CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Grande Chambre de recours
Décision de la Grande Chambre de recours, en date du 19 février 1996 - G 4/95
(Traduction)
Composition de la chambre:
Président: | P. Gori |
Membres: | G.D. Paterson |
C. Andries | |
G. Gall | |
W.Moser | |
R. Schulte | |
P. van den Berg |
Titulaire du brevet/requérant: Bogasky, John J.
Opposant/intimé : Sensormatic Electronics Corp.
Référence: Représentation/BOGASKY
Article: 116, 117, 133,134 CBE
Mot-clé: "Exposé oral présenté par un assistant lors d'une procédure d'opposition ou d'une procédure de recours sur opposition."
Sommaire
I. Dans une procédure orale au sens de l'article 116 CBE, tenue dans le cadre d'une procédure d'opposition ou d'une procédure inter partes, un assistant du mandataire agréé d'une partie peut être autorisé à faire un exposé oral sur des questions juridiques ou techniques spécifiques pour le compte de cette partie, autrement qu'au sens de l'article 117 CBE, afin de compléter la présentation exhaustive de la cause de ladite partie par le mandataire agréé.
II.a) Un tel exposé oral ne peut être effectué de plein droit, mais seulement avec l'autorisation de l'OEB, autorisation qui est accordée discrétionnairement.
b) Les critères principaux suivants doivent être appliqués par l'OEB lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire pour autoriser la présentation d'un exposé oral par un assistant lors d'une procédure d'opposition ou de recours sur opposition :
i) Le mandataire agréé doit demander l'autorisation qu'un tel exposé oral soit effectué. Sa requête doit indiquer les nom et qualités de l'assistant et préciser l'objet de l'exposé oral qu'il est proposé de présenter.
ii) La requête doit être formulée suffisamment tôt avant la procédure orale pour que toutes les parties adverses aient la possibilité de préparer convenablement leur réponse à l'exposé oral qu'il est proposé de présenter.
iii) Une requête qui est déposée peu de temps avant la procédure orale ou lors de cette dernière doit, en l'absence de circonstances exceptionnelles, être rejetée, à moins que toutes les parties adverses n'acceptent l'exposé oral demandé.
iv) L'OEB doit s'assurer que l'assistant effectue cet exposé oral sous la responsabilité et le contrôle permanents du mandataire agréé.
c) Aucun critère spécial ne s'applique à la présentation d'un exposé oral par des conseils en brevets habilités exerçant dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE.
Rappel de la procédure
I. Dans sa décision T 803/93 (JO OEB 1996, 204), en date du 19 juillet 1995, la chambre de recours technique 3.4.1 a soumis les questions suivantes à la Grande Chambre de recours, conformément à l'article 112(1)a) CBE.
"(1) Dans une procédure orale au sens de l'article 116 CBE, tenue devant l'OEB dans le cadre d'une procédure d'opposition ou d'une procédure de recours faisant suite à une opposition, une personne non habilitée au regard de l'article 134 CBE à représenter une partie à une procédure devant l'OEB, mais qui est accompagnée par une personne qui est à la fois habilitée et mandatée pour représenter une partie à une procédure, peut-elle être autorisée, eu égard à l'article 133 CBE, à présenter pour le compte de cette partie un exposé oral relatif aux questions juridiques qui se posent dans cette affaire ?
(2) Dans une procédure orale au sens de l'article 116 CBE, tenue devant l'OEB dans le cadre d'une procédure d'opposition ou d'une procédure de recours faisant suite à une opposition, une personne non habilitée au regard de l'article 134 CBE à représenter une partie à une procédure devant l'OEB, mais qui est accompagnée par une personne qui est à la fois habilitée et mandatée pour représenter une partie à une procédure, peut-elle être autorisée, eu égard aux articles 117 et 133 CBE, à présenter pour le compte de cette partie un exposé oral relatif aux questions d'ordre technique qui se posent dans cette affaire, sans se borner à déposer oralement conformément à l'article 117(3) CBE ?
(3) A propos de chacune des questions (1) et (2), considérées séparément :
a) S'il est répondu à la question par l'affirmative, doit-il être considéré qu'une personne peut de plein droit présenter un tel exposé oral pour le compte d'une partie, ou qu'elle ne peut le faire qu'avec l'autorisation de l'OEB, autorisation qui est accordée discrétionnairement ?
b) Si ce n'est que dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire que l'OEB peut autoriser une personne à présenter un tel exposé oral, quels critères doit-il appliquer lorsqu'il exerce ce pouvoir ?
c) Y a-t-il lieu d'appliquer des critères spéciaux dans le cas des conseils en brevets habilités exerçant dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE ?"
