CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.5.01, en date du 20 octobre 2006 T 1242/04 - 3.5.01
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | S. Steinbrener |
Membres : | R. Wibergh |
| G. Weiss |
Demandeur : MAN Nutzfahrzeuge Aktiengesellschaft
Référence : Fourniture de données spécifiques à un produit/MAN
Article : 52(2), (3), 56, 111(1), 112(1)a) CBE
Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets B-VIII, 3
"Communiqué de l'Office européen des brevets, en date du 26 mars 2002, concernant les méthodes dans le domaine des activités économiques" (JO OEB 2002, 260)
Mot-clé : "Déclaration en vertu de la règle 45 CBE" – "Recherche additionnelle" – "Grande Chambre de recours – Saisine par la Chambre de recours (non)" – "Renvoi (oui – sur la base de la requête subsidiaire "supplémentaire")"
Sommaire :
I. La disposition de la règle 45 CBE s'applique exclusivement à la faisabilité d'une recherche et non à l'éventuelle pertinence de son résultat, utilisé lors de l'examen quant au fond auquel il sera procédé ultérieurement (point 8.3 des motifs).
II. Lorsque la demande de brevet vise des objets présentant des aspects non techniques, il ne peut être établi de déclaration au titre de la règle 45 CBE que dans les cas exceptionnels où l'objet revendiqué, c'est-à-dire le jeu complet de revendications, y compris les revendications indépendantes et dépendantes, est manifestement dépourvu de caractère technique (point 8.4 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours est dirigé contre la décision de la division d'examen de rejeter la demande de brevet européen n° 02 026 715.9 pour défaut de caractère technique, en vertu de l'article 52(2) et (3) CBE.
II. Une déclaration suivant la règle 45 CBE a été transmise pendant la recherche, indiquant que :
"Les revendications concernent une réalité technique qui est exclue de la brevetabilité au sens de l'article 52(2) et (3) CBE. Etant donné que l'objet revendiqué ne cite que ce type de données non techniques, ou des caractéristiques généralement connues permettant leur application technologique, l'examinateur chargé de la recherche n'a pas été en mesure de constater l'existence d'un problème technique dont la solution impliquerait éventuellement une activité inventive. Il n'a donc pas été possible de déterminer l'état de la technique de façon significative (R. 45 CBE et OEB Directives relatives à l'examen, partie B, chapitre VIII, 1-6).
Il est notifié au demandeur qu'une recherche peut être effectuée au cours de l'examen à condition que les irrégularités ayant motivé une déclaration au titre de la règle 45 CBE aient été corrigées (cf. Directives OEB C-VI, 8.5)".
Une telle "recherche additionnelle" n'a pas été réalisée au cours de la phase d'examen.
III. L'acte de recours a été reçu le 9 juillet 2004. La taxe de recours a été acquittée le même jour. En même temps que le mémoire exposant les motifs du recours, reçu le 10 septembre 2004, des revendications 1 à 16 modifiées ont été déposées sur la base d'une requête subsidiaire. Dans la requête principale déposée par lettre du 5 mars 2004, la délivrance a été requise sur la base des revendications valables. Le requérant, dans ce contexte, a expliqué que l'objet des revendications indépendantes 1 et 10 présentait un caractère technique conformément à l'article 52(2) et (3) CBE, qu'il était nouveau en l'absence d'état de la technique connu, et qu'il impliquait en outre une activité inventive.
IV. Dans une notification en date du 3 mars 2006, la Chambre a envoyé une citation à une procédure orale et exposé son opinion provisoire sur le recours, selon laquelle l'objection de défaut de caractère technique de l'objet des deux revendications indépendantes 1 et 10 de la requête principale ne serait pas maintenue, mais selon laquelle ces objets n'impliquaient vraisemblablement pas d'activité inventive.
En revanche, la Chambre a considéré que la requête subsidiaire devait faire l'objet d'une recherche sur l'état de la technique pertinent. Etant donné que celle-ci n'a pas été effectuée par l'instance du premier degré, mais que seule une déclaration en vertu de la règle 45 CBE a été établie, la Chambre renverrait donc la requête subsidiaire à la division d'examen.
V. Par lettre en date du 14 septembre 2006, le requérant a communiqué des arguments supplémentaires et a requis que les documents de la demande servant de base à la recherche soient renvoyés à la division de la recherche en y incluant également les revendications de la requête principale.
