas ignorer. Selon la chambre, une simple invitation à déposer un pouvoir devrait suffire. La forme que ce pouvoir doit revêtir pour être accepté peut être déduite de la Décision L.1 de la Présidente. La responsabilité de déposer un pouvoir valable ne saurait être transférée à la chambre. La Décision de la Présidente de l'Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de demandes de brevet et d'autres pièces par téléfax (édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, A.3) interdit clairement le dépôt de pouvoirs par téléfax. La question de savoir si l'OEB renonce désormais systématiquement ou non à l'obligation de déposer une copie du pouvoir est sans importance puisqu'il est en tout état de cause interdit de déposer un pouvoir par téléfax (comme l'a fait le nouveau mandataire). Dans la présente espèce, il importait peu de savoir qui avait signé le pouvoir et en quelle qualité. Le problème demeurait qu'aucune version originale du pouvoir n'avait été déposée. La requête en rectification du pouvoir au titre de la règle 139 CBE ne changeait rien à la situation puisque l'original n'avait jamais été déposé, ce qui constituait l'irrégularité à l'origine des conclusions de la présente espèce et avait pour conséquence en droit que les actes procéduraux accomplis par le nouveau mandataire étaient réputés non avenus (règle 152(6) CBE). L'acte de recours était donc réputé ne pas avoir été produit si bien qu'aucun recours n'existait. En l'absence de recours, le paiement de la taxe de recours était non fondé et a donc été remboursé (cf. également le chapitre VI.A.1).
2. Désignation d'un groupement de mandataires
Dans l'affaire J 8/10 (JO OEB 2012, ***) la question était de savoir si les avocats pouvaient aussi appartenir à un groupement de mandataires au sens de la règle 152(11) CBE (ancienne règle 101(9) CBE 1973). Dans ce contexte, la chambre a examiné divers aspects pratiques et leurs conséquences juridiques. L'inscription d'un avocat en tant que membre d'un groupement avait été refusée par la décision attaquée de la division juridique.
La Décision de la Présidente de l'Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de pouvoirs (édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, 128) prévoit que les mandataires agréés ne doivent déposer un pouvoir que dans certains cas particuliers alors que les avocats doivent le faire dans tous les cas. Eu égard au pouvoir discrétionnaire du Président et à la transparence pour les personnes représentées, la chambre de recours juridique tient pour justifié et non arbitraire d'opérer une distinction entre les mandataires agréés et les avocats.
La Décision relative au dépôt de pouvoirs ne prévoit aucune disposition particulière concernant la désignation de groupements de mandataires. La règle 152(11) CBE dispose que la désignation d'un groupement de mandataires est réputée conférer pouvoir d'agir à tout mandataire qui peut prouver qu'il exerce au sein du groupement. Il en résulte une fiction juridique selon laquelle tout mandataire exerçant au sein du groupement bénéficie du pouvoir d'agir. Si un avocat habilité à agir en qualité de mandataire près l'OEB au titre de l'article 134(8) CBE devenait membre d'un groupement de mandataires, il pourrait par l'effet de cette fiction juridique de la règle 152(11) accomplir tout acte relevant du pouvoir conféré au groupement. Selon la disposition en vigueur prévue à l'article 2 de la Décision relative au dépôt de pouvoirs, tout avocat habilité à agir devant l'OEB doit déposer un pouvoir signé ou faire référence à un pouvoir général déjà enregistré.
Selon la chambre de recours juridique, ce conflit éventuel ne peut être résolu que si le groupement de mandataires au sens de la règle 152(11) CBE s'entend comme désignant un groupement de mandataires agréés. Aussi les avocats ne peuvent bénéficier de la fiction juridique de la règle 152(11) CBE. Le recours a en conséquence de quoi été rejeté.
3. Exposé oral par une personne accompagnant le mandataire agréé
Lors de la procédure orale qui a eu lieu devant la division d'opposition le 25 février 2008, ladite division n'a pas autorisé M. J à prendre la parole au nom du titulaire de brevet/requérant. Dans l'affaire T 1687/08, la chambre a estimé qu'il était satisfait aux exigences en matière de représentation par un avocat, du fait notamment que la lettre datée du 16 janvier 2008 constituait un pouvoir habilitant M. J à représenter le titulaire du brevet. Elle a indiqué qu'il ressortait du procès-verbal de la procédure orale et de la décision faisant l'objet du recours que la division d'opposition n'avait pas tenu compte de la qualité d'avocat de M. J en vertu de l'article 134(8) CBE. Considérant que ce dernier avait la qualité d'assistant, la division avait appliqué les critères énoncés dans la décision G 4/95 (JO OEB 1996, 412). En particulier, elle avait fondé son refus d'octroyer à M. J l'autorisation de prendre la parole sur le fait que le titulaire du brevet n'avait pas annoncé, avant la date fixée dans la citation à la procédure orale conformément à la règle 71bis CBE 1973, son intention de permettre à M. J de présenter un exposé oral. Or, le titulaire du brevet ayant demandé la participation de M. J à la procédure orale en qualité d'avocat au sens de l'article 134(8) CBE et non en qualité d'assistant au sens de la décision G 4/95, la division avait fondé cette décision sur la mauvaise disposition juridique. La chambre a conclu qu'un tel déni par la division d'opposition du droit de représentation devait être considéré comme un vice substantiel de procédure.
La chambre avait en outre jugé non convaincants les arguments de l'intimé selon lesquels le pouvoir figurant dans la lettre datée du 16 janvier 2008 avait été soumis tardivement puisque la règle 71bis CBE 1973 s'appliquait au dépôt de pouvoirs. Cette disposition ne concerne cependant que le dépôt de "documents", de "faits" ou de "preuves" et les pouvoirs ne relèvent d'aucune de ces catégories. La décision contestée a été annulée, l'affaire renvoyée et la taxe de recours remboursée.
H. Décisions des instances de l'OEB
1. Composition des organes compétents de première instance
Dans l'affaire T 1652/08, le changement de président de la division d'opposition est intervenu après l'envoi de la citation, mais avant la procédure orale. Jusqu'à la procédure orale, la procédure, et notamment toutes les communications entre la division d'opposition et les parties, se déroulait par écrit. La chambre constate que, lorsque la composition de la division d'opposition n'est pas modifiée entre la procédure orale et la clôture de la procédure, il n'y a aucun risque que la décision écrite ne reflète pas correctement les positions des trois membres présents lors de la procédure orale et qu'un nouveau membre arrivé après la procédure orale n'ait pas connaissance de ce qui s'y était effectivement dit (cf. T 862/98 avec un renvoi à la décision T 243/87).
La chambre a fait remarquer que la nouvelle présidente avait par conséquent eu la possibilité de prendre connaissance de tous les faits et arguments exposés par les parties avant qu'elle ne prenne ses fonctions, et qu'elle avait pu les apprécier au même titre que la présidente initialement désignée. La procédure orale a été tenue avec la division d'opposition dans sa nouvelle composition, qui n'a plus été modifiée jusqu'à la clôture de la procédure. La chambre a conclu qu'un changement de composition de la division d'opposition avant la procédure orale ne constitue pas en soi une violation du droit des parties à être entendues. La composition de la division d'opposition ayant toujours été correcte, il n'y a pas eu violation de l'article 19(2) CBE.
2. Motifs d'une décision
2.1 Non-respect des conditions énoncées à la règle 111(2) CBE
Dans l'affaire T 2375/10, la division d'examen avait rejeté l'unique requête du requérant au motif qu'elle n'impliquait pas d'activité inventive. La chambre a indiqué qu'en vertu de l'article 56 CBE, l'activité inventive doit être appréciée en tenant compte de l'état de la technique. Par conséquent, l'enchaînement logique de la division d'examen aurait dû contenir, dans la décision attaquée, une évaluation correcte de la question d'évidence à la lumière de l'état de la technique.
La chambre a fait remarquer que dans la décision attaquée, la division d'examen a conclu que l'objet revendiqué était dépourvu d'activité inventive. Ce faisant, la division d'examen s'est bornée à déclarer que le problème technique défini dans la demande telle que déposée n'avait pas été résolu dans toute l'étendue des revendications et elle n'a en outre pas reformulé le problème de manière moins ambitieuse, ni apprécié, à la lumière de l'état de la technique cité, l'évidence de la solution revendiquée à ce problème reformulé. Etant donné que l'exigence d'activité inventive définie à l'article 56 CBE est basée sur l'état de la technique, la chambre a considéré que la décision de la division d'examen, qui a conclu à une absence d'activité inventive sans se référer à l'état de la technique, n'était pas suffisamment motivée d'après la règle 111(2) CBE.
Dans l'affaire T 534/08, la chambre a estimé que la décision ne reflétait pas les considérations et les conclusions propres à la division d'opposition. En conséquence, la décision rendue par la division d'opposition ne pouvait être considérée comme motivée. Le simple résumé des moyens invoqués par une partie n'est pas en soi un raisonnement propre à l'instance décisionnaire (suivant T 1366/05).
La décision écrite n'expliquait pas clairement pourquoi la division d'opposition en était arrivée à cette conclusion, si elle avait entièrement adopté ou non les arguments de l'intimé, ou si elle avait ou non ses propres objections. De plus, la chambre a relevé que, contrairement à l'avis de la division d'opposition, les arguments exposés n'avaient pas été avancés par les parties durant la procédure écrite. Selon le procès-verbal, la question avait été examinée. Toutefois, aucun argument, de quelque partie que ce soit, n'était mentionné dans le procès-verbal, et ces arguments ne figuraient nulle part dans la décision écrite.
Compte tenu des lacunes que présentait la décision attaquée, les motifs de révocation du brevet en litige n'étaient pas clairs pour la chambre. Elle ne pouvait en effet déterminer comment la première instance était parvenue à ses conclusions négatives au regard de l'objet revendiqué. La chambre a dès lors conclu que la décision attaquée n'était pas motivée au sens de la règle 111(2) CBE.
Dans l'affaire T 180/10, la chambre a relevé qu'il était évident, à la lumière du contenu des notifications sur le fond de la division d'examen, que les motifs ayant amené la première instance à conclure à un défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive, ou à un manque de clarté pour cet objet, ne ressortaient pas suffisamment de la décision contestée. Contrairement à ce qui était indiqué dans la deuxième notification ("les explications du demandeur ... ont été examinées avec soin"), la division d'examen ignorait manifestement tous les arguments du requérant, étant donné que cette notification, et donc la décision, étaient muettes à ce sujet. Par conséquent, la décision attaquée n'était pas motivée à cet égard. En outre, il était également évident qu'en rendant la décision attaquée, la division d'examen n'avait pas suivi les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB, qui précisent que l'exposé des motifs doit contenir, dans un ordre logique, les arguments qui justifient le dispositif.
La chambre a conclu que la décision attaquée ne satisfaisait pas à l'exigence prévue à la règle 111(2) CBE, selon laquelle les décisions doivent être motivées (cf. par exemple les décisions T 1309/05, T 1356/05, T 1709/06 et T 1442/09). Une décision motivée doit traiter les arguments de la partie déboutée et doit s'assurer qu'elle traite suffisamment les contre-arguments qui ont été avancés et qu'elle expose les motifs à l'appui de ce qui y est allégué. Le défaut de motivation d'une décision constitue un vice substantiel de procédure, car il prive le requérant de toute argumentation qu'il pourrait invoquer dans son recours et que la chambre ne peut pas examiner de manière appropriée les raisons pour lesquelles la division d'opposition est parvenue à ses conclusions.
I. Autres questions de procédures
1. Généralités
Dans l'affaire T 1535/10, la chambre de recours a jugé que les obstacles et les retards dans la réception des décisions, dont la règle 126(1) CBE prévoit qu'elles doivent être signifiées, relèvent du domaine des risques : l'Office doit supporter aussi bien les risques qui relèvent de sa propre responsabilité que les risques dits de transport, par exemple le risque de perte d'une lettre lors de son acheminement au destinataire.
La chambre de recours distingue toutefois les risques qui relèvent de la compétence du destinataire, par exemple si un employé ou la personne chargée de la réception ne fait pas suivre la lettre délivrée à l'adresse professionnelle ou la transmet avec du retard. On considère qu'une lettre a été reçue et que les risques relèvent dès lors de la compétence du destinataire lorsque la lettre lui parvient et qu'il peut en prendre connaissance, et ce qu'il soit (définitivement) en sa possession ou qu'il ait déjà pris connaissance du contenu.
Concernant la question de la signification des communications assorties d'un délai, le destinataire ne disposant pas d'un bureau du courrier qui lui est propre et utilisant à la place un bureau du courrier "étranger" doit reconnaître ce bureau "étranger" comme son propre bureau du courrier. Tout retard dans la transmission de la lettre par ce bureau du courrier doit être considéré comme relevant de la responsabilité du destinataire.
2. Exclusion de l'inspection publique au titre de la règle 144 CBE
Dans l'affaire J 23/10, le requérant avait soumis, durant la procédure de recours, la copie d'une feuille de calcul générée tous les mois par son système de suivi, indiquant les demandes pour lesquelles les taxes annuelles sont prochainement exigibles. Le requérant avait soumis ce document comme preuve du bon fonctionnement de son système de suivi dans le cadre de sa requête en restitutio in integrum. Le requérant a demandé l'exclusion de ce document de l'inspection publique en vertu de la règle 114 CBE, étant donné qu'il contenait un grand nombre de demandes déposées dans le monde entier. Selon le requérant, toutes les demandes reprises sur la feuille de calcul étaient certes publiées, mais la liste fournissait des informations détaillées aux concurrents. Le document montrait également que le requérant payait les taxes annuelles afférentes à certaines demandes pour lesquelles il n'était pas le demandeur inscrit, mais dont il avait été chargé, sans que cela n'ait été rendu public.
La chambre a jugé que la publication de ce document pouvait porter atteinte aux intérêts du requérant parce qu'il avait trait à des informations sur des transferts internes et montrait notamment que le requérant payait les taxes annuelles afférentes à certaines demandes pour lesquelles il n'était pas le demandeur inscrit. De plus, le contenu du document était réputé être non pertinent pour l'évaluation de l'affaire en tant que telle et n'a donc joué aucun rôle dans la décision de la chambre. Par conséquent, la chambre a décidé que le document en question serait exclu de l'inspection publique.
VII. PROCEDURE DEVANT L'OEB
A. Examen préliminaire et quant à la forme
1. Production ultérieure de parties manquantes de la description ou de dessins manquants
Dans l'affaire T 2166/10, le titulaire du brevet a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de révoquer son brevet, lequel avait été délivré sur la base d'une demande euro-PCT. Il manquait certaines pages de la description dans la demande initiale, et la division d'opposition avait estimé que seules les pages déposées initialement pouvaient bénéficier de la date du dépôt international. L'objet du brevet tel que délivré s'étendait par conséquent au-delà du contenu de la demande telle que déposée.
La chambre a constaté que le Bureau international avait estimé que la description déposée initialement ne comprenait pas les pages manquantes et que, conformément à une requête conditionnelle du titulaire du brevet, l'IPEA avait tenu compte des modifications déposées avec la demande d'examen préliminaire international présentée au titre de l'article 31 PCT, si bien que de nouveaux paragraphes avaient été ajoutés à la description telle que déposée.
De l'avis de la chambre, il ne faisait aucun doute que l'examen préliminaire et le brevet en litige étaient partiellement fondés sur de nouvelles pages de la description qui avaient été produites au cours de la procédure d'examen préliminaire international par le biais de modifications et qui faisaient défaut dans la demande telle que déposée initialement. Le demandeur n'avait jamais soulevé la question des pages manquantes ni présenté une requête en rectification de la date de dépôt (cf. J 3/00). Il n'avait pas non plus présenté ultérieurement de requête en rectification d'une erreur dans la décision de délivrance du brevet.
Par conséquent, la chambre a conclu que la division d'opposition avait estimé à juste titre que la demande telle que déposée ne comportait pas les pages manquantes de la description. Le recours a dès lors été rejeté.