Dans cette décision, une personne qui accompagne un mandataire agréé et qui n'est pas habilitée en vertu de l'article 134(1) ou (7) CBE à représenter des parties à des procédures devant l'OEB est appelée "assistant".
Ces questions concernent la situation qui s'est produite lors de la procédure orale tenue devant une division d'opposition au cours de la procédure d'opposition qui fait l'objet d'un recours dans l'affaire T 803/93. Les faits pertinents sont résumés dans la décision de saisine T 803/ 93, ci-dessus mentionnée.
La décision de saisine explique également au point 1 de ses motifs que, dans la décision J 11/94 (JO OEB 1995, 596), la chambre de recours juridique a antérieurement saisi la Grande Chambre de recours de questions à peu près semblables. Cependant, les faits de l'affaire J 11/94 sont différents de ceux de l'affaire T 803/93. En particulier, l'affaire J 11/94 se rapporte à la question de savoir si un assistant peut présenter un exposé oral sur des questions purement juridiques dans une procédure ex parte ; tandis que l'affaire T 803/93 a trait à la question de savoir si un assistant peut présenter un exposé oral sur des questions à la fois juridiques et techniques (telles que la nouveauté et l'activité inventive), dans une procédure d'opposition ou inter partes.
II. Le titulaire du brevet dans l'affaire T 803/93 a déposé le 21 septembre 1995 des observations sur les questions ci-dessus mentionnées. Celles-ci peuvent être essentiellement résumées comme suit par référence aux questions numérotées :
(1) Il y a lieu de répondre à cette question par la négative. L'exposé oral sur des questions de droit doit être strictement réservé aux personnes qui sont à la fois habilitées et mandatées pour représenter une partie à la procédure. Ceci découle des dispositions des articles 133 et 134 CBE.
L'attention a été attirée sur les problèmes qui pourraient se produire si une personne qui a été radiée de la liste des mandataires agréés pour des motifs disciplinaires désirait présenter un exposé oral pour le compte d'une partie à la procédure devant l'OEB.
(2) Il convient également de répondre à cette question par la négative. La responsabilité de l'exposé oral sur des questions techniques hors du cadre de l'article 117(3) CBE incombe au mandataire agréé.
(3) Compte tenu des observations qui précèdent en ce qui concerne les questions (1) et (2), la question (3) ne devrait pas se poser. Cependant, si la Grande Chambre de recours répond à la question (1) par l'affirmative, la réponse suivante devrait être donnée à la question (3) :
a) Un exposé oral ne peut être fait de plein droit par une personne autre que le mandataire agréé, mais il peut être fait avec l'autorisation de l'OEB, autorisation qui est acordée discrétionnairement.
b) En exerçant un tel pouvoir discrétionnaire, l'OEB doit s'assurer que la personne autre que le mandataire agréé, qui présente un exposé lors d'une procédure orale, agit sous le contrôle, la direction et la responsabilité du mandataire agréé de la partie à la procédure.
c) Il n'y a pas lieu d'appliquer de critères spéciaux dans le cas des conseils en brevets habilités à exercer dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE, étant entendu qu'il est peu probable qu'un tel conseil en brevets habilité puisse remplir les critères énoncés au point b) ci-dessus.
III. L'opposant dans l'affaire T 803/93 a déposé le 4 octobre 1995 des observations sur les questions ci-dessus mentionnées. Celles-ci peuvent être essentiellement résumées comme suit par référence aux questions numérotées :
(1) Il y a lieu de répondre à cette question par l'affirmative. Interdire aux assistants de présenter un exposé oral sur une question soulevée dans l'affaire serait trop restrictif, irait à l'encontre des intérêts de la justice et serait inéquitable, tout en privant l'OEB d'informations éventuellement pertinentes et utiles. Les articles 133 et 134 CBE concernent les personnes qui peuvent représenter une partie et non celles qui peuvent prendre la parole lors des procédures orales. Cette distinction a été reconnue dans la décision T 598/91 (JO OEB 1994, 912) et la Grande Chambre de recours devrait faire siens les motifs de cette décision et non ceux de la décision T 80/84 (JO OEB 1985, 269).