VI. Par lettre en date du 20 septembre 2006, la Chambre a signalé que la date fixée pour la procédure orale était maintenue et que l'affaire ne pourrait être renvoyée à l'instance du premier degré sans procédure orale que si la requête principale était retirée.
VII. Le 20 octobre 2006 s'est tenue une procédure orale, au cours de laquelle le requérant a demandé que la question de droit suivante soit soumise à la Grande Chambre de Recours :
"Faut-il qu'une recherche additionnelle soit effectuée et que son résultat soit consigné dans un rapport de recherche, dans le cas où il a été initialement établi, au lieu du rapport de recherche, une déclaration en vertu de la règle 45 CBE invoquant l'objection de défaut de caractère technique (article 52(2) CBE), puis où cette objection a été retirée lors de la procédure d'examen ou de recours ?"
VIII. En outre, le requérant a déposé un jeu de revendications modifiées comprenant des revendications 1 à 16, à titre de "première" requête subsidiaire. La requête subsidiaire précédente qui avait été déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours est devenue la requête subsidiaire "supplémentaire".
IX. La revendication indépendante 10 de la requête principale s'énonce comme suit :
"10. Système de fourniture de données spécifiques à un produit dans un poste de service, visant à identifier et à modifier éventuellement des données d'états de construction et de fonctionnement, caractérisé par
- une base de données centrale (1) destinée au stockage et à la fourniture de données d'équipement pour les composants de tous les types de produits et de leurs différentes variantes, les données d'équipement étant actualisées par le fabricant ;
- une mémoire d'archivage (3), dans laquelle est archivé au moins un fichier de données (2) propre à chaque produit livré, qu'il est possible d'interroger au moyen d'un code d'identification qui lui est associé, ledit fichier contenant les données d'équipement individuelles du produit livré (7) concerné,
- plusieurs interfaces utilisateurs (5) devant être reliées à la mémoire d'archivage (3) par des moyens de télécommunication ;
- un programme informatique (4), qui communique avec la base de données centrale (1) et la mémoire d'archivage (3) pour produire de nouveaux fichiers de données et/ou des fichiers modifiés et les stocker dans la mémoire d'archivage (3) ;
- plusieurs postes de service comportant au moins une interface utilisateur (5), grâce à laquelle il est possible d'interroger, dans la mémoire d'archivage (3), un fichier de données (2) associé au produit (7) correspondant, afin d'apporter d'éventuelles modifications au produit (7) ; et
- des données d'équipement du produit (7), contenant des indications sur les composants, le matériel informatique, les logiciels et concernant les réglages individuels réalisés sur les composants ainsi que les modifications apportées au produit, dans des versions consécutives de fichiers (2) présents dans la mémoire d'archivage (3) ; et
- les versions de fichiers (2(1-n)) stockées dans la mémoire d'archivage (3) reproduisant les modifications apportées au produit (7) concerné au fil du temps."
La revendication 1 concerne un procédé correspondant.
X. La version de la revendication indépendante 10 qui a été produite, à titre de "première" requête subsidiaire, lors de la procédure orale, diffère du libellé de la revendication 10 selon la requête principale, par l'introduction de la caractéristique partielle supplémentaire à la fin de la revendication, et s'énonce comme suit :
"le programme informatique (4) ayant accès aux données d'équipement actualisées qui sont stockées dans la base de données centrale (1) et, d'une part, lors de la fabrication du produit, coordonnant la création du fichier de données (2) correspondant - en fonction de la commande d'assemblage - et la planification opérationnelle qui en résulte et, d'autre part, lors de la maintenance du produit au poste de service (6), ne fournissant, pour les éventuelles modifications apportées au produit, que les données d'équipement actualisées qui sont stockées dans la base de données centrale (1)."
La revendication 1 concerne un procédé correspondant.