B. Procédure d'examen
1. Recevabilité de modifications ultérieures
1.1 Modifications portant sur des éléments qui n'ont pas fait l'objet de la recherche
L'article 92 CBE exige que le rapport de recherche européenne soit établi sur la base des revendications, en tenant dûment compte de la description et des dessins existants.
Dans l'affaire T 789/07, la chambre a constaté que la division de la recherche doit généralement déterminer comment, à la lumière de la description et des dessins, il y a lieu d'interpréter une caractéristique revendiquée, afin que celle-ci puisse faire l'objet d'une recherche complète au sens de l'article 92 CBE et conformément aux directives. Ce n'est qu'en procédant de cette façon que la division de la recherche peut évaluer correctement quelles modifications sont susceptibles d'être apportées aux revendications au cours de la procédure d'examen et dans le cadre de la divulgation initiale. Il convient de s'appuyer également sur cette interprétation pour faire une comparaison avec l'invention ou la pluralité d'inventions revendiquée initialement, et établir s'il est satisfait à la règle 86(4) CBE 1973. De plus, selon la chambre, une caractéristique revendiquée qui entre dans le champ couvert par la recherche doit être considérée comme ayant fait l'objet de la recherche au sens de la règle 86(4) CBE 1973, même si, en réalité, elle n'a donné lieu à aucune recherche dans un cas particulier.
2. Examen quant au fond sans recherche additionnelle
Dans l'affaire T 1411/08, la chambre a indiqué que lorsqu'une division de la recherche a décidé de ne pas effectuer de recherche, la division d'examen n'est pas toujours tenue d'effectuer une "recherche additionnelle" avant d'élever une objection pour absence d'activité inventive. En effet, ainsi qu'il a été précisé dans la décision T 1242/04 (JO OEB 2007, 421), "Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, il est possible de soulever une objection de défaut d'activité inventive en l'absence d'état de la technique matérialisé par des documents … Ceci doit alors être possible lorsqu'une telle objection se fonde sur des connaissances techniques "notoires", ou qui relèvent incontestablement des connaissances générales de l'homme du métier". De tels cas sont toutefois exceptionnels, et une recherche est nécessaire le reste du temps.
En l'espèce, la chambre a déclaré que ces connaissances "notoires", qui ne nécessitent aucune recherche avant qu'une objection pour absence d'activité inventive ne soit élevée, désignent premièrement des éléments qui sont tellement connus que leur existence à la date de priorité ne peut être raisonnablement contestée. Il convient de distinguer de telles connaissances des connaissances générales de l'homme du métier, qui peuvent en règle générale être raisonnablement mises en cause. Ces connaissances "notoires" s'entendent deuxièmement dans le sens où elles se rapportent à des caractéristiques génériques, c'est-à-dire à des caractéristiques définies de telle sorte que les détails techniques ne sont pas significatifs. La chambre a fait observer que l'examen d'une combinaison de caractéristiques au regard de l'activité inventive porte normalement sur des questions telles que les avantages et inconvénients que cette combinaison est censée avoir, et les domaines techniques dans lesquels elle est utilisée. C'est précisément le type d'informations qu'une recherche devrait dévoiler. D'un autre côté, une revendication peut être rédigée de telle manière que ces questions ne se posent pas. Les éléments de l'état de la technique qui reflètent ces caractéristiques génériques sont, de fait, ce que la chambre entend par "notoires". La chambre a été d'avis que la division d'examen aurait pu et aurait dû s'assurer qu'une recherche avait été effectuée avant de rejeter la demande pour absence d'activité inventive. Cette absence de recherche a eu pour conséquence que la décision était fondée sur un état de la technique qui ne pouvait être raisonnablement évalué. La chambre a considéré que l'absence de "recherche additionnelle" constituait un vice substantiel de procédure, et a ordonné le remboursement de la taxe de recours.
2.1 Nouvelle notification émise au titre de l'article 113(1) CBE
Conformément à l'article 113(1) CBE, les décisions de l'OEB ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position.
Dans l'affaire T 1388/10, le requérant a fait valoir que le rejet de la demande était irrégulier, puisqu'une première notification au cours de l'examen ne peut être suivie immédiatement d'un rejet que si le demandeur n'a pas véritablement répondu ("de bonne foi") à cette première notification. Or, la réponse du demandeur constituait, dans la présente espèce, une tentative réelle ("de bonne foi") de lever les objections émises par la division d'examen. Par conséquent, la demande n'aurait pas dû être rejetée sans qu'une nouvelle "mise en garde" ne soit adressée au demandeur.
La chambre a fait observer à ce sujet que l'envoi d'une ou de plusieurs notifications au demandeur relève du pouvoir d'appréciation de la division d'examen (cf. Directives relatives à l'examen, édition d'avril 2010, point C-VI, 4.3, dernier paragraphe). Dans ce contexte, il convient toutefois de noter que les Directives relatives à l'examen ne peuvent servir que d'orientation générale, couvrant les cas normaux. L'application des directives à des cas spécifiques concrets est de la responsabilité de la division d'examen, qui peut s'écarter des directives dans des cas exceptionnels. Contrairement à la CBE et à son règlement d'exécution, les directives ne constituent pas un texte de loi (cf. à ce sujet Directives relatives à l'examen, édition d'avril 2010, partie générale, point 3.2).
La chambre a fait remarquer que lorsqu'une chambre de recours se penche sur les décisions des divisions d'examen, elle ne juge pas si la division d'examen s'est conformée aux directives, mais si les limites fixées par la CBE et par le règlement d'exécution pour l'exercice du pouvoir d'appréciation ont été respectées. Selon la chambre, la division d'examen, en décidant en l'espèce de ne pas faire suivre sa première notification par une notification supplémentaire au titre de l'article 94(3) CBE, a agi dans les limites de son pouvoir d'appréciation. La chambre a estimé qu'il n'y avait pas eu d'exercice irrégulier de ce pouvoir d'appréciation (voir aussi le point II.B.2).
3. Prise en considération de l'article 84 CBE en cas de requêtes multiples
Dans le sommaire de la décision T 75/09, la chambre a indiqué que lorsque – comme dans la présente espèce – toutes les requêtes présentent une caractéristique commune qui est réputée ne pas satisfaire aux exigences de l'article 84 CBE, entraînant par là même le rejet des requêtes de rang supérieur, toutes les requêtes de rang inférieur qui conservent cette caractéristique doivent être rejetées pour le même motif.
Le fait que la caractéristique incriminée ne doive plus être invoquée dans une requête de rang inférieur pour établir une distinction par rapport à l'état de la technique ne remédie pas à l'irrégularité au titre de l'article 84 CBE. Il ne permet pas non plus à l'instance qui rend la décision d'ignorer l'irrégularité.
Il faut en particulier garder à l'esprit que l'importance d'une caractéristique peut se manifester seulement à un stade ultérieur de la vie du brevet, par exemple dans une procédure d'opposition ou de nullité.
4. Fondement juridique pour rejeter une demande si aucun texte n'est proposé ou accepté
Conformément à l'article 113(2) CBE, l'OEB n'examine et ne prend de décision sur la demande de brevet européen ou le brevet européen que dans le texte proposé ou accepté par le demandeur ou par le titulaire du brevet.
Dans l'affaire T 888/07, la chambre a estimé que si la division d'examen refuse d'autoriser le dernier jeu de revendications modifiées qui a été déposé, conformément à la règle 86(3) CBE 1973, en remplacement des revendications figurant antérieurement au dossier, le précédent jeu de revendications que la division d'examen avait accepté d'examiner, mais qui n'avait pas été maintenu en tant que requête subsidiaire, n'est pas automatiquement rétabli. La chambre a fait observer que, conformément à l'article 113(2) CBE et à la jurisprudence constante (cf. par exemple décision T 237/96), une décision ne peut pas être fondée sur le jeu de revendications antérieur. L'article 113(2) CBE 1973 dispose que l'Office européen des brevets n'examine et ne prend de décision sur la demande de brevet européen ou le brevet européen que dans le texte proposé ou accepté par le demandeur ou par le titulaire du brevet. Une décision visant à rejeter une demande au motif que les revendications figurant antérieurement au dossier n'étaient pas admissibles aurait contrevenu à l'article 113(2) CBE 1973, puisque ces revendications n'avaient pas été maintenues.
5. Retrait de la demande de brevet - présomption de publication officielle
Le demandeur est lié par toute déclaration de retrait valablement effectuée et parvenue à l'OEB, même si, en cas de retrait effectué par erreur, la règle 139 CBE (règle 88 CBE 1973) peut être applicable.
Dans l'affaire J 1/11, le requérant ne contestait pas le fait qu'il n'était plus possible d'annuler un retrait une fois que celui-ci avait été publié au Bulletin européen des brevets. Il s'agissait en l'occurrence de savoir si la publication du retrait au Registre européen des brevets devait avoir les mêmes conséquences juridiques. Le requérant a fait valoir que malgré les similitudes techniques et fonctionnelles du Registre et du Bulletin, seule une inscription au Bulletin impliquait une présomption de publication officielle. La chambre a constaté que le Registre européen des brevets prévu à l'article 127 CBE et le Bulletin européen des brevets visé à l'article 129a) CBE sont tous deux des sources officielles d'information du public. Rien ne permet d'établir lequel des deux est plus officiel, plus fiable ou plus décisif. Cela ne veut pas dire que le Bulletin n'a qu'une fonction d'information. Contrairement à l'argument avancé par le requérant, les inscriptions au Bulletin ne sont pas plus "gravées dans le marbre" que celles du Registre, et elles peuvent être rectifiées soit au titre de la règle 140 CBE, soit par une décision. Aussi, en ce qui concerne la fonction d'information du public, la chambre ne pouvait en conclure qu'il existait une différence fondamentale entre le Registre et le Bulletin.
En conclusion, la chambre a décidé que force était de rejeter les requêtes du requérant visant à annuler le retrait de sa demande pour corriger une erreur au titre de la règle 139 CBE.
C. Particularités de la procédure d'opposition et de la procédure de recours
1. Moyens invoqués tardivement
1.1 Présentation de nouveaux arguments pendant une procédure de recours
Dans l'affaire T 1621/09, la chambre a examiné s'il y avait lieu de tenir compte du nouveau moyen ou argument présenté par le requérant/opposant. Dans les motifs du recours, le requérant avait contesté la nouveauté et l'activité inventive en se fondant sur une des diapos d'une présentation. Pendant la procédure orale, il s'est référé pour la première fois à d'autres diapos de la même présentation. La chambre a indiqué que le requérant a cherché à faire valoir, pendant la procédure orale, d'autres moyens ou des moyens différents, qui, bien que fondés sur des faits et preuves déjà invoqués pendant la procédure, étaient contraires aux moyens invoqués antérieurement.
Il appartient uniquement à la chambre de recours de déterminer, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, si un nouvel argument présenté par une partie pendant une procédure de recours, et ayant pour effet de modifier les moyens invoqués, peut être introduit en tant que modification au titre de l'article 13 RPCR, et ce même si cet argument repose sur des faits et preuves déjà admis dans la procédure. Dans la mesure où la décision de la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 4/92 (JO OEB 1994, 149) traite de la recevabilité, sur un plan général, de nouveaux arguments présentés pendant une procédure de recours, force est de considérer qu'elle a été modifiée par la révision du RPCR, entrée en vigueur le 1er mai 2003.
Dans l'affaire examinée, l'intimé/titulaire du brevet n'était pas présent à la procédure orale lorsque la question de la modification s'est posée. La chambre s'est demandé comment, lorsqu'un nouvel argument modifiant les moyens d'une partie est invoqué pour la première fois pendant une procédure orale, elle doit exercer son pouvoir d'appréciation pour admettre la modification correspondante si la partie lésée n'assiste pas à la procédure orale, bien qu'elle ait été dûment citée à comparaître. La chambre, examinant les liens entre l'article 15(3) et l'article 13(2) et 13(3) RPCR, a déclaré que l'article 13(2) RPCR doit être interprété en liaison avec l'article 15(3) RPCR et que, par conséquent, l'absence d'une partie dûment citée n'empêche pas une chambre d'admettre une modification des moyens d'une autre partie et de statuer sur la base des moyens modifiés. Il convient toutefois de tenir compte de l'absence de cette partie pour exercer ce pouvoir d'appréciation. Dans l'affaire en cause, la chambre a cependant décidé de ne pas autoriser le requérant à modifier ses moyens, notamment parce que le nouvel argument en question constituait une nouvelle manière de présenter les moyens du requérant concernant la nouveauté, et qu'il avait une incidence sur la remise en cause de l'activité inventive. Le nouvel argument avait été invoqué au dernier stade de la procédure de recours, à savoir pendant la procédure orale, en l'absence de l'intimé, et il n'y avait aucun élément montrant pourquoi ce nouvel argument n'avait pu être invoqué antérieurement.
Dans l'affaire T 1069/08, les conclusions de la division d'examen concernant la non-évidence de l'objet revendiqué n'avaient pas été contestées dans l'acte d'opposition de l'opposant, et la division d'opposition avait estimé qu'il n'y avait aucune raison de les examiner d'office. De plus, cette question n'avait pas été soulevée dans l'acte de recours du requérant. Ce n'est que pendant la procédure orale que le requérant/opposant a demandé à la chambre de lui permettre de présenter ses arguments concernant la non-évidence de l'objet revendiqué. La chambre n'a pas fait droit à cette requête pour les raisons suivantes.
Dans son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant n'avait pas invoqué d'argument concernant l'évidence de l'objet revendiqué. Par conséquent, l'introduction de ce nouvel argument pendant la procédure orale représentait une modification des moyens du requérant (article 13(1) RPCR). L'admission et l'examen de cet argument étaient donc laissés à l'appréciation de la chambre. Le requérant n'avait pas jugé nécessaire d'introduire ce nouvel argument dans la procédure de recours en dépit de la notification de la chambre qui faisait référence à la procédure d'examen et au lien entre la suffisance de l'exposé et l'activité inventive. Le requérant, en ne présentant pas le nouvel argument en réponse à la notification de la chambre, avait dès lors privé les intimés de la possibilité de prendre position à ce sujet et/ou de revenir sur leur intention de ne pas assister à la procédure orale.
1.2 Economie de la procédure
Dans l'affaire T 1488/08, la chambre s'est référée à la jurisprudence constante, selon laquelle un mémoire de recours qui se réfère simplement sur un plan général à des moyens invoqués en première instance ne saurait se substituer à un exposé explicite des motifs de droit et de fait. Elle a indiqué qu'en se fondant uniquement sur le mémoire exposant les motifs du recours, elle n'avait aucune raison d'examiner les motifs relatifs à l'extension inadmissible de l'objet et à l'absence de nouveauté, sans faire elle-même des recherches. Ces nouvelles objections n'avaient été soulevées qu'après la réponse de l'intimé et avaient donc été invoquées tardivement. Il appartenait dès lors à la chambre, conformément à l'article 13(1) RPCR, de déterminer si elles pouvaient être admises dans la procédure.
La chambre a fait observer que les requérants n'avaient pas soumis de raison objective justifiant la présentation des motifs de l'extension de l'objet et de l'absence de nouveauté à un stade postérieur à la formation du recours. La tentative des requérants de réintroduire ces motifs ne pouvait donc être considérée que comme un changement de défense, dicté par des tactiques procédurales (tactique du "salami"). Sur cette seule base, la chambre a estimé que, compte tenu de l'économie de la procédure, elle ne devait pas autoriser, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, les motifs présentés tardivement, relatifs à l'extension de l'objet et à l'absence de nouveauté. Dans un souci d'exhaustivité, la chambre a également examiné si, à première vue, ces motifs présentés tardivement mettraient valablement en cause la brevetabilité de l'objet revendiqué, et a conclu que cela n'était pas le cas. Pour des raisons d'économie de procédure, la chambre, exerçant son pouvoir d'appréciation, n'a donc pas autorisé les motifs présentés tardivement, relatifs à l'extension de l'objet et à l'absence de nouveauté.