(2) Il convient également de répondre à cette question par l'affirmative pour les mêmes raisons que celles exposées en ce qui concerne la question (1).
Conformément à l'article 117 CBE, une partie a droit à l'audition de témoins, d'experts, etc., laquelle ne relève pas du pouvoir discrétionnaire de l'OEB. Il apparaît donc que la question (2) se rapporte à la présentation d'un exposé oral et d'arguments sur des questions techniques, et non aux mesures d'instruction visées à l'article 117 CBE. Aucune distinction ne doit être faite entre les questions juridiques et techniques dans l'exposé oral fait par un assistant. En effet, une telle distinction est souvent difficile à effectuer en pratique.
(3) a) L'exposé oral fait par une personne non agréée doit toujours être soumis au pouvoir discrétionnaire de l'OEB.
b) L'autorisation de présenter un tel exposé oral doit toujours être demandée au préalable. Un certain nombre de critères appropriés ont été suggérés.
c) Aucun critère spécial ne doit être appliqué dans le cas des conseils en brevets habilités exerçant dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE.
IV. Le 11 décembre 1995, une procédure orale a été tenue à la demande des deux parties. Le titulaire y a été représenté par M. Skone-James et M. Laird et l'opposant par M. Hafner.
a) Les arguments qui ont été présentés pour le compte du titulaire à l'appui des allégations exposées au point II ci-dessus ont été essentiellement les suivants :
Les procédures devant l'OEB sont à prendre très au sérieux, du fait que les décisions de l'OEB peuvent renverser celles des plus hautes juridictions des Etats contractants. Elles doivent donc être soigneusement contrôlées sur le plan de la procédure.
Les dispositions pertinentes de l'article 133 CBE peuvent être retrouvées dans les avant-projets de la CBE, qui remontent à 1962, et sont restées pratiquement inchangées pendant tous les travaux préparatoires de la CBE. Au cours de ces travaux, les termes "et agir par son entremise" ont été ajoutés à l'article 133(2) CBE. Ces dispositions sont claires et ne laissent pas de place à un pouvoir discrétionnaire, en vertu duquel une personne autre que le mandataire agréé désigné pourrait présenter un exposé écrit ou oral. Ceci est basé sur la pratique des systèmes juridiques nationaux, qui exige qu'un mandataire ait une connaissance avérée du système concerné pour présenter la cause d'une partie dans les procédures suivies dans ce système.
La pratique des chambres de recours n'a pas été uniforme. Certaines décisions ont reconnu la distinction importante entre la représentation visée aux articles 133 et 134 CBE et les mesures d'instruction faisant l'objet de l'article 117 CBE, mais ce dernier a été utilisé de manière erronée pour justifier l'exposé oral de questions techniques. La distinction entre les moyens de fait, qui constituent des moyens de preuve et les moyens de droit, qui relèvent de la représentation, est importante et doit être maintenue.
b) Les arguments qui ont été présentés pour le compte de l'opposant à l'appui des allégations exposées au point III ci-dessus ont été essentiellement les suivants :
L'article 133 CBE concerne la représentation, qui doit être distinguée de la "présentation" de la cause d'une partie. L'article 133 CBE ne précise pas quelles sont les personnes qui peuvent faire un exposé oral ; tout exposé supplémentaire, sur la nouveauté ou l'activité inventive, par exemple, peut être précieux et devrait être autorisé, à condition qu'il soit fait sous le contrôle du mandataire agréé désigné.
Les dispositions de procédure d'un certain nombre d'Etats contractants permettent de tels exposés supplémentaires, à titre discrétionnaire et, au Danemark, de droit.
L'OEB devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à autoriser la présentation d'exposés supplémentaires, à condition que soit demandée pour l'assistant l'autorisation de présenter de tels exposés sur la base de sa qualification, de sa crédibilité et de l'utilité de ces exposés, et à condition également qu'il n'en résulte pas de préjudice pour les parties adverses.
A la fin de la procédure orale, la Grande Chambre a remis à une date ultérieure le prononcé de la décision.
Motifs de la décision
Introduction et contexte
1. Les questions soumises se rapportent à une situation dans laquelle une partie à une procédure d'opposition a désigné un mandataire agréé en application de l'article 133 CBE. Il s'agit de savoir si et, le cas échéant, dans quelles circonstances, une personne autre que le mandataire agréé (c'est-à-dire un assistant) peut présenter un exposé oral sur des questions juridiques ou techniques pour le compte de cette partie, lors d'une procédure orale au sens de l'article 116 CBE, tenue devant une division d'opposition ou une chambre de recours.