XI. La revendication indépendante10 suivant la requête subsidiaire "supplémentaire", déposée avec le mémoire exposant les motifs du recours, s'énonce comme suit :
"10. Système de fourniture de données spécifiques à un produit dans un poste de service, visant à identifier et à modifier éventuellement des données d'états de construction et de fonctionnement, caractérisé par
- une base de données centrale (1) destinée au stockage et à la fourniture de données d'équipement pour les composants de tous les types de produits et de leurs différentes variantes, les données d'équipement étant actualisées par le fabricant ;
- une mémoire d'archivage (3), dans laquelle est archivé un fichier de données (2) propre à chaque produit livré, qu'il est possible d'interroger au moyen d'un code d'identification qui lui est associé, ledit fichier contenant les données d'équipement individuelles du produit livré (7) concerné,
- plusieurs interfaces utilisateurs (5) pouvant être reliées à la mémoire d'archivage (3) par des moyens de télécommunication ;
- un programme informatique (4), qui communique avec la base de données centrale (1) et la mémoire d'archivage (3) pour produire de nouveaux fichiers de données et/ou des fichiers modifiés et les stocker dans la mémoire d'archivage (3) ;
- au moins une interface utilisateur (5) présente dans un poste de service (6), grâce à laquelle il est possible d'interroger, dans la mémoire d'archivage (3), le fichier de données (2) associé au produit (7) correspondant, et d'identifier l'état réel d'un produit (7) à entretenir afin d'apporter d'éventuelles modifications au produit (7) ;
- le programme informatique (4) ayant accès aux données d'équipement actualisées qui sont stockées dans la base de données centrale (1) et, d'une part, lors de la fabrication du produit, coordonnant la création du fichier de données (2) correspondant - en fonction de la commande d'assemblage - et la planification opérationnelle qui en résulte et, d'autre part, lors de la maintenance du produit au poste de service (6), ne fournissant, pour les éventuelles modifications apportées au produit, que les données d'équipement actualisées qui sont stockées dans la base de données centrale (1) ;
- le produit à entretenir devant être relié à l'interface (5), pour le transfert de données, par l'intermédiaire d'un convertisseur (8)."
La revendication 1 concerne un procédé correspondant.
XII. S'agissant de la recherche, qui n'a pas été effectuée, le requérant a affirmé qu'une déclaration au titre de la règle 45 CBE n'aurait pas dû être établie. Selon lui, le rapport de recherche constitue un pilier de la procédure. La recherche doit avoir lieu indépendamment de l'examen quant au fond. Sans quoi la règle 86(4) CBE pourrait agir comme un piège. En effet, lorsqu'une chambre de recours renvoie une affaire à des fins de poursuite de l'examen, sur la base de revendications limitées, mais qu'un rapport de recherche établi ultérieurement montre qu'une protection plus large aurait été possible, le demandeur ne peut plus, le cas échéant, modifier les revendications en conséquence. Il faut donc que l'état de la technique soit arrêté dès le début de la procédure d'examen, de sorte qu'un demandeur puisse, si on lui oppose une objection pour défaut d'activité inventive sur la base des connaissances générales de l'homme du métier, évaluer quelles limitations de la demande de brevet exige l'état de la technique matérialisé par des documents.
XIII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision de rejet et la délivrance d'un brevet sur la base de la requête principale, déposée le 5 mars 2004,
à titre subsidiaire, que l'affaire soit renvoyée en première instance pour poursuite de la procédure, ou, à défaut, que la question de droit présentée lors de la procédure orale soit soumise à la Grande Chambre de recours,
encore à titre subsidiaire, la délivrance d'un brevet sur la base du texte des revendications qui a été produit à titre de "première" requête subsidiaire au cours de la procédure orale, ou, à défaut, le renvoi de l'affaire en première instance pour poursuite de la procédure,
encore à titre subsidiaire, la délivrance d'un brevet sur la base du texte des revendications qui a été produit à titre de requête subsidiaire avec le mémoire exposant les motifs du recours et maintenu en tant que requête subsidiaire "supplémentaire", ou, à défaut, le renvoi de l'affaire en première instance pour poursuite de la procédure.
XIV. A l'issue de la procédure orale, la Chambre a prononcé sa décision.
Motifs de la décision
1. Recevabilité du recours
Le recours satisfait aux exigences des dispositions visées à la règle 65(1) CBE et est donc recevable.
Requête principale
2. Le requérant a demandé l'annulation de la décision de rejet et la délivrance d'un brevet sur la base de la requête principale, déposée le 5 mars 2004.
3. Caractère technique – Article 52(2), (3) CBE
3.1 L'objection de défaut de caractère technique qui a été formulée à l'encontre des objets des deux revendications indépendantes 1 et 10 ne résiste pas à un examen sur la base de la jurisprudence telle que formulée dans les décisions des chambres de recours T 931/95 (JO OEB 2001, 441) et T 258/03 (JO OEB 2004, 575).
