CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambre de recours juridique
Décision de la Chambre de recours juridique en date du 21 juillet 2011 - J 25/10
(Traduction)
COMPOSITION DE LA CHAMBRE :
Président :
K. Garnett
Membres :
P. Schmitz, J. Geschwind
Demandeur :
Medtronic Vascular, Inc.
Référence :
Cathéters ayant des réseaux d'électrodes linéaires/MEDTRONIC VASCULAR
Règle : 10(2), 103(1)a), 111(2) CBE
Article : 11 b) Règlement relatif aux taxes (RRT)
Règle : 43bis.1 PCT
Mot-clé :
"Remboursement partiel de la taxe d'examen (oui)" - "Début de l'examen quant au fond" - "Remboursement de la taxe de recours (oui)"
Sommaire
Après le retrait d'une demande de brevet européen, tout rejet par la division d'examen d'une requête en remboursement à 75 % de la taxe d'examen au motif que l'examen quant au fond avait déjà commencé (article 11b RRT) doit s'appuyer sur des faits propres à démontrer objectivement qu'il en est ainsi.
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen 07 865 305.2 a été déposée le 6 décembre 2007 en tant que demande internationale publiée sous le numéro PCT/US2007/086633 ; elle revendiquait une priorité en date du 13 décembre 2006. L'Office européen des brevets, agissant en qualité d'administration chargée de la recherche internationale, a établi le rapport de recherche internationale ainsi que l'opinion écrite.
II. Le 13 juillet 2009, la demande est entrée dans la phase européenne devant l'OEB après le dépôt du formulaire 1200 et le paiement des taxes de dépôt, de désignation et d'examen. Le 29 juillet 2009, la section de dépôt a émis une notification au titre des règles 161 et 162 CBE offrant au demandeur l'occasion de produire des pièces modifiées dans un délai d'un mois. Par notification datée du 28 octobre 2009, elle a informé le demandeur de l'application de l'article 67(3) CBE et de la publication des données bibliographiques dans le Bulletin européen des brevets.
III. Par lettre datée du 23 mars 2010 et reçue le même jour, le demandeur a retiré sa demande de brevet européen et a requis le remboursement des taxes sur le compte courant détenu par son mandataire auprès de l'OEB. Par une brève notification datée du 8 avril 2010, l'agent des formalités agissant pour le compte de la division d'examen a informé le demandeur qu'un remboursement à hauteur de 75 % de la taxe d'examen n'était plus possible au motif que l'examen quant au fond avait déjà commencé. Le demandeur a été prié d'indiquer à l'OEB s'il souhaitait maintenir sa déclaration de retrait, sachant que cette dernière n'était pas explicitement subordonnée au remboursement de la taxe d'examen.
IV. Par lettre en date du 20 mai 2010, le demandeur a confirmé le retrait de sa demande et a maintenu sa requête en remboursement partiel de la taxe d'examen. Il a fait valoir que puisque la division d'examen n'avait pas précisé la date à laquelle l'examen quant au fond avait commencé, ni la manière dont cette date était déterminée, elle n'était pas en droit de refuser le remboursement. Aux termes de l'article 11b) RRT, la taxe d'examen est remboursée à 75 % si la demande a été retirée avant que l'examen quant au fond n'ait commencé. Par conséquent, le demandeur était en droit d'obtenir un remboursement. Si ce remboursement est refusé, les circonstances factuelles justifiant le refus doivent être présentées de manière à permettre au demandeur de juger du bien-fondé de la décision. Dans le cas contraire, la division d'examen enfreindrait le droit du demandeur à obtenir un remboursement sans lui donner la possibilité de contester la décision sur une base objective.
V. Par notification datée du 23 juin 2010, l'agent des formalités agissant pour le compte de la division d'examen a maintenu que le remboursement n'était pas possible arguant que le début de l'examen quant au fond dépendait des circonstances particulières de l'espèce. La division d'examen n'avait certes envoyé aucune notification à la date de réception de la déclaration de retrait, mais il appartenait entièrement à celle-ci de déterminer à quel moment la procédure d'examen avait commencé. Le premier examinateur ayant confirmé qu'il avait déjà entamé l'examen quant au fond lorsque la demande a été retirée, un remboursement partiel de la taxe d'examen n'était plus possible.