Les questions (1) et (2) soumises établissent une distinction entre l'exposé oral portant sur des questions juridiques et celui portant sur des questions techniques, et elles supposent implicitement que les réponses apportées aux questions (1) et (2) pourraient être différentes du fait de cette distinction.
Les exposés oraux concernant des problèmes juridiques et techniques peuvent comporter la présentation de faits, de preuves pour établir des faits ou tout simplement d'arguments de nature soit juridique soit technique ou une combinaison des deux. Ainsi, la distinction qui a été établie dans les questions (1) et (2) entre l'exposé oral portant sur des questions juridiques et celui portant sur des questions techniques est sans importance dans ce contexte.
Par contraste, cependant, la distinction entre la présentation de faits et preuves, d'une part, et la présentation d'arguments, d'autre part, est d'une importance fondamentale dans le cadre de la CBE (voir, par exemple, l'article 114 CBE) : chacun de ces points doit être considéré séparément. Ainsi, les problèmes sous-jacents aux questions (1) et (2) peuvent être reformulés comme suit :
a) Un assistant peut-il, lors d'une procédure orale, faire un exposé oral comportant la présentation de faits ou preuves ?
b) Cet assistant peut-il, lors d'une procédure orale, faire un exposé oral sous forme d'arguments ?
2. La pratique antérieure des divisions d'opposition et des chambres de recours de l'OEB en ce qui concerne l'admissibilité de l'exposé oral fait par un assistant lors de procédures orales tenues conformément à l'article 116 CBE peut être résumée comme suit.
En ce qui concerne les divisions d'opposition, il apparaît que les exposés oraux faits par des "experts" techniques accompagnant le mandataire d'une partie sont fréquemment admis sur une base relativement informelle, que des objections soient ou non soulevées par une partie adverse (voir, par exemple, le point III de la décision de saisine T 803/93). La valeur probante qui est donnée à ces exposés oraux est laissée à la discrétion de la division d'opposition, eu égard également à ses propres connaissances techniques. Quelquefois aussi, l'exposé oral fait par un assistant est librement admis au sujet de questions juridiques, et sa valeur est, de même, appréciée ad hoc.
En ce qui concerne les chambres de recours, une ancienne décision rendue dans le cadre d'une procédure inter partes par une chambre de recours technique (T 80/84 citée supra) a donné une interprétation "stricte" des articles 133 et 134 CBE, estimant que de telles dispositions créaient un droit exclusif de représentation et qu'en conséquence, un assistant (en l'espèce un stagiaire non habilité à exercer, se préparant à devenir conseil en brevets) n'était pas autorisé à assurer pour une part la défense d'un client lors d'une procédure orale, même sous la supervision directe du mandataire agréé de la dernier.
Cependant, cette interprétation stricte des articles 133 et 134 CBE n'a pas été suivie dans l'ensemble par les autres chambres de recours. En fait, comme examiné dans la décision T 843/91 (JO OEB 1994, 818), les chambres de recours ont plutôt adopté une pratique, selon laquelle elles "autorisent des experts à intervenir sous la responsabilité du mandataire agréé, lorsqu'elles estiment que cela pourrait être utile à la bonne compréhension de l'affaire", reflétant ainsi la pratique des divisions d'opposition, dont les grandes lignes ont été exposées ci-dessus. Dans la décision T 843/91, il est dit que la base légale de l'admissibilité de tels exposés oraux faits par des "experts" se trouvait dans l'article 117 CBE. De même, dans la décision T 598/91 (citée supra), il est indiqué qu' "il est de pratique courante depuis plusieurs années que dans les procédures orales devant les chambres de recours, les mandataires puissent être secondés par des assistants ou des experts qui donnent des explications et plaident à leur place dans certaines parties des débats". Dans la décision T 598/91, la chambre de recours s'est ralliée à l'opinion exprimée dans la décision T 80/84, selon laquelle les articles 133 et 134 CBE créent des droits exclusifs de représentation, mais elle a justifié les exposés oraux suppémentaires faits par des assistants et experts en se fondant sur le fait qu'ils entraient dans le cadre de la "plaidoirie" et non de la représentation. Il a donc été considéré que de telles "plaidoiries" supplémentaires n'étaient pas interdites par les articles 133 et 134 CBE.