1.3 Documents produits tardivement, relatifs à un usage antérieur public
Dans l'affaire T 1914/08, l'intimé, réagissant aux objections mentionnées par le requérant dans les motifs de son recours, avait annoncé à un stade précoce le dépôt d'autres documents relatifs à l'usage antérieur public qui était allégué et aux preuves l'attestant. Or, l'intimé n'avait produit les documents annoncés que plus de deux ans plus tard, soit peu avant la date fixée pour la procédure orale, ce qu'il avait justifié en faisant valoir les difficultés économiques auxquelles il avait dû faire face entre-temps.
La chambre, exerçant son pouvoir d'appréciation en la matière, a estimé que le fait de produire tardivement des documents annoncés antérieurement, et donc disponibles, sans invoquer de motif propre à la procédure en cours, n'était pas compatible avec un déroulement régulier de la procédure. Les documents produits tardivement n'ont donc pas été admis dans la procédure (cf. aussi le point VI.F.1).
2. Intervention
L'article 105(1)a) et la règle 89 CBE donnent à un tiers la possibilité d'intervenir, sous certaines conditions, dans la procédure d'opposition après l'expiration du délai d'opposition, s'il apporte la preuve qu'une action en contrefaçon fondée sur ce brevet a été introduite à son encontre. Dans la décision T 1196/08 l'action en contrefaçon devant le tribunal roumain avait pour objet un brevet roumain (qui avait été) obtenu par extension du brevet européen en cause à la Roumanie.
Pour que l'intervention soit recevable, l'action en contrefaçon doit être fondée sur le brevet européen qui fait l'objet de la procédure dans laquelle l'intervention est sollicitée (T 338/89 et T 446/95). La chambre a conclu que "ce brevet" au sens de l'article 105(1)a) CBE est un brevet européen au sens de l'article 2(1) CBE 1973, c'est-à-dire un brevet délivré pour un ou plusieurs Etats contractants en vertu de la Convention, laquelle est un droit commun aux Etats contractants en matière de délivrance de brevets d'invention, conformément à l'article 1er CBE 1973. En conséquence, l'action en contrefaçon devant une juridiction nationale doit être introduite à propos d'un brevet européen qui a été délivré en vertu de la Convention pour au moins un Etat contractant afin de remplir les conditions de l'article 105(1)a) CBE.
La Chambre a constaté qu'un brevet résultant de l'extension des effets d'un brevet européen au territoire d'un Etat autorisant l'extension n'est pas un brevet européen au sens de l'article 2(1) CBE 1973 parce que l'extension et les conséquences juridiques en découlant reposent exclusivement sur le droit national de l'Etat autorisant l'extension. Il s'ensuit qu'une intervention fondée sur une action en contrefaçon, dont l'objet est un brevet obtenu par l'extension des effets d'un brevet européen au territoire d'un Etat autorisant l'extension, ne remplit pas une des conditions requises à l'article 105(1)a) CBE et est donc irrecevable.
Dans l'affaire T 7/07, la chambre a considéré que le brevet en cause n'avait pas été délivré pour la Lituanie au titre de la CBE, dans la mesure où ce pays était un Etat autorisant l'extension et ne pouvait donc être désigné en vue de la délivrance d'un brevet européen. Le droit national d'un Etat autorisant l'extension régit la procédure d'extension et les effets juridiques de l'extension. L'action en contrefaçon se fondait sur un brevet qui avait été délivré dans un certain nombre d'Etats parties à la CBE et qui produisait également ses effets en Lituanie sur la seule base du droit national lituanien, qui confère le même effet à ce brevet qu'à un brevet national. L'action en contrefaçon ne reposait donc pas sur le brevet européen en cause dans la procédure d'opposition. La chambre s'est ralliée aux conclusions de l'affaire T 1196/08, selon lesquelles une intervention fondée sur une action en contrefaçon d'un brevet qui produit ses effets dans un Etat précis, sur la seule base du droit national, est irrecevable. Les moyens invoqués par l'intervenant ont donc été considérés comme des observations de tiers au titre de l'article 115 CBE (cf. également I.B.1.3 et VIII.2.1).
3. Article 115 CBE – Observations présentées par des tiers
Dans l'affaire T 146/07, l'opposant était l'unique requérant contre la décision intermédiaire de la division d'opposition. Des observations anonymes de tiers avaient été reçues par la chambre à un stade très tardif. La règle 114(1) CBE dispose que les observations des tiers doivent être présentées par écrit.
La chambre a souligné que cette exigence implique que les observations doivent être signées (cf. règles 50(3) et 86 CBE) afin que le tiers puisse être identifié. L'identification est particulièrement importante dans le cadre de la procédure d'opposition, car l'organe compétent de l'OEB doit pouvoir vérifier que les observations sont effectivement présentées par un tiers, et non par une partie à la procédure. Dans le cas contraire, une partie pourrait être tentée de présenter des observations et/ou des documents de manière tardive au moyen d'observations anonymes de tiers en vue d'éviter des conséquences procédurales négatives telles que la répartition des frais.
Si une partie à une procédure soumet un document non signé, l'OEB l'invite à remédier à cette irrégularité. Si le document n'est pas signé dans les délais, il est réputé non déposé (cf. règle 50(3) CBE). Puisque les observations de tiers présentées de manière anonyme et non signées ne permettent pas à l'OEB d'envoyer une telle invitation, elles restent nécessairement non signées, si bien qu'elles sont réputées ne pas avoir été présentées.
La chambre n'ignore pas que les observations de tiers présentées anonymement peuvent toutefois être adoptées par une partie à une procédure comme étant les siennes ou qu'elles peuvent même donner lieu d'office à des objections de la part de l'organe compétent de l'OEB (cf. la décision T 735/04, qui traitait du cas exceptionnel où un tiers anonyme avait soumis une demande de brevet très pertinente de l'un des titulaires du brevet). En l'absence d'un tel acte de procédure, les observations de tiers ne peuvent nullement entrer en ligne de compte. Cette interprétation est conforme aux décisions G 1/03 et G 2/03 (JO OEB 2004, 413 et 448), dans lesquelles la Grande Chambre de recours a refusé de prendre en considération la déclaration d'un tiers déposée anonymement. Les observations anonymes soumises au titre de l'article 115 CBE ont donc été réputées ne pas avoir été présentées et n'ont pas été prises en considération par la chambre.
Dans l'affaire T 1336/09, la chambre a en revanche conclu que dans la procédure ex parte en cause, le caractère anonyme des observations des tiers n'empêchait pas de les admettre dans la procédure. Les observations des tiers, qui n'avaient été présentées que quatre jours ouvrables avant la procédure orale prévue, citaient deux nouveaux documents qui étaient manifestement très pertinents à l'égard de plusieurs des requêtes figurant au dossier. Bien qu'ayant été informé de la présentation des observations avant la procédure orale, le requérant n'avait demandé ni leur exclusion de la procédure, ni le report de la procédure orale. Au début de la procédure orale, il avait présenté une requête modifiée qui tenait dûment compte des nouvelles citations.
S'agissant du caractère anonyme des observations présentées au titre de l'article 115 CBE, la chambre a souligné que la Décision du Président de l'OEB et le Communiqué de l'OEB relatifs au dépôt d'observations par des tiers au titre de l'article 115 CBE (JO OEB 2011, 418 et 420), autorisent les observations de tiers non signées et anonymes. La chambre a affirmé que ces dispositions sont conformes aux décisions antérieures des chambres, qui admettent de telles observations aussi bien dans des procédures de recours ex parte qu'inter partes, sans aucune réserve apparente concernant leur caractère anonyme (T 258/05, T 735/04).
La règle 114(1) CBE prescrit uniquement que les observations des tiers doivent être présentées par écrit dans une langue officielle de l'OEB et être motivées. De l'avis de la chambre, la règle 50(3) CBE et, par analogie, la règle 86 CBE, qui imposent de signer les documents produits au cours de la procédure d'examen ou d'opposition, ne s'appliquent pas directement aux observations des tiers. De fait, la présence, dans le texte anglais de la règle 50(3) CBE, liée au cas d'une signature manquante, des termes "the party concerned", indique que la règle traite du dépôt de documents par une partie à une procédure, ce que n'est manifestement pas une personne qui présente des observations de tiers, comme mentionné expressément par l'article 115 CBE.
La chambre n'a pas ignoré la décision T 146/07, dans laquelle la chambre instruisant l'affaire n'avait pas tenu compte des observations des tiers en raison de leur caractère anonyme, notamment parce qu'elle avait apprécié différemment la pertinence, pour cette question, de la règle 50(3) CBE et des décisions G 1/03 et G 2/03 (JO OEB 2004, 413 et 420, dans lesquelles la Grande Chambre de recours n'avait pas pris en considération une déclaration déposée anonymement au sujet de l'admissibilité des disclaimers). Contrairement au cas présent, l'affaire T 146/07 concernait un recours inter partes et soulignait que l'identification est particulièrement importante dans le cadre de la procédure d'opposition, car l'organe compétent de l'OEB doit pouvoir vérifier que les observations sont effectivement présentées par un tiers, et non par une partie à la procédure.
Dans l'affaire T 1336/09, la chambre a fait observer que dans une procédure ex parte en revanche, le requérant est la seule partie à la procédure et il peut à tout moment soulever de nouvelles questions ou soumettre un nouvel état de la technique, à l'instar de la chambre, qui peut agir d'office en vertu de l'article 114(1) CBE. Le risque de voir des observations anonymes de tiers couvrir des abus de procédure peut donc être en grande partie exclu.
4. Transmission de la qualité de partie
4.1 Transmission de la qualité d'opposant au successeur universel
Dans l'affaire T 1421/05, la chambre a dû notamment examiner le cas où un opposant transfère à une autre société l'activité économique dans l'intérêt de laquelle l'action en opposition a été intentée, puis cesse d'exister, afin de déterminer si un recours formé ultérieurement au nom de la société qui a cessé d'exister est recevable. La chambre a répondu par l'affirmative.
Une action en opposition peut être transmise ou cédée à titre d'accessoire de l'élément patrimonial (activité économique) de l'opposant conjointement avec cet élément dans l'intérêt duquel l'action en opposition a été intentée. Lorsque l'activité économique liée à la formation de l'opposition a été transmise et que le cédant a simultanément accepté par voie contractuelle de transmettre l'action en opposition au cessionnaire, le cédant reste l'opposant si l'Office ne reçoit a) ni preuves étayant suffisamment le transfert b) ni une requête visant à faire reconnaître la transmission de la qualité d'opposant. Lorsque, dans un tel cas de figure, le cédant cesse ultérieurement d'exister mais a un successeur universel, la qualité d'opposant peut être transmise à ce successeur. La simple possibilité d'un abus (au sens de la décision G 3/97, JO OEB 1999, 245) résultant de tels événements n'empêche pas la transmission de la qualité d'opposant sous cette forme ; il incombe au titulaire de prouver les abus concernés. Voir également les points VII.E.2.1 et VII.E.4.3.1.
4.2 Qualité de titulaire du brevet
Dans l'affaire T 128/10, le brevet délivré à X avait été frappé d'opposition et révoqué. Un recours avait été formé au nom de G et un acte de cession entre X (cédant) et G (cessionnaire) avait été produit simultanément. La taxe d'administration relative à la requête en transfert au titre de la règle 22(2) CBE n'avait cependant été acquittée qu'après l'expiration du délai de recours.
La chambre a estimé que pour faire inscrire le transfert d'un brevet européen au Registre européen des brevets, la partie intéressée doit présenter une requête, produire des documents prouvant ce transfert et acquitter une taxe d'administration, comme prescrit par les dispositions conjointes de la règle 22 CBE et de la règle 85 CBE. Ces conditions ne doivent pas nécessairement être remplies en même temps. Si elles sont remplies à des dates différentes, le transfert n'a d'effet à l'égard de l'OEB qu'à partir de la date à laquelle la partie intéressée a satisfait à toutes les conditions précitées.
La chambre a considéré que la date effective du transfert du brevet à G était la date de paiement de la taxe d'administration, qui était en dehors du délai de recours. Le recours a été rejeté pour irrecevabilité (voir également le point VII.E.4.3.1).
5. Renonciation au brevet ou extinction
5.1 Présentation d'une requête en révocation du brevet
Dans l'affaire T 1610/07, l'intimé/titulaire du brevet demandait le retrait du brevet. La chambre a fait observer que la procédure au titre de la CBE ne prévoit pas le "retrait" en tant que tel d'un brevet à la demande du titulaire du brevet.
Les chambres traitent les requêtes de titulaires de brevets visant au retrait de leurs brevets de deux manières différentes. La requête est interprétée soit comme l'expression d'un désaccord avec le texte du brevet (cf. Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 6e édition 2010, VII. C.6.1.2, deuxième paragraphe, ainsi que les décisions T 904/05, T 535/00 et T 348/00), soit comme l'accord du titulaire du brevet avec la requête de l'opposant en révocation du brevet (cf. Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 6e édition 2010, VII. C.6.1.2, quatrième paragraphe, ainsi que la décision T 820/94).
L'intimé a expliqué qu'il approuvait le texte du brevet tel que délivré, mais qu'il n'était plus intéressé par le maintien du brevet et qu'il ne prendrait donc aucune mesure complémentaire pour le maintenir.
Etant donné que ces déclarations constituaient une réaction à la notification de la chambre, celle-ci a interprété la requête de l'intimé visant au retrait du brevet comme une requête en révocation du brevet. L'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet étaient donc demandées par le requérant et l'intimé. Aussi la chambre a-t-elle fait droit à ces requêtes et révoqué le brevet, sans procéder à un examen au fond de la brevetabilité et, partant, sans exposer de motifs détaillés, conformément à la jurisprudence (cf. par exemple les décisions citées dans la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 6e édition 2010, VII. C.6.1.2, troisième paragraphe).
Dans la décision T 1244/08 le requérant (titulaire du brevet) a déclaré: "la société [...] ayant décidé d'abandonner le brevet en référence, elle n'accepte pas le brevet tel que délivré et ne propose pas de texte modifié". Avec une deuxième lettre, le requérant a cependant fait une requête tendant à la rétractation de cette déclaration. La chambre conclut que la déclaration dans la première lettre est assimilable à un retrait du recours mettant immédiatement fin à la procédure de recours, la décision de révocation de la division d'opposition devenant définitive. Dès lors, une requête postérieure tendant à la rétractation de cette déclaration et visant la poursuite de la procédure de recours est irrecevable. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours (T 18/92, T 481/96, T 1003/01, T 53/03), une déclaration d'un requérant, titulaire d'un brevet révoqué par une division d'opposition, indiquant clairement et sans ambiguïté qu'il n'a plus d'intérêt dans la poursuite de la procédure de recours est assimilable à une déclaration de retrait du recours.
5.2 Extinction du brevet avant la procédure d'opposition
Dans l'affaire T 606/10, le brevet frappé d'opposition s'était déjà éteint avant la formation de l'opposition à son encontre. La division d'opposition avait maintenu le brevet sous une forme modifiée. L'opposant/requérant a formé un recours en vue d'annuler la décision faisant l'objet du recours et de révoquer le brevet dans son intégralité. Le titulaire du brevet/intimé a demandé la clôture de la procédure de recours et, à titre subsidiaire, la révocation du brevet.
La requête principale de l'intimé/titulaire du brevet, visant à clore la procédure de recours, était fondée sur la règle 84(1) CBE. Cette disposition prévoit que si le titulaire du brevet a renoncé au brevet européen dans tous les Etats contractants désignés ou si le brevet s'est éteint dans tous ces Etats, la procédure d'opposition peut être poursuivie sur requête de l'opposant ; cette requête doit être présentée dans un délai précis.