3.2 Outre le fait que, conformément à la décision T 931/95, la catégorie "dispositifs" à laquelle appartient la revendication 10 implique d'emblée la présence de caractéristiques techniques et, partant, d'un caractère technique, les deux revendications indépendantes présentent au moins une base de données centrale contenant des données sur l'état théorique et une mémoire d'archivage contenant des données sur l'état réel. Toutes deux communiquent par l'intermédiaire d'un calculateur, ce qui suppose l'utilisation d'un ordinateur. Ainsi, la revendication de procédé indépendante 1 utilise également des moyens techniques et, conformément à la décision T 258/03, va au-delà d'un concept purement abstrait. Les revendications indépendantes 1 et 10 présentent donc toutes deux un caractère technique et constituent des inventions au sens de l'article 52(1) CBE.
4. Activité inventive – Article 56 CBE
4.1 Le requérant a fait valoir que l'invention a pour but de garantir la fonctionnalité et la qualité du produit pendant toute sa durée de vie. C'est en cela que réside la contribution technique.
La Chambre estime toutefois que ce problème n'est pas résolu par l'objet de la revendication 10. L'amélioration de la fonctionnalité et de la qualité, pendant la durée de vie du produit, n'est pas due au procédé ou au système selon l'invention, mais à l'utilisation des meilleurs composants possibles. Les données mémorisées n'ont, en soi, aucun effet technique direct sur la qualité du produit, qui est plutôt obtenue grâce aux composants améliorés proprement dits, auxquels les données d'équipement stockées dans la base de données centrale ne font que renvoyer. Ainsi, la garantie de la qualité de l'entretien dépend également de la personne qui l'assure et n'est pas automatique, ce qui explique que des erreurs puissent survenir lors de la maintenance.
4.2 Même si l'on considère que le but de l'invention est uniquement de fournir des données spécifiques à un produit, permettant de comparer l'état théorique du produit d'une part, et son état réel d'autre part (cf. aussi col. 6, l. 26-28 du document A1 : "On obtient ainsi un auto-approvisionnement du poste de service concerné en données adaptées qui sont spécifiques à un produit"), ce but reste pour l'essentiel de nature administrative. En revanche, la réalisation et la mise en œuvre de ce concept par des moyens techniques relève clairement du domaine technique, ce qui, en l'espèce, doit être considéré comme étant le problème technique.
4. 3 Pour apprécier l'activité inventive, il faut tenir compte uniquement des caractéristiques qui contribuent à résoudre le problème technique de l'invention (cf. T 641/00, JO OEB 2003, 352). Dans la revendication indépendante 10, il s'agit des caractéristiques suivantes :
- une base de données centrale destinée au stockage et à la fourniture de données,
- une mémoire d'archivage permettant l'archivage de fichiers de données, qu'il est possible d'interroger au moyen de codes d'identification qui leur sont associés, lesdits fichiers enregistrant les modifications apportées au produit concerné, dans des versions consécutives de fichiers de données,
- des interfaces utilisateurs, pouvant être reliées à la mémoire d'archivage par des moyens de télécommunication, auxquelles sont associés des postes de service, permettant d'appeler des fichiers de données, et
- un programme informatique, qui communique avec la base de données centrale et la mémoire d'archivage pour produire de nouveaux fichiers de données et/ou des fichiers modifiés et les stocker dans la mémoire d'archivage.
En revanche, les données des fichiers qui sont stockées en continu dans la mémoire d'archivage et les données d'équipement de la base de données centrale ne revêtent aucun caractère fonctionnel au sens de la décision T 1194/97 (cf. en particulier le point 3.3 ; JO OEB 2000, 525). En effet, une anomalie dans ces données n'affecte pas la capacité de fonctionnement du système. Ces données décrivent uniquement un état du produit à entretenir, et ne contribuent donc pas au caractère technique du système revendiqué.