3. Comme résumé aux points II et III ci-dessus, le titulaire a interprété "strictement" les articles 117, 133 et 134 CBE, ce qui correspond dans l'ensemble au dispositif de la décision T 80/84 ; l'opposant, quant à lui, a suggéré une interprétation plus libérale des articles 133 et 134 CBE sur la base d'une distinction entre la "représentation", qui serait régie exclusivement par les articles 133 et 134, et la "présentation" de contributions utiles sous la forme d'un exposé oral. L'opposant a suggéré qu'un tel exposé oral devrait être soumis au pouvoir discrétionnaire des divisions d'opposition et des chambres de recours (ce qui correspond ainsi dans l'ensemble à ce qui a été décidé dans l'affaire T 598/91).
4. Avant d'examiner en détail les questions soumises, il convient d'analyser le système général des procédures d'opposition et de recours sur opposition prévu dans la CBE, y compris la présentation de faits, preuves et arguments que celles-ci impliquent, ainsi que la place des procédures orales dans ces procédures.
a) Faits et preuves
La règle 55c) CBE exige qu'un acte d'opposition comporte les faits et justifications (ainsi que les arguments) invoqués à l'appui des motifs d'opposition. En dehors de cette mention, la procédure prescrite ne contient aucune disposition détaillée sur la façon suivant laquelle et le moment auquel les faits et justifications doivent être produits par les parties à la procédure d'opposition. La production de faits et de justifications relève du pouvoir discrétionnaire de l'OEB.
Selon la pratique des divisions d'opposition, telle qu'exposée dans la communication "La procédure d'opposition à l'OEB" (JO OEB 1989, 417), les faits et justifications doivent être produits à un stade précoce de la procédure devant la division d'opposition - voir, en particulier, les points 8 à 13. Un opposant doit normalement produire les preuves à l'appui de son opposition dans le délai d'opposition de neuf mois ou dans un bref délai supplémentaire (deux mois) ; après quoi, le titulaire doit déposer ses preuves en réponse dans un délai déterminé.
Les procédures de recours sont normalement examinées et tranchées sur la base de faits et preuves produits au cours de la procédure devant la division d'opposition.
Bien que la production de faits et preuves par les parties aux procédures d'opposition ou aux procédures de recours sur opposition ne soit exclue à aucun stade de ces procédures, la recevabilité de faits et preuves produits à un stade tardif au cours de telles procédures est une question qui dépend toujours du pouvoir discrétionnaire de l'OEB (voir article 114(2) CBE).
b) Arguments
D'une manière générale, la présentation d'arguments sur la base de faits et preuves antérieurement produits est permise à tous les stades de la procédure d'opposition ou de recours sur opposition, à la discrétion de l'OEB.
c) Procédures orales
L'article 116 CBE prévoit qu'il est recouru à une procédure orale soit d'office, lorsque l'OEB le juge utile, soit sur requête d'une partie à la procédure. Ainsi, la procédure orale est une procédure supplémentaire facultative. La procédure d'opposition de même que la procédure de recours sur opposition sont toutes deux en premier lieu des procédures écrites. Néanmoins, la procédure orale présente une importance déterminante dans le processus de prise de décision.
En principe, les procédures orales sont fixées à une date au cours d'une procédure d'opposition ou de recours sur opposition, à laquelle les exposés écrits de toutes les parties, y compris la présentation écrite des faits et justifications par toutes les parties, sont complets. La décision de la division d'opposition ou de la chambre de recours peut, par conséquent, être prononcée oralement à la fin de la procédure orale (en ce qui concerne la procédure devant les divisions d'opposition, voir la communication "La procédure d'opposition à l'OEB", point 15 (JO OEB 1989, 417) ; quant à la procédure devant les chambres de recours, voir l'article 11(3) du Règlement de procédure des chambres de recours (JO OEB 1983, 7).
La représentation des parties dans les procédures prévues par la CBE
5. L'article 133 CBE prévoit un système général de représentation des parties dans les procédures instituées par la CBE.
L'article 133(1) CBE dispose (sous réserve des dispositions de l'article 133(2) CBE) que "nul n'est tenu de se faire représenter par un mandataire agréé". Dans son application aux procédures d'opposition et de recours sur opposition, l'article 133(2) CBE prévoit que les personnes qui n'ont ni domicile ni siège sur le territoire d'un Etat partie à la CBE (ci-après dénommées "parties non européennes") "doivent être représentées par un mandataire agréé, et agir par son entremise," dans de telles procédures. L'article 133(3) CBE prévoit que les personnes ayant leur domicile ou leur siège sur le territoire d'un Etat contractant (ci-après dénommées "parties européennes") peuvent agir par l'entremise d'un employé "qui "n'est pas tenu d'être un mandataire agréé".