La chambre a fait observer qu'en l'occurrence, le brevet s'était déjà éteint avant la formation de l'opposition. La règle 75 CBE dispose expressément qu'une opposition peut être formée même s'il a été renoncé au brevet frappé d'opposition dans tous les Etats contractants désignés ou si le brevet s'est éteint dans tous ces Etats. La règle 98 CBE contient une disposition similaire pour les procédures de recours après opposition.
La chambre interprète ce cadre législatif en ce sens que la règle 84(1) CBE ne s'applique pas aux situations tombant sous le coup des dispositions distinctes de la règle 75 CBE et de la règle 98 CBE. Dans ces situations, l'opposant est normalement bien conscient, lorsqu'il forme une opposition ou un recours, que le brevet s'est déjà éteint, si bien que l'acte d'opposition ou de recours montre clairement qu'il souhaite une révocation du brevet avec effet rétroactif (cf. article 68 CBE). Il est donc difficile de percevoir la nécessité du mécanisme prévu par la règle 84(1) CBE, qui dispose que l'OEB doit informer l'opposant de l'extinction du brevet et que la procédure ne peut être poursuivie que sur présentation d'une requête correspondante de l'opposant.
6. Répartition des frais de procédure
Dans l'affaire T 1282/08, un nouveau document n'avait été produit qu'au stade de la procédure de recours. Ce retard n'était pas justifié. La chambre a néanmoins admis ce document en raison de sa pertinence et a renvoyé l'affaire à la première instance. Concernant les frais de la procédure de la première instance à venir, la chambre a constaté que certaines chambres de recours ont parfois ordonné la répartition des frais devant être exposés à l'avenir (cf. T 847/93, T 715/95). La répartition des frais est toujours à la discrétion de la chambre, et ces autres chambres étaient peut-être confrontées, dans les affaires précitées, à des situations différentes. Néanmoins, la chambre voit mal comment arbitrer, au stade du renvoi, sur la répartition de frais qui ne seraient exposés que dans une procédure ultérieure, sur le déroulement et l'issue de laquelle on ne peut actuellement que spéculer. Chaque affaire de ce type comportera une ou plusieurs incertitudes rendant préférable d'attendre l'issue de la procédure ultérieure pour se prononcer sur la répartition des frais. Ainsi dans la présente espèce, si le document D34 se révèle décisif pour l'issue de l'opposition, l'équité plaiderait en faveur d'une répartition des frais de la procédure antérieure, plutôt que de ceux de la procédure ultérieure. La chambre estime donc qu'en l'espèce, la répartition éventuelle de frais afférents à la procédure d'opposition doit être décidée par la division d'opposition à la fin de l'opposition, sur la base de la situation qui prévaudra alors et des requêtes éventuelles qui lui auront été soumises. Les décisions T 758/99, T 890/00 et T 1182/01 sont des exemples de la jurisprudence où les chambres ont aussi laissé à la division d'opposition le soin de se prononcer sur la répartition des frais devant être exposés dans une procédure ultérieure en première instance.
Dans l'affaire T 854/09, la division d'opposition avait décidé que le titulaire du brevet devait supporter 50 % des frais de procédure de l'opposant au titre de l'article 104(1) CBE. La division d'opposition avait estimé que cette répartition était justifiée étant donné que le titulaire du brevet avait présenté, vers la fin de la procédure orale, une nouvelle requête fondée sur des informations tirées de la description, et que cette requête nécessitait un report de la procédure pour permettre aux opposants de réagir et d'examiner convenablement les autres requêtes. La chambre a estimé que la prise en charge d'une partie des frais de procédure par le titulaire du brevet était équitable étant donné que le report de la procédure résultait en premier lieu du dépôt tardif de la nouvelle première requête subsidiaire, même si la division d'opposition n'était pas tenue de la prendre en considération (règle 116 CBE). Les frais en question sont ceux engagés, dans la limite du raisonnable, par chaque opposant en rapport avec la deuxième procédure orale, c'est-à-dire les frais d'un seul mandataire pour chaque opposant qui se prépare et participe à la deuxième procédure, y compris les frais de déplacement et de séjour.
Dans l'affaire T 1771/08, le mandataire du requérant/de l'opposant avait demandé, à titre subsidiaire pour le cas où le recours serait rejeté, une répartition des frais de procédure en faveur du requérant, à savoir les frais pour une journée de préparation supplémentaire (8 heures de travail). En effet, en raison du report de la procédure orale devant la chambre de recours, il avait dû préparer cette procédure à deux reprises. Le président ayant fait remarquer que le mandataire avait approuvé le report de la procédure lors d'un entretien téléphonique avec le greffe et qu'il avait en même temps signalé qu'il espérait recevoir rapidement une citation mentionnant la nouvelle date, le mandataire a confirmé qu'il avait effectivement déclaré qu'il "serait" d'accord pour reporter la procédure. Mais cela ne signifait pas pour autant qu'il avait renoncé au remboursement des frais occasionnés par le report. La chambre a conclu que l'équité n'exige pas une répartition des frais au titre de l'article 104(1) CBE lorsque le mandataire du requérant approuve sans réserve le report de la procédure. Or, selon la chambre, cela avait été le cas en l'espèce. En effet, lorsque le mandataire du requérant a déclaré qu'il "approuverait" le report de la procédure, on ne pouvait déduire de ses propos aucune réserve tacite sous-entendant qu'il n'approuvait ce report qu'à la condition d'avoir droit à une répartition des frais en sa faveur.
D. Procédure d'opposition
1. Recevabilité de l'opposition
1.1 Fondement juridique de l'opposition
Dans l'affaire T 600/08, le demandeur de la demande divisionnaire au moment du dépôt n'était pas le même que le demandeur initial. Ce dernier avait donc présenté, au titre de la règle 88 CBE 1973, une requête en rectification du nom du demandeur, à laquelle la section de dépôt avait fait droit. Le requérant/opposant a fait valoir pendant la procédure d'opposition que la section de dépôt avait fait droit à tort à la requête en rectification. L'intimé/titulaire du brevet a répliqué qu'une telle objection ne pouvait être soulevée dans le cadre de la procédure d'opposition.
La chambre a noté que la CBE ne prévoit pas la révision, au cours de la procédure d'opposition, d'une décision prise par la section de dépôt en vue de corriger le nom du demandeur d'une demande divisionnaire. Les motifs d'opposition sont réglés de manière exhaustive à l'article 100 CBE, de sorte qu''il n'est pas possible d'invoquer d'autres motifs à l'encontre du texte du brevet tel que délivré. Avec la délivrance du brevet, il est remédié aux éventuelles lacunes et irrégularités quant à la forme dont a pu être entachée la procédure de délivrance, comme le fait que la section de dépôt fasse droit à tort à une requête en rectification au titre de la règle 88 CBE 1973. En l'absence de motif d'opposition prévu dans la CBE, le brevet délivré ne peut pas non plus être révoqué sur cette base dans une procédure d'opposition. En outre, la modification apportée au brevet litigieux ne change rien au fait que, une fois le brevet délivré, il est impossible de revenir sur des lacunes et irrégularités quant à la forme dont aurait pu être entachée la procédure de délivrance.
Dans les affaires parallèles T 1553/06 et T 2/09 intéressant les mêmes parties mais portant sur des brevets différents, la même chambre a traité de la question de la recevabilité des oppositions respectives formées dans le cadre d'un dossier-test. Elle a notamment examiné si les parties et leurs mandataires avaient collaboré sur un dossier-test afin d'obtenir des réponses de l'OEB à des questions juridiques particulières concernant l'état de la technique (voir aussi le point I.B.1.3).
A l'appui de la recevabilité des oppositions qu'il a formées, l'opposant (requérant) a essentiellement fait valoir que le caractère contentieux d'une procédure d'opposition n'était pas érigé en principe général et que, même si tel était le cas, les parties à l'affaire en cause satisfaisaient aux conditions d'une procédure contentieuse. La relation de coopération qui a existé entre les mandataires des parties dans le cadre de ce dossier-test à la suite d'une discussion dans un comité d'étude n'a pas privé la procédure de son caractère contentieux.
Suivant les principes énoncés dans les décisions G 9/93 et G 3/97, la chambre a souligné que le caractère contentieux d'une procédure d'opposition était une condition nécessaire à la recevabilité de cette dernière et elle a examiné si, dans l'affaire dont elle était saisie, un abus de la procédure rendait l'opposition irrecevable au motif que l'opposant avait agi pour le compte du titulaire du brevet ("homme de paille"). La chambre n'a constaté aucun contournement abusif de la loi, ne voyant aucune raison de douter de l'argument avancé par les parties selon lequel l'opposant n'était lié par aucune instruction du titulaire de brevet ou du comité d'étude.
Quant à la question de savoir si la procédure d'opposition était privée de son caractère contentieux par le fait même que les parties défendaient leurs positions dans le cadre d'un dossier-test, la chambre n'a vu aucune raison de remettre en cause le fait que la procédure soit de nature contentieuse. Le seul fait qu'une opposition est formée dans le cadre d'un dossier-test ne suffit pas à rendre celle-ci irrecevable pour autant que le déroulement de la procédure qui en résulte soit contentieux en cela que les parties défendent pour l'essentiel des positions divergentes (cf. point 1.3 des motifs dans les deux affaires). Les oppositions respectives ont donc été jugées recevables.
1.2 Délai d'opposition
Dans l'affaire T 1644/10, la chambre s'est penchée à la fois sur le calcul et sur la non-observation du délai d'opposition.
Conformément à l'article 99(1) CBE 1973, le délai d'opposition commence à courir avec la délivrance d'un brevet européen et la publication de la mention de la délivrance au Bulletin européen des brevets, et non avec la publication du fascicule du brevet. Cela vaut également pour la publication d'une correction ultérieure du fascicule du brevet. Il résulte en outre de la logique juridique de l'article 98 CBE 1973 ensemble l'article 99 CBE 1973 que le texte du fascicule du brevet publié est dépourvu d'effet juridique même s'il diverge sur le fond de la décision relative à la délivrance du brevet. En particulier, la publication, au Bulletin européen des brevets, de la mention relative à la parution d'une version corrigée du fascicule du brevet n'a pas pour conséquence qu'un premier ou un "autre" délai d'opposition commence à courir, même si l'étendue de la protection conférée est plus large en vertu du fascicule corrigé qu'en vertu du fascicule publié à l'origine.
Le délai d'opposition ne commençant à courir qu'avec la publication de la mention de la délivrance, et non avec la publication du fascicule du brevet, le requérant n'a pas formé l'opposition dans le délai prévu. Etant donné que la restitutio in integrum quant au délai d'opposition en faveur d'un opposant est exclue par les textes, il y avait lieu de vérifier à cet égard s'il pouvait être "remédié" à la non-observation du délai en vertu du principe de la confiance légitime. La chambre a estimé que cela n'était pas possible, même si le requérant, se fiant à l'exactitude du fascicule publié par l'OEB, n'a pas formé d'opposition (cf. aussi le point VI.A.2.).
1.3 Recevabilité de documents produits et cités dans un acte d'opposition
Dans l'affaire T 1022/09, l'intimé avait émis des doutes quant à l'admission d'un certain nombre de documents dans la procédure d'opposition. Ces documents avaient tous été déposés avec un acte d'opposition correspondant de la part d'un des dix opposants et, dans chaque cas, le dépôt du document avait été justifié par l'analyse détaillée de ce document pour au moins un motif d'opposition. La division d'opposition avait estimé que ces documents ne faisaient pas partie de la procédure d'opposition pour un ou plusieurs des motifs suivants : il n'était pas prouvé qu'ils étaient à la disposition du public ; leur publication n'était pas établie ; il n'était pas prouvé que leurs dates de publication étaient antérieures à la date de priorité ; ils avaient été déposés par l'opposant, dont l'opposition avait été jugée rétroactivement irrecevable par la division d'opposition, le mandataire agréé ayant renoncé dans l'intervalle à représenter l'intéressé. Selon la chambre, la question de savoir si la date de publication ou le contenu du document concerné rendait ces documents pertinents pour l'examen des motifs d'opposition, était distincte de celle de la recevabilité lorsque le document était produit avec un acte d'opposition recevable et que sa prétendue importance était examinée dans cet acte. A cet égard, la division d'opposition avait confondu les critères relatifs à la recevabilité de documents produits tardivement et ceux concernant les documents déposés avec un acte d'opposition recevable et cités dans celui-ci. Dans ce dernier cas, le contenu et la date de publication ne jouent aucun rôle pour la question de la recevabilité. S'agissant des documents produits par l'opposant avec son acte d'opposition, la chambre a considéré qu'ils faisaient automatiquement partie de la procédure d'opposition puisque leur dépôt avait été motivé. Le fait que le mandataire agréé avait renoncé à représenter cet opposant ne pouvait rien y changer rétroactivement.
1.4 Motifs d'opposition suffisamment fondés
Dans l'affaire T 1014/09, la chambre devait établir si les faits et les moyens de preuve invoqués à l'appui des motifs de l'opposition dans l'acte d'opposition étaient dûment indiqués. Lors de l'examen de la recevabilité de l'opposition eu égard au motif d'opposition invoqué au titre de l'article 100c) CBE, les aspects à prendre en considération en tant que faits étaient la mention, dans l'acte d'opposition, d'une modification qui était jugée inadmissible par l'opposant, et qui avait consisté à remplacer systématiquement, au cours de la procédure de délivrance, le terme "Trägergehäuse" ("boîtier porteur") par celui de "Zwischengehäuse" ("boîtier intermédiaire") dans la description et les revendications de la demande telle que déposée initialement. Un fait au sens de la règle 55c) CBE 1973 avait par conséquent été mentionné à l'appui du motif d'opposition invoqué au titre de l'article 100c) CBE. Pour ce qui était de la question de la divulgation dans la demande telle que déposée à l'origine, il avait été allégué que la modification de la revendication ne pouvait être admise "car elle n'était pas couverte par la divulgation initiale".
Pour statuer sur la recevabilité de l'opposition, la chambre a dû vérifier dans quelle mesure le renvoi global à la divulgation initiale pouvait être considéré comme une indication suffisante des faits et justifications invoqués à l'appui des motifs de l'opposition au sens de la règle 55c) CBE 1973, et dans quelle mesure le fait que le terme "boîtier intermédiaire" ait été qualifié de "trompeur" pouvait être compris en ce sens que la modification de la revendication avait conduit à une modification ou à une extension inadmissible des informations techniques. Entrait également en ligne de compte le fait que la demande telle que déposée à l'origine ne comportait aucun terme correspondant à celui de "boîtier intermédiaire", que ce terme, compte tenu de sa signification, était à l'évidence fondamentalement différent de celui de "boîtier porteur" utilisé dans les pièces de la demande telle que déposée à l'origine, et que le terme modifié dans le cadre de la combinaison de caractéristiques selon la revendication 1 semblait non négligeable pour la définition de l'invention. Dans la présente affaire, la chambre a conclu que compte tenu des faits indiqués dans l'acte d'opposition, ainsi que de leur analyse juridique, le motif d'opposition invoqué au titre de l'article 100c) CBE était suffisamment fondé.
2. Examen quant au fond de l'opposition - nouveaux motifs d'opposition
Dans l'affaire T 1549/07, le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE n'avait été soulevé qu'après l'expiration du délai d'opposition et aurait dû, à ce titre, être considéré comme invoqué tardivement. La division d'opposition a admis le nouveau motif d'opposition dans la procédure sans justification. L'opposition a été rejetée et le brevet maintenu sans modification. Le titulaire du brevet/intimé a demandé que le motif d'opposition prévu à l'article 100b) CBE ne soit plus pris en considération au stade de la procédure de recours.