VI. Par lettre du 30 juin 2010, le demandeur a maintenu sa requête en remboursement partiel de la taxe d'examen et a requis une décision susceptible de recours. Par décision datée du 14 juillet 2010, la requête en remboursement à 75 % de la taxe d'examen a été rejetée pour les raisons exposées dans la notification du 23 juin 2010.
VII. Le 6 septembre 2010, un recours a été formé et la taxe de recours acquittée. Le requérant a demandé que la décision de la division d'examen soit annulée et qu'un remboursement partiel de la taxe d'examen soit ordonné. Il a également requis le remboursement de la taxe de recours ainsi que la tenue d'une procédure orale au cas où la chambre n'aurait pas l'intention de faire droit aux requêtes précitées.
VIII. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, reçu le 23 septembre 2010, le requérant a fait valoir que conformément à l'article 11b) RRT, la question de savoir si un remboursement était possible n'était pas laissée à l'appréciation de l'OEB. Au contraire, l'OEB avait l'obligation légale de rembourser la taxe si les conditions d'un tel remboursement étaient remplies. La CBE n'énonce aucun critère définissant l'examen quant au fond au sens de l'article 11b) RRT. La division d'examen n'avait fourni aucune information permettant au requérant de déterminer le fondement ni les motifs de sa décision. Faute de tels critères, il était impossible de déterminer objectivement la date à laquelle l'examen quant au fond avait commencé. Au contraire, cette évaluation relevait exclusivement du pouvoir d'appréciation de la division d'examen. Or, en l'absence de critères objectifs, les décisions des divisions d'examen risqueraient d'être arbitraires. Chaque division pourrait appliquer ses propres critères, ce qui pourrait aboutir à des décisions divergentes dans des cas identiques sur le plan factuel. Le requérant avait explicitement demandé à la division d'examen la date exacte et les critères appliqués, mais aucune information ne lui avait été fournie. En l'absence de critères objectifs, le requérant n'était donc pas en mesure de juger du bien-fondé de la décision, ce qui constituait une violation des principes fondamentaux de la prévisibilité, de la vérifiabilité ainsi que de la sécurité juridique reconnus par la Grande Chambre de recours dans la décision G 3/08.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Conformément à l'article 11b) RRT, la taxe d'examen est remboursée à 75 % si la demande de brevet européen est retirée après que les divisions d'examen sont devenues compétentes, mais avant que l'examen quant au fond n'ait commencé. Comme le requérant l'a signalé à juste titre, cette disposition ne laisse aucune marge d'appréciation, mais soumet le remboursement de la taxe d'examen à deux conditions qu'il convient donc d'examiner.
3. S'agissant de la première condition, la division d'examen devient compétente pour examiner une demande de brevet européen conformément à l'article 94(1) CBE dès qu'une requête en examen est présentée (règle 10(2) CBE). La requête n'est réputée présentée qu'après le paiement de la taxe d'examen (article 94(1), deuxième phrase, CBE). En l'espèce, le demandeur a requis l'examen en cochant la case 4 du formulaire 1200, déposé le 13 juillet 2009 et la taxe d'examen a été acquittée le même jour. C'est donc à cette date que la division d'examen est devenue compétente. La déclaration de retrait a été reçue après cette date, à savoir le 23 mars 2010.
4. La deuxième condition soulève la question litigieuse de savoir s'il était établi à la date du retrait que l'examen quant au fond avait déjà commencé. Conformément à l'article 94(1), première phrase CBE, l'examen quant au fond consiste à déterminer si la demande de brevet européen et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences prévues par la Convention. L'examen n'est effectué que sur requête. Conformément à l'article 18(1) CBE, c'est la division d'examen qui est compétente pour l'effectuer.
5. Pour les raisons qui seront explicitées, il n'est pas nécessaire de déterminer le ou les acte(s) précis qui marque(nt) le début de l'examen quant au fond dans chaque cas particulier. Il suffit de savoir que la division d'examen doit avoir accompli un acte concret afférent à l'examen quant au fond après que la requête en examen a été présentée.