4.4 De l'avis de la Chambre, la base de données centrale et la mémoire d'archivage communiquent simplement sur le mode d'une architecture client-serveur, dispositif dont il ne fait aucun doute qu'il faisait déjà partie, avant la date de priorité de la présente demande de brevet, des connaissances générales de l'homme du métier. Les fichiers de données consécutifs stockés dans la mémoire d'archivage constituent ici une transposition évidente d'un carnet d'entretien classique, sous la forme d'une base de données électronique. A cela s'ajoute que, dans le cadre de la technique générale relative aux bases de données, les données sont accessibles par l'intermédiaire de champs d'indexation clairs d'une façon similaire aux codes d'identification. Les ordinateurs-clients, en particulier, sont équipés d'interfaces utilisateurs correspondantes et communiquent avec l'ordinateur-serveur par le biais de télécommunications (p.ex. ordinateurs en réseaux). Tout traitement de l'information a pour but de générer ou de modifier des données sous forme de fichiers, et de les placer dans la base de données. Ce faisant, la mise en mémoire intervient soit en écrasant d'anciens fichiers, soit en assurant une maintenance des fichiers sous forme d'historique. L'idée d'une maintenance centrale des données visant à éviter les incohérences est associée à la mise en œuvre de la technique client-serveur connue, ce qui permet d'obtenir un effet bénéfique presque évident sous la forme d'une maintenance homogène du produit (cf. p. 4, par. 1 du mémoire exposant les motifs du recours).
De l'avis de la Chambre, une telle mise en œuvre ne nécessite donc que des mesures qui, si l'on applique des notions fondamentales de programmation, relèvent de façon évidente des connaissances générales de l'homme du métier.
4.5 Un raisonnement analogue s'applique à la revendication de procédé indépendante 1 correspondante.
4.6 En l'absence de contribution technique inventive à l'état de la technique, les revendications indépendantes 1 et 10 de la requête principale n'impliquent donc pas d'activité inventive.
Première requête subsidiaire
5. A titre subsidiaire, le requérant demande que l'affaire soit renvoyée en première instance pour poursuite de la procédure, ou à défaut, que la question de droit présentée lors de la procédure orale soit soumise à la Grande Chambre de recours.
6. Comme exposé ci-dessus, la Chambre, exerçant son pouvoir d'appréciation au titre de l'article 111(1) CBE, a introduit, dans la présente espèce, les connaissances générales de l'homme du métier comme état de la technique, et ceci est jugé suffisant pour apprécier l'activité inventive de la requête principale. Dans ces conditions, un renvoi n'est ni nécessaire, ni utile.
7. En ce qui concerne la question de droit qu'il est demandé de soumettre à la Grande Chambre de recours (cf. point VII. ci-dessus), il convient tout d'abord d'établir comment la règle 45 CBE doit être interprétée et dans quelles conditions une recherche additionnelle est nécessaire.
8. Déclaration au titre de la règle 45 CBE
8.1 La règle 45 CBE s'énonce comme suit :
"Si la division de la recherche estime que la demande de brevet européen n'est pas conforme aux dispositions de la convention, au point qu'une recherche significative sur l'état de la technique ne peut être effectuée au regard de tout ou partie des revendications, elle déclare qu'une telle recherche est impossible ou elle établit, dans la mesure du possible, un rapport partiel de recherche européenne. La déclaration et le rapport partiel sont considérés, aux fins de la procédure ultérieure, comme le rapport de recherche européenne."
8. 2 La recherche représente un élément important de la procédure de délivrance, car elle permet de déterminer quel est l'état de la technique concernant la demande de brevet. Les documents cités dans le rapport de recherche permettent d'établir si et dans quelle mesure l'invention est brevetable (cf. R. 44(1) CBE). La connaissance de l'état de la technique constitue le fondement de l'examen de la demande de brevet par les divisions d'examen. D'autre part, elle est importante pour le demandeur, auquel elle fournit la base qui lui permettra de décider s'il poursuit la demande de brevet et la fait examiner. Enfin, elle est aussi importante pour le public, et en particulier pour les concurrents, qui peuvent ainsi se faire une idée de la portée d'un éventuel titre de protection. C'est pour cette raison que le législateur a également prévu que les résultats de la recherche, effectuée en temps utile, soient publiés, avec la demande de brevet européen, dix-huit mois après de la date de dépôt ou la date de priorité (cf. Art. 93(2) CBE).
L'importance capitale de la recherche provient également du fait qu'elle représente une prestation de service de l'Office européen des brevets assujettie à une taxe, que la taxe de recherche doit être acquittée au plus tard un mois après le dépôt de la demande (Art. 78(2) CBE), et que, si la taxe de recherche n'a pas été acquittée, la demande de brevet est réputée retirée (Art. 90(3) CBE). Les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets, partie B-III, 2.1 (dans la version de juin 2005) soulignent elles aussi que la recherche européenne est une recherche approfondie, de haute qualité et de grande envergure.