Selon la chambre, si la décision insuffisamment motivée de la division d'opposition constituait certes un vice de procédure, celui-ci n'avait à aucun moment appelé d'objection de la part du titulaire du brevet au cours de la procédure orale et n'avait pas conduit pendant la procédure d'opposition à une décision finale qui lui était défavorable. La chambre a dès lors jugé irrecevable la requête du titulaire du brevet tendant à ce que le motif d'opposition prévu à l'article 100b) CBE ne soit plus pris en considération au stade de la procédure de recours et l'a rejetée. La CBE ne prévoit en effet aucune disposition permettant de retirer de la procédure devant l'instance de recours un motif d'opposition introduit dans la procédure et ayant déjà été examiné. Dans l'affaire en cause, la division d'opposition avait décidé d'admettre dans la procédure le motif d'opposition visé à l'article 100b) CBE, lequel motif faisait donc partie de la décision attaquée. En conséquence, le motif d'opposition prévu à l'article 100b) CBE ne constituait pas un "nouveau motif d'opposition" au stade de la procédure de recours au sens de l'avis G 10/91, si bien que son introduction n'était pas subordonnée au consentement du titulaire du brevet. La chambre pouvait donc poursuivre l'examen du motif d'opposition au titre de l'article 100b) CBE.
3. Modifications au cours de la procédure d'opposition
3.1 Recevabilité
Dans l'affaire T 491/09, la décision de la division d'opposition d'admettre dans la procédure une requête subsidiaire présentée pendant la procédure orale devant la division d'opposition (requête principale pendant la procédure de recours) a été contestée devant la chambre. Dans sa décision, la chambre a conclu que la division d'opposition avait exercé son pouvoir d'appréciation conformément à la règle 116(1) et (2) CBE en tenant compte des critères suivants :
a) admissibilité de prime abord : contrairement à l'argument de l'opposant/du requérant selon lequel la division d'opposition aurait dû vérifier que les revendications étaient de prime abord claires, le procès-verbal de la procédure orale faisait apparaître qu'aucune objection n'avait été élevée à ce sujet. De plus, la chambre n'a pas considéré, contrairement à l'opinion du requérant, que la division d'opposition aurait dû examiner d'office si l'ensemble de la revendication était claire, suivant les principes des décisions T 1459/05 et T 656/07. Hormis le fait que la décision T 656/07 avait été rendue après la procédure orale qui avait eu lieu pendant la procédure d'opposition, on ne saurait escompter que les divisions d'opposition aient tout de suite connaissance de chaque décision au moment où elles sont rendues. La chambre n'a donc pu voir d'irrégularité dans le fait qu'une division d'opposition ne suive pas une décision dans laquelle il était expliqué que le cas en question était si particulier qu'il était justifié de s'écarter des décisions de jurisprudence par ailleurs uniformes.
b) économie de la procédure/abus de procédure ; la chambre a reconnu que ce n'est qu'après avoir été relancé que l'intimé/titulaire du brevet a finalement soumis sa requête tardive, répondant à la question soulevée pendant la procédure orale ; cependant, elle n'a pu en déduire un abus de procédure ni un avantage injustifié au profit de l'intimé.
c) le critère selon lequel on doit pouvoir raisonnablement s'attendre à ce que l'opposant soit en mesure de se familiariser avec les modifications proposées dans le délai disponible ; il ressort du procès-verbal que la procédure orale a été conduite correctement, de manière à résoudre les questions en suspens, et que l'opposant avait eu amplement la possibilité de se familiariser avec l'objet modifié.
3.2 Examen quant au fond
Selon la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB, la non-observation des exigences de l'article 84 CBE, qui ne constitue pas un motif d'opposition, ne peut être contestée dans une procédure de recours après opposition que si elle résulte de la modification du brevet. Dans l'affaire T 589/09, le manque de clarté allégué découlait de l'introduction, dans la revendication indépendante 1, de la caractéristique technique de la revendication 4 du brevet, qui dépendait de la revendication 1 du brevet. Cependant, l'interaction entre la caractéristique introduite et les autres caractéristiques de la revendication 1 ne modifiait pas le sens original revêtu par la combinaison des caractéristiques des revendications 1 et 4 du brevet. La chambre en a conclu que les revendications du brevet étaient déjà entachées de défaut de clarté, et que celui-ci ne résultait pas de la modification du brevet.
De plus, la chambre n'a pas suivi la thèse des requérants, selon laquelle la décision T 1459/05, dans laquelle il avait été décidé de s'écarter exceptionnellement de la jurisprudence constante, était applicable en l'espèce. Dans cette affaire spécifique, la caractéristique introduite dans la revendication 1 avait été considérée comme dépourvue de clarté au point que l'homme du métier n'aurait pu comprendre comment la caractéristique ajoutée avait eu pour effet de délimiter l'objet revendiqué de l'état de la technique cité. De plus, l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive de l'objet modifié aurait été extrêmement difficile ou n'aurait peut-être pas conduit à un résultat raisonable.
En l'espèce toutefois, la chambre n'a vu aucune raison de s'écarter de la jurisprudence constante. Le manque de clarté allégué concernait l'utilisation du terme "sucre" dans la revendication 1 ainsi que la délimitation exacte de l'objet revendiqué, étant donné que d'autres documents de l'état de la technique donnaient à ce terme un sens susceptible d'être plus large que celui dans lequel l'homme du métier l'entendait normalement. Cependant, selon la chambre, ce type de formulation ne pouvait manifestement conduire à un manque de clarté supplémentaire qu'une lecture attentive de la revendication ne pouvait lever. La présente affaire n'était donc pas comparable à celle qui avait été tranchée dans la décision T 1459/05.
4. Droit d'être entendu - possibilité de prendre position au sujet de nouveaux motifs
Dans l'affaire T 2362/08, la chambre devait établir si le droit du titulaire du brevet d'être entendu en vertu de l'article 113(1) CBE avait été observé en ce qui concernait la décision de la division d'opposition sur l'insuffisance de l'exposé. Elle devait donc déterminer si cette décision était fondée sur des motifs au sujet desquels le titulaire du brevet avait pu prendre position.
Si le motif relatif à l'insuffisance de l'exposé figurait dans l'acte d'opposition, les objections de l'opposant s'appuyaient simplement sur deux arguments, à savoir l'absence, dans les revendications du brevet, d'une quelconque référence aux paramètres spécifiques du procédé énumérés dans le brevet, et l'absence de définition du terme "précis" dans l'une des caractéristiques concernant la taille et la forme de l'invention. L'opposant n'a présenté par écrit aucun autre moyen concernant l'insuffisance de l'exposé et la division d'opposition n'a soulevé aucune autre question avant la procédure orale. Dans une notification jointe à la citation à la procédure orale, la division d'opposition n'était pas d'accord avec les objections de l'opposant ; elle a indiqué qu'il incombait à ce dernier de prouver que l'homme du métier ne pourrait exécuter l'invention, et a noté que l'opposant n'avait produit aucun test à titre de preuve.
Or, dans sa décision sur l'insuffisance de l'exposé, la division d'opposition n'a pas suivi les points soulevés dans l'acte d'opposition, mais a développé une argumentation entièrement différente concernant une question de fond liée à l'insuffisance de l'exposé, et soulevée pour la première fois pendant la procédure orale. Non seulement la discussion qui a eu lieu pendant la procédure orale a porté sur une approche totalement nouvelle de la question de l'insuffisance de l'exposé, mais le titulaire du brevet a été aussi confronté à un revirement inattendu de la part de la division d'opposition, celle-ci ayant dispensé l'opposant de la charge de la preuve, la faisant alors peser sur le titulaire du brevet. La chambre a estimé que le simple fait d'avoir été entendu formellement lors de la procédure orale n'avait pas permis au titulaire du brevet de prendre position. En ne présentant le nouveau cadre de droit et de fait qu'au moment de la procédure orale, et en tranchant définitivement la question en cause sans avoir d'abord donné au titulaire du brevet l'opportunité de répondre, la division d'opposition n'a pas respecté le droit d'être entendu du titulaire du brevet et a commis un vice de procédure. Il en résultait que l'ensemble des requêtes déposées par le titulaire du brevet avant la procédure orale, et maintenues par celui-ci au début de cette procédure, n'ont plus été valables. Il existait par conséquent un lien de causalité entre le non-respect du droit d'être entendu et la décision rendue, de sorte que la division d'opposition avait commis un vice substantiel de procédure dans la présente affaire.
E. Procédure de recours
1. Effet dévolutif du recours
Dans la décision T 448/09, la chambre a fait observer que lorsqu'une chambre de recours est chargée d'un recours, l'effet dévolutif ne s'étend qu'à la partie de la décision attaquée qui est mentionnée dans l'acte de recours conformément à la règle 99(1)c) CBE. Cela implique à son tour que la partie de la décision contestée qui ne figure pas dans l'acte de recours passe en force de chose jugée à l'expiration du délai prévu pour former un recours et ne peut faire ultérieurement l'objet de la procédure de recours. Dans la présente espèce, la partie de la décision concernant la répartition des frais n'avait pas été attaquée et était donc passée en force de chose jugée.
2. Droits procéduraux des parties à la procédure de recours
2.1 Les droits des parties selon l'article 107 CBE
Dans l'affaire T 1421/05, l'intimé a fait valoir qu'un recours formé par le successeur universel d'un opposant ayant précédemment cédé toutes les activités économiques auxquelles se rapportait l'opposition est irrecevable, étant donné que le successeur universel ne peut avoir aucun intérêt à la procédure et que, partant, une décision de la division d'opposition ne peut lui avoir fait grief au sens de l'article 107 CBE.
La chambre n'a pas accueilli cet argument, faisant remarquer que cette hypothèse, si elle était validée, s'appliquerait non seulement au cas particulier d'un recours formé par le successeur universel d'un cédant dans une procédure inter partes, mais également au cas plus général de tout recours formé par un cédant dans une procédure inter partes. Une décision fait grief à une partie si elle n'accède pas à l'une des requêtes sur le fond présentées par cette partie : voir par exemple la décision T 234/86 (JO OEB 1989, 79). Cette condition était clairement remplie dans la présente espèce. Il n'était pas nécessaire que l'opposant ait un intérêt constant, d'ordre financier ou autre, à poursuivre l'opposition ou le recours.
Le recours a donc été jugé recevable (voir également les points VII.C.4.1 et VII.E.4.3.1).
3. Etendue de l'examen
3.1 Effet obligatoire des requêtes – pas de reformatio in pejus
Dans la décision T 1033/08, la chambre a souligné que, contrairement à l'avis de l'intimé, la décision G 1/99 (JO OEB 2001, 381) ne remplaçait pas les décisions G 9/92 et G 4/93, mais les complétait en ce sens qu'elle fournissait des indications sur les conditions dans lesquelles on pouvait admettre une exception au principe de l'interdiction de la reformatio in pejus énoncé dans ces décisions. Cependant, l'exception à ce principe énoncée dans la décision G 1/99 ne s'appliquait pas dans les circonstances de l'espèce. La décision G 1/99 ne traitait que de la suppression d'une caractéristique restrictive ajoutée au cours de la procédure d'opposition. L'exception au principe de l'interdiction de la reformatio in pejus ne s'appliquait qu'à cette situation.
De fait, pour que soit autorisée une telle suppression qui placerait l'opposant et unique requérant dans une situation plus défavorable que s'il n'avait pas formé de recours, certaines conditions devaient être remplies. Une caractéristique restrictive introduite au cours de la procédure d'opposition devait être supprimée. Cette suppression devait être rendue nécessaire par le recours. En d'autres termes, la suppression était nécessaire et utile parce qu'elle se rapportait à un motif d'opposition et qu'elle était occasionnée par de nouveaux faits, preuves ou arguments présentés par le requérant, ou parce que la chambre de recours évaluait différemment la situation. Sans la suppression, le brevet devrait être révoqué. Il n'était pas possible de répondre à l'objection en introduisant de nouvelles caractéristiques qui limitent la portée du brevet tel que maintenu.
Ces conditions préalables devaient être remplies pour que l'on puisse lever une objection en introduisant de nouvelles caractéristiques qui étendent la portée du brevet tel que maintenu, mais dans les limites de l'article 123(3) CBE, conformément à la deuxième option proposée dans la décision G 1/99.
Dans l'affaire T 974/10, la chambre a également fait référence à l'exception autorisée dans la décision G 1/99 afin de répondre à une objection soulevée par l'opposant/requérant ou par la chambre pendant la procédure de recours, si le brevet tel que maintenu sous une forme modifiée devait sinon être révoqué, cette révocation étant la conséquence directe d'une modification irrecevable que la division d'opposition avait admise dans sa décision intermédiaire. La Grande Chambre de recours avait indiqué en particulier que "... si le brevet ne peut être maintenu pour des motifs qui n'avaient pas été invoqués en première instance, le titulaire du brevet non requérant mérite une protection pour des raisons d'équité" (c'est la chambre qui souligne dans la décision T 974/10).
En l'espèce, l'objection relative à la clarté ayant été soulevée par la chambre pour la première fois au stade du recours, il fallait autoriser l'intimé à déposer des modifications comme le prévoyait la décision G 1/99, laquelle prenait dûment en considération le principe d'équité.
3.2 Objet examiné
Dans l'affaire T 1188/09, la chambre, se référant à la décision T 123/85 (JO OEB 1989, 336), a fait observer que, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, le titulaire du brevet ne peut, dans une procédure d'opposition, déclarer qu'il renonce en partie à son brevet et conférer définitivement à son brevet, par cette déclaration, une portée réduite. D'autres décisions ont ensuite déduit de ce principe que l'on ne saurait refuser au requérant/titulaire d'un brevet, lorsque le brevet défendu lors de la procédure d'opposition dans une version limitée a été révoqué, le droit de réclamer, au stade du recours, le maintien du brevet tel que délivré (cf. aussi T 407/02). Les opposants doivent par conséquent s'attendre en tout état de cause à ce que le titulaire d'un brevet révoqué par la division d'opposition défende, au stade de la procédure de recours, son brevet tel que délivré.
La décision T 1018/02 a suivi expressément le même raisonnement. La décision T 386/04 a confirmé une fois encore ce point de vue, et précisé que les décisions prétendument contraires portaient toutes sur des cas de figure dans lesquels la modification des revendications avait représenté un abus de procédure. Le recours dans l'affaire T 1188/09 a donc été jugé recevable.
3.3 Révision de décisions rendues par une instance du premier degré exerçant son pouvoir d'appréciation
Une chambre de recours, lorsqu'elle se penche sur la manière dont la division d'opposition a exercé son pouvoir d'appréciation conformément à l'article 114(2) CBE, a le pouvoir de passer outre une décision de ne pas admettre un motif d'opposition produit tardivement, si la chambre parvient à la conclusion que la division d'opposition a fondé sa décision sur des hypothèses techniques manifestement incorrectes ou sur une application erronée du motif d'opposition concerné, puisque cela revient à faire un usage incorrect du pouvoir d'appréciation conféré par l'article 114(2) CBE (T 109/08).
4. Formation et recevabilité du recours
4.1 Chambre de recours compétente
Dans l'affaire J 21/09 (JO OEB 2012, 276), la question de droit suivante a été soumise à la Grande Chambre de recours :
Le traitement d'un recours formé contre une décision de la division d'examen relève-t-il d'une chambre de recours technique ou de la chambre de recours juridique lorsque la décision en cause a pour objet le non-remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE et qu'elle n'a pas été rendue avec une décision relative à la délivrance d'un brevet européen ou au rejet d'une demande de brevet européen ?
De l'avis de la chambre, une décision prise conformément aux dispositions de la règle 64(2) CBE n'est pas en soi une décision relative au rejet d'une demande de brevet européen ou à la délivrance d'un brevet européen au sens de l'article 21(3)a) CBE. L'issue de la décision concernant le remboursement d'une taxe de recherche ne dépend pas nécessairement de la teneur de la décision proprement dite relative à la délivrance d'un brevet ou au rejet de la demande, ne serait-ce qu'en raison du droit pour le demandeur d'apporter des modifications. La disposition prévue à l'article 21(3)c) CBE serait donc applicable par défaut, autrement dit la chambre de recours juridique serait compétente en cas de recours contre ces décisions.