Cela revient à dire, au sens de l'article 133 CBE, que dans les procédures d'opposition et de recours sur opposition, une partie non européenne doit être représentée par un mandataire agréé, tandis qu'une partie européenne peut choisir d'être représentée par un mandataire agréé ou peut agir personnellement ou par l'entremise d'un de ses employés.
6. Les conditions qui doivent être remplies avant qu'une personne puisse agir en tant que mandataire agréé conformément à l'article 133 CBE sont énoncées à l'article 134 CBE. Aux termes de l'article 134(1) CBE, une personne peut agir en tant que mandataire agréé si, ayant les capacités requises, son nom est inscrit sur une liste tenue à cet effet par l'OEB. Aux termes de l'article 134(7) CBE, un "avocat" peut également agir en qualité de mandataire agréé, s'il remplit les conditions définies dans cet article.
En vertu de l'article 134(8) CBE, le Conseil d'administration peut prendre des dispositions relatives, entre autres, à l'examen européen de qualification et à la création d'un institut des mandataires agréés. C'est ainsi qu'il a adopté, le 21 octobre 1977, les règlements concernant respectivement la création d'un tel institut (l'EPI) et l'examen européen de qualification (JO OEB 1978, 85 et 101).
L'objectif visé par une telle réglementation est d'assurer que les procédures devant l'OEB soient conduites utilement et efficacement par des mandataires agréés qui sont dûment habilités et connaissent, par conséquent, parfaitement la loi et la pratique conformément à la CBE, et sont ainsi professionnellement compétents pour représenter les parties dans de telles procédures. Conduire de manière utile et efficace les procédures devant l'OEB profite dans l'ensemble au système du brevet européen.
7. La fonction que remplit un mandataire agréé est expliquée à l'article 133(2) CBE, lequel, comme indiqué ci-dessus, stipule que les parties non européennes "doivent être représentées par un mandataire agréé, et agir par son entremise, dans toute procédure instituée par" la CBE. En d'autres termes, la désignation d'un mandataire agréé par une partie comporte une délégation de pouvoir et l'identification de la personne professionnellement qualifiée qui est responsable de la présentation à l'OEB de tous les moyens produits par cette partie. Une telle présentation de la cause d'une partie est au coeur de la fonction remplie par un mandataire agréé au sens de l'article 133 CBE. Lors des procédures orales, le mandataire agréé est censé présenter l'ensemble de la cause de la partie qu'il représente.
Questions (1) et (2) - Un exposé oral fait par un assistant est-il exclu aux termes de la CBE ?
8. Comme expliqué au point 1 ci-dessus, un exposé oral peut comporter soit la présentation de faits ou de preuves soit la présentation d'arguments: il est nécessaire de considérer séparément ces deux catégories d'exposé oral.
a) un assistant peut-il, lors d'une procédure orale, faire un exposé oral qui comporte la présentation de faits ou de preuves ?
Il résulte du paragraphe 4a) ci-dessus que l'exposé oral qui comporte la présentation de faits et preuves entre dans le cadre général du pouvoir discrétionnaire de l'OEB d'admettre la présentation de faits et preuves au cours de la procédure tenue devant elle.
Ainsi, l'exposé oral fait lors d'une procédure orale par un assistant, et comportant la présentation de faits ou preuves pour le compte d'une partie, afin de compléter l'exposé exhaustif de la cause de la dite partie par le mandataire agréé, n'est pas exclu aux termes de la CBE. Il peut être autorisé pendant la procédure d'opposition ou de recours sur opposition sous le contrôle du mandataire agréé et dans le cadre du pouvoir discrétionnaire général de l'OEB.