Il résulte de ce raisonnement que la règle 45 CBE représente une disposition d'exception et, à ce titre, doit être interprétée de façon restrictive.
8.3 La règle 45 CBE vise les cas qui ne sont pas conformes aux dispositions de la convention, au point qu'il est "impossible" d'effectuer une "recherche significative" sur l'état de la technique au regard de tout ou partie des revendications. Ce n'est donc que dans la mesure où une recherche n'est pas possible qu'une déclaration dans ce sens est prévue. Dans les autres cas, la division de la recherche établit, "dans la mesure du possible", un rapport de recherche pour une partie de la demande.
La Chambre estime que la disposition de la règle 45 CBE s'applique exclusivement à la faisabilité d'une recherche, et pas à l'éventuelle pertinence de son résultat qui sera utilisé lors de l'examen quant au fond auquel il sera procédé ultérieurement. Ceci ressort clairement du libellé de la règle, qui fait référence à l'impossibilité d'une recherche significative en cas de grave violation des dispositions de la convention, comme ce serait le cas, par exemple, lors d'un manque fondamental de clarté ou d'une absence totale de caractère technique. Si ces conditions ne s'appliquent pas, la règle 45 CBE ne peut être invoquée pour refuser une recherche. Peu importe, dans ce cas, que la division de la recherche estime que la recherche n'aboutirait à aucun résultat significatif aux fins de la procédure ultérieure. En définitive, c'est la recherche qui constitue la base de l'examen quant au fond (et désormais également celle du rapport de recherche européenne élargi, conformément à la règle 44bis CBE), et pas l'inverse. En outre, on ne voit pas pourquoi une revendication portant exclusivement sur des caractéristiques techniques, qui auraient été qualifiées de "banales" par la division de la recherche, pourrait empêcher une recherche significative sur l'état de la technique qui, dans ce cas, devrait justement être particulièrement simple.
8.4 Compte tenu de ces considérations, on peut à bon droit estimer, selon la Chambre, que lorsque la demande de brevet vise des objets présentant des aspects non techniques, il ne peut être établi de déclaration en vertu de la règle 45 CBE que dans les cas d'exception, dans lesquels l'objet revendiqué, c'est-à-dire le jeu complet de revendications, y compris les revendications indépendantes et dépendantes, est manifestement dépourvu de caractère technique.
8.5 Comme l'illustrent les termes utilisés dans la présente espèce (cf. point II. ci-dessus), dans la déclaration au titre de la règle 45 CBE, il semble que la division de la recherche a considéré que ce qui importe est moins l'impossibilité d'une recherche que son inutilité. Cette opinion, que de toute évidence la division d'examen a également fait sienne, apparaît en outre dans le "Communiqué de l'Office européen des brevets, en date du 26 mars 2002, concernant les méthodes dans le domaine des activités économiques" (JO OEB 2002, 260) ainsi que dans les Directives relatives à l'examen B-VIII, 3. Cependant, pour les motifs énoncés ci-dessus, la Chambre ne peut adhérer au point de vue exprimé dans le Communiqué de l'Office et dans les Directives relatives à l'examen.
8.6 L'interprétation que donne la division de la recherche de la règle 45 CBE est particulièrement discutable, dans la présente espèce, dans la mesure où la règle prévoit également une recherche portant sur une partie de la demande. Certaines des revendications d'origine, notamment les revendications 5 et 16, contiennent manifestement des caractéristiques techniques (cf. aussi le point 15 ci-dessous). Par conséquent, il était a priori prévisible qu'un état de la technique matérialisé par des documents pourrait être requis dans la suite de la procédure d'examen.
9. Recherche additionnelle
9.1 Les Directives relatives à l'examen B-II, 4.2 prévoient une "recherche additionnelle" qu'il convient d'effectuer dans des cas précis. Dans la présente espèce, le requérant a déploré qu'une recherche additionnelle n'ait pas été effectuée, alors que l'objection de défaut de caractère technique formulée dans la déclaration au titre de la règle 45 CBE n'a plus été maintenue dans la suite de la procédure.