La chambre s'est cependant demandé si cette conclusion serait justifiée au regard du régime de la procédure de recours institué par la CBE, notamment compte tenu du rôle des membres techniciens des chambres de recours, tel qu'énoncé à l'article 21 CBE, dans les cas où il est nécessaire de répondre à des questions d'ordre technique. Une décision au titre de la règle 64(2) CBE suppose normalement l'examen d'éléments techniques, en l'occurrence l'appréciation de l'unité de l'invention (des inventions) revendiquée(s).
Il semble que le législateur n'ait jamais envisagé une décision au titre de la règle 64(2) CBE (règle 46(2) CBE 1973) comme une décision autonome.
Les décisions de jurisprudence relatives à la question de la compétence, pertinente en l'espèce, ne sont guère nombreuses et font apparaître certaines divergences. Il en résulte une insécurité juridique à laquelle il convient de remédier.
L'affaire est en instance sous le numéro G 1/11.
4.2 Personnes admises à former un recours
4.2.1 Partie déboutée
Aux termes de l'article 107 CBE, "toute partie à la procédure aux prétentions de laquelle une décision n'a pas fait droit peut former un recours contre cette décision". Dans l'affaire T 193/07, la procédure d'opposition devant la première instance avait abouti à la révocation du brevet dans son intégralité, conformément à la requête de l'opposant 2, à qui la décision de la division d'opposition n'avait donc pas fait grief.
La chambre a estimé que les arguments purement hypothétiques que l'opposant a fait valoir à l'appui de la recevabilité de son recours, et qui concernaient les situations potentiellement défavorables susceptibles de survenir (à l'avenir) dans des procédures nationales de contentieux apparentées, n'avaient aucune pertinence juridique dans le cadre de l'article 107, première phrase CBE. La possibilité d'un recours incident anticipé n'était pas non plus prévue par la CBE (cf. par exemple T 854/02). Un intimé/opposant à qui la décision de révoquer le brevet ne faisait pas grief n'était pas habilité à former un recours dans le but d'obtenir la qualité de requérant indépendant au lieu de celle d'intimé (partie de droit). De plus, la conclusion de la chambre était conforme à la jurisprudence constante des chambres de recours (cf. par ex. T 854/02, T 981/01, T 1147/01, T 1341/04 et T 473/98).
4.3 Forme et délai du recours
4.3.1 Forme et contenu de l'acte de recours
Dans l'affaire T 128/10, la chambre a estimé que le transfert effectif du brevet au requérant nommé dans l'acte de recours n'était pas intervenu à une date antérieure à l'expiration du délai prévu pour former un recours au titre de l'article 108 CBE. S'appuyant sur la décision T 97/98, la chambre a estimé que si, comme dans la présente espèce, un requérant déclare que sa véritable intention était de former un recours au nom de la personne indiquée dans l'acte de recours, celui-ci ne comportait, en ce qui concerne le nom du requérant, aucune irrégularité qui puisse être corrigée conformément à la règle 99(1)a) CBE ensemble la règle 101(2) CBE, ni d'erreur qui puisse être rectifiée au titre de la règle 139, première phrase CBE. Le recours n'avait donc pas été déposé par une partie à la procédure ayant conduit à la décision attaquée, et était donc irrecevable (voir aussi le point VII.C.4.2).
Dans la décision T 1421/05, la chambre a considéré comme recevable un recours qui avait été formé par erreur au nom d'un opposant n'existant plus mais ayant un successeur universel, et qui aurait manifestement dû être formé au nom de la personne qui était le véritable opposant et à qui la décision faisait grief, à savoir le successeur universel. Si nécessaire, l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours peuvent être rectifiés de manière que le nom du véritable requérant/opposant y soit inscrit (voir aussi les points VII.C.4.1 et VII.E.2.1).
Dans l'affaire T 445/08 (JO OEB 2012, ***), les questions suivantes ont été soumises à la Grande Chambre de recours :
(1) Lorsqu'un acte de recours comporte, conformément à la règle 99(1)a) CBE, le nom et l'adresse du requérant tels que prévus à la règle 41(2)c) CBE, et qu'il est allégué qu'en raison d'une erreur le requérant n'a pas été identifié correctement, l'intention véritable ayant été de former le recours au nom de la personne morale qui aurait dû le faire, une requête visant à substituer cette personne morale à l'autre personne morale ou physique est-elle recevable en tant que moyen de remédier à des "irrégularités" au titre de la règle 101(2) CBE ?
(2) Dans l'affirmative, par quels modes de preuves l'intention véritable peut-elle être établie ?
(3) S'il est répondu par la négative à la première question, l'intention du requérant peut-elle néanmoins entrer en ligne de compte et justifier l'application de la règle 139 CBE ?
(4) S'il est répondu par la négative aux questions (1) et (3), y a-t-il d'autres possibilités que la restitutio in integrum (lorsque celle-ci est recevable) ?
L'affaire est en instance sous le numéro G 1/12.
4.4 Mémoire exposant les motifs du recours
4.4.1 Principes généraux
Un mémoire exposant les motifs du recours ne peut être considéré comme tel que s'il analyse la décision attaquée et ne se borne pas à renvoyer aux moyens invoqués pendant la procédure d'opposition (jurisprudence constante des chambres de recours, par ex. T 220/83 (JO OEB 1986, 249) et T 213/85 (JO OEB 1987, 482)). Dans l'affaire T 95/10, la chambre a indiqué qu'il y avait à cela trois raisons :
D'une part, la procédure de recours n'est pas une continuation de la procédure d'opposition, mais bien une procédure distincte, dans laquelle tous les faits, preuves et arguments jugés essentiels doivent, si nécessaire, être à nouveau exposés (cf. G 10/91 (JO OEB 1993, 420), G 9/92 et G 4/93, toutes deux publiées au JO OEB 1994, 875).
D'autre part, le mémoire exposant les motifs du recours suppose que le requérant discute la décision attaquée. Le dialogue juridique initié via le recours entre la chambre de recours, le requérant et les intimés exige que le requérant réponde aux arguments de la décision attaquée dont il conteste le bien-fondé.
Enfin, une telle discussion est indispensable ne serait-ce que parce que ni la chambre de recours, ni l'intimé ne pourraient sinon savoir pour quels motifs la décision attaquée est considérée comme erronée. Or cette information permet aux intimés de se défendre contre les arguments du requérant, et à la chambre de recours de prendre une décision sur le fond.
Le requérant n'est toutefois pas tenu de remplir les conditions énoncées ci-dessus à l'égard du mémoire exposant les motifs du recours si la décision de la division d'opposition ne répond pas quant à elle aux faits et arguments présentés par le requérant pendant la procédure d'opposition (ce qui constitue déjà en soi un vice substantiel de procédure) et que, de ce fait, le requérant n'a eu absolument aucune raison, et n'a pas été en mesure de reformuler et de justifier, à la lumière de la décision de la division d'opposition, les faits et arguments invoqués pendant la procédure d'opposition.
Dans l'affaire T 1707/07, le mémoire exposant les motifs du recours ne traitait que des irrégularités qui avaient été relevées par la division d'examen pendant la procédure de première instance mais qui, d'après la décision attaquée, ne constituaient pas les véritables motifs du rejet de la demande. Le mémoire n'abordait pas davantage les questions relatives à l'exposé des motifs de la décision frappée de recours. Par ailleurs, les revendications selon les deux requêtes déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours ne correspondaient pas aux revendications selon la requête subsidiaire modifiée, que la division d'examen avait jugée en principe acceptable. Au contraire, il apparaissait d'emblée que la revendication 1 de ces requêtes ne comprenait pas les caractéristiques qui, dans la décision attaquée, avaient été jugées essentielles pour lever les objections à l'égard de l'ancienne requête principale, et dont l'omission avait été citée comme motif pour refuser d'autoriser les modifications au titre de la règle 86(3) CBE 1973.
Par conséquent, le simple fait de déposer des revendications modifiées avec le mémoire exposant les motifs du recours n'invalidait pas les motifs du rejet dans la présente espèce. Les arguments invoqués par le requérant pour justifier l'annulation de la décision contestée ne se rapportaient pas aux motifs indiqués dans la décision en question et, par conséquent, la chambre ne voyait pas en quoi la décision attaquée aurait été incorrecte. Le recours a été rejeté au motif qu'il était irrecevable.
5. Renvoi à la première instance
5.1 Renvoi consécutif à un vice substantiel de procédure
L'un des membres de la division d'examen qui avait délivré le brevet litigieux avait exercé par la suite les fonctions de président de la division d'opposition dans une procédure concernant le même brevet, ce qui contrevient à l'article 19(2) CBE. Dans sa décision T 1349/10, la chambre de recours a relevé que les violations de l'article 19(2) CBE sont considérées comme des vices substantiels de procédure, qui ont entraîné un renvoi de l'affaire au titre de l'article 111(1) CBE et le remboursement de la taxe de recours dans plusieurs cas (cf. décisions T 251/88, T 939/91, T 382/92, T 476/95, T 838/02).
La chambre n'ignorait pas que dans deux de ces affaires (T 251/88 et T 838/02), les chambres avaient demandé au requérant ou à toutes les parties s'ils souhaitaient invoquer le vice de procédure avant qu'une décision soit prise concernant le renvoi. Dans ces deux affaires, le brevet avait été révoqué par la division d'opposition. Cependant, de l'avis de la chambre, les violations de l'article 19(2) CBE devraient entraîner un renvoi, indépendamment de la position des parties, et ce au moins dans les cas où l'issue de la procédure de première instance entachée d'irrégularités avait une incidence pour des tiers. En conséquence, il y avait lieu d'annuler la décision attaquée et de renvoyer l'affaire devant l'instance du premier degré.
6. Requête en révision
6.1 Généralités
Dans l'affaire R 20/10, le requérant arguait qu'il y avait eu violation de l'article 113(1) CBE devant la division d'opposition et qu'il avait exposé en détail les motifs à l'appui de cette conclusion durant la procédure de recours, si bien que les exigences de la règle 106 CBE avaient été remplies.
La Grande Chambre de recours n'a pas partagé ce point de vue. Selon elle, la possibilité d'une révision judiciaire des décisions des chambres de recours a été créée afin de prévoir un remède juridique extraordinaire et limité lorsque la procédure devant une chambre de recours a été entachée d'un vice de procédure intolérable tel que défini dans la CBE. La requête en révision n'a pas pour fonction de favoriser le développement de la pratique procédurale de l'OEB, de manière générale, ou d'assurer une application uniforme du droit.
La Grande Chambre en a déduit que les vices de procédure intervenus au cours de la procédure de première instance ne peuvent faire l'objet d'une requête en révision. Les décisions de première instance sont soumises à une révision judiciaire par les chambres de recours. L'examen d'un recours inclut l'examen de tout vice de procédure prétendument commis par la première instance. Le droit d'une partie à une révision judiciaire de la procédure de première instance est ensuite épuisé. La requête a donc été rejetée pour irrecevabilité.
6.2 Obligation de soulever des objections conformément à la règle 106 CBE
Dans l'affaire R 3/11, la Grande Chambre de recours a souligné qu'en vertu de la règle 106 CBE, une requête en révision n'est recevable que si une objection a été soulevée à l'encontre du vice de procédure pendant la procédure de recours et a été rejetée par la chambre de recours, à moins qu'une telle objection n'ait pas pu être soulevée durant la procédure de recours.
Selon la Grande Chambre, le fait de soulever une objection conformément à la règle 106 CBE est un acte de procédure et, lorsque cela est possible, une condition préalable pour accéder à une révision par la Grande Chambre. La révision est une voie de recours extraordinaire contre des décisions des chambres de recours passées en force de chose jugée. Une partie doit donc soulever une pareille objection de telle manière que l'instance rendant la décision soit capable de reconnaître immédiatement et sans nul doute qu'il s'agit d'une objection au sens de la règle 106 CBE. Pour le même motif, l'objection doit être spécifique, en ce sens que la partie doit indiquer sans ambiguïté quel vice particulier visé à l'article 112bis(2)a) à c) et à la règle 104 CBE elle entend invoquer. La requête en révision a été rejetée pour irrecevabilité, étant donné que le requérant ne s'était pas conformé aux dispositions de la règle 106 CBE. Voir également les décisions R 1/10 et R 17/10, où les requêtes ont été rejetées pour irrecevabilité pour le même motif.
6.3 Violation fondamentale de l'article 113 CBE
Dans l'affaire R 3/10, la Grande Chambre de recours a fait droit à la requête en révision, annulé la décision faisant l'objet de la révision et rouvert la procédure devant la chambre de recours.
Le requérant avait allégué que son droit d'être entendu, prévu par l'article 113 CBE, avait été violé puisqu'il n'avait pas pu prendre position sur l'activité inventive de sa requête principale - seule la nouveauté de la requête principale avait été discutée au cours de la procédure orale devant la chambre. Avant de clore les débats, le président avait demandé aux deux parties si elles avaient d'autres observations à formuler, ce à quoi elles avaient répondu par la négative. Le président les avait également informées que la chambre statuerait sur la brevetabilité de la requête principale. La chambre avait ensuite considéré que la requête principale était nouvelle, mais qu'elle était dépourvue d'activité inventive.
La Grande Chambre de recours a estimé qu'un regrettable malentendu s'était produit après que la chambre eut déclaré que la question de la brevetabilité avait trait à la nouveauté et à l'activité inventive. La chambre avait peut-être voulu dire que la nouveauté et l'activité inventive seraient examinées ensemble et tranchées ensemble, mais elle ne s'était pas exprimée clairement. La déclaration de la chambre indiquait seulement aux parties que la nouveauté et l'activité inventive étaient les deux questions à examiner et le requérant avait donc supposé que ces deux questions seraient examinées avant qu'une décision ne soit prise. Le requérant avait limité ses arguments à la nouveauté puisqu'il avait pensé, de manière compréhensible, qu'il pourrait ensuite s'adresser à la chambre au sujet de l'activité inventive, dans le cas où la chambre reconnaîtrait la nouveauté.
La Grande Chambre de recours a considéré que le terme "brevetabilité" couvre une variété d'objections potentielles ; le président ne pouvait avoir désigné toutes ces objections en utilisant ce terme, puisque la plupart n'avaient jamais fait l'objet de la procédure de recours. Pour la Grande Chambre, il était donc clair que l'acception du terme "brevetabilité" dépendait du contexte dans lequel il était utilisé. Le requérant n'avait pas de raison de supposer que la décision de la chambre couvrirait plus d'aspects que ceux examinés au préalable oralement, c'est-à-dire la nouveauté.
Il importait peu également que la chambre n'ait pas délibérément empêché le requérant de se prononcer sur l'activité inventive. Les membres de la chambre avaient clairement pensé que les parties ne souhaitaient pas invoquer des moyens distincts pour cette question et la chambre n'avait pas pu rouvrir le débat sur l'activité inventive après que la requête principale eut donné lieu à une décision formelle. Les chambres de recours ont toujours estimé que la question de savoir si la procédure de première instance a été entachée d'un vice substantiel de procédure, justifiant le remboursement de la taxe de recours (règle 103(1)a) CBE), doit être tranchée uniquement selon des critères objectifs.
Dans l'affaire R 14/10, le requérant arguait qu'il ne pouvait savoir, et qu'il était donc surpris, que les requêtes lues à voix haute par le président de la chambre de recours lors de la procédure orale seraient interprétées comme ses requêtes finales. De l'avis de la Grande Chambre de recours, le fait que le président ait également lu à voix haute la requête de l'opposant "visant à annuler la décision frappée de recours et à révoquer le brevet européen [...]" indiquait toutefois au-delà de tout doute raisonnable qu'après la clôture des débats, la chambre envisageait de délibérer sur la brevetabilité des revendications en cause telle qu'examinée auparavant et qu'en fonction du résultat de cette délibération, elle pourrait prononcer la révocation du brevet dans son ensemble. La Grande Chambre a affirmé que cela ne pouvait être assimilé à une violation de l'article 113 CBE. La CBE n'exige pas d'effectuer l'examen d'une demande de brevet européen ou d'un brevet européen dans son intégralité. La requête en révision était donc manifestement non fondée (cf. également point 6.4 ci-dessous).