6. Dans le cas d'espèce, aucun élément du dossier n'indique sur la base de critères objectifs que la division d'examen avait accompli un acte concret quelconque laissant entendre que l'examen quant au fond avait commencé dans la phase régionale après le dépôt de la requête en examen.
7. Il est évident que l'opinion écrite établie par l'Office européen des brevets au cours de la phase internationale conformément à la règle 43bis.1 PCT ne saurait constituer un acte propre à l'examen quant au fond, et la division d'examen n'a d'ailleurs jamais affirmé le contraire dans la décision attaquée. Dans l'opinion écrite, l'administration chargée de la recherche internationale détermine si l'invention semble nouvelle, impliquer une activité inventive, et être susceptible d'application industrielle et si la demande internationale remplit les conditions du PCT dans la mesure où elles sont contrôlées par ladite administration. Cette opinion, rédigée au cours de la phase internationale, est régie par les dispositions du PCT. Elle ne fait pas partie de la procédure devant l'Office européen des brevets en tant qu'office désigné ou office élu et ne détermine aucunement s'il est satisfait aux conditions prévues par la CBE. En vertu du PCT, la phase internationale et la phase régionale sont clairement distinctes. Par conséquent, les actes accomplis par l'OEB en qualité d'administration internationale au titre du PCT ne sont pas pertinents pour déterminer si l'examen quant au fond a commencé devant l'OEB en tant qu'administration régionale chargée de la délivrance de brevets (voir les décisions J 37/03 et J 38/03, datées toutes deux du 15 mars 2006, point 6 des motifs). En outre, comme indiqué ci-dessus, l'examen quant au fond ne peut être effectué que sur requête (article 94(1), première phrase CBE). Les actes accomplis au stade de la recherche, en l'absence de requête en examen valable, ne sauraient donc faire partie de la procédure d'examen.
8. Il reste donc à déterminer si l'on peut admettre en l'espèce que l'examen quant au fond avait déjà commencé alors qu'aucune notification n'avait été émise et que le dossier ne contenait aucun autre élément laissant entendre que la division d'examen avait entamé son travail de fond.
9. Dans la décision attaquée, la division d'examen a d'abord déclaré que l'évaluation relative au début de la procédure d'examen relevait entièrement de la compétence de la division d'examen (point 4 des motifs). En effet, c'est la division d'examen qui doit procéder à cette évaluation et c'est souvent elle seule qui a accès aux informations nécessaires pour le faire. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle puisse prendre la décision correspondante sans se fonder sur les faits pertinents.
10. En définitive, le seul élément sur lequel s'appuyait le refus du remboursement partiel était l'indication selon laquelle le premier examinateur avait déjà entamé l'examen quant au fond (point 3 des motifs). Or, il ne s'agit là que d'une affirmation infondée. L'article 11b) RRT soumet le remboursement partiel de la taxe d'examen à des conditions claires et la question de savoir si ces conditions ont été remplies dans un cas donné est une question de fait. Si la requête en remboursement est refusée parce que lesdites conditions n'ont pas été remplies, la division d'examen doit en indiquer les motifs après avoir établi les faits. Il ne suffit pas d'affirmer qu'une condition prévue par une disposition n'est pas remplie sans se fonder sur les faits sous-jacents qui démontrent objectivement qu'il en est ainsi. Une telle démarche constituerait une décision arbitraire, non vérifiable, allant à l'encontre de toute sécurité juridique. Dans la décision G 3/08 (JO OEB 2011, 10), la Grande Chambre de recours a indiqué que "la possibilité de prévoir et de contrôler toutes les actions de l'Etat sont des éléments indispensables d'un ordre juridique démocratique", principes que l'OEB doit défendre (point 7.2.1 des motifs). Elle a ajouté qu' "un autre élément essentiel d'un ordre juridique démocratique réside dans le principe selon lequel l'autorité publique est liée par le droit et la justice. Ce principe, ainsi que celui, complémentaire, de l'application uniforme du droit, visent à garantir la prévisibilité des systèmes juridiques et, partant, la sécurité juridique, en empêchant tout acte arbitraire" (point 7.2.3. des motifs). La simple affirmation qu'une condition énoncée par une disposition juridique n'est pas remplie, sans exposé suffisant des motifs au vu des faits sous-jacents, constitue une violation des principes précités.