9.2. De l'avis de la Chambre, il n'est cependant pas toujours nécessaire, dans ces circonstances, d'effectuer une recherche additionnelle dans l'état de la technique matérialisé par des documents. La division d'examen est compétente pour examiner une demande de brevet (Art. 18(1) CBE). Elle décide quelles sont les objections formulées à l'encontre de la délivrance (Art. 96(2) CBE). Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, il est possible de soulever une objection de défaut d'activité inventive en l'absence d'état de la technique matérialisé par des documents (cf. p.ex. la décision T 939/92, point 2.3 des motifs, JO OEB 1996, 309). Ceci doit alors être possible lorsqu'une telle objection se fonde sur des connaissances techniques "notoires", ou qui relèvent incontestablement des connaissances générales de l'homme du métier. Dans de tels cas, il ne serait pas utile de procéder, pour des motifs purement formels, à une recherche additionnelle d'après l'état de la technique matérialisé par des documents. Ainsi, une recherche additionnelle, même lorsqu'une objection initiale de défaut de caractère technique selon l'article 52(2) CBE a été retirée, n'est généralement pas requise lorsque l'objet revendiqué est déjà antériorisé par les connaissances générales de l'homme du métier ou déjà suggéré au regard de sa contribution technique. Elle est cependant nécessaire si les caractéristiques des revendications ne relèvent pas des connaissances générales de l'homme du métier et si le demandeur considère qu'elles ne sont pas connues. Argumenter à l'aide d'exemples forgés de toutes pièces, comme l'a fait la division d'examen au cours de la présente procédure (voir la décision, point 4 de l'exposé des faits), ne remplace évidemment pas une recherche.
9.3 Le requérant a en outre fait valoir que, dans les circonstances de la présente espèce, la règle 86(4) CBE peut agir comme un piège. En effet, si le demandeur limite la portée de la demande de brevet au cours de la procédure de recours, mais apprend, une fois la recherche additionnelle effectuée, que l'état de la technique aurait permis une protection plus large, il pourrait être difficile, compte tenu de la règle 86(4) CBE, d'imposer des modifications correspondantes à apporter aux revendications.
Cet argument ne convainc cependant pas la Chambre. On attend effectivement d'un requérant qui modifie des revendications, qu'il tienne toujours compte des aspects essentiels de l'invention et qu'il ne change pas complètement l'objet de la revendication, afin de provoquer un renvoi à la division d'examen. Il ne peut donc pas être question de "piège". Il convient cependant de donner raison au requérant lorsqu'il argumente qu'une modification apportée par le demandeur, sans qu'il ait connaissance de l'état de la technique complet, pourrait ultérieurement s'avérer inutile. En effet, il n'est possible de trouver des documents extrêmement pertinents (p.ex. de contenu identique) que par une recherche systématique effectuée dans la documentation de recherche.
10. Saisine de la Grande Chambre de recours
10.1 Conformément à l'article 112(1)a) CBE, la chambre de recours saisit en cours d'instance la Grande Chambre de recours lorsqu'elle estime qu'une décision est nécessaire afin d'assurer une application uniforme du droit ou lorsqu'une question de droit d'importance fondamentale se pose.
10.2 Une saisine est nécessaire afin d'assurer une application uniforme du droit si la Chambre juge nécessaire de s'écarter d'une interprétation de la CBE donnée dans une décision précédente d'une chambre de recours. La Chambre n'a cependant connaissance d'aucun cas de décision s'écartant de la conception juridique présentée ci-dessus.
10.3 Une question de droit d'importance fondamentale se pose lorsque celle-ci est pertinente pour statuer dans un nombre significatif d'affaires similaires, de sorte qu'elle revêt un grand intérêt tant pour les parties à la présente procédure de recours que pour la communauté tout entière (cf. décision T 271/85, JO OEB 1988, 341). Cependant, même si une question de droit d'importance fondamentale se pose, la chambre dispose d'un pouvoir d'appréciation pour soumettre ou non cette question de droit à la Grande Chambre de recours (cf. décision T 390/90, JO OEB 1994, 808). Dans ce contexte, un des critères qu'il convient d'appliquer consiste à établir si la chambre de recours peut sans conteste répondre elle-même à cette question (cf. décision T 198/88, JO OEB 1991, 254). S'il n'est pas possible d'apporter une réponse générale à une question posée, elle ne doit pas être soumise (cf. décision T 972/91, non publiée au JO OEB). Ceci s'applique également lorsqu'il ne s'agit pas d'une question de droit, mais d'une question technique (cf. décision T 181/82, JO OEB 1984, 401).