Dans l'affaire R 23/10, la Grande Chambre de recours a estimé que le droit d'être entendu au sens de l'article 113(1) CBE implique non seulement de permettre aux parties de prendre position (sur les faits et raisonnements pertinents pour la décision), mais aussi de tenir compte de ces observations, c'est-à-dire de les examiner sous l'angle de leur pertinence pour la décision (cf. également R 19/10).
Cette interprétation juridique n'est pas contraire aux décisions de la Grande Chambre de recours selon lesquelles il suffit, aux fins de l'article 113(1) CBE, que la partie concernée ait connaissance des arguments avancés par la partie adverse, qu'elle ait l'occasion d'y répondre et qu'elle n'affirme pas que la chambre de recours aurait refusé de l'entendre (cf. en particulier R 18/09) : cette affirmation renvoie aux cas qui nécessitent d'examiner si une partie n'a pas pris position (sur des faits et raisonnements pertinents pour la décision) parce qu'elle en a été empêchée par des circonstances objectives (telles que constatées dans l'affaire R 7/09) ou par la conduite de la procédure par la chambre de recours.
En l'occurrence, il ne faisait pas de doute que le requérant avait pu prendre position et qu'il l'avait également fait. Il invoquait bien plus le fait que ses observations sur une question essentielle à la décision au fond avaient été mal comprises par la chambre de recours et qu'elles avaient donc été ignorées lors de la prise de décision. Cette affirmation n'était cependant en rien étayée et la requête en révision a été rejetée comme étant manifestement non fondée.
Dans l'affaire R 11/11, le requérant arguait que la non-admission de ses nouvelles requêtes, qui avaient été présentées en temps voulu avec le mémoire exposant les motifs du recours, violait son droit d'être entendu. Il ne contestait pas le fait qu'une chambre puisse exercer un pouvoir d'appréciation en vertu de l'article 12(4) RPCR pour considérer comme irrecevables les requêtes qui auraient pu être produites au cours de la procédure de première instance. La Grande Chambre a plutôt estimé que le requérant présentait deux lignes d'argumentation. Selon la première ligne, le requérant ne pouvait pas avoir présenté les requêtes au cours de la procédure de première instance puisqu'il avait été pris par surprise et ignorait les motifs étayant le point de vue de la division d'opposition. Aucune base adéquate ne permettait donc d'exercer un pouvoir d'appréciation. Selon la deuxième ligne, le pouvoir d'appréciation n'avait dans tous les cas pas été exercé correctement.
S'agissant de la première ligne d'argumentation, la Grande Chambre a considéré que le droit d'être entendu du requérant n'avait pas pu être violé à cet égard puisqu'il était admis que la question de la recevabilité des requêtes avait été débattue au cours de la procédure orale devant la chambre de recours. Même si la chambre avait eu tort d'estimer que les requêtes auraient pu être présentées au cours de la procédure de première instance, cela ne pouvait fonder un grief selon lequel le droit d'être entendu du requérant n'avait pas été respecté. Dans le cadre de procédures en révision, la Grande Chambre ne peut agir en qualité de troisième instance ou de juridiction d'appel de deuxième niveau (cf. par exemple R 1/08 et R 9/10).
En ce qui concerne la deuxième ligne d'argumentation, la jurisprudence de la Grande Chambre de recours au titre de l'article 112bis CBE indique clairement qu'une requête ne peut être utilisée pour réexaminer le bien-fondé d'une décision relative à une question de procédure que si l'un des vices de procédure visés à l'article 112bis(2)a) à d) CBE a prétendument été commis (cf. par exemple R 20/10). Cela vaut à plus forte raison lorsque l'on essaie de faire en sorte que la Grande Chambre réexamine la manière dont une instance de type juridictionnel telle qu'une chambre de recours a exercé son pouvoir d'appréciation en lien avec une question de procédure (cf. R 10/09).
6.4 Autre vice de procédure
Dans l'affaire R 14/10, la Grande Chambre a partagé l'avis du requérant qui estimait que si la requête d'une partie est jugée ambiguë, il incombe à l'instance qui rend la décision de demander des clarifications avant de délibérer. Dans le cas d'espèce toutefois, le président de la chambre avait lu à voix haute les requêtes des parties, avant de prononcer la clôture des débats, conformément à l'article 15(5) RPCR. Selon la pratique constante, la clôture des débats marque le dernier moment de la procédure orale où des parties peuvent encore invoquer des moyens (cf. G 12/91). Si les requêtes lues à voix haute par le président ne correspondaient pas à l'intention du requérant, il était donc de son devoir d'intervenir à ce stade. Sachant que le requérant ne l'avait pas fait, la chambre était en droit de conclure que les requêtes lues à voix haute correspondaient à ses intentions. L'article 113(2) CBE et la règle 104b) CBE n'avaient donc pas été violés comme allégué.
Dans l'affaire R 19/10, la Grande Chambre de recours a fait observer que la règle 104b) CBE n'oblige pas les chambres de recours à analyser les moyens des parties pour identifier de potentielles requêtes n'ayant pas été présentées expressément par les parties.
Dans l'affaire R 16/10, le requérant arguait que le texte de l'article 24(1) CBE, concernant l'exclusion des membres d'une chambre dans certaines circonstances, englobait non seulement la situation spécifique où un des membres a représenté une partie dans l'affaire en cause, mais aussi la situation générale où un membre est antérieurement intervenu en qualité de représentant de cette partie pour toute question.
La Grande Chambre n'a pas partagé cet avis. Si le texte anglais modifié (au titre de la CBE 2000) restait moins clair que celui des deux autres versions, sa lecture intégrale faisait apparaître, sans aucune ambiguïté possible, qu'il traitait de trois cas distincts régis chacun par l'expression "in a case in which". Par ailleurs, ce paragraphe ne pouvait pas avoir une autre signification en anglais que celle dans les deux autres langues. Les versions allemande et française indiquaient clairement que l'exclusion était due à l'intervention dans l'affaire en question et non pas à une représentation passée.
La signification du texte anglais de l'article 24(1) CBE, pris dans son intégralité, dans le bon contexte et en rapport avec le texte des deux autres versions linguistiques, était donc claire. La requête fondée sur une violation alléguée de l'article 24(1) CBE était manifestement non fondée.
7. Modification des revendications pendant la procédure de recours
7.1 Article 12(4) RPCR
7.1.1 Introduction
Plusieurs décisions font référence à l'article 12(4) RPCR, selon lequel les requêtes qui auraient pu être produites ou n'ont pas été admises au cours de la procédure de première instance peuvent être considérées comme irrecevables. Ces décisions soulignent qu'un recours vise avant tout à permettre un réexamen en dernière instance de la décision rendue par une instance précédente, la partie déboutée se voyant ainsi offrir la possibilité (dans une procédure inter partes) de contester le bien-fondé de la décision d'une division d'opposition et d'obtenir qu'une juridiction établisse si la décision de la division d'opposition était correcte (G 9/91 et 10/91, JO OEB 1993, 408, 420). La procédure de recours ne doit pas engendrer d'affaire totalement nouvelle.
7.1.2 Cas où le titulaire du brevet refuse de déposer, pendant la procédure d'opposition, des requêtes relatives à des revendications
Dans l'affaire T 1067/08, le brevet contesté avait été révoqué au motif qu'il n'avait pas été satisfait à l'article 113(2) CBE, la division d'opposition ayant décidé de ne pas admettre l'unique requête du titulaire du brevet, telle que déposée pendant la procédure orale, et le titulaire du brevet ayant refusé par la suite de modifier cette requête et/ou de déposer des requêtes subsidiaires. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a déposé une requête principale qui était identique à l'unique requête non admise pendant la procédure d'opposition.
La chambre a fait observer que la procédure de recours n'est pas une alternative pour traiter et trancher une opposition, et que les parties à la procédure de première instance n'avaient pas le droit de déplacer leur affaire vers l'instance du deuxième degré comme bon leur semblait, et de contraindre ainsi la chambre de recours soit à rendre une première décision sur les aspects les plus importants de l'affaire, soit à renvoyer celle-ci à l'instance du premier degré. Accorder une telle liberté à une partie (et/ou à l'instance du premier degré) serait contraire au bon déroulement de la procédure et à son efficacité. De fait, cela permettrait une sorte de "vagabondage judiciaire", qui compromettrait la bonne répartition des tâches entre les instances du premier degré et les chambres de recours, et serait totalement inacceptable sur le plan de l'économie de la procédure en général. Pour empêcher ce type de conduite abusive, l'article 12(4) RPCR prévoit que la chambre a le pouvoir de considérer comme irrecevable toute requête qui n'a pas été admise au cours de la procédure de première instance.
La chambre a décidé de ne pas admettre la requête principale dans la procédure de recours, et a indiqué que l'exercice des pouvoirs prévu à l'article 12(4) RPCR pouvait aussi, le cas échéant, être justifié lorsqu'une partie s'est comportée de telle manière (par exemple si elle a maintenu une seule requête rejetée par la division d'opposition pour abus de procédure, et qu'elle a refusé de déposer des requêtes modifiées et/ou subsidiaires) qu'elle a en réalité empêché l'instance du premier degré de rendre une décision motivée sur les aspects les plus importants, contraignant ce faisant la chambre de recours soit à rendre une première décision sur ces aspects, soit à renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré.
Dans l'affaire T 144/09, environ un mois avant la procédure orale prévue dans le cadre de la procédure d'opposition, le titulaire du brevet avait ajouté dans les requêtes une nouvelle caractéristique concernant une exigence de place ("space requirement..."). Pendant la procédure orale, la division d'opposition avait soulevé une objection au titre de l'article 123(2) CBE concernant l'introduction de cette caractéristique, et demandé explicitement au titulaire du brevet s'il souhaitait déposer une requête levant cette objection. Le titulaire du brevet n'ayant pas déposé de requêtes modifiées ou subsidiaires, le brevet avait été révoqué. Avec le mémoire exposant les motifs de son recours, le titulaire du brevet avait déposé de nouvelles requêtes ne contenant pas la caractéristique relative à l'exigence de place.
La chambre a estimé que la décision du titulaire du brevet de ne pas déposer de requête modifiée ou subsidiaire compte tenu de ces circonstances était importante pour l'examen de la recevabilité des nouvelles requêtes dans la procédure de recours. La chambre a indiqué qu'elle ne voyait pas pourquoi la caractéristique ayant donné lieu à une objection n'avait pas été tout simplement supprimée au moyen d'une requête subsidiaire pendant la procédure orale devant la division d'opposition. L'article 12(4) RPCR autorise la chambre à considérer ce type de requêtes comme irrecevables lorsqu'elles auraient pu être présentées au cours de la procédure de première instance. Une requête peut être jugée irrecevable en vertu de l'article 12(4) RPCR lorsque l'objet ajouté, tenu pour non admissible pendant la procédure devant la division d'opposition, n'est pas supprimé au moins par le biais d'une requête subsidiaire déposée au cours de cette procédure, mais seulement par une requête déposée au stade de la procédure de recours (voir aussi R 11/11 concernant la requête en révision du demandeur sur cette question).
De plus, la chambre a fait observer que la possibilité d'appliquer l'article 12(4) RPCR n'est pas limitée par le délai imparti pour produire le mémoire exposant les motifs du recours ou pour y répondre. En effet, une limitation dans ce sens n'aurait apparemment aucune utilité et pourrait même permettre de contourner artificiellement l'article 12(4) RPCR, indépendamment de la question de savoir si l'article 13(1) RPCR ne pourrait pas être une autre disposition du règlement de procédure susceptible de faire obstacle, pour des raisons différentes, au dépôt de telles requêtes.
Dans l'affaire T 23/10, l'intimé a fait valoir que le requérant aurait pu, et aurait dû, présenter pendant la procédure d'opposition des requêtes modifiées ne contenant plus la revendication 11 contestée de la requête principale précédente. Il ressortait du procès-verbal de la procédure orale établi par la division d'opposition que le requérant avait été invité à déclarer s'il avait éventuellement d'autres requêtes. Celui-ci avait indiqué qu'il n'en avait pas. Avec le mémoire exposant les motifs de son recours, le requérant avait déposé les requêtes subsidiaires 8 à 15, et supprimé la revendication dépendante 11.
La chambre a déclaré que si elle admettait les requêtes subsidiaires 8 à 15 dans la procédure de recours, le requérant tirerait parti de son incohérence pendant la procédure : il pourrait compléter ses moyens pendant le recours et, partant, étendre le champ de la discussion tel que déterminé par la décision attaquée. Etant donné que l'on ne saurait attendre de la chambre de recours qu'elle traite, en tant qu'instance de réexamen, toutes les questions en suspens après la modification des moyens invoqués par le requérant, l'admission des requêtes subsidiaires 8 à 15 dans la procédure donnerait à ce dernier la possibilité de contraindre la chambre à renvoyer l'affaire. Lorsqu'elle exerce son pouvoir d'appréciation conformément à l'article 12(4) RPCR, la chambre doit veiller à ce que la procédure de recours ne soit pas utilisée d'une manière qui soit incompatible avec une conduite équitable et fiable d'une procédure juridictionnelle. Le titulaire d'un brevet qui refuse de déposer des requêtes relatives à des revendications pendant la procédure d'opposition ne saurait obtenir l'admission de ces requêtes pendant la procédure de recours, car, dans le cas contraire, cela lui donnerait la possibilité de pénaliser les parties adverses en adoptant, pendant la procédure de recours, un comportement en contradiction avec son attitude devant la division d'opposition.
7.1.3 Réintroduction d'une caractéristique pendant la procédure de recours
Dans l'affaire T 1969/08, la chambre a déclaré que lorsqu'une caractéristique avait donné lieu à une objection au motif qu'elle était obscure, et ne figurait plus dans aucune des requêtes déposées ensuite par le demandeur, et que si cette caractéristique était réintroduite dans les revendications déposées un mois avant la procédure orale organisée dans le cadre du recours, sans qu'il soit fait mention de l'objection soulevée auparavant à son encontre, elle pouvait refuser d'admettre ces revendications dans la procédure conformément à l'article 12(4) RPCR. De plus, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, il est important de déterminer si les versions respectives des jeux de revendications convergent ou divergent, à savoir si les objets des revendications indépendantes d'une requête principale vont dans la même direction et apportent d'autres précisions sur le même aspect inventif allégué (T 1685/07, T 240/04). La chambre a conclu que la caractéristique ajoutée de la revendication modifiée visait un problème technique qui n'était apparenté que de loin au problème technique d'origine lié à la caractéristique supprimée, et a décidé de ne pas admettre la requête concernée.
7.1.4 Non-comparution lors d'une procédure orale
Dans l'affaire T 1587/07, la chambre s'est référée à la jurisprudence constante des chambres de recours, selon laquelle un requérant qui dépose des revendications modifiées peu avant une procédure orale, sans y comparaître ensuite, doit s'attendre à ce que la décision se fonde sur des objections qui pourraient être soulevées, en son absence, contre ces revendications (T 602/03). Par conséquent, un requérant qui présente de nouvelles revendications alors que des dispositions ont déjà été prises en vue de la tenue d'une procédure orale, mais n'assiste pas à cette procédure, doit s'attendre à ce que la chambre conclue à la non-admissibilité des nouvelles revendications en raison d'irrégularités, comme le manque de clarté (T 991/07 et T 1867/07) ou l'absence d'activité inventive (T 1704/06). La chambre a par ailleurs estimé que le requérant doit également s'attendre à ce qu'elle décide, en son absence, de ne pas admettre dans la procédure de recours une nouvelle requête, conformément à l'article 13 RPCR. Cela vaut en particulier si, dans la notification, l'attention du requérant a été attirée sur les dispositions de l'article précité.