A cet égard, la Grande Chambre ne partage pas l'avis exprimé, par exemple, dans la décision T 843/91, selon lequel l'article 117 CBE fournit une base légale pour entendre des exposés oraux faits par un assistant et comportant la présentation de faits et preuves. L'article 117 CBE et ses règles d'exécution 72 à 76 CBE régissent seulement la procédure relative aux mesures d'instructions formelles. Une telle procédure suppose nécessairement que soit préalablement rendue une décision de prise de mesures d'instruction au sens de l'article 117 CBE, laquelle doit énoncer toutes les mesures prescrites à la règle 72(1) CBE, en tant que première étape de la procédure.
b) Un assistant peut-il, lors d'une procédure orale, présenter un exposé oral sous forme d'arguments ?
Il résulte du point 7 ci-dessus que la Grande Chambre n'admet pas les conséquences de la distinction entre la représentation et la "présentation" ou "plaidoirie", telle que suggérée par l'opposant et telle qu'énoncée également dans la décision T 598/91. A l'extrême, cette distinction conduirait à la situation dans laquelle un mandataire agréé assisterait à une procédure orale simplement afin de présenter les requêtes formelles d'une partie, tandis qu'un assistant présenterait l'ensemble de la cause pour le compte de ladite partie. De l'avis de la Grande Chambre, une telle procédure est clairement contraire à l'intention exprimée par l'article 133 CBE.
Cependant, la Grande Chambre n'admet pas non plus l'interprétation stricte de l'article 133 CBE, telle que présentée par le titulaire du brevet et telle qu'énoncée dans la décision T 80/84, selon laquelle seul le mandataire agréé serait en droit de présenter la cause d'une partie, et l'exposé oral comportant une argumentation par un assistant serait complètement exclu.
L'article 133 CBE ne fait aucune distinction entre la procédure orale et la procédure écrite pour ce qui est des conditions de la représentation. Ainsi, un mandataire agréé est responsable de l'ensemble des moyens exposés par écrit et oralement pour le compte de la partie qui l'a désigné.
Dans le contexte de la procédure écrite prévue par la CBE pour les procédures d'opposition et de recours sur opposition (à ce sujet, cf. point 4 ci-dessus), un mandataire agréé désigné doit signer tous les documents produits au cours de telles procédures (cf. règle 36(3) CBE). Néanmoins, le mandataire agréé peut, en annexe à ces documents, soumettre des documents additionnels signés par une tierce personne (par exemple, un professeur de droit ou de science). A condition que de tels documents soient soumis sous la responsabilité et le contrôle du mandataire agréé, la Grande Chambre estime qu'ils ne doivent pas être exclus d'une prise en considération dans la procédure au cours de laquelle ils sont déposés.
De même, lors d'une procédure orale tenue dans une procédure d'opposition ou de recours sur opposition, il n'est pas interdit à un assistant de présenter un exposé oral sur des questions juridiques ou techniques pour le compte d'une partie à la procédure et sous le contrôle du mandataire agréé, en supplément à la présentation complète de la cause de cette partie par le mandataire agréé.
Question (3) a) - un assistant peut-il présenter un exposé oral de plein droit ou seulement avec l'autorisation de l'OEB, laquelle est accordée discrétionnairement ?
9. Comme indiqué au point 8 ci-dessus, l'exposé oral comportant a) la présentation de faits et preuves ou b) d'arguments, peut être effectuée par un assistant lors d'une procédure orale tenue devant l'OEB, non pas de droit, mais seulement avec l'autorisation de l'OEB, qui est accordée discrétionnairement.
Question (3)b) - Quels critères l'OEB doit-il appliquer lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire ?
10. Conformément à un principe universellement admis en droit procédural, chaque partie à une procédure inter partes doit avoir suffisamment la possibilité de répondre à l'argumentation qui est présentée par une partie adverse. Ce principe est repris dans l'article 113(1) CBE, qui met l'accent sur le fait qu'une partie ne doit pas être prise par surprise par des motifs ou preuves utilisés comme fondement d'une décision qui lui est contraire.
En appliquant ce principe à la conduite des procédures d'opposition et de recours sur opposition, il est important de garantir que, lors de la procédure orale, une partie ne présente pas un exposé oral qui prenne par surprise une partie adverse et auquel cette dernière n'est pas préparée. Par conséquent, si une partie à une procédure orale tenue devant une division d'opposition ou une chambre de recours souhaite qu'un exposé oral soit présenté pour son compte par un assistant, en supplément à la présentation complète de sa cause par son mandataire agréé, ce dernier doit, bien avant la procédure orale, demander l'autorisation qu'un tel exposé oral soit effectué. En présentant cette requête, le mandataire agréé doit indiquer les nom et qualités de la personne pour laquelle l'autorisation de présenter un exposé oral supplémentaire est demandée, et préciser le sujet qu'une telle personne désire exposer.