Concernant les faits auxquels se rapporte la question posée, il convient de décider au cas par cas, en fonction des circonstances concrètes, si une recherche additionnelle est requise lorsqu'une objection initiale de défaut de caractère technique selon l'article 52(2), (3) CBE a été retirée. Cette recherche est en premier lieu de nature technique, car elle exige l'interprétation d'une information technique par l'homme du métier. Dans ce contexte, il n'est pas possible d'apporter une réponse générale à la question posée.
10.4 La Chambre considère qu'il n'y a donc pas lieu de saisir la Grande Chambre de recours de la question de droit posée.
Deuxième requête subsidiaire
11. Le requérant demande la délivrance d'un brevet sur la base du texte des revendications qui a été produit à titre de "première" requête subsidiaire au cours de la procédure orale, ou à défaut, le renvoi de l'affaire en première instance pour poursuite de la procédure.
12. Activité inventive
12.1 De l'avis de la Chambre, la caractéristique partielle supplémentaire qui a été adjointe, par rapport à la revendication 10 selon la requête principale (cf. point X ci-dessus), n'ajoute aucun moyen technique contribuant au caractère technique. Les moyens techniques employés se limitent par conséquent à ceux qui ont déjà été évoqués eu égard à la requête principale (cf. point 4.3 ci-dessus).
Cette caractéristique partielle supplémentaire fait référence à une commande d'assemblage et à la planification opérationnelle qui en résulte, bien que le préambule de la revendication 10 ne vise que la zone de service située en aval. Aucune mesure d'assemblage et de planification opérationnelle n'est revendiquée, et aucune variante n'est proposée, mais c'est plutôt la création du fichier de données qui est concrétisée, celle-ci ne présentant toutefois aucun caractère fonctionnel par rapport au système de fourniture de données spécifiques à un produit qui est revendiqué (cf. point 4.3 ci-dessus). Même si la commande d'assemblage et la planification opérationnelle sont incluses dans la création du fichier de données concerné, les données des fichiers ainsi générées représentent toujours uniquement les données spécifiques à un produit, dont une anomalie n'a cependant aucune répercussion sur la capacité de fonctionnement du système de fourniture de données spécifiques à un produit qui est revendiqué.
12.2 Un carnet d'entretien classique contient, lui aussi, des informations relatives à la fabrication et concernant le produit concret, p.ex. le numéro de châssis, ou un équipement optionnel. Les fichiers de données consécutifs ainsi générés, stockés dans la mémoire d'archivage, représentent donc toujours uniquement une transposition évidente d'un carnet d'entretien classique, sous la forme d'une base de données électronique.
12.3 En l'absence de contribution technique inventive aux connaissances générales de l'homme du métier, la revendication indépendante 10 suivant cette requête subsidiaire n'implique donc pas non plus d'activité inventive.
13. Dans ces conditions, étant donné que les connaissances générales de l'homme du métier ont été jugées suffisantes, comme état de la technique, pour apprécier l'activité inventive, la Chambre considère, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation au titre de l'article 111 (1) CBE, qu'un renvoi de l'affaire n'est ni nécessaire, ni utile.
Troisième requête subsidiaire
14. Le requérant requiert la délivrance d'un brevet sur la base du texte des revendications déposé avec le mémoire exposant les motifs du recours (requête subsidiaire "supplémentaire" ; cf. point XI ci-dessus) ou, à défaut, le renvoi de l'affaire en première instance pour poursuite de la procédure.
15. La Chambre estime que la dernière caractéristique partielle de la revendication 10, qui consiste à prévoir une liaison entre le produit à entretenir et l'interface, pour le transfert des données, par l'intermédiaire d'un convertisseur (objet de la revendication 16 d'origine) va, dans la présente espèce, au-delà des simples connaissances générales de l'homme du métier (par exemple l'utilisation notoire d'un ordinateur, d'un réseau, d'une base de données électronique) et ne peut donc être jugée de façon définitive sans que l'on ait connaissance de l'état de la technique pertinent, matérialisé par des documents. Il est donc nécessaire que cette requête subsidiaire fasse l'objet d'une recherche sur l'état de la technique. Il convient donc de renvoyer l'affaire pour que soit effectuée une recherche additionnelle et pour que l'examen soit poursuivi.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée en première instance pour poursuite de la procédure d'examen, sur la base de la requête subsidiaire "supplémentaire" produite avec le mémoire exposant les motifs du recours.
3. Les requêtes précédentes sont rejetées.