La chambre a fait observer que dans la présente affaire ex parte, des questions pertinentes au regard de l'article 13 RPCR n'avaient pu être examinées avec le requérant, celui-ci n'ayant pas comparu à la procédure orale, par exemple la question de savoir pourquoi il avait réintroduit, à un stade avancé de la procédure de recours, des caractéristiques qui avaient été supprimées au cours de la procédure de première instance. Or, un requérant régulièrement cité qui, de sa propre initiative, ne comparaît pas à une procédure orale, ne saurait se trouver dans une position plus favorable qu'il ne l'aurait été s'il avait été présent. L'absence volontaire du requérant ne peut donc justifier que la chambre s'abstienne de soulever des questions qu'elle aurait évoquées si le requérant avait été présent.
La chambre a considéré qu'elle était fondée, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui conférait l'article 13(1) RPCR, à prendre en considération les dispositions de l'article 12(4) RPCR, qui s'appliquent à plus forte raison à des requêtes qui ont été présentées puis retirées au cours de la procédure de première instance, puisque cette succession d'actes montre clairement que ces requêtes auraient pu être soumises pendant la procédure en question. Ces critères, sur lesquels la chambre s'appuie pour exercer le pouvoir d'appréciation découlant de l'article 12(4) RPCR, sont également valables pour l'exercice du pouvoir d'appréciation conféré par l'article 13(1) RPCR (cf. également l'affaire T 1403/07, qui présente des similitudes).
7.1.5 Nécessité d'effectuer une recherche additionnelle
Dans l'affaire T 2127/09, la demande concernait un jeu informatique comparable à "Tetris". La division de la recherche n'avait pas effectué de recherche, estimant que l'objet revendiqué constituait simplement une mise en œuvre évidente de principes de jeu sur du matériel connu. Lors de la procédure orale devant la chambre, le requérant (demandeur) a déposé un jeu de revendications modifié comme unique requête en réponse aux objections de la chambre. La chambre a fait observer qu'elle ne pouvait rendre une décision finale sur la question de savoir si l'objet revendiqué impliquait une activité inventive, étant donné que la division de la recherche n'avait effectué aucune recherche. Cela ne s'expliquait pas par la date très tardive à laquelle le demandeur avait déposé les modifications, mais résultait principalement de la décision de la division de la recherche de ne pas effectuer de recherche, de sorte que le demandeur n'avait pu modifier les revendications que sur la base d'éléments n'ayant pas fait l'objet d'une recherche.
Il était donc nécessaire d'effectuer une recherche additionnelle conformément à la règle 63 CBE. La chambre a souligné que le renvoi doit être considéré comme une exception sur le plan de la procédure, et qu'il fallait également déterminer si le demandeur aurait pu apporter plus tôt les modifications effectuées devant la chambre (cf. article 12(4) RPCR), et, par conséquent, s'il aurait pu demander à la division d'examen d'exécuter la recherche nécessaire.
La chambre a constaté que le demandeur n'avait pas déposé de requête subsidiaire devant la division d'examen, et qu'il importait donc de savoir si le requérant aurait pu au moins produire ces modifications au moyen d'une telle requête. Selon la chambre, l'hypothèse selon laquelle il existe une obligation générale de déposer des requêtes subsidiaires - en ce sens qu'une partie doit craindre des conséquences procédurales négatives si elle s'en abstient - ne va pas sans poser de problème. Si l'on devait considérer le dépôt de requêtes subsidiaires comme une obligation procédurale, il faudrait également déterminer d'emblée le nombre de requêtes subsidiaires à "attendre", puisque selon la jurisprudence constante des chambres de recours, un nombre trop important de requêtes subsidiaires peut être considéré comme un abus de procédure. D'un autre côté, il est également évident que les parties ne peuvent prétendre systématiquement au renvoi de leur affaire. Cela signifie qu'une partie qui se limite à une seule requête devant la première instance doit envisager la possibilité qu'elle ne pourra soumettre d'autres requêtes et les faire examiner. La chambre a décidé, dans l'affaire en cause, d'autoriser les modifications apportées aux revendications.
7.2 Critères appliqués pour l'examen de revendications déposées tardivement
Dans l'affaire T 1634/09, la requête subsidiaire avait été présentée après les préparatifs en vue de la procédure orale ; elle constituait donc une modification des moyens invoqués par une partie, au sens de l'article 13(1) RPCR. La chambre a fait observer que, conformément à une approche fréquemment suivie par les chambres de recours (cf. par exemple la décision T 5/10), elle était susceptible, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'admettre et d'examiner une telle requête :
i) si le dépôt de cette requête à un stade aussi avancé de la procédure est réellement justifié (ce qui peut être le cas si les modifications font suite à des développements intervenus au cours de la procédure),
ii) si la requête subsidiaire n'étend pas le champ de la discussion tel que déterminé par les motifs du recours et la réponse de l'intimé (il convient de noter à cet égard que, conformément à l'article 12(2) RPCR, les motifs du recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie),
iii) si la requête subsidiaire est clairement ou manifestement admissible (ce qui signifie que la chambre doit pouvoir constater immédiatement, en faisant peu de recherches, que les modifications apportées répondent de manière satisfaisante à la question soulevée, sans donner lieu à de nouvelles objections).
Dans l'affaire en cause, aucune des conditions ci-dessus n'était remplie.
Dans l'affaire T 1168/08, les requérants avaient déposé leurs requêtes subsidiaires environ deux semaines avant la procédure orale et plus de deux ans après avoir reçu la réponse des intimés au mémoire exposant les motifs du recours.
Pour justifier le dépôt tardif des nouvelles requêtes, les requérants ont fait valoir que ces requêtes avaient été présentées en réponse à la notification de la chambre. Celle-ci a déclaré que cet argument n'était pas acceptable en l'espèce puisque, pour étayer son avis préliminaire selon lequel l'objet revendiqué n'était pas fondé sur la demande telle que déposée initialement et n'était pas nouveau, la chambre avait invoqué des arguments qui correspondaient en substance aux motifs avancés par l'un des intimés en réponse au mémoire du recours.
La notification que la chambre peut adresser aux parties au titre de l'article 15(1) RPCR est destinée à donner des conseils pour la procédure orale. Elle aide les parties à concentrer leurs arguments sur les questions que la chambre juge fondamentales pour pouvoir statuer. Lorsque la notification de la chambre contient un avis préliminaire qui s'appuie uniquement sur les points évoqués par les parties et sur leurs arguments, cette notification ne peut servir à justifier la présentation de nouvelles requêtes qui auraient pu être soumises antérieurement. Dans la présente affaire, les requérants auraient dû, au plus tard après avoir reçu les moyens invoqués par les intimés, déposer un ou plusieurs jeux supplémentaires de revendications pour lever ces objections si cela leur avait paru nécessaire. Ils s'en sont toutefois abstenus.
8. Remboursement de la taxe de recours
Dans l'affaire T 2006/08, le requérant (titulaire du brevet) a demandé le remboursement de la taxe de recours, alléguant que la division d'opposition, qui avait rendu à deux reprises un avis favorable sur la suffisance de l'exposé, n'était parvenue à une conclusion négative que lors de la procédure orale, sur la base des mêmes faits et preuves qui figuraient déjà au dossier. En outre, le titulaire du brevet avait été privé de la possibilité de fournir des données expérimentales pour remédier au vice dont serait entaché le brevet et il n'avait pas eu d'autre moyen que de former un recours.
La chambre a estimé que, bien que la division d'opposition ait rendu un avis favorable au titulaire du brevet sur la question de la suffisance de l'exposé dans deux notifications, cet avis était clairement considéré comme préliminaire et non-contraignant. Il convient aussi de relever que l'opposant avait alors produit d'autres moyens pour appuyer ses objections au titre de l'article 83 CBE et développer davantage son argumentation. A cet égard, le requérant aurait légitimement pu s'attendre à ce que l'opposant essaie de réfuter l'avis préliminaire et non-contraignant de la division d'opposition pendant la procédure orale.
La chambre a également considéré qu'un avis préliminaire provisoire (positif) n'empêche pas une partie de développer une argumentation complète. Il incombe à une partie de s'assurer que les faits et preuves produits sont non seulement univoques, mais aussi les plus complets possible. Si une partie décide de garder ou de ne pas produire d'autres preuves à l'appui de son dossier, elle prend le risque qu'une décision défavorable soit rendue, uniquement sur la base des preuves (incomplètes) disponibles figurant au dossier. La chambre a rejeté la requête en remboursement de la taxe de recours.
VIII. QUESTIONS INSTITUTIONNELLES
1. Situation juridique des chambres de recours de l'OEB
Dans l'affaire R 1/10, les deux requérants ont allégué qu'ils avaient expressément demandé à la chambre, au cours de la procédure de recours, d'émettre une notification intermédiaire afin de leur permettre de déposer dans les délais les requêtes subsidiaires qui s'imposaient. Toutefois, la chambre n'a fait part de son appréciation de l'affaire ni avant, ni après la citation à la procédure orale, ni à aucun moment pendant ladite procédure. Elle avait en outre rejeté leur demande de report de la procédure orale.
Les requérants ont considéré que la chambre de recours n'avait pas tenu compte du fait que, sans connaître son appréciation provisoire de l'affaire, ils ne pouvaient pas déposer en temps utile un exposé détaillé des moyens ni de nouvelles requêtes subsidiaires. Ils ont notamment fait référence à l'avis 1/09 de l'avocate générale de la CJUE, en date du 2 juillet 2010, relatif à l'introduction du brevet communautaire, dans lequel il avait été estimé que les chambres de recours de l'OEB ne remplissent pas les conditions requises pour être considérées comme une juridiction indépendante. Or, l'indépendance juridictionnelle est un droit absolu ancré à l'article 6(1) de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).
La Grande Chambre de recours a fait observer qu'eu égard aux principes constitutifs d'un Etat de droit que sont la séparation des pouvoirs, la légalité de toutes les actions de l'Etat et la reconnaissance des droits de l'homme, elle ne pouvait partager les réserves soulevées par les requérants à l'encontre de la conformité des chambres de recours de l'Office européen des brevets avec les principes d'un Etat de droit, notamment en ce qui concerne leur indépendance juridictionnelle. En effet, contrairement à l'opinion des requérants et de l'avocate générale, plusieurs hautes juridictions nationales des Etats parties à la CBE ont, par le passé, qualifié les chambres de recours de juridictions indépendantes conformément aux principes d'un Etat de droit, et reconnu leurs décisions comme des décisions d'une juridiction indépendante, qu'elles prennent en considération pour développer leur jurisprudence. Dans son avis G 3/08 (JO OEB 2011, 10), la Grande Chambre de recours a, en outre, exposé les raisons pour lesquelles les chambres de recours constituent, en vertu de la CBE, une juridiction indépendante au sein du système du brevet européen, lequel est fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs.
Par ailleurs, il ne saurait être question de suspendre la présente procédure de réexamen jusqu'à ce que la CJUE rende une décision dans la procédure de saisine concernant la compatibilité du projet d'accord visant à la création d'une Juridiction du brevet européen. En effet, une décision de la CJUE rejetant l'indépendance des chambres de recours au sens d'une juridiction conforme aux principes de l'Etat de droit ne s'impose pas aux chambres de recours, car la CBE ne fait pas partie de la législation de l'UE, mais institue au contraire, avec l'Organisation européenne des brevets, un sujet autonome de droit international, intrinsèquement indépendant de l'Union européenne, auquel ont certes adhéré l'ensemble des Etats membres de l'UE, mais aussi des Etats non membres de l'UE.
2. Décrets relatifs à l'extension de brevets européens
2.1 La nature juridique de l'accord d'extension
Les chambres de recours ont déclaré que le système d'extension correspond dans une large mesure au système prévu par la CBE, tel qu'il s'applique dans les Etats contractants, à cette différence près qu'il repose non pas sur l'application directe de la CBE, mais sur le droit national inspiré de la CBE. Le droit national de l'Etat autorisant l'extension régit la procédure d'extension et les conséquences juridiques de l'extension (cf. décision T 7/07 ainsi que les chapitres I.B.1.3 et VII.C.2.).
Dans la décision T 1196/08, la société SC a expliqué, à l'appui de sa déclaration d'intervention selon l'article 105(1)a) CBE, que le brevet roumain résultant de l'extension d'un brevet européen devait être considéré comme étant le même brevet qu'un brevet européen délivré en vertu de la Convention.
La chambre n'a pas partagé cet avis. Au sens de l'article 105(1)a) CBE, le terme "ce brevet" désigne un brevet européen au sens de l'article 2(1) CBE 1973. La chambre a expliqué que bien que la procédure d'extension corresponde pour l'essentiel au système prévu par la CBE, qui est applicable aux Etats parties à la Convention, la validité du système d'extension repose non pas sur l'application directe de la CBE, mais exclusivement sur le droit national inspiré de la CBE. Bien qu'il existe certains parallèles entre le système d'extension et le système du brevet européen, ces deux systèmes présentent néanmoins des différences fondamentales. Le système d'extension, y compris toutes les conditions et tous les effets juridiques de l'extension, repose exclusivement sur l'application du droit national, à moins qu'il ne soit expressément fait référence à la CBE. Par ailleurs, le système du brevet européen et les effets d'un brevet européen dans les Etats contractants reposent exclusivement sur l'application directe de la CBE, étant entendu que certaines dispositions de la CBE renvoient au droit national. Selon la chambre, il résulte donc de l'extension des effets d'un brevet européen en vertu du droit national de l'Etat autorisant l'extension que le brevet européen a les effets d'un brevet national, alors que la désignation effectuée en application de l'article 79 CBE 1973 a pour conséquence que le brevet européen est délivré par l'OEB sur la base de la Convention et avec effet pour l'Etat contractant désigné. Eu égard à cette situation juridique différente, la chambre a conclu qu'un brevet étendu au territoire d'un Etat autorisant l'extension n'est pas un brevet européen au sens de l'article 2(1) CBE 1973. En outre, les dispositions du décret d'extension roumain ne se réfèrent pas aux dispositions de l'article 105 CBE. Les références du décret d'extension roumain aux dispositions de la Convention étant exhaustives, la question de l'application par analogie de l'article 105 CBE ne se pose même pas (voir aussi les points VII.C.2. et 3.).
2.2 Compétence des chambres de recours
Dans l'affaire J 22/10, la chambre a déclaré que la chambre de recours juridique avait décidé, dans un certain nombre de cas, que les décisions rendues par l'OEB dans l'exercice des obligations qui lui incombent au titre des accords de coopération conclus avec certains Etats au sujet de l'extension de la protection conférée par des brevets européens (accords d'extension) ne sont pas fondées sur la CBE en tant que telle, mais seulement sur les accords de coopération conclus entre l'Organisation européenne des brevets, d'une part, et les Etats autorisant l'extension, d'autre part. Aussi avait-elle rejeté les recours respectifs comme irrecevables (décisions J 14/00, JO OEB 2002, 432 ; J 19/00 ; J 9/04 en date du 1er mars 2005 ; J 2/05 ; J 4/05). La chambre a noté qu'il découle de la nature même des accords d'extension concernés dans ces procédures de recours qu'aucune des décisions fondées sur ces traités internationaux ne tombe sous le coup de la CBE et, partant, ne relève de la compétence des chambres de recours. Il ressort clairement des accords d'extension que les références aux dispositions de la CBE sont exhaustives et que, par conséquent, les autres dispositions, y compris celles prévues aux articles 106s. CBE relatives à la procédure de recours, ne sont pas applicables. En d'autres termes, la chambre de recours juridique n'a pas compétence pour statuer sur une affaire exclusivement régie par un système juridique "étranger".