11. Comme l'indique le requérant, la date marquant le début de l'examen quant au fond ne saurait être déterminée objectivement en l'absence d'informations relatives aux critères pertinents à cet effet. Dans le cas d'espèce, il a semblé que cette constatation était laissée à l'appréciation de la division d'examen. Le requérant fait observer que la division d'examen avait été priée de communiquer la date exacte à laquelle l'examen quant au fond avait commencé ainsi que les critères appliqués pour déterminer cette date, mais qu'aucune information en ce sens n'avait été fournie si bien qu'il n'était pas en mesure de juger du bien-fondé de la décision. La Chambre ajoute que sans ces informations, elle ne se trouve pas en mesure de déterminer si la décision selon laquelle l'examen quant au fond avait commencé était correcte ou non. Cette décision n'était donc ni prévisible, ni vérifiable, et allait ainsi à l'encontre des principes énoncés dans la décision G 3/08 loc. cit., ci-dessus.
12. De l'avis de la Chambre, l'application de ces principes est particulièrement importante dans le cas d'espèce, et ce pour deux raisons. Premièrement, dans la mesure où la décision que l'Office est tenu de prendre, par l'intermédiaire de la division d'examen, a des conséquences sur ses propres intérêts financiers, il importe que le processus décisionnel soit transparent pour préserver la confiance du public envers l'OEB. C'est pourquoi il est également important que de telles décisions soient susceptibles de réexamen par les chambres de recours. Deuxièmement, dans le cas d'espèce, seul l'Office avait accès à toutes les informations pertinentes. Il ne s'agit pas d'un cas où, par exemple, une notification a été envoyée au demandeur donnant lieu à des faits vérifiables de l'extérieur sur la base desquels une décision de remboursement des taxes pourrait être rendue et faire l'objet d'un réexamen. C'est pourquoi il est important que le demandeur (et la Chambre de recours) aient connaissance des faits réels sur lesquels s'appuie la décision.
13. En conclusion, dans la présente espèce, il ne saurait être considéré comme établi que l'examen quant au fond avait déjà commencé lorsque la demande a été retirée.
14. La Chambre est consciente que, dans l'intervalle, l'Office a modifié sa pratique concernant le remboursement de la taxe d'examen, comme il ressort du Communiqué en date du 22 octobre 2009 (JO OEB 2009, 542), auquel le requérant a fait référence. Elle fait toutefois observer que l'article 11 RRT demeure applicable si bien qu'un remboursement à 75 % de la taxe d'examen ne peut donc être refusé que lorsque l'examen quant au fond a déjà commencé. Comme il a déjà été précisé, cela exige l'accomplissement par la division d'examen d'un acte concret en rapport avec l'examen quant au fond.
Remboursement de la taxe de recours
15. Conformément à la règle 111(2) CBE, les décisions contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées. Les motifs doivent aborder les faits de l'espèce et permettre au requérant et à la Chambre de comprendre comment l'instance du premier degré est parvenue à sa conclusion. La Chambre doit être en mesure de déterminer, en se fondant sur le raisonnement suivi dans la décision attaquée, si la conclusion à laquelle l'instance du premier degré est parvenue au vu des faits établis était justifiée ou non (T 278/00, JO OEB 2003, 546; T 850/95, JO OEB 1997, 152). Or, tel n'est pas le cas dans la présente espèce. L'absence de motifs suffisants s'appuyant sur des faits établis constitue un vice substantiel de procédure justifiant le remboursement de la taxe de recours (règle 103(1)a) CBE).
Procédure orale
16. La Chambre ayant l'intention de faire droit aux requêtes du requérant, il n'a pas été nécessaire de fixer une procédure orale, laquelle avait été demandée uniquement à titre subsidiaire.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La décision attaquée est annulée.
La taxe d'examen est remboursée à 75 %.
La taxe de recours est remboursée.