Ladite requête doit être présentée dès que la partie a décidé qu'elle souhaite qu'un tel exposé soit présenté lors de la procédure orale. Dans tous les cas, la requête doit être présentée suffisamment à l'avance du jour fixé (ou à fixer) pour la procédure orale, de façon que toutes les parties adverses aient la possibilité de se préparer convenablement à répondre à l'exposé oral qu'il est proposé de présenter.
Comme indiqué au point 4a) ci-dessus en rapport avec la présentation de faits et preuves, tous les faits et preuves à l'appui de la cause d'une partie doivent normalement être déposés à un stade précoce de la procédure devant la division d'opposition. Si, par exemple, une partie demande par l'entremise de son mandataire agréé qu'un assistant soit autorisé à faire devant une division d'opposition un exposé oral comportant la présentation pour la première fois de preuves orales complexes, la division d'opposition ne doit pas accorder l'autorisation, à moins qu'elle ne soit entièrement convaincue que chacune des parties adverses est convenablement et suffisamment en mesure de présenter des faits, preuves et arguments en réponse à un tel exposé oral.
Si une requête semblable est présentée à une chambre de recours dans une procédure de recours sur opposition, elle doit en règle générale être rejeté.
Si une requête portant sur la présentation d'un exposé oral par un assistant est formulée soit très peu de temps avant la date fixée pour la procédure orale, soit lors de la procédure orale, elle doit être, en l'absence de circonstances exceptionnelles, rejetée par l'OEB, à moins que toutes les parties adverses acceptent que l'exposé oral demandé soit effectué.
11. Il ressort des points 7 et 8 ci-dessus que l'OEB doit toujours s'assurer que l'assistant effectue l'exposé oral sous la responsabilité et le contrôle permanents du mandataire agréé.
12. Dans chaque cas d'espèce, l'admissibilité de l'exposé oral additionnel relève du pouvoir discrétionnaire de l'OEB, qui doit tenir compte, en particulier, de la nature et de la date de chaque requête en présentation d'un tel exposé oral additionnel et de son objet prévu.
Question (3)c) - Existe-t-il des critères spéciaux s'appliquant aux conseils en brevet d'Etats non contractants ?
13. Ainsi qu'il ressort des considérations énoncées au point 10 ci-dessus, aucun critère particulier ne s'applique à la présentation d'un exposé oral par des conseils en brevet habilités à exercer dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE. Les critères énoncés au point 10 sont également applicables à de tels conseils en brevets.
Dispositif
Par ces motifs, il es statué comme suit :
(1) et (2) Dans une procédure orale au sens de l'article 116 CBE, tenue dans le cadre d'une procédure d'opposition ou d'une procédure de recours sur opposition, un assistant du mandataire agréé d'une partie peut être autorisé à faire un exposé oral sur des questions juridiques ou techniques spécifiques pour le compte de cette partie, autrement qu'au sens de l'article 117 CBE, afin de compléter la présentation exhaustive de ladite partie par le mandataire agréé.
(3) a) Un tel exposé oral ne peut être effectué de plein droit, mais seulement avec l'autorisation de l'OEB, autorisation qui est accordée discrétionnairement.
b) Les critères principaux suivants doivent être appliqués par l'OEB lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire pour autoriser la présentation d'un exposé oral par un assistant lors d'une procédure d'opposition ou de recours sur opposition :
i) Le mandataire agréé doit demander l'autorisation qu'un tel exposé oral soit effectué. Sa requête doit indiquer les nom et qualités de l'assistant et préciser l'objet de l'exposé qu'il est proposé de présenter.
ii) La requête doit être formulée suffisamment tôt avant la procédure orale pour que toutes les parties adverses aient la possibilité de préparer convenablement leur réponse à l'exposé oral qu'il est proposé de présenter.
iii) Une requête qui est déposée peu de temps avant la procédure orale ou lors de cette dernière doit, en l'absence de circonstances exceptionnelles, être rejetée, à moins que toutes les parties adverses n'acceptent l'exposé oral demandé.
iv) L'OEB doit s'assurer que l'assistant effectue cet exposé oral sous la responsabilité et le contrôle permanents du mandataire agréé.
c) Aucun critère spécial ne s'applique à la présentation d'un exposé oral par des conseils en brevets habilités excerçant dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE.