JURISPRUDENCE
DEUXIEME PARTIE
LA JURISPRUDENCE DES CHAMBRES DE RECOURS ET DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS EN 2009
I. BREVETABILITE
A. Inventions brevetables
1. Les non-inventions visées à l'article 52(2) et (3) CBE
1.1 Inventions mises en œuvre par ordinateur
Dans l'affaire G 3/08 (JO OEB 2011, ***), la Présidente de l'OEB, faisant usage du pouvoir que lui confère l'article 112(1)b) CBE, a soumis à la Grande Chambre de recours plusieurs questions de droit concernant la mise en œuvre de l'exclusion de la brevetabilité des programmes d'ordinateurs en tant que tels, ainsi que les limites de la brevetabilité dans le domaine de l'informatique.
La saisine a été jugée irrecevable au titre de l'article 112(1)b) CBE. La Grande Chambre de recours a noté que les décisions T 1173/97 (JO OEB 1999, 609) et T 424/03 en date du 23 février 2006 répondaient certes différemment à la question de savoir si une revendication relative à un programme sur support déchiffrable par ordinateur peut nécessairement échapper à l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 52(2) CBE. Il fallait toutefois encore déterminer si cette différence constituait une divergence de jurisprudence. La Présidente de l'OEB avait estimé que la décision T 424/03 mettait l'accent sur la manière dont le programme d'ordinateur était revendiqué, alors que la décision T 1173/97 (JO OEB 1999, 609), elle, avait mis l'accent sur la fonction du programme d'ordinateur plutôt que sur la manière dont il était revendiqué (par ex. en tant que tel, en tant que produit "programme d'ordinateur", ou en tant que méthode mise en œuvre par ordinateur).
La Grande Chambre de recours a fait observer que selon la jurisprudence, une revendication relevant du domaine des programmes d'ordinateurs peut échapper à l'exclusion prévue à l'article 52(2)c) et (3) CBE en mentionnant simplement de façon explicite l'utilisation d'un ordinateur ou d'un moyen d'enregistrement de données déchiffrables par ordinateur. Cependant, la jurisprudence des chambres de recours fait aussi apparaître assez clairement, depuis la décision T 1173/97, que si une revendication portant sur un programme X tombe sous le coup de l'exclusion prévue à l'article 52(2) et (3) CBE, une revendication portant simplement sur un "programme X sur un support d'enregistrement déchiffrable par ordinateur" ou "une méthode d'exploitation d'un ordinateur selon le programme X" resterait toujours exclue de la brevetabilité pour cause d'absence d'activité inventive au titre des articles 52(1) et 56 CBE. Seul l'article de la CBE appliqué diffère. Les chambres de recours appliquent cette approche de manière cohérente depuis la décision T 1173/97.
La Grande Chambre de recours a constaté que la jurisprudence résumée dans la décision T 154/04 a créé un système permettant de délimiter les innovations pour lesquelles un brevet peut être délivré. Etant donné que la saisine n'avait identifié aucun écart par rapport à cette approche, la Grande Chambre a conclu à l'irrecevabilité de la saisine. Elle n'a pu identifier aucune autre divergence entre les motifs des décisions, qui différaient selon la saisine de la Présidente.
B. Exceptions à la brevetabilité
1. Atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs
La Grande Chambre de recours a déclaré dans la décision G 2/06 (JO OEB 2009, 306) que la règle 28 c) CBE interdit de délivrer des brevets sur la base de revendications portant sur des produits qui - comme indiqué dans la demande - ne pouvaient être obtenus, à la date de dépôt, qu'à l'aide d'une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à l'origine desdits produits, même si ladite méthode ne fait pas partie des revendications. Dans ce contexte, il est sans importance que les mêmes produits puissent être obtenus après la date de dépôt sans devoir recourir à une méthode impliquant nécessairement la destruction d'embryons humains.
Selon la décision T 522/04, il découle de la décision G 2/06 (JO OEB 2009, 306) que les méthodes impliquant la destruction d'embryons humains doivent elles aussi être considérées comme non brevetables. Dans la présente affaire, la revendication contestée portait sur une méthode de propagation in vitro d'une population clonale de cellules souches d'origine mammalienne issues de la crête neurale. Cela incluait manifestement les cellules d'origine humaine. La demande telle que déposée n'étayait pas l'argument invoqué par le requérant (demandeur), selon lequel les cellules mentionnées dans la méthode revendiquée pouvaient être obtenues non seulement à partir d'embryons, mais aussi à partir du système nerveux périphérique et central d'un adulte. Etant donné que l'unique enseignement concernant la manière de préparer les cultures de cellules souches humaines de la crête neurale était l'utilisation (impliquant la destruction) d'embryons humains, la chambre a conclu qu'à la date du dépôt, les cellules souches humaines de la crête neurale ne pouvaient être préparées qu'au moyen d'une méthode impliquant nécessairement la destruction d'embryons humains, ce qui avait pour conséquence inéluctable que l'invention tombait sous le coup de l'interdiction visée à l'article 53 a) CBE, ensemble la règle 28 c) CBE. En outre, les deux caractéristiques/limitations introduites par la première requête subsidiaire (cellules "non dérivées d'un embryon") et par la deuxième requête subsidiaire (cellules capables d'être "dérivées d'un tissu adulte") ne pouvaient être considérées comme un disclaimer introduit pour éviter un problème de non-brevetabilité, étant donné qu'elles ne se limitaient pas à l'humain. Ces caractéristiques visaient à fournir un enseignement technique et n'étaient pas étayées dans la demande telle que déposée, qui ne comportait aucune autre divulgation technique que l'isolement à partir d'embryons. Aucune requête subsidiaire ne satisfaisait donc à l'article 123(2) CBE.
2. Méthodes de traitement chirurgical
Dans l'affaire G 1/07 (JO OEB 2011, ***), la division d'examen avait jugé que les méthodes revendiquées constituaient des méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal et quelles étaient donc exclues de la protection par brevet au titre de l'article 52(4) CBE 1973. Par ailleurs, les méthodes revendiquées prévoyaient l'administration de 129Xe polarisé - en tant qu'agent d'imagerie - à un sujet, soit par inhalation soit par injection. Dans la mesure où l'agent d'imagerie était administré par injection, les méthodes revendiquées étaient considérées comme exclues de la protection par brevet au titre de l'article 52(4) CBE 1973 en ce qu'elles impliquaient une étape chirurgicale. La question de savoir si la méthode d'imagerie revendiquée était exclue de la brevetabilité en tant que traitement chirurgical avait été soumise à la Grande Chambre de recours.
La Grande Chambre de recours a jugé que l'interprétation des interventions de nature chirurgicale dans la pratique de l'OEB (par exemple dans les affaires T 182/90 et T 35/99) était trop générale à la lumière des réalités techniques actuelles. Selon cette interprétation, les méthodes qui impliquent une détérioration irréversible ou la destruction de cellules vivantes ou de tissus d'un corps vivant sont considérées comme des interventions non insignifiantes et, partant, comme des traitements chirurgicaux, quel que soit le mode d'intervention. La Grande chambre s'est trouvée dans l'impossibilité de donner une définition qui délimiterait avec précision une nouvelle notion de traitement chirurgical. L'éventail des méthodes pouvant comporter des étapes chirurgicales est si large qu'il faudrait évaluer chaque catégorie au cas par cas. Cependant, la notion de "traitement chirurgical" doit être interprétée de manière plus étroite. Elle doit couvrir les types d'interventions qui occupent une place centrale dans la profession médicale, et exclure les méthodes insignifiantes qui n'impliquent qu'une intervention mineure et ne présentent aucun risque important pour la santé.
Les compétences médicales requises et le degré de risque pour la santé ne sont pas nécessairement les seuls critères à prendre en considération pour déterminer si une méthode revendiquée est effectivement un "traitement chirurgical" au sens de l'article 53 c) CBE. La question de savoir si une méthode est ou non exclue de la brevetabilité conformément à l'article 53 c) CBE ne saurait non plus dépendre de la personne qui met en œuvre ladite méthode.
Une revendication de méthode tombe sous le coup de l'interdiction de breveter des méthodes de traitement thérapeutique ou chirurgical prévue désormais à l'article 53 c) CBE si elle comprend au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal.
Limiter le sens du terme "traitement chirurgical" à la chirurgie curative n'est pas justifié (revirement de jurisprudence établi dans la décision T 383/03). Une telle limitation serait contraire au sens ordinaire attribué au mot "chirurgie" (en définissant la nature du traitement et non son but) et incompatible avec le fait que l'article 53 c) CBE définit trois variantes distinctes, ce qui suggère que leur portée n'est pas identique.
Au vu des faits de l'espèce, la Grande Chambre a décidé qu'est exclue de la brevetabilité, en tant que méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal au sens de l'article 53 c) CBE, une méthode d'imagerie revendiquée, dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est important, qui comprend ou englobe une étape invasive consistant en une intervention physique majeure pratiquée sur le corps, exigeant des compétences médicales spécialisées et comportant un risque important pour la santé, même s'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises.
La jurisprudence constante des chambres de recours selon laquelle une revendication qui englobe un mode de réalisation exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 53 c) CBE ne saurait être maintenue sans modification, a été confirmée. Il est possible d'éviter l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 53 c) CBE en excluant un mode de réalisation au moyen d'un disclaimer ; la revendication comprenant le disclaimer doit satisfaire à l'ensemble des exigences de la CBE et, le cas échéant, aux conditions d'admissibilité d'un disclaimer telles que définies dans les décisions G 1/03 et G 2/03 (JO OEB 2004, 413, 448).
Des cas dans lesquels l'invention est entièrement définie sans que la présence d'une étape potentiellement chirurgicale en tant que caractéristique positive de la revendication ne soit nécessaire sont ceux où l'invention ne porte que sur le fonctionnement d'un dispositif. Une méthode qui ne concerne que le fonctionnement d'un dispositif, sans qu'il n'y ait de rapport fonctionnel entre la méthode revendiquée et les effets exercés sur le corps par ce dispositif, ne constitue pas une méthode de traitement au sens de l'article 53 c) CBE (T 245/87, JO OEB 1989, 171 ; T 789/96, JO OEB 2002, 364). Si, au contraire, il existe un tel rapport fonctionnel, la méthode est exclue de la brevetabilité (T 82/93, JO OEB, 1996, 274).
C. Nouveauté
Une invention ne peut être brevetée que si elle est nouvelle. Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. Le but de l'article 54(1) CBE est d'exclure l'état de la technique du domaine de la brevetabilité.
1. Demandes PCT comprises dans l'état de la technique
Dans l'affaire T 1010/07, le document cité E4 était une publication au sens de l'article 158(3) CBE 1973, c'est-à-dire la publication, remise à l'OEB au titre de l'article 158(2) CBE 1973, d'une traduction d'une demande internationale dans une langue officielle (anglais). L'intimé affirmait qu'à défaut d'autre preuve, le contenu des deux documents ne pouvait être considéré comme incontestablement identique et que le document E4 ne pouvait donc être assimilé à un élément de l'état de la technique.
La chambre a indiqué que, bien que l'OEB ne vérifie pas les traductions prévues à l'article 158(2) CBE 1973, comme cela est souligné lors de leur publication au Bulletin européen des brevets en vertu de l'article 158(3) CBE 1973, il part du principe que leur contenu est fidèle à celui de la demande internationale publiée, cf. par exemple la décision T 605/93. Cette supposition repose également sur l'effet prescrit à la deuxième phrase de l'article 158(1) CBE 1973. Le requérant peut s'appuyer sur ce postulat général dans son administration de la preuve et est dispensé de toute autre charge de la preuve. Cette question ne doit être soulevée, le cas échéant preuves à l'appui, que si des doutes justifiés donnent à penser que cette supposition n'est pas valable dans un cas précis. En l'espèce, l'intimé n'avait toutefois exposé aucun motif et n'avait contesté la fidélité de la traduction sans aucun élément à l'appui et en se contentant d'invoquer son ignorance sur l'exactitude de ladite traduction. La chambre n'avait donc aucune raison de mettre en cause l'identité de contenu du document E4 et de la publication WO.
2. Accessibilité au public
2.1 Généralités
Dans l'affaire T 355/07, la chambre a indiqué qu'en Allemagne, les modèles d'utilité sont considérés comme étant accessibles au public à compter de leur date d'inscription dans le Registre des modèles d'utilité de l'Office allemand des brevets et des marques (DPMA). Ils sont alors compris dans l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE. Il n'est pas nécessaire qu'une personne du public ait effectivement consulté le dossier à cette date.
Dans l'affaire T 1829/06, la chambre a déclaré que conformément à la jurisprudence constante, une information est considérée comme accessible au public même si elle n'est accessible qu'à une seule personne et qu'aucun obstacle de confidentialité ne limite son utilisation ou sa diffusion. Le fait que cette personne ait agi comme homme de paille ou que l'opposant lui-même ait pu avoir des difficultés à obtenir l'article est sans importance.
2.2 Obligation de confidentialité
Dans l'affaire T 1309/07, la chambre de recours a conclu qu'il ressortait clairement des documents que 17 520 pistons d'un type déterminé, destinés à un moteur à combustion, avaient été livrés à Renault avant la date de priorité. Il s'est posé la question de savoir si, à la date de livraison des pistons, il existait une obligation de confidentialité tacite. Etant donné le nombre élevé de pièces livrées, et compte tenu du fait qu'en l'occurrence, des pistons de ce type étaient proposés dans un catalogue de pièces détachées publié précédemment, la chambre a considéré que les pistons n'avaient pas été livrés à des fins d'essai, mais plutôt pour être utilisés normalement dans la production en série. A compter de cette date, il n'était plus possible de conclure à l'existence d'une obligation de confidentialité tacite.
Dans l'affaire T 1464/05, la chambre a estimé que 200 kg du produit représentaient certes un volume plus important que le petit échantillon initialement livré, mais insuffisant pour produire des câbles optiques à l'échelle commerciale. Un tel volume aurait suffi, au plus, pour effectuer éventuellement des essais lors de la production de câbles optiques et pour tester les câbles ainsi obtenus. La chambre a indiqué que le simple fait qu'un produit a été livré aux fins d'éventuels tests dans le cadre d'une transaction commerciale manifestement ordinaire ne constitue pas en soi, en l'absence d'autres circonstances particulières ou de preuves en ce sens, une condition suffisante pour conclure que la livraison du produit était nécessairement soumise à un accord de confidentialité implicite (voir à cet égard les décisions T 602/91, T 264/99, T 913/01, T 407/03 et T 1510/06). S'agissant de la livraison de 200 kg du produit, il n'y avait en l'espèce aucune indication ni de l'existence d'un accord de confidentialité explicite entre les deux sociétés, ni même d'une relation particulière allant au-delà des rapports ordinaires entre vendeur et acheteur. Comme il a été indiqué dans la décision T 681/01, on ne saurait faire abstraction d'une livraison manifestement effectuée dans le cadre d'une transaction commerciale ordinaire et considérer que les biens livrés n'ont pas été rendus accessibles à un membre du public que s'il existe des circonstances à l'appui d'une relation confidentielle. Voir également le point D.1., homme du métier.
2.3 Usage antérieur public - questions relatives à la preuve
Dans la décision T 738/04, la chambre a relevé qu'il était conforme à la pratique établie des chambres de recours d'appliquer le critère de la "conviction absolue", et non celui de l'appréciation des probabilités, dans les cas où les moyens de preuve relatifs à un usage antérieur public se trouvent tous dans la possession de l'opposant (cf. T 472/92, JO OEB 1998, 161, confirmée dans la décision T 97/94, JO OEB 1998, 467). Cela signifie non seulement que le raisonnement du requérant doit être complet et probant, mais aussi que tous les faits à l'appui de ce raisonnement doivent être entièrement étayés par des preuves pertinentes. Cette exigence découle d'une part du principe selon lequel les parties défendant des intérêts opposés doivent bénéficier d'un traitement équitable et, d'autre part, de la nature contentieuse de la procédure d'opposition après délivrance (cf. G 9/91, JO OEB 1993, 408).
La chambre a jugé essentiel que l'opposant décide, au moment du dépôt de l'acte d'opposition ou, au plus tard, du mémoire exposant les motifs du recours, sur quel usage antérieur l'objection contre le brevet délivré sera fondée. Dans une situation comme celle de l'espèce, dans laquelle l'élaboration d'une norme a entraîné une multitude de situations factuelles toutes susceptibles de constituer un usage antérieur (diverses versions imprimées de la norme, grand nombre de réunions, enquête publique, etc.), l'opposant devrait avoir identifié, dès le début de la procédure d'opposition ou de la procédure de recours qui s'ensuit, les situations les plus susceptibles de lui donner gain de cause, à savoir celles qui lui permettront de produire des moyens de preuve suffisamment complets pour étayer la conclusion souhaitée. De l'avis de la chambre, il n'aurait pas été équitable d'autoriser le requérant, dans le cadre d'une procédure inter partes, à étendre les arguments qu'il avait initialement exposés pour une situation particulière à d'autres situations, même si ces dernières découlaient du même processus général d'élaboration d'une norme.
3. Nouveauté de l'utilisation
3.1 Deuxième (ou autre) application thérapeutique
3.1.1 Forme d'une revendication dite "de type suisse"
Le nouvel article 54(5) CBE met un terme à l'insécurité juridique relative à la brevetabilité des applications thérapeutiques ultérieures. Il permet sans équivoque d'obtenir pour toute nouvelle application thérapeutique ultérieure d'une substance ou d'une composition déjà connue comme médicament la protection de produit limitée à un usage déterminé. Pour ce qui est des applications ultérieures, cette protection équivaut à celle conférée par la revendication de type suisse. A la différence de l'article 54(5) CBE 1973, qui conférait une vaste protection (générale) pour la première utilisation dans une méthode médicale, le nouvel article 54(5) CBE limite expressément cette protection à une utilisation spécifique dans une telle méthode. Le but de cette limitation est d'offrir une protection dont l'étendue est le plus possible égale à celle conférée par une revendication de type suisse (voir Edition spéciale n° 4 du JO OEB 2007, 60).
La Grande Chambre de recours a fait valoir dans la décision G 2/08 (JO OEB 2010, 456) que lorsque l'objet d'une revendication devient nouveau par le seul fait d'une nouvelle utilisation thérapeutique d'un médicament, ladite revendication ne peut plus prendre la forme d'une revendication dite "de type suisse", telle qu'instituée par la décision G 5/83 (JO OEB 1985, 64). En vertu de l'article 54(5) CBE il est désormais possible d'obtenir pour toute nouvelle utilisation spécifique d'un médicament connu dans une méthode thérapeutique la protection de produit limitée à un usage déterminé, ce qui a permis de combler la lacune existant dans la CBE 1973 (la loi n'a pas lieu d'être appliquée lorsque disparaît sa raison d'être).
3.1.2 Différence dans le régime d'administration prescrit
Dans l'affaire G 2/08 (JO OEB 2010, 456), il a été constaté que la demande était pendante à la date à laquelle la CBE 2000 était entrée en vigueur. Cette demande devait par voie de conséquence être examinée en vertu des dispositions des articles 53 c), 54(4) et (5) CBE, et non plus à la lumière des articles 52(4) et 54(5) CBE 1973. Dans la demande concernée, la caractéristique figurant dans la revendication 1, à savoir "une fois par jour avant le coucher", n'était pas antériorisée dans les documents de l'état de la technique disponibles. La chambre, évoquant la relative fréquence de cas similaires, a souligné que la question de savoir si des médicaments destinés à être utilisés dans des méthodes de traitement thérapeutique, où la seule nouveauté réside dans le régime posologique, sont brevetables en vertu des articles 53 c) et 54(5) CBE, constituait une question de droit importante. Les demandeurs doivent savoir avec certitude si la délivrance d'un brevet est exclue dans ces circonstances.
La Grande Chambre de recours a tenu le raisonnement suivant :
L'article 54(5) CBE n'exclut pas qu'un médicament déjà utilisé pour traiter une maladie soit breveté pour son utilisation dans un traitement thérapeutique différent de la même maladie. L'article 53 c) CBE, qui cite en tant qu'exception à la brevetabilité "les méthodes de traitement…thérapeutique du corps humain", est clair et sans ambiguïté. Il fixe une ligne de démarcation entre les revendications de méthode portant sur un traitement thérapeutique, qui sont inadmissibles, et les revendications portant sur un produit utilisé pour la mise en œuvre de telles méthodes, qui sont quant à elles admissibles. Or, les notions de méthode de traitement thérapeutique, d'une part, et de produit utilisé pour la mise en œuvre d'une telle méthode, d'autre part, sont si proches qu'il existe un risque considérable de confusion si chacune d'elles n'est pas limitée à son propre champ d'application, tel qu'attribué par la loi. Aussi l'article 53 c), deuxième phrase CBE ne saurait-il être interprété de manière étroite. Au contraire, il convient d'accorder aux deux dispositions (art. 54(5) et 53 c) CBE) la même importance et de conclure, pour ce qui est des revendications portant sur des utilisations thérapeutiques, que les revendications de méthode sont formellement interdites, afin que les médecins puissent agir librement, tandis que les revendications de produit sont admissibles pour autant que leur objet soit nouveau et inventif. La première phrase de l'article 53 c) CBE, qui interdit la protection par brevet des méthodes de traitement thérapeutique, doit être lue et interprétée conjointement avec les dispositions de la deuxième phrase du même article ainsi que de l'article 54(4) et (5) CBE. Loin de s'exclure mutuellement, ces dispositions sont complémentaires. Par l'effet d'une fiction juridique, l'article 54(4) et (5) CBE reconnaît la nouveauté théorique de substances ou de compositions, même si elles sont déjà comprises dans l'état de la technique, pour autant qu'elles soient revendiquées pour une nouvelle utilisation dans une méthode exclue de la brevetabilité par l'article 53 c) CBE. La nouveauté théorique et donc, le cas échéant, l'activité inventive ne découlent pas de la substance ou de la composition en tant que telle, mais de l'utilisation thérapeutique envisagée. L'article 54(5) CBE fait référence à "toute utilisation spécifique" [caractères gras ajoutés]. Par conséquent, compte tenu de l'intention du législateur de maintenir le statu quo s'agissant de la protection conférée en la matière dans la jurisprudence des chambres de recours qui s'est développée avec la décision G 5/83, une telle utilisation ne saurait être limitée d'office à une nouvelle indication au sens strict (ce qui confirme la décision T 1020/03).
En outre, la Grande Chambre a estimé que la délivrance d'un brevet ne doit pas non plus être exclue lorsque l'unique caractéristique revendiquée qui n'est pas comprise dans l'état de la technique est une posologie. Compte tenu de la réponse à la première question et puisque l'article 54(5) CBE peut s'appliquer en cas de traitement d'une même maladie, l'"utilisation spécifique" au sens de cette disposition ne doit pas nécessairement résider dans le traitement d'une maladie différente. La Grande Chambre a donc estimé qu'il n'y avait aucune raison de traiter une caractéristique consistant en une nouvelle posologie d'un médicament connu autrement que toute autre utilisation spécifique reconnue par la jurisprudence. Elle a toutefois souligné que la jurisprudence concernant l'appréciation de la nouveauté et de l'activité inventive s'applique également dans son ensemble. En particulier, la définition de la posologie dans la revendication doit non seulement être formulée différemment par rapport à ce qui est décrit dans l'état de la technique, mais elle doit également refléter un enseignement technique différent. La jurisprudence en la matière demeure applicable (cf. T 290/86, JO OEB 1992, 414 ; T 1020/03, JO OEB 2007, 204 ; T 836/01 et T 1074/06). En ce qui concerne la deuxième et d'autres indications médicales, la CBE autorise désormais des revendications de produit portant sur la substance elle-même et limitées à une utilisation spécifique, alors que sous l'empire de la CBE 1973, la décision G 5/83 autorisait des revendications ayant pour objet l'application d'une substance pour obtenir un médicament destiné à une utilisation thérapeutique ("revendications de type suisse"). La catégorie de revendications visée à l'article 54(5) CBE conférera probablement des droits plus étendus au titulaire du brevet, ce qui pourrait éventuellement limiter la possibilité pour les médecins de prescrire ou d'administrer librement des médicaments génériques.
3.2 Deuxième (ou autre) application non thérapeutique
3.2.1 Revendication portant sur l'utilisation d'un composé connu
Dans l'affaire T 1855/06, la chambre a indiqué que les décisions G 2/88 et G 6/88 (JO OEB 1990, 93 et 114) portaient sur la nouveauté de deuxièmes utilisations ne relevant pas du domaine médical et qu'elles concernaient des revendications relatives à l'utilisation d'une substance connue dans un but précis. Dans le cas présent, le but était toutefois de fabriquer des fibres d'élasthanne dotées d'une propriété particulière, si bien que la revendication 1 était plutôt formulée selon le libellé de "revendication de type suisse" proposé dans la décision de la Grande Chambre de recours G 1/83 (JO OEB 1985, 60), qui avait été jugé approprié dans le cas d'une nouvelle deuxième utilisation médicale.
Dans la décision G 1/83, les revendications d'utilisation de type suisse n'avaient été considérées comme nouvelles que dans la mesure où le but recherché de la fabrication du produit résidait dans son utilisation ultérieure à des fins de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal, ou dans une méthode de diagnostic. Cette exception visait à compenser la limitation de la protection par brevet résultant de l'article 52(4) CBE 1973 (article 53 c) CBE 2000) ; une telle compensation n'était pas nécessaire dans d'autres domaines.
La chambre a constaté que, si une utilisation prétendument nouvelle concerne incontestablement une utilisation ne relevant pas du domaine médical, la nouveauté de l'utilisation d'un composé connu pour fabriquer un produit connu de manière connue ne peut être déduite d'une nouvelle propriété du produit fabriqué. Dans ce cas, l'utilisation d'un composé pour fabriquer un produit doit être interprétée comme un procédé de fabrication du produit à l'aide du composé, et elle ne peut être considérée comme nouvelle que si le procédé de fabrication en tant que tel n'a pas déjà été mis précédemment à la disposition du public. Pour être conforme aux décisions G 2/88 et G 6/88, l'utilisation revendiquée devrait donc se rapporter à une nouvelle forme d'exploitation de la propriété nouvellement reconnue, et non simplement à la fabrication d'un produit qui possède cette propriété.
Si l'objectif cité de l'utilisation se limite à la seule amélioration d'une propriété connue d'un produit à fabriquer et que la revendication ne requiert pas l'exploitation de cette amélioration sous une forme quelconque, une nouvelle activité technique au sens des décisions G 2/88 et G 6/88 ne peut être présumée. Le constat qu'un produit connu présente une certaine propriété ne représente qu'une découverte (suivant la décision T 279/93) qui ne peut pas fonder la nouveauté de la revendication d'utilisation. Pour en faire une invention brevetable et déduire les caractéristiques d'un nouvel effet technique conformément aux décisions G 2/88 et G 6/88, l'utilisation selon les revendications devrait être une nouvelle utilisation du produit fabriqué qui met à profit la découverte de l'amélioration d'une propriété à de nouvelles fins techniques.
La chambre a indiqué que lorsque l'effet prétendument nouveau représente au mieux le constat d'une amélioration d'une propriété connue d'un produit, et non le premier constat d'une propriété jusqu'alors inconnue de ce produit, une revendication d'utilisation formulée conformément aux décisions G 2/88 et G 6/88 et portant sur l'exploitation de cette amélioration n'est pas de nature à délimiter clairement l'objet revendiqué par rapport à l'état de la technique. Dans ce cas, il ne suffit pas d'axer vaguement la revendication sur une utilisation qui n'est pas davantage définie de la propriété améliorée ; l'utilisation devrait être précisée dans la revendication de manière à faire ressortir clairement le contenu de l'utilisation et son caractère nouveau.
3.2.2 Revendication portant sur l'utilisation d'un procédé connu dans un but précis
Dans la décision T 1179/07, la chambre a fait observer que les énonciations des décisions G 2/88 et G 6/88 (JO OEB 1990, 93 et 114, cf. point III du sommaire) s'appliquent à une revendication portant sur l'utilisation d'un composé connu dans un but jusqu'alors inconnu. Ces décisions ne concernent en revanche pas les revendications de procédé limitées à un but précis. Bien que l'"utilisation d'un composé" puisse être considérée comme un procédé comportant une étape au cours de laquelle est utilisé le composé, une revendication d'utilisation n'équivaut normalement pas à une revendication de procédé, étant donné qu'en règle générale, l'article 64(2) CBE ne s'y applique pas. La Grande Chambre a estimé dans la décision G 2/88 (point 5.1 des motifs) que l'article 64(2) CBE ne vise normalement pas les brevets revendiquant l'utilisation d'un procédé en vue d'obtenir un effet donné (ce qui est l'objet normal d'une revendication d'utilisation), mais les brevets européens dont l'objet technique est un procédé d'obtention d'un produit.
En l'espèce, le procédé revendiqué porte clairement sur la fabrication d'un produit, même si le but est indiqué. Le procédé permet de créer un produit final distinct à partir d'un produit d'origine. Si la chambre appliquait les conclusions des décisions G 2/88 et G 6/88 à la revendication de procédé 1 du brevet tel que délivré, le produit de cette revendication serait de nouveau protégé en vertu de l'article 64(2) CBE, alors qu'il s'agit d'un produit connu du document D1 et dont le procédé d'obtention est identique à celui qui est exposé dans ce document. Or, l'article 64(2) CBE ne saurait avoir pour finalité d'étendre la protection qu'il confère à un produit dont le procédé d'obtention est connu. C'est notamment cette différence entre une revendication de procédé et une revendication d'utilisation dans le contexte de l'article 64(2) CBE, qui, de l'avis de la chambre, ne laisse aucune marge permettant d'étendre aux revendications de procédé les principes énoncés par la Grande Chambre dans les décisions G 2/88 et G 6/88 concernant l'utilisation d'un composé connu dans un but encore inconnu (voir aussi T 910/98, T 1049/99 et T 684/02).
D. Activité inventive
1. Homme du métier
Dans l'affaire T 1464/05, la chambre a estimé que les caractéristiques rendues accessibles au public par un usage antérieur public constituent l'état de la technique le plus proche. Elle a déclaré que, conformément à la doctrine établie, l'homme du métier de compétence moyenne visé à l'article 56 CBE 1973 est supposé avoir connaissance de l'intégralité de l'état de la technique dans le domaine pertinent, et en particulier, de tout ce qui a été rendu accessible au public au sens de l'article 54(2) CBE 1973. Les différents moyens de rendre l'état de la technique accessible au public sont placés au même niveau. L'homme du métier de référence est censé avoir connaissance de toutes les caractéristiques de l'usage antérieur en cause qui ont été rendues accessibles au public. Par conséquent, bien qu'il soit irréaliste de supposer que l'ensemble du public compétent concerné aurait eu connaissance des caractéristiques rendues accessibles par l'usage antérieur, la notion d'homme du métier visée à l'article 56 CBE 1973 implique que tout développement évident ou toute application évidente des caractéristiques de l'usage antérieur public par un membre quelconque du public compétent concerné, ayant pris connaissance des caractéristiques rendues accessibles par cet usage, sera traité comme découlant de manière évidente de l'état de la technique au sens dudit article, que d'autres membres du public concerné aient effectivement pris connaissance ou non des caractéristiques de l'usage. Voir aussi sous le point C.2.2, obligation de confidentialité.
Dans l'affaire T 1160/07, l'invention portait sur une méthode et un dispositif de fabrication d'un manche de rasoir. La question de savoir qui devait être considéré comme l'homme du métier avait donné lieu à des contestations. Selon la chambre, il est généralement admis que lors du développement ou de la conception d'éléments plastiques tels que des manches de rasoirs, l'aspect de conception du produit est important, puisqu'il détermine la forme et la structure de l'élément concerné, et que le concepteur du produit participe dès le départ au développement ou à la conception d'un tel produit. La chambre a toutefois estimé qu'à la fin de la phase de conception du produit, la fabrication d'un tel élément passe de plus en plus à l'avant-plan et qu'elle reste ensuite la question prédominante. On peut donc considérer que l'homme du métier capable d'apprécier l'activité inventive de la méthode revendiquée est un concepteur de produit spécialisé dans l'élément particulier à fabriquer qui, s'il ne forme pas une équipe avec un expert de la technologie de moulage de petits éléments plastiques, consulterait au moins un tel expert.
Dans l'affaire T 1030/06, la demande portait sur un système et une méthode destinés à sécuriser des contenus mis en mémoire intermédiaire. La chambre a estimé que l'homme du métier est une personne de compétence technique ordinaire, ce qui implique qu'il a non seulement accès à l'état de la technique et aux connaissances générales dans le domaine concerné, mais qu'il est aussi capable de réaliser des travaux et des essais de routine. Il est donc censé rechercher des solutions et faire des choix afin de tenter de résoudre les problèmes qui se présentent en termes de développement. Selon la chambre, cela est particulièrement le cas lorsque le problème survient avec la mise en œuvre d'un dispositif ayant certaines fonctions requises. La réalisation de la première partie de la solution (en l'occurrence la fourniture de plusieurs processeurs) entraîne souvent la nécessité de prendre d'autres décisions en termes de développement (à savoir le choix du système de chiffrage et l'identification de la source des données) afin de produire un système qui fonctionne. L'homme du métier ne peut raisonnablement s'interrompre à mi-chemin, avec un dispositif indéterminé et des moyens non définis pour exécuter les fonctions requises, et il doit au contraire s'efforcer dans la mesure du possible d'appliquer ces moyens en utilisant ses connaissances. Il s'agirait littéralement d'"autres idées", au sens où elles pourraient être nouvelles dans le contexte donné. De telles idées devraient toutefois être courantes et, partant, dépourvues de caractère inventif. La chambre a considéré que l'invention revendiquée résolvait de manière évidente le problème de mise en œuvre d'un dispositif de traitement vidéo qui utilise de façon sûre une mémoire d'image.
2. Traitement de caractéristiques techniques et non techniques
Dans l'affaire T 756/06, les revendications portaient sur un dispositif d'affichage qui combinait des aspects techniques, par exemple le calcul automatique d'une deuxième échelle de temps, et des aspects non techniques, par exemple l'affichage horaire. La chambre a déclaré que conformément à la jurisprudence constante, de telles revendications sont des inventions au sens de l'article 52(1) et (2) CBE, mais que les caractéristiques non techniques ne peuvent étayer la présence d'une activité inventive. Les caractéristiques techniques sont généralement considérées comme celles qui produisent un effet technique.
Dans pareils cas, le choix se fait généralement entre deux approches. Dans le cadre de la première approche (T 931/95, JO OEB 2001, 441), le caractère technique des caractéristiques de la revendication fait l'objet d'une analyse initiale, puis l'activité inventive de ces seules caractéristiques est examinée. Cette approche est couramment adoptée pour les inventions qui sont essentiellement des méthodes d'affaires (business methods) fonctionnant sur du matériel informatique plus ou moins notoirement connu. La seconde approche, adoptée par exemple dans la décision T 641/00 (JO OEB 2003, 352), est une application plus conventionnelle de l'approche problème-solution qui consiste à déterminer les différences par rapport à l'état de la technique le plus proche et à se baser uniquement sur celles qui contribuent au caractère technique pour apprécier l'activité inventive. Cette approche peut être plus appropriée si la dimension technique est plus poussée et/ou si un état de la technique pertinent existe. Elle a pour avantage qu'une caractéristique non technique connue de cet état de la technique n'apparaîtra pas comme une différence et qu'il ne faudra donc plus la prendre en considération par la suite, ce qui permettra de se dispenser d'examiner si elle apporte une contribution technique. Cette approche est en outre moins abstraite, car les caractéristiques revendiquées peuvent être analysées par rapport à un état de la technique concret. Quelle que soit l'approche adoptée, il va sans dire que les revendications doivent être dûment analysées. Il convient notamment d'éviter une analyse sommaire paraphrasant vaguement le texte de la revendication, afin de ne pas omettre des caractéristiques qui pourraient contribuer au caractère technique de l'objet revendiqué.
Dans l'affaire G 3/08 (JO OEB 2011, ***), la Grande Chambre de recours a analysé en détail la jurisprudence pertinente relative à la brevetabilité des programmes d'ordinateur. Elle a fait observer qu'aucune question soumise par la Présidente de l'OEB ne remettait en question la validité de l'approche développée par la chambre 3.5.01 pour apprécier l'activité inventive. Cette approche, telle que résumée dans la décision T 154/04 (JO OEB 2008, 46), tient uniquement compte des caractéristiques qui contribuent au caractère technique de l'objet revendiqué pour apprécier l'activité inventive. La Grande Chambre de recours n'a constaté aucune divergence de jurisprudence et il semble donc que la jurisprudence résumée dans la décision T 154/04 ait créé un système qui permette de délimiter les innovations pour lesquelles un brevet peut être délivré.
3. Négation de l'existence de l'activité inventive - choix entre des variantes évidentes
Dans l'affaire T 1072/07, la demande portait sur un avant-corps chauffé à l'oxygène pour une opération de formation de verre. Les documents de l'état de la technique proposaient deux possibilités pour résoudre le problème consistant à choisir le combustible pour les brûleurs, et donc deux types de brûleurs, à savoir un brûleur aéro-gaz ou un brûleur oxy-gaz. La chambre a conclu que pour résoudre le problème (comment sélectionner un type de brûleur adéquat), l'homme du métier devait choisir entre deux options notoires. Les deux choix qui, dans une situation particulière, seraient effectués en mettant en balance les avantages liés au type spécifique de brûleur sélectionné, comme l'efficacité de fonctionnement, et ses inconvénients, comme les adaptations techniques nécessaires et les coûts en jeu, étaient évidents, puisque la sélection devait être opérée entre des types de brûleurs bien connus.
E. Notion d'"application industrielle"
1. Généralités
Dans l'affaire T 18/09, la chambre a noté que le rapport étroit entre les articles 83 et 57 CBE avait déjà été abordé dans des décisions précédentes (cf. notamment T 898/05). Ces deux dispositions ont trait à l'obligation, pour le demandeur, de donner une description suffisante de l'invention. En ce qui concerne l'article 83 CBE, la jurisprudence constante des chambres de recours a établi qu'il ne peut être objecté à l'encontre d'un brevet que l'invention n'est pas exposée de manière suffisamment claire et complète que si de sérieuses réserves peuvent être formulées à cet égard, étayées par des faits vérifiables (cf. T 19/90, JO OEB 1990, 476). La chambre estime qu'il ne serait pas justifié et équitable de fixer un degré de conviction différent eu égard à l'article 57 CBE. Voir également le chapitre VII.E.5., procédures parallèles.
Dans l'affaire T 1450/07, la chambre a fait observer que la jurisprudence a établi les critères à remplir pour reconnaître l'application industrielle (cf. par exemple T 898/05). Les informations contenues dans la demande telle que déposée doivent rendre plausible l'identité du composé revendiqué. Le composé peut ainsi être rattaché à une famille connue de molécules, sur la base d'une comparaison entre sa structure primaire et celle des molécules connues de l'état de la technique. Ses fonctions présumées peuvent ensuite être divulguées. Des preuves expérimentales ne sont pas nécessairement requises. Plusieurs hypothèses raisonnables peuvent être faites en tenant compte des fonctions connues des autres membres de la famille et, par exemple et de manière non exclusive, de la répartition du composé revendiqué dans le corps. Les traitements mentionnés étaient liés à la fonction rattachée de façon plausible à la molécule. Des preuves publiées ultérieurement et étayant ces hypothèses sont toujours les bienvenues. Il vaut mieux disposer d'un maximum d'informations, et la qualité des informations est également fondamentale. La chambre a indiqué que chaque cas doit être évalué séparément. Conformément à la jurisprudence précitée et compte tenu de toutes les informations disponibles, la chambre a décidé en l'occurrence que l'exigence d'application industrielle était remplie.
II. CONDITIONS EXIGEES POUR LA DEMANDE DE BREVET
A. Possibilité d'exécuter l'invention
1. Exposé clair et complet
a) Indication d'au moins un mode de réalisation
Dans l'affaire T 990/07, la description qui figurait dans la demande initiale soumise à la chambre était partiellement erronée. L'homme du métier pouvait immédiatement reconnaître un certain nombre d'erreurs dans les exemples. Une correction des exemples et des passages correspondants de la description n'était pas admissible, conformément à la règle 139 CBE. Certaines des corrections possibles auraient enfreint l'article 123(2) CBE 1973. En l'occurrence, l'invention avait toutefois été considérée comme satisfaisant aux exigences de l'article 83 CBE 1973.
La chambre devait donc décider si, en l'absence d'autre exemple de mise en œuvre de l'invention revendiquée, la requête, qui satisfaisait aux exigences de l'article 83 CBE 1973, devait néanmoins être rejetée sur la base de la règle 27(1)e) CBE 1973. La chambre a jugé que tel n'était pas le cas. Les "exemples" mentionnés à la règle 27(1)e) CBE 1973 semblent avoir principalement pour but de compléter un enseignement par ailleurs incomplet. Par conséquent, la demande ne pouvait être rejetée au titre de cette disposition si la description était réputée décrire "un mode de réalisation de l'invention", malgré la présence de dessins erronés et, partant, l'absence d'exemples de mise en œuvre de l'invention.
2. Exécution de l'invention sans effort excessif
Dans la décision T 1063/06 (JO OEB 2009, 516), la chambre a estimé qu'une revendication selon laquelle des composés chimiques définis en termes fonctionnels doivent être découverts en appliquant un procédé de détection mentionné dans la description et revêtant la forme d'un nouvel outil de recherche couvre également les futures inventions fondées sur l'invention présentement divulguée. Le demandeur ne pouvant toutefois prétendre qu'à la protection de sa contribution effective à l'état de la technique, il est non seulement raisonnable mais aussi impératif de limiter en conséquence l'objet de la revendication. L'octroi d'une protection par brevet en vertu de la CBE n'a pas pour objectif d'offrir au demandeur un domaine de recherche inexploré, comme dans le cas des revendications portant sur les résultats de recherches futures, mais vise à protéger les résultats concrets d'une activité de recherche fructueuse, en contrepartie de la mise à disposition au public de ces résultats techniques concrets.
Selon la décision T 1063/06, la formulation d'un composé chimique en des termes fonctionnels, en l'occurrence dans une revendication portant sur les résultats de recherches futures, englobe tous les composés qui ont la capacité définie dans la revendication. Faute de toute règle de sélection dans la demande en litige, l'homme du métier, qui est dans l'impossibilité d'utiliser ses connaissances générales, n'a d'autre choix que d'avancer par tâtonnements, en examinant expérimentalement des composés chimiques sélectionnés de façon arbitraire afin d'établir s'ils ont la capacité définie dans la revendication, ce qui constitue pour lui une invitation à effectuer un programme de recherche et, partant, un effort excessif (décision T 435/91 confirmée).
Dans l'affaire T 1886/06, la chambre a examiné la conclusion de la décision T 256/87 selon laquelle il suffit que l'homme du métier lisant le fascicule de brevet soit mis en mesure d'exécuter l'invention dans tous ses aspects essentiels et puisse savoir s'il travaille dans le domaine interdit des revendications. La chambre a souligné que cette conclusion ne saurait signifier que, à l'inverse, il est forcément impossible d'exécuter l'invention au sens de l'article 83 CBE 1973 si une expression employée dans les revendications n'est pas définie, contrairement aux exigences de l'article 84 CBE 1973, et que la description ou les connaissances générales correspondantes de l'homme du métier ne fournissent aucun élément d'information concret pour une éventuelle définition. En effet, il est nécessaire d'étayer à l'aide de faits vérifiables un doute concernant la possibilité d'exécuter l'invention dans l'ensemble du domaine revendiqué. Il ne suffit pas de présumer simplement que la protection couvre des variantes non divulguées.
3. Rapport entre l'article 83 et l'article 84 CBE
3.1 L'article 83 CBE et la description, fondement des revendications
Dans l'affaire T 1225/07, la chambre s'est référée à la jurisprudence constante des chambres de recours selon laquelle, pour une invention comme celle en question, caractérisée par un résultat à atteindre, les informations figurant dans la demande doivent permettre à l'homme du métier de parvenir sans difficulté excessive au résultat prévu, dans l'ensemble du domaine de la revendication contenant une pareille définition fonctionnelle. En outre, la description, faisant état ou non des connaissances générales pertinentes, doit fournir un concept technique se suffisant entièrement à lui-même sur la manière dont ce résultat peut être atteint. Dans le cas contraire, l'invention doit être considérée comme n'ayant pas été suffisamment divulguée (renvoi à T 713/98).
3.2 L'article 83 CBE et la clarté des revendications
Dans l'affaire T 608/07, la chambre a considéré que la question dont elle était saisie, et qui portait sur la suffisance de l'exposé de l'invention, était dans une large mesure semblable à la situation rencontrée dans l'affaire T 256/87, ces deux cas ayant trait à une insuffisance de l'exposé due à une ambiguïté. Bien que la chambre ait admis que dans certaines circonstances, une telle ambiguïté puisse tout à fait entraîner une objection pour insuffisance de l'exposé, il convient de garder en mémoire que cette ambiguïté concerne également la portée des revendications, à savoir l'article 84 CBE 1973. Etant donné que l'article 84 CBE 1973 ne peut toutefois constituer en soi un motif d'opposition, il faut veiller à ce qu'une objection pour insuffisance de l'exposé due à une ambiguïté ne soit pas simplement une objection déguisée au titre de l'article 84 CBE 1973. La chambre est convaincue que s'agissant d'une insuffisance de l'exposé due à une ambiguïté, il ne faut pas se contenter de montrer l'existence d'une ambiguïté, qui concerne par exemple la délimitation des revendications. Il est normalement nécessaire d'établir que cette ambiguïté empêche l'homme du métier de réaliser comme prévu l'invention. Cet équilibre délicat entre les articles 83 et 84 CBE 1973 doit être apprécié en fonction des faits à la base de chaque cas individuel.
III. MODIFICATIONS
1. Généralités
Bien que la sélection de valeurs limites explicitement divulguées définissant plusieurs (sous-)intervalles dans le but de former un sous-intervalle (plus étroit) ne soit pas contestable au titre de l'article 123(2) CBE lorsque les intervalles appartiennent à la même liste, la combinaison d'un intervalle individuel pris dans cette liste avec un autre intervalle particulier issu d'une seconde liste et se rapportant à une autre caractéristique n'est pas considérée comme divulguée dans la demande telle que déposée, sauf si une telle combinaison est clairement suggérée (T 1511/07).
Dans l'affaire T 1374/07, le requérant a fait valoir qu'il n'existait qu'une seule liste, et non deux comme requis par plusieurs décisions, et qu'une sélection préférée de deux membres sur une liste n'avait rien à voir avec la sélection de deux membres sur deux listes. La chambre a toutefois écarté cette affirmation, étant donné qu'une sélection de deux composants sur une liste équivaut en fait à une double sélection sur deux listes identiques (cf. T 811/96). La chambre n'a donc pu accueillir cet argument.
2. Généralisations intermédiaires - combinaisons non divulguées
L'affaire T 879/09 fournit un exemple d'affaire traitant de généralisation intermédiaire. En l'occurrence, la division d'examen avait rejeté la demande au motif qu'elle avait enfreint l'article 123(2) CBE. La chambre a déclaré qu'une demande de brevet décrit une invention dans des termes généraux avec un ou plusieurs modes de réalisation détaillés. Afin de remédier à une objection d'absence de nouveauté et/ou d'activité inventive, le demandeur ajoute souvent certaines caractéristiques des modes de réalisation détaillés - mais pas toutes - à l'exposé général. Il en résulte un objet qui se situe entre l'exposé général initial et les modes de réalisation détaillés, et qui est qualifié de "généralisation intermédiaire" dans le jargon des brevets, alors qu'il devrait être plus correctement intitulé "restriction intermédiaire" pour faire ressortir clairement qu'il s'agit en fait d'une restriction de l'exposé initial plus général (T 461/05). Une telle restriction ou généralisation intermédiaire n'est admissible au titre de l'article 123(2) CBE que si l'homme du métier peut déduire sans aucun doute de la demande telle que déposée que les caractéristiques tirées d'un mode de réalisation détaillé ne sont pas étroitement liées aux autres caractéristiques du mode de réalisation, mais qu'elles s'appliquent directement et sans ambiguïté au contexte plus général (T 962/98). Etant donné qu'il avait été satisfait au test précité, il n'y avait pas eu violation de l'article 123(2) CBE.
3. Disclaimer
3.1 Décisions appliquant les critères posés par G 1/03 et G 2/03
Dans la décision T 8/07, la chambre devait statuer sur l'admissibilité d'un disclaimer en vertu de l'article 123(2) CBE. Elle a fait observer que selon la décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413), un disclaimer peut uniquement être employé dans le but qu'il est censé avoir et rien de plus. Si un disclaimer produit des effets qui vont au-delà de son but, il est ou devient inadmissible. Le fait que le demandeur doive introduire un disclaimer ne signifie pas qu'il peut remanier arbitrairement ses revendications (G 1/03, point 3 des motifs). Aussi, le disclaimer ne doit-il pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté ou pour exclure un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité pour des raisons non techniques. Selon la chambre, on ne saurait donc déduire du raisonnement développé dans la décision G 1/03 qu'une certaine latitude ou marge d'appréciation est laissée au titulaire du brevet s'agissant de la mesure dans laquelle un disclaimer doit être rédigé afin de retrancher l'objet devant être exclu. En effet, toute marge d'appréciation à cet égard introduirait par la force des choses un certain élément arbitraire dans la rédaction du disclaimer, ce qui serait contraire aux conclusions expresses de la décision G 1/03. Il a donc été conclu qu'afin de satisfaire aux exigences en la matière découlant de la décision G 1/03, les disclaimers doivent être rédigés de manière à n'exclure que l'objet ne pouvant être revendiqué. En outre, l'argument du titulaire du brevet selon lequel un disclaimer plus étendu ne lui procurerait aucun avantage n'était pas nécessairement et absolument correct, puisqu'un disclaimer large, en plus de restaurer la nouveauté, aurait comme effet supplémentaire d'"immuniser" l'objet revendiqué contre une éventuelle attaque pour manque de nouveauté.
Dans l'affaire T 440/04, il s'agissait de déterminer s'il suffisait d'exclure l'exemple 1 du document C63 pour rétablir la nouveauté. Si un disclaimer ne doit pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté, on ne saurait non plus considérer qu'un disclaimer est employé dans le but recherché lorsqu'il retranche moins que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté. La divulgation, dans le document C63 précité, de fibres ayant une composition et des propriétés conformes aux revendications 1 selon toutes les requêtes, n'était pas strictement limitée aux fibres décrites dans l'exemple 1 de ce document. Aussi, l'exclusion de ces dernières ne suffisait-elle pas pour exclure desdites revendications 1 toutes les fibres divulguées dans le document C63 dont la composition et les propriétés inhérentes étaient conformes à ces revendications. Dans le cas d'espèce, l'exclusion de l'exemple 1 n'était donc pas suffisante pour rétablir la nouveauté de l'objet revendiqué par rapport au document C63.
Dans l'affaire T 795/05, la chambre a indiqué qu'un disclaimer dépourvu de fondement dans la demande telle que déposée ne saurait être rejeté en vertu de l'article 123(2) CBE pour autant qu'il satisfasse aux critères énoncés dans la décision G 1/03. Le disclaimer en cause n'avait aucun fondement, ni explicite, ni implicite, dans la demande telle qu'initialement déposée, même si l'objet qu'il excluait s'appuyait sur ladite demande. En outre, ce cas se différenciait de l'affaire T 4/80 (JO OEB 1982, 149) en ce sens que le disclaimer visait à rétablir la nouveauté par rapport à un document compris dans l'état de la technique conformément à l'article 54(3) CBE et qu'il n'était en tant que tel pas divulgué dans la demande telle que déposée. La revendication en cause n'était donc pas admissible en vertu de l'article 123(2) CBE.
Dans la décision T 1107/06, la chambre a fait observer qu'avant les décisions G 1/03 et G 2/03 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 2004, 413 et 448), il était largement admis qu'un disclaimer était en principe admissible lorsque l'objet à exclure était divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention dans la demande de brevet européen telle que déposée. Ce principe est né de la toute première décision qui a autorisé l'introduction d'un disclaimer dans une revendication (T 4/80, JO OEB 1982, 149). Selon cette décision, l'admissibilité d'un disclaimer ne tenait pas à son but, mais au fait que l'objet à exclure était décrit à l'origine comme étant un mode de réalisation possible de l'invention. Les principes développés dans la décision T 4/80 ont été appliqués ou approuvés dans plusieurs autres décisions (cf. par ex. T 80/85, T 98/94, T 673/94). Cependant, une approche plus restrictive a récemment émergé dans la jurisprudence des chambres de recours (cf. T 1050/99, T 1102/00, T 236/01, T 868/04, T 795/05, T 1559/05), selon laquelle les disclaimers qui excluent un objet divulgué en tant que mode de réalisation d'une invention sont traités comme des disclaimers non divulgués et sont jugés non admissibles, à moins qu'ils ne tombent sous le coup de l'une des exceptions énoncées dans les décisions G 1/03 et G 2/03.
Dans l'affaire T 1068/07, la chambre a estimé que, comme il a été relevé dans la décision G 1/07 (point 4.2.3 des motifs) faisant suite aux décisions G 1/03 et G 2/03, qui portaient sur la problématique des disclaimers dits "non divulgués", des avis différents ont été exprimés dans la jurisprudence des chambres de recours quant à la question de savoir si les conclusions des décisions concernées se rapportent aussi à l'exclusion par disclaimer des modes de réalisation qui sont divulgués dans la demande telle que déposée en tant que parties intégrantes de l'invention. D'une part, en appliquant la notion de "disclaimer non divulgué", une série de décisions n'autorisait pas les disclaimers fondés sur ces modes de réalisation (T 1050/99 ; T 795/05). Cette approche a également été retenue dans les Directives relatives à l'examen d'avril 2010 (C-III-16, paragraphe 4.20). D'autre part, les décisions T 1107/06 et T 1139/00 sont parties du principe que les critères arrêtés dans les décisions G 1/03 et G 2/03 ne s'appliquent pas et que, par conséquent, un disclaimer peut être admis sur la base de tels modes de réalisation "divulgués". Dans l'affaire T 1068/07, la chambre a souligné qu'en l'espèce, le fait de suivre la première approche plutôt que la seconde fait une différence décisive. Elle a donc décidé de soumettre la question suivante à la Grande Chambre de recours : "Un disclaimer enfreint-il l'article 123(2) CBE si son objet a été divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention dans la demande telle qu'elle a été déposée ?". L'affaire est en instance sous le numéro G 2/10.
4. Demande telle que déposée - aspects formels
4.1 Ajout d'informations
Dans la décision T 2321/08, la chambre a examiné la question de savoir si la règle 27(1)b) CBE 1973 nécessite que l'état de la technique antérieure connu du demandeur soit déjà exposé dans la demande à la date de son dépôt. La chambre a conclu que la règle 27(1)b) CBE 1973 (ou la règle 42(1)b) CBE, équivalente) n'impose pas au demandeur l'obligation stricte d'exposer l'état de la technique dont il a connaissance et de citer les documents qu'il connaît et qui reflètent cet état de la technique dès le moment où il dépose sa demande. En outre, aucune disposition de la CBE n'interdit de modifier une demande en vue de satisfaire aux dispositions de la règle 27(1)b) CBE 1973 ou de la règle 42(1)b) CBE (confirmé par T 1123/09).
5. "Tests" pour évaluer l'admissibilité d'une modification
5.1 Possibilité de déduire les modifications de la demande telle que déposée directement et sans ambiguïté
Dans la décision T 1125/07, la chambre a déclaré qu'afin de déterminer si l'objet d'une revendication d'un brevet s'étend ou non au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée, il convient d'examiner si la revendication comprend des informations techniques qu'un homme du métier n'aurait pas déduites objectivement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée. Le contenu d'une demande telle que déposée inclut tout ce qui y est divulgué directement et sans ambiguïté, que ce soit explicitement ou implicitement. Dans ce contexte, le terme de "divulgation implicite" désigne une divulgation que tout homme du métier considérerait objectivement comme nécessairement incluse dans le contenu explicite, par exemple compte tenu des lois scientifiques générales (T 860/00). Par conséquent, l'expression "divulgation implicite" ne doit pas être interprétée comme couvrant des éléments qui ne font pas partie des informations techniques fournies par un document, mais qui sont susceptibles de découler à l'évidence du contenu de ces informations. S'il convient de prendre en considération les connaissances générales afin de déterminer ce qu'implique clairement et sans ambiguïté la divulgation explicite d'un document, la question de savoir ce qui peut découler à l'évidence de cette divulgation à la lumière des connaissances générales n'est en revanche pas pertinente pour apprécier ce qu'implique nécessairement la divulgation de ce document. La divulgation implicite n'est rien de plus que la conséquence claire et non équivoque de ce qui est mentionné explicitement (cf. T 823/96). Voir également la décision T 1089/07 dont les motifs sont similaires à ceux de la décision T 1125/07.
Dans l'affaire T 1107/06, citant la décision T 860/00, la chambre a estimé que lorsqu'une divulgation générique de l'invention est complétée par une divulgation spécifique d'un mode de réalisation préféré ou donné à titre d'illustration, qui est englobé dans la divulgation générique, l'homme du métier en déduit normalement que tous les autres modes de réalisation compris dans cette divulgation générique sans être expressément mentionnés font également partie de l'invention. Ces autres modes de réalisation sont donc implicitement divulgués en tant que complément logique des modes de réalisation préférés ou donnés à titre d'exemples.
L'affaire T 985/06 concernait la modification de la limite supérieure d'un intervalle supporté par les documents d'origine par une nouvelle valeur (inférieure) qui elle même n'était pas supportée. En effet la modification consistait à passer de l'intervalle (supporté par la description d'origine) de 1,05:1 à 1,4:1 à l'intervalle 1,05:1 à moins de 1,4:1. La chambre a reconnu que l'intervalle de 1,05:1 à 1,4:1 incluait toutes les valeurs contenues dans la plage indiquée; toutefois les documents d'origine divulguaient seulement l'intervalle en général et ne divulguaient pas spécifiquement et donc directement et sans ambiguïté toutes les valeurs comprises dans l'intervalle en question. La modification contrevenait aux exigences de l'article 123(2) CBE. Par ailleurs, l'intimée/titulaire du brevet a aussi fait valoir que, si la limite supérieure de l'intervalle revendiqué "moins de 1,4:1" n'était pas supportée par la description d'origine, alors elle représentait un disclaimer supporté par la description. Mais selon la chambre, la revendication 1 ne contenait aucune caractéristique technique négative laquelle exclut normalement d'une caractéristique générale des modes de réalisation ou des domaines particuliers.
Dans l'affaire T 495/06, l'argument du requérant (demandeur) selon lequel les modifications n'étaient "pas incompatibles" avec la divulgation initiale n'a pas convaincu la chambre, car le demandeur a invoqué ainsi un critère de conformité à l'article 123(2) CBE moins strict que celui qui est développé dans la jurisprudence des chambres de recours et qui consiste à savoir si la modification "peut être déduite directement et sans ambiguïté" des pièces de la demande telles que déposées initialement. En d'autres termes, le fait qu'une modification ne soit "pas incompatible" avec la description n'est pas une condition suffisante pour satisfaire à l'article 123(2) CBE.
Dans l'affaire T 824/06, la chambre a déclaré que pour être admissible au titre de l'article 123(2) CBE, une modification doit être divulguée directement et sans ambiguïté ; il ne suffit pas qu'elle soit raisonnablement plausible.
Dans l'affaire T 314/07, il s'agissait de savoir si la modification de la revendication portant sur le matériau absorbant pouvait être déduite directement et sans ambiguïté d'un passage de la demande telle que déposée décrivant non pas le matériau absorbant final en tant que tel mais la préparation du film intermédiaire utilisé à cette fin. Les caractéristiques particulières du film intermédiaire décrites dans la demande telle que déposée pourraient être transmises automatiquement au matériau absorbant seulement si ces caractéristiques restaient inchangées pendant tout le processus de préparation du matériau absorbant, autrement dit si la localisation du tensioactif dans le film intermédiaire n'était altérée par aucune des étapes du processus conduisant à l'obtention du matériau absorbant final, parmi lesquelles le perçage des orifices et le collage du film aux autres parties de l'article. La chambre a conclu que, dans cette espèce, l'article 123(2) CBE avait été enfreint.
Dans l'affaire T 2017/07, la chambre a estimé qu'une composition décrite dans une revendication comme comprenant un composant dans une quantité définie par un intervalle numérique de valeurs est caractérisée par la présence obligatoire du composant dans cette quantité, ainsi que par la condition implicite selon laquelle la présence de ce composant dans une quantité non comprise dans l'intervalle est exclue.
Par conséquent, la quantité de ce composant présente dans la composition ne doit pas excéder la limite supérieure de l'intervalle numérique indiqué. Une modification consistant à restreindre la définition de ce composant, par exemple en le circonscrivant à une classe générique ou à une liste de composés chimiques plus étroite, a pour effet que les composés chimiques qui ne sont plus compris dans la définition restreinte du composant ne doivent plus être obligatoirement présents dans l'intervalle numérique, ce qui limite la portée de la condition implicite.
Une composition définie comme comprenant les composants indiqués dans la revendication n'exclut pas la présence d'autres composants, à moins que cela ne soit précisé expressément. De ce fait, dans une revendication portant sur une composition définie de manière non exhaustive, la restriction de la définition d'un composant présent dans cette composition peut avoir pour effet d'élargir l'étendue de la protection revendiquée, de sorte que, dans une procédure d'opposition/de recours, une telle revendication modifiée peut étendre la protection conférée par le brevet délivré (art. 123(3) CBE).
C. Relation entre l'article 123(2) et l'article 123(3) CBE
1. Solution du conflit dans des cas particuliers
La décision T 567/08 donne un exemple d'"extension à effet limitatif" qui ajoute des éléments en violation de l'article 123(2), mais qui, dans le même temps, limite l'étendue de la protection par rapport à ce qui aurait pu être revendiqué, de sorte que sa suppression constitue une violation de l'article 123(3) CBE.
IV. DEMANDES DIVISIONNAIRES
1. Double protection par brevet
Selon la décision T 1423/07, puisqu'il n'existe pas de principe de droit généralement admis dans les Etats membres de rejet d'une demande sur le fondement de l'interdiction de la double brevetabilité, une demande de brevet européen ne peut être rejetée pour ce motif par application de l'article 125 CBE 1973. Si le double brevet résulte d'une priorité interne, le demandeur a un intérêt légitime à ce qu'un brevet soit délivré sur la base de la demande ultérieure revendiquant la priorité d'une demande européenne ayant déjà donné lieu à la délivrance d'un brevet et contenant les mêmes revendications et la même liste d'Etats contractants désignés, puisque c'est la date de dépôt, et non la date de priorité, qui est pertinente pour calculer les 20 années de validité du brevet.
De plus, l'article 60 CBE 1973 ne peut pas non plus servir de fondement de l'interdiction de la double brevetabilité pour rejeter une demande de brevet européen. En particulier, l'article 60 CBE 1973 ne peut être interprété en ce sens que l'inventeur ou son ayant cause ont droit, pour une invention particulière, à un et un seul brevet délivré par l'OEB, avec la conséquence que les revendications incluant des éléments compris dans les revendications d'un brevet déjà délivré et appartenant au même demandeur seraient rejetées, que le demandeur justifie ou non d'un intérêt légitime à la délivrance d'un brevet sur la base de la demande ultérieure.
2. Date du dépôt
En ce qui concerne la notion de demande en instance figurant à la règle 25(1) CBE 1973, la chambre de recours juridique a, dans l'affaire J 2/08 (JO OEB 2010, 100), soumis la question de droit suivante à la Grande Chambre de recours : une demande qui a été rejetée par décision de la division d'examen demeure-t-elle en instance au sens de la règle 25 CBE 1973 (règle 36(1) CBE) jusqu'à l'expiration du délai de recours, lorsqu'aucun recours n'a été formé ? La procédure est en instance sous la référence G 1/09.
Alors que la question de droit soumise à la Grande Chambre de recours dans l'affaire J 2/08 porte sur la situation juridique d'une demande initiale après son rejet et jusqu'à l'expiration du délai de recours, lorsqu'aucun recours n'a été formé, la chambre de recours juridique a été confrontée à des circonstances différentes dans l'affaire J 5/08. Elle a dû décider si la demande initiale était encore en instance à la date de dépôt de la demande divisionnaire, ce dépôt ayant été effectué après que le recours a été formé au sujet de la demande initiale, mais avant que la division d'examen n'ait décidé de faire droit au recours par voie de révision préjudicielle. Cette révision de type "réformation" s'est bornée à rectifier la décision relative à la délivrance du brevet, et ne comportait pas d'exposé exhaustif sur la brevetabilité de l'objet revendiqué. Selon la chambre de recours juridique, une révision au sens de l'article 109 CBE 1973 en tant que telle ouvre la possibilité de procéder à un réexamen complet de la brevetabilité de l'objet revendiqué, indépendamment de la question de savoir si l'annulation de la décision contestée est ou non expressément ordonnée, ou si les motifs écrits sont limités à une question de droit spécifique. Dans la présente affaire, il paraissait évident que la procédure de délivrance, à laquelle la décision de révision mettait fin, était encore en instance jusqu'à la date de cette décision. Par conséquent, le recours a été considéré comme fondé et la demande divisionnaire réputée conforme à l'exigence visée à la règle 25(1) CBE 1973, à savoir que la demande initiale était encore en instance à la date de dépôt de la demande divisionnaire.
V. PRIORITE
1. Priorité d'exposition
Dans l'affaire T 382/07, la chambre a considéré qu'une priorité d'exposition ne saurait être valablement revendiquée pour une demande de brevet européen ou un brevet européen. Elle a indiqué que la possibilité de reconnaître une telle priorité à l'échelle internationale découle de l'article 11 de la Convention de Paris qui permet aux pays membres de l'Union de Paris d'admettre la priorité d'exposition dans leur loi nationale, sous certaines conditions, mais ne les oblige pas à le faire. Le droit de revendiquer une telle priorité est alors régi par la loi nationale du pays où la protection et la priorité sont revendiquées. Ainsi, pour une demande de brevet européen ou un brevet européen, la CBE est applicable et non la loi du pays où l'exposition a eu lieu ni de celui où a été déposée la première demande pour laquelle la priorité d'exposition a été revendiquée. La CBE ne reconnaissant pas la priorité d'exposition, toute revendication de priorité dans le cas d'espèce fondée sur la divulgation d'une invention lors d'une exposition doit être écartée.
2. Première demande
Dans l'affaire T 477/06, la chambre a estimé en premier lieu que la demande euro-PCT D8 n'était pas comprise dans l'état de la technique au sens de l'article 54(3) et (4) CBE 1973 pour la demande en litige, étant donné que cette demande euro-PCT était réputée retirée pour défaut de paiement des taxes de désignation (règle 23bis CBE 1973). Cependant, la demande euro-PCT en question avait été déposée par le même demandeur à une date antérieure à la demande dont la priorité était revendiquée. Etant donné que la demande antérieure divulguait déjà l'objet revendiqué, la demande dont la priorité était revendiquée n'était pas la première demande au sens de l'article 87(1) et (4) CBE 1973 (cf. art. 8.2)b) PCT), si bien que la revendication de priorité n'était pas valable. Par conséquent, la demande en litige ne bénéficiait de la priorité qu'à partir de la date de dépôt et le document D8 était compris dans l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE 1973.
VI. PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCEDURE DEVANT L'OEB
A. Principe de protection de la confiance légitime
1. Exemples illustrant le principe de confiance légitime
Dans l'affaire J 6/08, la chambre a énoncé qu'une requête (en décision ou en restitutio in integrum) visant à faire annuler la constatation de la perte d'un droit au sens de la règle 69(1) CBE 1973 (fondée en l'espèce sur l'inobservation du délai d'un mois pour requérir une nouvelle date de dépôt de la demande conformément à la règle 43(1) CBE 1973 ; règle 56(1) CBE, modifiée), exige une interprétation par l'OEB qui soit axée sur ce qui peut être objectivement reconnu comme étant l'intention du requérant et qui tienne compte des particularités de l'espèce. En cas de doute, l'Office est tenu de clarifier l'intention réelle du requérant et, le cas échéant, de notifier tout acte de procédure encore à accomplir concernant la requête (en l'espèce l'observation du délai d'un an conformément à l'article 122(2) CBE 1973). Dans le cadre d'une interprétation objective de déclarations d'ordre procédural, il est contraire aux relations de confiance entre les demandeurs et l'OEB, de restreindre les déclarations d'un demandeur à leur exact libellé, lorsque l'interprétation de l'ensemble des moyens, à la lumière de la situation procédurale, suscite des doutes pour le moins justifiés sur la question de savoir si ces déclarations, telles que formulées, reflètent l'intention objective du requérant.
2. Obligation d'avertir le demandeur d'irrégularités auxquelles il peut être facilement remédié
Dans l'affaire J 2/08 (JO OEB 2010, 100), le requérant/demandeur a soutenu que l'OEB avait enfreint à plusieurs reprises le principe de la bonne foi (en omettant de l'informer au sujet du dépôt d'une demande divisionnaire, en publiant la demande divisionnaire, en constatant tardivement la perte d'un droit). Par conséquent, le requérant a estimé qu'en s'abstenant d'agir au lieu de le prévenir, l'OEB l'avait amené à croire que tout était en ordre concernant la demande divisionnaire, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour former un recours à l'encontre de la décision de rejet de la demande initiale. De l'avis de la chambre, il appartenait au seul demandeur et à son représentant de décider des mesures les plus appropriées en matière de dépôt, compte tenu des faits et des aspects juridiques. En outre, la confiance légitime concernant la validité d'une demande ne saurait s'appuyer sur le fait qu'une demande a été publiée. Enfin, la notification au titre de la règle 69 CBE 1973, qui n'est pas un simple avertissement, mais un acte de procédure, devait être envoyée à l'expiration du délai de recours.
3. Protection de la confiance légitime en cas de revirement de jurisprudence
3.1 Moment à partir duquel une nouvelle décision qui s'écarte de la pratique existante peut s'appliquer d'une manière générale
Dans la décision G 2/08 (JO OEB 2010, 456) concernant la posologie, la Grande Chambre a affirmé que pour garantir la sécurité juridique et protéger les intérêts légitimes des demandeurs, l'interprétation du nouveau cadre juridique qu'elle a donnée dans ladite décision ne devait avoir aucun effet rétroactif, et a fixé un délai approprié de trois mois à compter de la publication de la décision au Journal official de l'OEB pour permettre aux futures demandes de se conformer à cette nouvelle situation. La date pertinente pour les futures demandes est à cet égard leur date de dépôt ou, si une priorité a été revendiquée, leur date de priorité.
B. Droit d'être entendu
1. Principe général
La chambre a signalé, dans l'affaire T 1997/08, que le droit d'être entendu garantit également que l'OEB est disposé à prendre connaissance et à tenir compte des faits et arguments avancés par le demandeur dans sa réponse à une notification. En principe, il y a violation du droit d'être entendu si les motifs de la décision de la division d'examen se limitent à répéter les motifs exposés dans la notification établie avant la réponse à cette notification. Dans la présente espèce, les motifs de la décision attaquée étaient essentiellement un "copier-coller" des motifs exposés dans la seule notification de la division d'examen. La chambre a fait observer que, pour savoir si le droit des parties à être entendues avait été respecté, il importait de déterminer si la division d'examen avait effectivement pris en compte dans sa décision les arguments présentés par le demandeur dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, et dont la division d'examen avait pris connaissance. Or, la décision n'y faisait aucune allusion. La chambre a donc ordonné le remboursement de la taxe de recours.
2. Non-comparution à la procédure orale devant les chambres de recours
Selon l'article 15(3) RPCR 2007, "la chambre n'est pas tenue de différer une étape de la procédure, y compris sa décision, au seul motif qu'une partie dûment convoquée est absente lors de la procédure orale ; elle pourra en ce cas considérer que cette partie se fonde uniquement sur ses écritures."
Dans l'affaire T 1903/06, la chambre savait que si le représentant du requérant avait assisté à la procédure orale, des modifications appropriées auraient permis de lever les objections mentionnées à l'encontre des requêtes principale et subsidiaire figurant dans le dossier. Or pour prendre une décision sur la demande, la chambre devait s'en tenir au texte proposé par le requérant (art. 113(2) CBE 1973). A cet égard, la chambre s'est appuyée sur les conclusions suivantes tirées dans l'affaire T 1000/03 : le requérant dûment convoqué, aurait pu, lors de la procédure orale, remédier sans peine aux irrégularités signalées, ainsi qu'aux autres irrégularités infimes contenues dans la description. Il n'existait aucune obligation de reporter la décision afin de permettre la correction de ces irrégularités (cf. art. 11(3) RPCR 2003). La chambre s'en est tenue au texte proposé par le demandeur/requérant, conformément à l'article 113(2) CBE. En ne se présentant pas à la procédure orale, le requérant a accepté le risque de voir la demande rejetée, y compris pour des irrégularités qui pouvaient être aisément rectifiées. La chambre a estimé que le requérant devait par conséquent assumer les conséquences de son absence à la procédure orale devant la chambre.
C. Procédure orale
1. Obligation de prévenir l'OEB en cas de non-comparution à la procédure orale
Dans l'affaire T 69/07, l'intimé a demandé la tenue d'une procédure orale, mais ne s'est pas présenté à celle-ci le jour convenu. La chambre a fait observer que, conformément à l'article 6 du code de conduite professionnelle concernant les membres de l'epi, dont le mandataire est obligatoirement membre, un membre doit agir de façon courtoise dans tous les rapports avec l'OEB (voir aussi T 1079/07). Le mandataire de l'intimé a eu suffisamment de temps pour informer la chambre de son intention de ne pas assister à la procédure orale. Cela aurait évité en premier lieu à l'autre partie et à la chambre d'attendre obligeamment le mandataire, dans le cas où celui-ci aurait été retardé pour des raisons indépendantes de sa volonté, et en deuxième lieu au greffe de la chambre de faire des recherches afin d'établir si la participation du mandataire à la procédure orale était prévue. La chambre a cité la décision T 954/93, dont les faits étaient similaires à ceux de l'affaire examinée. La chambre a confirmé l'opinion émise à cette occasion, à savoir que les actes du mandataire étaient "répréhensibles".
2. Fixation et report de la date d'une procédure orale
Dans l'affaire T 601/06, le requérant (titulaire du brevet) avait demandé un report de la procédure orale au motif que le 5 mai 2009 était un jour férié aux Pays-Bas, que le mandataire du requérant avait pris une réservation ferme pour partir en congé à cette date et qu'il n'y avait aucun autre mandataire disponible pour le remplacer en cette période de congés. La chambre a essayé de trouver une autre date dans les deux mois suivants. Comme aucune autre date convenant aux deux parties et à la chambre siégeant dans une formation de cinq membres n'a pu être trouvée, la chambre a informé les parties que la date de la procédure orale était maintenue. En outre, la chambre a considéré que la requête visant à reporter la procédure orale avait été présentée tardivement. En recevant la citation à cette procédure, le représentant aurait dû se rendre compte qu'il ne pourrait y assister, et il aurait dû présenter sa requête sans attendre. La présentation de cette requête plus d'un mois après n'a pas été jugée conforme à l'exigence visée à l'article 15(2) RPCR, selon laquelle la requête doit être soumise aussitôt que possible avant la date fixée pour la procédure orale, ou à la condition énoncée dans le communiqué du Vice-Président DG 3, selon laquelle cette requête doit être soumise "dès que possible". La chambre a fait observer que, conformément à la jurisprudence constante (cf. par ex. décisions T 1102/03 et T 1053/06), les dispositions de l'article 15(2) RPCR et le communiqué susmentionné pondèrent les intérêts des parties et du public en tenant compte, entre autres facteurs, de l'utilisation efficace des ressources et des capacités de l'Office. Une requête visant à reporter la date d'une procédure orale peut donc être rejetée si elle est présentée tardivement.
Dans l'affaire T 1923/06, la chambre s'est référée à la décision T 275/89 (JO OEB 1992, 126), selon laquelle la maladie d'une partie dûment représentée ne suffit pas pour justifier une modification de la date fixée pour la tenue d'une procédure orale, à moins que la participation à la procédure de la personne tombée malade ne soit indispensable. Il ne peut être fait droit à une requête en modification de la date que lorsque des circonstances imprévues et exceptionnelles empêchent la tenue de la procédure (par ex. maladie soudaine du mandataire ou d'une partie non représentée) ou sont susceptibles d'avoir, dans le déroulement de la procédure, des conséquences déterminantes pour la décision à rendre (par ex., empêchement imprévu d'un témoin ou d'un expert important). La chambre a reconnu qu'un mandataire pouvait se trouver en fâcheuse posture s'il était dans l'incapacité de recevoir des instructions de son client. Cependant, en l'occurrence, la chambre n'était pas convaincue que la maladie du client puisse avoir une influence décisive sur la préparation du mandataire à la procédure orale, ni sur la procédure orale elle-même.
3. Requête en procédure orale en réponse à une notification d'une chambre de recours
Dans l'affaire T 1382/04, le requérant avait été invité, conformément à la règle 100(2) CBE (2007), à présenter ses observations sur la notification de la chambre. Il avait été informé que, faute de réponse à cette invitation dans les délais, la demande serait réputée retirée (règle 100(3) CBE (2007)). La chambre devait donc s'assurer qu'une réponse conforme aux exigences de la règle 100(2) CBE (2007) avait bien été reçue dans les délais. En l'absence de réponse valable, l'affaire n'aurait plus été en instance. La question se posait puisque le requérant n'avait pas présenté d'observations sur le fond concernant la notification de la chambre. Celle-ci a souligné que, d'un point de vue historique, l'instrument juridique de la fiction du retrait avait été introduit pour des raisons administratives, de manière à économiser les ressources des offices de brevets et des tribunaux compétents lorsque le demandeur ou le requérant ne souhaitent manifestement plus maintenir leur demande. Dans la présente affaire, la chambre a estimé que la requête en procédure orale, reçue dans le délai prévu pour présenter des observations, constituait une réponse évitant l'application de la fiction du retrait en vertu de la règle 100(3) CBE (2007). De son point de vue, il n'était pas concevable en effet que le requérant ne soit plus intéressé par sa demande et sollicite en même temps la tenue d'une procédure orale afin, semble-t-il, de présenter verbalement ses observations sur les arguments de la chambre.
4. Présence d'assistants lors de la délibération de la chambre
En vertu de l'article 19(1), deuxième phrase RPCR, seuls les membres de la chambre peuvent participer à la délibération ; toutefois, le président peut autoriser d'autres agents à y assister. Dans l'affaire T 857/06, la chambre a indiqué que dans plusieurs Etats parties à la CBE, le travail judiciaire des tribunaux, en particulier des cours suprêmes et des cours constitutionnelles, bénéficie du soutien d'assistants. La participation active d'assistants à la préparation des décisions judiciaires semble également largement acceptée. Conformément à cette pratique, un nombre limité d'assistants soutiennent les chambres de recours de l'OEB. Ils sont sélectionnés suivant une procédure formelle de recrutement interne, à laquelle seuls des examinateurs expérimentés, c'est-à-dire des fonctionnaires de l'OEB, peuvent postuler. La chambre a conclu que le pouvoir d'appréciation prévu par l'article 19(1), deuxième phrase RPCR peut être exercé pour permettre à l'assistant de la chambre de prendre part et de participer à la délibération.
5. Procès-verbal de la procédure orale
Dans l'affaire T 508/08, la chambre est convenue avec les parties que la division d'opposition aurait dû répondre aux requêtes du requérant visant à corriger le procès-verbal de la procédure orale. La chambre s'est référée à la décision T 1198/97, selon laquelle même lorsqu'un recours a été formé, seule l'instance du premier degré devant laquelle s'est tenue la procédure orale peut (mais aussi doit) statuer en première instance sur une requête portant sur le contenu du procès-verbal de la procédure orale. Il lui appartient en effet, conformément à la règle 76 CBE 1973, d'établir un procès-verbal correct et complet. En outre, les membres de cette instance savent mieux que quiconque ce qui s'est passé et ce qui a été dit ou non au cours de la procédure orale en question. La chambre a déclaré que si l'instance du premier degré (division d'opposition) avait jugé bon de méconnaître les obligations qui sont les siennes (à savoir de répondre à une requête visant à corriger le procès-verbal), elle ne pouvait rien y faire, n'ayant pas le pouvoir de contraindre la division à respecter ses obligations.
6. Procédure orale sous forme de visioconférence
Dans l'affaire T 1266/07, le requérant/demandeur avait sollicité la tenue de la procédure orale sous forme de visioconférence. La chambre a rejeté cette demande au motif qu'elle avait été présentée tardivement, tout en indiquant que ce type de requête pourrait être autorisé à l'avenir. Un cadre général devra toutefois exister à cette fin. Premièrement, les visioconférences devant une division d'examen sont explicitement réglementées (cf. mise à jour de la note d'information concernant les entretiens et les procédures orales à organiser sous forme de visioconférence, JO OEB 2006, 585). Or, il n'y a pas actuellement de disposition correspondante pour les chambres de recours, et le RPCR, en particulier, est muet à ce sujet. Deuxièmement, l'article 116(3) CBE dispose que la procédure orale devant la division d'examen n'est pas publique, alors que la procédure orale devant les chambres de recours l'est en vertu de l'article 116(4) CBE. Il conviendra par conséquent de veiller à rendre l'utilisation de la visioconférence compatible avec l'exigence selon laquelle la procédure orale devant les chambres de recours est publique.
D. Délais, poursuite et interruption de la procédure
1. Calcul des délais selon la règle 131 CBE
L'affaire T 2056/08 porte sur le calcul du délai prévu pour la formation d'un recours, lorsque ce délai est combiné à la période de dix jours pour la remise par la poste. Le demandeur a soutenu que le recours formé le 1er octobre 2008 contre la décision du 21 juillet 2008 rejetant sa demande avait été formé dans les délais. Si l'on ajoutait deux mois à la date de la décision, plus 10 jours supplémentaires au titre de la règle 126(2) CBE, on obtenait la date du 1er octobre 2008.
La chambre a observé que le délai de deux mois spécifié à l'article 108 CBE commençait à courir à partir de la date de la signification supposée ou effective, qui, dans la présente espèce, était le 31 juillet 2008. Le délai expirait donc le 30 septembre 2008. Si un point de repère quelconque pouvait être suggéré pour le calcul du délai de recours, il devrait être de "dix jours plus deux mois", plutôt que de "deux mois plus dix jours".
E. Restitutio in integrum
1. Vigilance nécessaire de la part d'un mandataire agréé
Dans l'affaire T 1095/06, la chambre a estimé qu'on ne pouvait exiger d'un mandataire agréé qu'il vérifie à nouveau chacun des actes de ses assistants. Si le mandataire agréé omet d'accomplir un acte parce qu'il n'a pas reçu de rappel suite à une erreur d'un assistant choisi et formé de manière adéquate, et raisonnablement encadré, cela peut être considéré comme une "erreur isolée dans un système donnant par ailleurs satisfaction", auquel cas la restitutio in integrum pourrait être accordée. La chambre a cependant déclaré qu'un mandataire agréé est censé contrôler en permanence son propre travail. La jurisprudence relative à "une erreur isolée dans un système donnant par ailleurs satisfaction" ne saurait être invoquée pour faire abstraction de l'omission d'un acte par le mandataire agréé proprement dit, à moins que des circonstances spéciales n'expliquent que l'omission se soit produite bien que toute la vigilance nécessaire ait été observée. Le fait de croire qu'un acte a été exécuté alors qu'il n'existe aucun fondement objectif le montrant, ne peut être assimilé à une circonstance entrant en ligne de compte en vertu de l'article 122(1) CBE 1973. De plus, la chambre a estimé que ni l'importance d'une demande pour un déposant, ni la valeur technique de l'invention concernée ne sont des circonstances pouvant être prises en considération pour accorder la restitutio.
En ce qui concerne la vigilance dont doit faire preuve le mandataire agréé, la chambre a rappelé dans l'affaire T 493/08 la jurisprudence selon laquelle l'ignorance ou une mauvaise interprétation des dispositions de la CBE ne sauraient constituer une excuse. Dans la décision J 6/07, la chambre de recours juridique a confirmé que cette jurisprudence s'applique également dans le cas où un demandeur ne constitue pas de mandataire : généralement, même lorsqu'un demandeur agit sans bénéficier des conseils d'un mandataire suffisamment qualifié, les erreurs concernant le droit ou l'ignorance de celui-ci ne constituent pas des motifs suffisants de restitutio in integrum. Pour que toute la vigilance nécessaire ait été exercée, toute personne engagée dans une procédure auprès de l'Office doit se familiariser avec les dispositions applicables, même si elle n'est pas spécialiste de ces questions. L'interprétation erronée du droit, quant à elle, a été excusée dans la décision J 28/92. Dans cette affaire, la chambre de recours juridique avait estimé que l'interprétation erronée qu'un mandataire avait faite d'une disposition de la CBE n'était ni dénuée de fondement, ni déraisonnable. Aussi a-t-elle considéré qu'il n'y avait aucune raison de pénaliser le mandataire parce qu'il avait donné d'une règle de la CBE une interprétation qui, si elle s'avéra par la suite erronée, n'en était pas pour autant déraisonnable. En l'espèce, la chambre a suivi l'opinion exprimée dans la décision J 28/92 et indiqué qu'il peut y avoir des exceptions à la règle selon laquelle une erreur de droit n'est pas excusable, ces exceptions ne pouvant toutefois être admises que sur la base de critères rigoureux.
2. Délai d'un an à compter de l'expiration du délai non observé
Une requête en restitutio in integrum n'est recevable que dans un délai d'un an à compter de l'expiration du délai non observé (art. 122(2), troisième phrase CBE 1973, règle 136(1), première phrase CBE). Selon la règle 136(1), troisième phrase CBE (2007), la requête en restitutio in integrum n'est réputée présentée qu'après le paiement de la taxe prescrite.
Dans l'affaire J 6/08, la taxe de restitutio in integrum n'a été acquittée qu'après l'expiration du délai d'un an. La chambre a renvoyé à la jurisprudence (J 16/86, J 34/92, J 26/95, JO OEB 1999, 668, J 6/98, J 35/03), selon laquelle ce délai d'un an représente un délai de forclusion dont l'objectif est de garantir la sécurité juridique pour le public et la clôture de la procédure devant l'OEB dans un délai raisonnable et approprié. Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la chambre a néanmoins estimé que la restitutio in integrum n'était pas exclue, la cause de l'inexécution des conditions requises dans le délai imparti - en l'espèce le paiement de la taxe de restitutio in integrum - étant en grande partie imputable à l'Office lui-même. Lorsque l'Office manque à son devoir de clarification et de notification, une requête en restitutio in integrum présentée avant l'expiration du délai d'un an prescrit peut être jugée valide au titre de la protection de la confiance, même si la taxe correspondante n'a été acquittée qu'après l'expiration de ce délai. En pareil cas, le droit du requérant de voir sa requête traitée comme si le délai avait été observé peut l'emporter sur l'intérêt de la sécurité juridique pour les tiers, laquelle est garantie par le délai d'un an prévu à l'article 122(2), troisième phrase CBE 1973.
3. Cessation de l'empêchement
Dans l'affaire T 493/08, la chambre a estimé que si un délai n'est pas respecté en raison d'une erreur de droit, l'empêchement à l'origine de l'inobservation de ce délai cesse à la date à laquelle le demandeur se rend effectivement compte de l'erreur en question. La chambre a indiqué qu'en apparente contradiction avec cette opinion, la date à laquelle le demandeur aurait dû faire des recherches a été jugée déterminante dans l'affaire T 1026/06, bien qu'il semble que le demandeur n'ait pas entrepris ces recherches en raison de ce qui a été considéré comme une erreur de droit.
F. Règlement relatif aux taxes
1. Ordre de débit
Dans l'affaire T 773/07, relative à la réglementation applicable aux comptes courants, telle qu'en vigueur jusqu'au 12 décembre 2007 (Supplément au JO OEB 1/2005), il n'y avait pas de provision suffisante sur le compte courant du requérant pour couvrir la taxe de recours. La chambre a rejeté l'argument selon lequel cette taxe aurait pu ou aurait dû être prélevée à la date concernée avant six autres taxes. Il n'appartient pas au caissier de l'OEB d'établir des priorités entre les taxes dues, et ce d'autant plus que le titulaire du compte a la responsabilité de prendre en temps utile toutes les dispositions nécessaires pour qu'il y ait en permanence une provision suffisante (point 5.2 RCC).
2. Réduction de la taxe d'examen
Dans l'affaire J 1/09, la demande initiale qui a donné lieu à la demande divisionnaire européenne en question était dérivée d'une demande internationale pour laquelle le demandeur, dans la procédure devant l'OEB agissant en qualité d'IPEA, avait acquitté une seconde taxe d'examen, compte tenu d'une objection d'absence d'unité. Par la décision attaquée, la division d'examen a rejeté une requête, présentée en application de l'article 12(2) RRT 2003 ensemble la règle 107(2) CBE 1973, visant à obtenir le remboursement de 50 % de la taxe d'examen versée pour la demande divisionnaire en vertu de l'article 94(2) CBE 1973.
Rejetant le recours, la chambre de recours juridique a fait observer que la règle 107(2) CBE 1973 régissait la réduction de la taxe d'examen après l'entrée d'une demande internationale dans la phase européenne et qu'elle n'était pas applicable aux demandes divisionnaires. L'article 12(2) RRT 2003 détermine seulement le montant de la réduction et renvoie à la règle 107(2) CBE 1973 pour les conditions d'octroi de la réduction. Les paragraphes 1 et 2 de la règle 107 CBE 1973 forment une unité de sens et doivent être lus, dans le contexte des autres dispositions du chapitre se rapportant à l'entrée dans la phase européenne (cf. également J 14/07). Si le texte de la règle 107(2) CBE 1973 était à interpréter comme fixant une règle générale qui régit des réductions de taxe dans toutes sortes de procédures, il devrait figurer dans le RRT pour des raisons de cohérence (cf. l'article 10(2) RRT 2003 relatif au remboursement des taxes de recherche). Une interprétation large de cette disposition comme norme générale aboutirait à des résultats inéquitables (y compris pour ce qui concerne les divisions de demandes européennes directes). Une demande divisionnaire est une nouvelle demande distincte et indépendante de la demande initiale (cf. article 76 CBE 1973, G 4/98 et G 1/05). Donc la demande divisionnaire en question devait être traitée, y compris du point de vue des taxes, comme une demande (divisionnaire) "européenne" ordinaire.
G. Actes de procédure
1. Procédure de recours
Dans la décision T 911/06, la chambre a estimé que l'application des principes généraux régissant les procédures judiciaires à l'ordre des requêtes présentées par le requérant/titulaire du brevet pouvait être incompatible avec la finalité de la procédure de recours inter partes telle que la définit la décision G 9/91 (JO OEB 1993, 408). De l'avis de la chambre, l'examen de nouvelles requêtes au stade du recours, lorsque le requérant/titulaire a également requis à titre accessoire l'examen du bien-fondé de la décision rendue en première instance, réduirait effectivement la procédure de recours à un simple prolongement de la procédure devant la première instance, bien qu'il ressorte de la logique générale de la CBE que la procédure de recours est totalement distincte et indépendante de la procédure de première instance. La chambre a fait observer qu'il avait été établi par le Renseignement juridique de l'OEB n° 15/05 (rév. 2), JO OEB 2005, 357, de même que par plusieurs décisions des chambres de recours, que dans le cas de requêtes principale et subsidiaires soumises par le demandeur ou le titulaire du brevet lors de la procédure d'examen et d'opposition en première instance, l'OEB était lié par l'ordre de ces requêtes. Toutefois, ce principe ne s'applique pas nécessairement à la procédure en deuxième instance devant les chambres de recours. La chambre a considéré qu'il était adéquat, compte tenu de la finalité du recours, d'examiner d'abord si l'instance du premier degré avait correctement apprécié sur le fond les requêtes qui lui avaient été présentées.
La chambre a estimé qu'en l'espèce, il convenait qu'elle examine en premier lieu le bien-fondé de la décision de refuser le maintien du brevet tel que délivré, avant de se pencher sur les nouvelles revendications modifiées présentées lors de la procédure de recours.
Elle a en outre estimé que, si elle se contentait de suivre l'ordre des requêtes présentées par le titulaire du brevet, l'opposant risquait d'être privé de son droit à voir son recours examiné avant un éventuel renvoi, puisque la forme modifiée du brevet tel que maintenu par la division d'opposition, contre laquelle l'opposant avait formé un recours, n'était que l'objet de la deuxième requête subsidiaire présentée par le titulaire du brevet. Or, cela ne serait pas équitable.
La chambre a décidé, après avoir examiné le bien-fondé de la décision de refuser le maintien du brevet tel que délivré, d'examiner le bien-fondé de la décision de maintenir le brevet sous la forme modifiée qui avait fait l'objet de la décision attaquée, avant de se pencher, puis de statuer, sur toute autre forme modifiée du brevet contenue dans une autre requête.
H. Droit de la preuve
1. Audition de témoins et d'experts
Dans l'affaire T 61/07, la chambre a fait observer que la question de la capacité du témoin à se remémorer les faits, que l'intimé mettait en doute, n'affectait pas la crédibilité du témoin, mais la fiabilité de sa déposition, dont la chambre a par ailleurs estimé qu'il n'y avait pas lieu de douter. Le seul fait que les témoins, chacun de leur côté, aient rencontré avant leur audition un troisième témoin, ne signifie pas automatiquement qu'une influence a été exercée sur leurs souvenirs. Avant qu'une partie ne fasse valoir un usage antérieur, il est courant qu'elle se renseigne préalablement sur ce dont le témoin se souvient réellement. Un tel entretien avec le témoin potentiel n'implique pas forcément que la partie concernée, ou l'un de ses collaborateurs, cherchera à influencer la mémoire du témoin. Il est d'ailleurs tout à fait possible que les souvenirs du témoin soient ravivés à cette occasion.
L'incapacité du témoin en question à se souvenir d'un certain nom était, de l'avis de la chambre, une chose assez courante vu qu'il était interrogé sur des faits qui remontaient à 23 ans. La chambre était convaincue que c'était plutôt l'inverse, à savoir une mémoire sélective qui permettrait au témoin d'indiquer dans sa déposition jusqu'aux moindres détails de la procédure, qui devrait être considéré comme suspect.
2. Etendue de l'instruction et droit d'être entendu
Si une partie peut choisir de ne pas se fonder sur un élément de preuve particulier figurant au dossier, la chambre a déclaré, dans l'affaire T 95/07, qu'elle n'avait connaissance d'aucun mécanisme juridique permettant de retirer arbitrairement, ou au gré d'une partie, des éléments de preuve déjà cités et faisant partie intégrante de la procédure et du dossier public depuis l'origine. Si l'on applique par analogie les conclusions de la décision T 270/94, le document contesté fait même partie du cadre de droit et de fait dans lequel l'examen de l'opposition doit se dérouler. En vertu de l'article 113(1) CBE, il doit être permis à chacune des parties de commenter tout moyen de preuve légitimement produit dans le cadre de la procédure. Permettre à une partie, même s'il s'agit de celle qui a produit cette preuve à l'origine, de demander unilatéralement et arbitrairement que cette preuve ne soit pas prise en considération constituerait une violation de ce droit.
I. Représentation
1. Exposé oral par une personne accompagnant le mandataire agréé
1.1 Généralités
Dans l'affaire T 520/07, la chambre n'a pas adhéré à l'opinion de l'intimé/titulaire du brevet, qui a affirmé que sa requête ne pouvait avoir surpris le requérant, étant donné que la personne qui accompagnait le représentant de l'intimé/titulaire du brevet avait déjà fait un exposé lors de la procédure orale devant la division d'opposition. La procédure de recours est entièrement distincte de la procédure devant la première instance eu égard aux questions procédurales si bien que les requêtes présentées devant la première instance sont sans effet dans la procédure de recours qui suit.
Pour une application classique des exigences posées dans l'affaire G 4/95 (JO OEB 1996, 412) au cas d'une partie alléguant que la personne accompagnant le mandataire agréé devait recevoir une possibilité de s'exercer puisqu'elle se préparait à l'examen européen de qualification, voir la décision T 378/08.
J. Décisions des instances de l'OEB
1. Soupçon de partialité
Conformément à l'article 24(3) CBE, les membres d'une chambre de recours peuvent être récusés par toute partie pour l'une des raisons mentionnées à l'article 24(1) CBE ou s'ils peuvent être soupçonnés de partialité.
Dans la décision intermédiaire du 16 octobre 2009, rendue par la Grande Chambre de recours dans le cadre de l'affaire G 3/08, il a été constaté que, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, de la Grande Chambre ainsi que des juridictions nationales des Etats membres, il n'est pas possible de conclure à l'existence de doutes quant à l'impartialité d'un membre d'une chambre au simple motif que celui-ci avait émis précédemment un avis sur la question de droit à trancher, soit dans une décision antérieure ou dans des travaux publiés, soit dans l'exercice de fonctions occupées auparavant à l'OEB ou en tant qu'expert pour des institutions politiques externes. De même, une récusation n'est pas justifiée par l'impression purement subjective que les avis du membre d'une chambre pourraient être contraires à un intérêt particulier.
1.1 Membres de la division d'examen
Dans l'affaire T 1574/05, la décision attaquée, bien que fondée sur le défaut de nouveauté de l'objet revendiqué, contenait également une opinion incidente relative au défaut d'activité inventive. Selon la chambre, bien que de telles opinions incidentes ne fassent pas partie des motifs de la décision, elles sont admissibles lorsqu'elles permettent d'éviter le renvoi d'une affaire à la première instance au cas où les motifs de la décision attaquée seraient infirmés. Toutefois, elles ne constituent en aucun cas un jugement préliminaire de l'affaire par l'instance du premier degré, ce qui nécessiterait une modification de la composition de la division concernée en cas de renvoi. En d'autres termes, ces opinions incidentes ne renferment aucun risque de partialité a priori.
1.2 Membres de la Grande Chambre de recours
Un mandataire agréé a présenté au nom de son client une requête au titre de l'article 24(3) CBE tendant à ce qu'un certain membre de la Grande Chambre de recours ne participe pas à la procédure de saisine en instance sous le numéro G 2/08 (JO OEB 2010, 456) (posologie). L'objection émanait d'un tiers qui était partie à une procédure juridictionnelle au Royaume-Uni et dans laquelle la seule nouveauté de la revendication résidait dans la posologie. Cette objection se fondait sur le fait que le membre en question avait présidé la chambre de recours technique qui avait statué sur une affaire précédente sur le même sujet. Il serait très difficile pour le membre en question d'aborder les questions à trancher lors de la procédure de saisine en instance avec ouverture d'esprit et que les autres personnes intéressées par l'issue de cette procédure partageraient cet avis.
La Grande Chambre de recours a décidé d'engager la procédure visée à l'article 24(4) CBE conformément à l'article 4(1) RPGCR (2007) in fine. Elle a fait observer que les chambres de recours et la Grande Chambre agissent en tant qu'instances juridictionnelles et appliquent les principes généraux du droit procédural. Il est dûment établi par la loi que les membres de la Grande Chambre de recours ont le devoir de participer aux affaires qui leur sont attribuées en vertu de leur compétence à la fois ratione legis et ratione materiae. Les parties à une procédure juridictionnelle ont donc le droit de voir leur affaire traitée et tranchée par le juge désigné par la loi (droit d'être jugé par son juge naturel ; Recht auf den gesetzlichen Richter). En outre, dès lors qu'il est ainsi désigné par la loi, le juge est réputé agir de bonne foi et donc présumé impartial jusqu'à preuve du contraire (voir CEDH, De Cubber contre Belgique, 26 octobre 1984 ; ETTL contre Autriche, 23 avril 1987 ; Hauschildt contre Danemark, 24 mai 1989 ; Academy Trading Ltd et autres contre Grèce, 4 avril 2000). La Grande Chambre de recours a fait sien le raisonnement figurant dans la décision G 1/05 (JO OEB 2007, 362) et a réaffirmé que "lorsque les dispositions [pertinentes] ne s'opposent pas à ce qu'un membre de la Grande Chambre de recours ayant déjà traité de la question en tant que membre d'une chambre de recours participe à une procédure en instance devant la Grande Chambre, ledit membre ne saurait être récusé pour partialité sur la base de ce seul motif". Rien, ni dans la conduite du membre de la Grande Chambre de recours, ni dans la décision visée, ne pouvant justifier de soupçon à l'égard de ce membre de la Grande Chambre de recours, celle-ci a décidé qu'il continuerait de participer au règlement de l'affaire en cause.
La Grande Chambre de recours a noté que la décision en question avait été rendue par une chambre de recours composée de trois membres et, en tant que telle, reflétait le raisonnement et les conclusions de la chambre en tant qu'instance juridictionnelle et non de ses membres respectifs. Les décisions sont prises à la majorité et les délibérations sont secrètes. Il ne saurait donc être présumé que la décision traduisait la pensée individuelle du membre concerné.
2. Forme des décisions
2.1 Motifs d'une décision
Conformément à la règle 111(2) CBE (ancienne règle 68(2) CBE 1973), les décisions de l'Office européen des brevets contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées.
Dans la décision T 1612/07, la chambre a fait observer que la règle 68(2), première phrase CBE 1973 (actuellement règle 111(2) CBE) disposait que les décisions de l'OEB contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées. Il est en effet de jurisprudence constante qu'une décision doit exposer selon un ordre logique les arguments justifiant le dispositif et que tous les faits, preuves et arguments qui revêtent une importance fondamentale pour la décision doivent être traités en détail (T 278/00, T 963/02, T 897/03). Par conséquent, dans l'hypothèse où une décision est uniquement motivée par un renvoi à une ou plusieurs notifications antérieures, il n'est satisfait à l'exigence visée à la règle 68(2), première phrase CBE 1973 que si lesdites notifications remplissent elles-mêmes les conditions définies ci-dessus. Dans la présente espèce, la chambre est parvenue à la conclusion que ni les notifications, ni la décision finale standard, ne traitaient les arguments du demandeur. La décision attaquée n'était pas suffisamment motivée au sens de la règle 68(2) CBE 1973. La chambre a fait observer qu'elle n'était pas opposée par principe à ce que les motifs du rejet d'une demande fussent formulés sous une forme standard en renvoyant à une ou plusieurs notifications, et ce dans les cas où le demandeur a requis une décision "en l'état du dossier". Cependant, cette forme de décision ne doit être choisie qu'exceptionnellement, dans les cas simples, pour lesquels le renvoi à la ou aux notifications précédentes revient à un raisonnement complet, ne laissant subsister aucune ambiguïté quant au contenu exact et à la portée des motifs de rejet, et dans lesquels les notifications ont traité les éventuels arguments du demandeur.
2.2 Signatures apposées à une décision
Dans l'affaire T 211/05, la question était de savoir, si le directeur avait le pouvoir de signer la décision, non pas en tant que membre de la division, mais par intérim au nom du deuxième examinateur alors dans l'incapacité de le faire. Dans l'affaire T 1170/05, la chambre a considéré que dans la situation exceptionnelle où un membre d'une division d'examen est dans l'incapacité (en l'espèce pour cause de décès) de signer la décision motivée sous forme écrite après que la décision ait été rendue à l'issue d'une procédure orale, il convient d'accepter que la décision écrite soit signée par le président de la division au nom du membre empêché, pour autant que les motifs de la décision reflètent le point de vue auquel est parvenue la division au complet lors de la délibération à la fin de la procédure orale. Deux autres chambres ont exprimé des opinions similaires pour des divisions d'opposition dans les affaires T 390/86 et T 243/87. Dans la présente affaire, la situation était fort différente car il n'y a pas eu de procédure orale, et donc pas de décision annoncée lors d'une procédure orale en présence de tous les membres de la division d'examen.
La chambre a décidé que contrairement aux affaires précitées, il ne pouvait être établi que la décision de rejet a été prise par les trois membres composant la division d'examen. La signature du directeur au nom du deuxième examinateur n'a pas de valeur juridique à cet égard parce qu'il n'existe aucune disposition dans la CBE 1973 autorisant un directeur à signer au nom d'un membre d'une division d'examen dont il ne fait pas partie. Une telle autorisation n'est pas implicite dans la fonction de directeur en tant que supérieur hiérarchique de l'examinateur. La dernière phrase de l'article 18(2) CBE implique que la décision rendue sur la demande repose sur le vote individuel des examinateurs désignés pour constituer une division d'examen donnée. En outre, la signature du directeur ne saurait être considérée comme une garantie que le deuxième examinateur a pleinement participé au processus de décision et que les motifs de la décision reflètent le résultat des délibérations de la division dûment composée. La chambre en conclut que la décision attaquée, faute d'avoir été prise par la division d'examen au complet conformément à sa composition officielle, n'est pas valable et doit être annulée.
Dans l'affaire J 14/07, la chambre a fait observer que, conformément à la jurisprudence constante, la question de savoir si un document représente ou non une décision dépend de son contenu et non pas de sa forme (J 8/81, JO OEB 1982, 10 ; J 26/87, JO OEB 1989, 329). Dans la présente espèce, la notification rejetant la requête en remboursement de 50 % de la taxe d'examen constituait une décision au sens de l'article 106(1) CBE 1973. L'absence de signature n'ôtait pas au rejet contenu dans la notification son caractère officiel et contraignant, puisque l'agent des formalités avait compétence pour statuer sur la requête en remboursement de la taxe (règle 9(2) CBE 1973 ensemble le paragraphe I, point 22 du Communiqué du Vice-Président chargé de la direction générale 2 de l'Office européen des brevets, en date du 28 avril 1999, visant à confier à des agents qui ne sont pas des examinateurs certaines tâches incombant normalement aux divisions d'examen ou d'opposition, JO OEB 1999, 504). Par conséquent, bien que la notification ne l'indique pas expressément comme cela aurait dû être le cas, il était également clair que l'agent des formalités agissait au nom de la division d'examen. La chambre a estimé que lorsque le nom de l'agent des formalités était simplement mentionné, la signature manquante étant remplacée par un sceau, il était satisfait aux exigences de la règle 70(2), première phrase CBE 1973 alors en vigueur, car la notification avait été produite à l'aide d'un ordinateur. La notification constituait donc un rejet contraignant et définitif de la requête en remboursement de 50 % de la taxe d'examen, mais aussi une décision susceptible de recours au sens de l'article 106(1) CBE 1973.
K. Autres questions de procédure
1. Privilège du choix de la langue
Dans l'affaire T 700/05, la chambre a estimé qu'une demande PCT déposée initialement en japonais doit être traitée de la même manière qu'une demande déposée dans la langue d'un Etat contractant qui n'est pas une langue officielle de la CBE, étant donné que les demandes euro-PCT sont considérées comme des demandes européennes en vertu de l'article 153(2) CBE, et qu'elles doivent donc par principe être traitées dans les mêmes conditions que les demandes déposées dans un Etat contractant. Il convient par conséquent d'appliquer par analogie les dispositions de l'article 14(2) CBE 1973, afin que la traduction en anglais d'une demande PCT originale en japonais puisse également être rendue conforme au texte original en japonais de la demande durant toute la procédure devant l'OEB, c'est-à-dire y compris pendant les procédures d'opposition et de recours.
L. Interprétation de la CBE
1. Convention de Vienne sur le droit des traités
Dans la décision G 1/07 (JO OEB 2011, ***), la Grande Chambre de recours a énoncé que les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités légitimaient le principe selon lequel les exclusions à la brevetabilité doivent s'interpréter de façon stricte. Les chambres de recours, y compris la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 5/83 (JO OEB 1985, 64), l'ont souligné à plusieurs reprises dans leur jurisprudence. Dans l'avis G 1/04 (JO OEB 2006, 334), la Grande Chambre de recours avait précisé dans un obiter dictum que le principe d'interprétation stricte des exclusions ne s'appliquait pas sans exceptions. Toutefois, dans l'affaire en question, elle avait opté pour une application stricte de l'exclusion de la brevetabilité des méthodes de diagnostic.
La Grande Chambre de recours a relevé que l'on ne saurait tirer de la Convention de Vienne le moindre principe général selon lequel les exclusions à la brevetabilité devraient a priori être interprétées de manière étroite. Au contraire, la règle générale énoncée à l'article 31, point 1 de la Convention de Vienne, selon laquelle un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but doit s'appliquer aux dispositions d'exclusion prévues dans la CBE comme à toute autre disposition. Si l'interprétation de la disposition concernée suivant ces principes d'interprétation aboutit à la conclusion qu'une interprétation stricte est adaptée, alors, et alors seulement, il convient d'opter pour une interprétation stricte.
VII. PROCEDURE DEVANT L'OEB
A. Procédure de dépôt et examen quant à la forme
1. Correction de déclarations de priorité
Dans l'affaire J 16/08, la requête en rectification des Etats désignés a été admise en raison des circonstances inhabituelles de l'affaire. S'appuyant sur la jurisprudence résumée dans la décision J 7/90 (JO OEB 1993, 133) et suivie dans l'affaire J 6/02, la chambre a appliqué les trois conditions qu'une requête en rectification doit remplir, à savoir que l'erreur doit tout d'abord être une inadvertance excusable, que la requête en rectification doit ensuite être soumise sans retard excessif après la découverte de l'erreur, et qu'enfin la requête en rectification doit, dans l'intérêt des tiers, être présentée suffisamment tôt pour qu'un avis puisse être publié avec la demande de brevet européen. Aucun avis n'a été nécessaire dans les circonstances de l'espèce, la demande publiée ayant fait apparaître par erreur tous les Etats contractants comme Etats désignés. Les tiers n'ont donc pas été lésés par cette correction, étant donné que la limitation du champ d'application territorial de l'invention à deux Etats contractants n'a jamais été mentionnée dans aucune publication.
B. Procédure d'examen
L'examen a pour objet de s'assurer que la demande et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux conditions prévues dans les articles pertinents de la Convention et dans les règles du règlement d'exécution.
1. Nouvelle notification émise au titre de l'article 113(1) CBE
En vertu de l'article 113(1) CBE, les décisions de l'OEB ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position.
Dans l'affaire T 1870/07, un IPER avait été envoyé et une notification de la division d'examen avait suivi, à la suite de quoi la décision avait été prise. La seule notification de la division d'examen au titre de l'article 96(2) CBE 1973 signalait simplement que la division d'examen était d'accord avec l'IPER, indiquait qu'il y avait défaut de nouveauté par rapport à un certain nombre de documents, et se contentait de renvoyer à des passages de ces documents cités dans le rapport de recherche européenne sans plus d'explications ni de détails. La chambre a relevé que, pour être en mesure de prendre correctement position sur les motifs de la décision, la partie doit savoir quels faits sont considérés comme établis, sur quelle base, quelles dispositions juridiques s'appliquent, et quel raisonnement permet de considérer que les faits remplissent les conditions définies dans les dispositions applicables. Tous ces éléments constituent l'enchaînement logique conduisant à la décision, autrement dit, les motifs de cette décision (voir par exemple la décision T 951/92). La chambre n'a vu aucune objection à la citation d'un IPER établi par une administration chargée de l'examen préliminaire international autre que l'OEB, à condition que ce rapport soit motivé. Cependant, en l'occurrence, la chambre a estimé que l'IPER ne satisfaisait pas aux critères d'une décision motivée énumérés plus haut. Par ailleurs, la notification de la division d'examen ne comportait aucun raisonnement logique qui aurait permis au requérant de comprendre l'objection relative à la nouveauté et d'y répondre, soit par des modifications, soit par des contre-arguments. Par conséquent, il n'était pas satisfait aux conditions de l'article 113(1) CBE 1973.
Dans l'affaire T 1854/08, le demandeur avait été informé par courrier électronique que les trois nouvelles requêtes n'étaient pas admises dans la procédure parce qu'elles introduisaient un grand nombre d'éléments obscurs. La chambre a déclaré que le demandeur n'avait pas pu prendre position en vue de remédier à l'avis négatif exprimé dans le courrier électronique. Au contraire, ce courrier laissait entendre qu'il n'était plus possible de convaincre la division d'examen. En effet, le refus d'admettre la nouvelle requête n'avait pas été présenté comme un avis provisoire de la division, mais comme une décision qui ne pouvait plus être infirmée. Il s'agissait là d'une violation de l'article 113(1) CBE, qui dispose que les décisions de l'Office européen des brevets ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Etant donné que la violation de l'article 113(1) CBE constitue un vice substantiel de procédure, la chambre a renvoyé l'affaire à la première instance pour suite à donner (article 11 RPCR). Elle a estimé qu'il était douteux qu'un courrier électronique puisse constituer une notification établie au titre de l'article 96(2) CBE 1973 invitant le demandeur à présenter des observations dans un délai imparti par la division d'examen. Cependant, l'affaire ayant dû être renvoyée pour les raisons énoncées plus haut, il n'a pas été nécessaire de statuer sur ce point.
2. Retrait de la demande et abandon de certaines parties de la demande
Le demandeur est lié par toute déclaration de retrait valablement effectuée et parvenue à l'OEB, même si, en cas de retrait effectué par erreur, il convient d'appliquer la règle 139 CBE (règle 88 CBE 1973).
L'affaire J 10/08 portait sur une requête en révocation du retrait de la demande au titre de la règle 139 CBE (2007), le requérant estimant que ce retrait avait été effectué par erreur. La règle précitée permet la correction des fautes d'expression ou de transcription ainsi que des erreurs contenues dans les pièces produites auprès de l'Office européen des brevets. Dans la présente espèce, le document déposé auprès de l'OEB ne présentait aucune erreur de ce type. Il ne s'agissait pas d'une erreur de fait, mais d'une erreur intellectuelle. Il fallait donc examiner si une telle erreur pouvait également être corrigée dans le cadre de la règle 139 CBE (2007).
La chambre a fait observer que les chambres de recours ont traité cette question dans un grand nombre de décisions. L'une de ces décisions, qui concerne la possibilité de revenir sur une déclaration concernant un acte de procédure, est la décision J 10/87 (JO OEB 1989, 323) qui renvoie à des décisions antérieures. Dans cette décision, la chambre a détaillé les conditions qui doivent être réunies pour que la correction d'une déclaration concernant un acte de procédure soit admise, à savoir que le public ne doit pas avoir été informé officiellement par l'OEB du retrait de la demande, le retrait erroné doit être dû à une inadvertance excusable, la correction demandée ne doit pas entraîner de retard notable au niveau de la procédure, et les intérêts des tiers qui pourraient avoir eu connaissance du retrait en consultant le dossier doivent avoir été dûment protégés. La chambre a reconnu qu'il n'était pas dans l'intention du requérant, en l'espèce, de retirer la demande, mais que le retrait résultait d'un malentendu entre les différents mandataires du requérant chargés du dossier. Elle a conclu que le public n'aurait pas été mal informé ou induit en erreur par les informations publiées au Registre européen des brevets, et que le retrait de la demande pouvait être révoqué dans cette affaire à l'aide d'une correction au titre de la règle 139 CBE (2007).
C. Particularités de la procédure d'opposition et de la procédure de recours
1. Moyens invoqués tardivement
1.1 Examen de la pertinence
Dans la jurisprudence des chambres de recours, la pertinence technique des pièces produites tardivement est considérée comme un critère d'admissibilité tout aussi déterminant que d'autres critères de nature procédurale, cf. T 1002/92, JO OEB 1995, 605. Dans l'affaire T 931/06, le brevet attaqué et le document E3 relevaient tous deux du même domaine technique (la production de supports de données portables personnalisés) et répondaient au même objectif, à savoir, en substance, celui de fournir un système d'émission de cartes capable de gérer des types multiples de cartes personnalisées. La chambre a considéré que le document E3 était au moins aussi pertinent que les autres documents de l'état de la technique. La chambre a indiqué qu'un document déposé tardivement peut être pris en considération pour apprécier l'activité inventive s'il fait partie du même domaine technique ou d'un domaine technique étroitement apparenté, et s'il divulgue des éléments conçus dans un but identique ou similaire à celui du brevet attaqué. A la lumière de la décision T 1002/92, un tel document serait à première vue pertinent, au sens où il pourrait faire obstacle au maintien du brevet, du moins sous une forme non modifiée.
Dans l'affaire T 1774/07, c'est seulement deux mois avant la tenue de la procédure orale, et plus d'un an après la réponse de l'intimé, que l'opposant 1 a fourni une argumentation détaillée portant sur l'inventivité de l'objet revendiqué, et prenant appui sur une combinaison de plusieurs documents qui n'avaient pas été pris en compte par le requérant. La chambre s'est référée à l'article 13(3) RPCR, selon lequel les modifications demandées après que la date de la procédure orale a été fixée ne sont pas admises si elles soulèvent des questions que la chambre ou l'autre/les autres parties ne peuvent raisonnablement traiter sans que la procédure orale soit renvoyée. La chambre a conclu que, dans l'affaire en question, en l'absence de réponse de l'opposant 1 au mémoire exposant les motifs du recours, l'intimé se serait seulement attendu à ce que l'opposant 1 présente, lors de la procédure orale, des arguments entrant dans le cadre de droit et de fait du recours initial, et non une toute autre argumentation. En outre, il ne restait à l'intimé que deux mois avant la procédure orale pour se préparer à la nouvelle argumentation présentée par l'opposant 1. Indépendamment de la complexité des nouveaux documents invoqués, ce délai était assez bref et, incontestablement, plus court que celui qui avait été accordé pour répondre au mémoire exposant les motifs du recours. L'introduction des nouveaux documents sans report de la procédure orale aurait été contraire au principe de l'égalité de traitement des parties. La chambre en a conclu que, quelle que soit leur pertinence, les documents en question n'étaient pas admis dans la procédure.
1.2 Existence d'un abus de procédure
Dans l'affaire T 1757/06, l'opposant (Dow Chemical Company of Midland) a présenté, deux mois avant la procédure orale devant la chambre de recours, un document brevet déposé par Dow Italia, sise à Milan. La chambre a estimé que l'opposant et le demandeur étaient des entreprises distinctes, mais que des sociétés faisant partie d'un même groupe étaient néanmoins censées connaître leurs propres documents brevets. Normalement, toute tentative consistant pour une partie à déposer tardivement l'une de ses propres publications est vouée à l'échec, car elle est considérée comme un abus de procédure. Bien que la chambre n'ait pas conclu en l'espèce à un abus, elle a souligné que l'on ne saurait accepter le dépôt très tardif d'un document dont l'opposant aurait dû avoir connaissance dès le début de la procédure.
2. Retrait de l'opposition au cours de la procédure d'opposition
Dans l'affaire T 562/06, la chambre a fait observer qu'après le retrait de l'opposition, le titulaire d'un brevet doit s'attendre à ce que la division d'opposition fasse usage du droit de poursuivre d'office la procédure d'opposition, conformément à la règle 60(2) CBE 1973 (règle 84(2) CBE). Aucune disposition ne prescrit l'envoi d'une notification distincte de cette décision aux autres parties. Dans la présente affaire, la poursuite de la procédure d'opposition n'a donc pu prendre le requérant au dépourvu. Si une procédure orale lui avait semblé nécessaire, il lui aurait été loisible de présenter une requête dans ce sens. La décision relative à la présentation d'une telle requête était objectivement indépendante du retrait de l'opposition par l'opposant. En tout état de cause, le retrait de l'opposition n'a en rien changé la situation sur ce plan. Aussi l'absence de notification de la décision relative à la poursuite de la procédure ne peut-elle être considérée comme constituant une violation des dispositions fondamentales de procédure.
3. Intervention
Dans l'affaire T 305/08, le requérant (opposant I) avait formé un recours contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition. Les opposants II et III sont ensuite intervenus séparément dans la procédure, et ont également présenté tous deux de nouveaux motifs d'opposition au titre de l'article 100 c) CBE 1973.
L'intimé a fait valoir que ni l'opposant II, ni l'opposant III n'étaient des "tiers" au sens de l'article 105(1) CBE, puisqu'ils faisaient partie du même groupe d'entreprises que le requérant, et qu'ils ne pouvaient par conséquent être considérés comme étant indépendants. La chambre n'a pas suivi cet argument. Le terme "tout tiers" figurant à l'article 105(1) CBE ne peut être interprété autrement que dans le sens où chaque partie doit être une entité juridique distincte, ce qui était le cas. De même, le fait d'autoriser ces interventions ne revenait pas à permettre au requérant de former à un stade tardif des oppositions par l'intermédiaire des opposants II et III dont il avait le contrôle, et donc d'introduire de nouveaux moyens de preuve. Se référant à la décision G 1/94, la chambre a convenu qu'il serait contraire au but de l'intervention d'empêcher un intervenant d'attaquer un brevet en utilisant tous les moyens disponibles, y compris en invoquant de nouveaux motifs d'opposition en vertu de l'article 105 CBE. Le texte de l'article 105 CBE est tout à fait clair en permettant à "tout tiers" d'intervenir dans la procédure ; il ne s'applique pas uniquement aux tiers qui n'ont pas eu l'occasion de former une opposition. Enfin, les interventions en question n'avaient pas le caractère d'oppositions formées par des prête-noms ("hommes de paille") au sens de la décision G 3/97 (JO OEB 1999, 245), dans laquelle les oppositions formées par un homme de paille pour le compte d'un tiers avaient, en tout état de cause, été jugées acceptables. La loi n'avait pas été contournée, puisque l'intimé avait introduit des actions en contrefaçon contre les opposants II et III. Les interventions étaient donc recevables.
4.1 Position juridique du tiers
Dans l'affaire T 390/07, la chambre a fait observer qu'un tiers au sens de l'article 115 CBE n'est pas partie à la procédure et n'a que la possibilité de "présenter des observations". S'il est constant dans la jurisprudence que les observations des tiers peuvent être prises en considération au niveau de l'instance du premier degré comme dans le cadre d'un recours, la chambre n'a pas d'obligation au-delà de la prise en considération de ces observations, et un tiers ne peut prétendre au droit d'être entendu au sujet de la recevabilité de ses observations et des moyens de preuve à l'appui de ses observations. Si les parties à la procédure proprement dites ont évidemment le droit d'être entendues au sujet de telles observations dans le cas où celles-ci sont susceptibles de constituer (en partie ou totalement) la base d'une décision, ce droit découle de façon tout à fait indépendante de l'article 113(1) CBE. Il appartient par conséquent entièrement à la chambre de statuer sur la recevabilité d'observations formulées par des tiers.
5. Transmission de la qualité de partie
5.1 Qualité d'opposant
5.1.1 Validité de la transmission
Dans l'affaire T 384/08, la chambre est partie du principe que la qualité d'opposant peut être transmise ou cédée à titre d'accessoire de l'élément patrimonial (activité économique) de l'opposant conjointement avec cet élément dans l'intérêt duquel l'action en opposition a été intentée (cf. décision G 4/88, JO OEB 1989, 480). Dans ce contexte, le terme "activité économique" doit être compris dans un sens large, comme qualifiant des opérations exécutées ou susceptibles d'être exécutées par l'opposant et qui constituent un élément particulier de son patrimoine. Dans la présente affaire, le terme "activité économique" englobait également les activités principales de l'opposant, à savoir les travaux de recherche et de développement scientifique dans le domaine des puces à ADN. Une telle activité existe et peut être transmise même si l'entreprise a mis fin à ses opérations courantes et va être dissoute en raison de difficultés financières. Si le terme d'activités économiques "suspendues" ou "résiduelles" peut éventuellement être employé dans ces circonstances, une entreprise conserve une activité économique tant qu'il existe un élément patrimonial économique qui lui permet de mener à bien son activité principale correspondante. Aucune transmission d'activités économiques n'a résulté de la vente aux enchères de nombreuses immobilisations corporelles (excepté le portefeuille de brevets et les installations de laboratoire nécessaires aux activités économiques), destinée à valoriser l'entreprise dans la perspective d'un rachat ou d'une fusion.
De plus, la chambre a dû établir si un accord conclu entre l'opposant initial, agissant en tant que vendeur, et la société acheteuse, en vue de l'acquisition d'éléments du patrimoine, constituait bien une transmission valable d'activités économiques (et de la qualité d'opposant). La chambre a conclu que tel était le cas. Le simple fait que certains éléments du patrimoine (en l'occurrence les contrats de travail, les liquidités, les titres négociables, les effets à recevoir) avaient explicitement été exclus de l'accord ne suffisait pas en soi pour conclure que l'accord n'entraînait pas la transmission d'activités économiques. Les éléments du patrimoine exclus n'avaient aucune importance pour la poursuite des activités dans le domaine des puces ADN, et ce qui restait par la suite de l'opposant initial était insignifiant.
5.1.2 Conséquences d'une transmission non valable pour la recevabilité du recours
Dans l'affaire T 1081/06, nul ne contestait le fait que la transmission de la qualité d'opposant n'était pas valable. Les parties n'étaient en revanche pas d'accord sur les conséquences de cette transmission non valable pour la recevabilité du recours. A cet égard, la chambre a suivi la décision T 1178/04 citée, dans laquelle la chambre avait considéré comme non valable la transmission de la qualité d'opposant qui avait eu lieu pendant la procédure d'opposition, et ce malgré le fait que cette transmission avait été admise initialement par la division d'opposition. En ce qui concerne la question de la recevabilité du recours, la chambre avait estimé dans l'affaire T 1178/04 qu'une personne était partie même si la capacité à prendre part à cette procédure auprès de l'OEB était mise en question et faisait l'objet d'une décision en instance. Bien qu'elle puisse cesser d'être partie si elle est jugée ne pas avoir capacité pour prendre part à la procédure, cela ne signifie pas qu'elle n'a jamais été partie, mais seulement qu'elle n'est plus habilitée à prendre part à la procédure. Dans l'affaire T 1081/06, la chambre a partagé l'avis selon lequel la qualité de partie ne saurait changer rétroactivement de manière que, après avoir été partie à la procédure, cette personne n'ait jamais été partie à la procédure. Même si la chambre a conclu que la décision de la division d'opposition n'était pas correcte, il n'en restait pas moins que l'opposant était partie à la date où il a déposé son acte de recours.
6. Répartition des frais de procédure - non-comparution d'une partie à la procédure orale
Selon la décision T 1079/07, c'est faire preuve de courtoisie et de respect, plutôt que d'obéir à une obligation procédurale, que d'informer l'OEB et toute autre partie à la procédure en temps utile avant la date fixée que l'on ne participera pas à la procédure orale. Il faudrait présenter des moyens de preuve très convaincants pour pouvoir alléguer que l'annonce tardive de l'intention de ne pas comparaître à une procédure orale constitue "un acte coupable de nature irresponsable, voire malveillante" (cf. décision T 937/04).
Selon la jurisprudence des chambres de recours, la non-comparution d'une partie ne porte pas, en général, préjudice à la partie qui a assisté à la procédure orale. Si les parties concernées ne démontrent pas et ne font pas non plus valoir qu'ils ont encouru des frais supplémentaires du fait de l'absence du requérant, la répartition des frais ordonnée ne peut pas être modifiée.
Telle a également été la conclusion de la chambre dans l'affaire T 190/06, dans laquelle le requérant/titulaire du brevet avait indiqué, dans un courrier reçu quatre jours avant la procédure orale, qu'il ne comparaîtrait probablement pas à la procédure orale. Cette notification a d'abord laissé en suspens la question de savoir si le requérant/titulaire du brevet participerait à la procédure orale. Cela est certes susceptible de causer une incertitude qui est en soi non souhaitable. Toutefois, il convient de décider au cas par cas si cela suffit pour faire supporter la charge des frais à la partie concernée. En tout état de cause, les autres circonstances de la présente affaire ne jouaient pas en faveur d'une telle répartition des frais. Le requérant/opposant n'a pas convaincu la chambre qu'il avait réellement encouru des frais supplémentaires du fait de l'absence du requérant/titulaire du brevet. Cela n'aurait été le cas que si le requérant/opposant, sachant que la partie adverse serait absente, n'avait pas, lui non plus, comparu le jour dit. Cette situation hypothétique ne peut être jugée qu'après coup, sur la base des faits exposés à ce sujet. Le requérant/opposant a fait valoir à cet égard que la procédure orale avait perdu son utilité, ce qui n'était guère convaincant. La chambre a certes formulé dans sa notification l'avis provisoire selon lequel l'objet de la revendication selon la requête principale n'était pas nouveau, mais elle a laissé en suspens la question de savoir si l'objet des revendications selon les requêtes subsidiaires était inventif. Le requérant/opposant ne pouvait donc partir du principe que la décision lui serait favorable, sur la simple base des moyens écrits qu'il avait présentés.
Dans l'affaire T 273/07, le requérant (opposant) avait requis une répartition différente des frais, l'intimé (titulaire du brevet) n'ayant pas comparu à la procédure orale et n'ayant averti par téléphone de son absence que tard dans l'après-midi du jour précédant la date fixée. Dans ce type de cas, une répartition différente des coûts ne peut être ordonnée que si l'absence de la partie a ôté toute utilité à la procédure orale. Dans la présente affaire, le requérant avait lui-même requis la procédure orale "dans le cas où la chambre de recours n'avait pas l'intention de révoquer l'intégralité du brevet sur la base de la procédure écrite". Cette requête, qui n'était pas assortie de conditions, ne dépendait pas de la présence de l'autre partie à la procédure orale. La chambre a convoqué les parties à la procédure orale et a clairement indiqué dans sa notification que son avis provisoire était favorable à l'intimé. La procédure orale devait par conséquent avoir lieu conformément à la requête du requérant et indépendamment de la présence de l'intimé.
Dans ce même contexte, le fait qu'une partie décide d'être représentée à la procédure orale par plus d'un mandataire et/ou par des assistants, quelles que soient les tâches qui leur incombent (consultants, experts, observateurs, etc.) est une décision prise unilatéralement par la partie concernée. L'autre partie ne peut en être tenue pour responsable. Une répartition différente des frais ne peut être ordonnée que si les frais ont été occasionnés en raison de l'absence de l'autre partie, c'est-à-dire parce que la procédure orale n'était pas nécessaire, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence. La requête en répartition des frais a donc été rejetée.
D. Procédure d'opposition
1. Recevabilité de l'opposition
1.1 Exigences de forme relatives à l'opposition
Pour contester la recevabilité de l'opposition, il ne suffit pas de formuler des doutes quant à l'identité d'un opposant, mais il convient au contraire de présenter un exposé des faits étayé par des preuves valables. Or, un tel exposé n'a pas été produit dans l'affaire T 4/05. Un extrait du registre du commerce, qui, au dire du requérant pendant la procédure orale devant la chambre, faisait apparaître le nom d'une autre société, n'a pas été fourni et n'a donc pu être retenu comme preuve que l'identité de l'opposant n'était pas établie, un fait que le requérant a au demeurant concédé pendant la procédure orale. L'objection du requérant selon laquelle deux autres sociétés étaient enregistrées à la même adresse que celle de l'opposant n'a pas non plus été opérante, cette simple constatation ne pouvant avoir d'incidence sur la qualité de partie à la procédure de l'opposant, lequel était clairement identifié.
Dans l'affaire T 1632/06, le requérant a estimé que l'opposition était irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été signée au nom de l'opposant, et que l'adresse de l'opposant contenait un code postal erroné. Le requérant a fait valoir que ces irrégularités ne relevaient pas de l'article 99(1), de la règle 1(1) et de la règle 55 c) CBE 1973, et que la règle 56(1) CBE 1973 ne s'appliquait donc pas en l'espèce. La chambre a déclaré que selon la règle 56(2) CBE 1973, une opposition est également irrecevable si elle n'est pas conforme aux autres dispositions de la CBE et si l'opposant n'a pas remédié à l'irrégularité concernée dans le délai imparti par la division d'opposition. Or, les irrégularités susmentionnées de l'opposition relevaient de la règle 55 a) CBE 1973 (en ce qui concerne l'adresse de l'opposant) et de la règle 36(3) CBE 1973 (en ce qui concerne la signature). Aussi la règle 56(2) CBE 1973 s'appliquait-elle à ces irrégularités. La division d'opposition devait par conséquent impartir un délai pour la correction de ces irrégularités. Elle était dès lors également habilitée à prolonger ce délai ou à fixer un nouveau délai si cela s'avérait nécessaire.
1.2 Fondement des motifs d'opposition
Conformément à la jurisprudence constante, les faits, les preuves et les justifications ne doivent pas nécessairement être concluants ou exacts, car ceci relève déjà du fond. La chambre a toutefois souligné dans l'affaire T 1194/07 qu'il n'est possible d'examiner de manière significative le fond d'une affaire que si celle-ci a été présentée de façon exhaustive, en précisant de la manière appropriée les faits, les preuves et justifications pertinents. Dans l'affaire considérée, la chambre a conclu que l'acte d'opposition ne comportait pas les faits et les preuves invoqués à l'appui des motifs exposés, comme requis par la règle 55 c) CBE 1973 (désormais règle 76 c) CBE). Ainsi, il n'incluait pas les éléments clés établissant le lien entre l'état de la technique cité et la revendication, ou montrant la pertinence de l'état de la technique en tant que preuve, ni les arguments déterminants indiquant pourquoi l'homme du métier aurait pu envisager de combiner les caractéristiques de cet état de la technique à celles des preuves jointes (documents E1-E7). Un certain nombre de recherches devaient être effectuées par le lecteur, à qui il incombait d'identifier les éventuels passages pertinents des documents et de déterminer à quelles caractéristiques de la revendication ils correspondaient précisément et pourquoi. De plus, un élément essentiel manquait dans l'enchaînement logique des idées conduisant de l'état de la technique à l'invention, puisqu'il ne ressortait pas de l'acte d'opposition pourquoi l'homme du métier combinerait ces enseignements.
Etant donné que des faits et éléments clés avaient été omis dans le raisonnement présenté dans l'acte d'opposition, celui-ci avait au final peu ou prou la valeur d'une conjecture ou ne faisait guère plus qu'esquisser d'éventuels motifs contre le brevet. Pour déterminer s'il existait réellement des arguments susceptibles de faire obstacle au brevet, le lecteur devait d'abord combler les lacunes. Il lui fallait trouver les caractéristiques pertinentes dans les documents cités et procéder lui-même à l'évaluation technique manquante. La partie contestant la validité du brevet se verrait ainsi dispensée de la charge de la preuve.
Dans l'affaire T 1074/05, l'opposition avait été formée contre l'intégralité du brevet, sur la base des motifs d'opposition visés à l'article 100 a) et b) CBE 1973, à savoir l'absence de nouveauté, le défaut d'activité inventive et un exposé insuffisant de l'invention. Dans la décision attaquée, la division d'opposition avait considéré l'opposition comme recevable essentiellement au motif qu'elle avait été suffisamment étayée au regard de la simplicité des aspects techniques dans l'affaire en question. A cet égard, la chambre a jugé essentielle l'argumentation exposée dans l'acte d'opposition, selon laquelle soit l'objet du litige était évident pour l'homme du métier en tant que combinaison d'éléments connus, soit il avait été insuffisamment exposé compte tenu de l'absence de détails techniques (si les faits de la cause étaient plus complexes). Du point de vue de la chambre, cette argumentation ne constituait certes peut-être pas un motif convaincant du défaut d'activité inventive, même si on s'appuyait sur les connaissances générales de l'homme du métier, mais elle représentait un fondement des motifs que la division d'opposition comme le titulaire du brevet pouvaient comprendre correctement. Il en découlait que l'acte d'opposition comportait suffisamment de faits et preuves à l'appui du motif d'opposition relatif à l'absence d'activité inventive. L'opposition est suffisamment étayée et donc recevable si l'un des motifs d'opposition satisfait aux exigences de la règle 55 c) CBE 1973.
2. Examen quant au fond de l'opposition
Dans l'affaire T 597/07, l'opposition avait été fondée sur les motifs d'absence de nouveauté et de défaut d'activité inventive. Deux documents étaient cités à l'appui de ces motifs, et l'opposition comportait les raisons pour lesquelles l'objet revendiqué était considéré comme dénué de nouveauté. Pendant la procédure de recours, le requérant (opposant) a fait valoir que l'objet revendiqué n'était ni nouveau ni inventif, tandis que l'intimé (titulaire du brevet) a allégué que toute objection au titre de l'article 56 CBE constituerait un nouveau motif d'opposition irrecevable, puisqu'elle n'avait pas été étayée dans l'acte d'opposition.
Se référant à la décision G 1/95 (JO OEB 1996, 615), la chambre a conclu que si un brevet a fait l'objet d'une opposition pour absence de nouveauté et défaut d'activité inventive et que seule la question de la nouveauté a été étayée, il n'est pas nécessaire de développer de façon spécifique les motifs liés au défaut d'activité inventive. De plus, la chambre a suivi la conclusion tirée dans l'affaire T 131/01 (JO OEB 2003, 115), à savoir que dans ces circonstances, une motivation spécifique portant sur le défaut d'activité inventive n'est généralement même pas possible car elle contredirait les arguments présentés à l'appui de l'absence de nouveauté, étant donné que la nouveauté, à savoir l'existence d'une différence entre l'objet revendiqué et l'état de la technique, est une condition préalable pour déterminer si une invention implique une activité inventive par rapport à l'état de la technique. La chambre a donc estimé que l'objection relative au défaut d'activité inventive n'était pas un nouveau motif d'opposition dans la présente affaire.
3. Examen quant au fond en cas de modifications
Dans l'affaire T 656/07, le manque de clarté résultait au moins en partie des modifications apportées après la délivrance du brevet. La chambre a estimé qu'une objection pouvait être élevée au cours de la procédure d'opposition à l'encontre de ce manque de clarté, puisque celui-ci découlait des modifications effectuées au cours de cette procédure, et ce bien que la caractéristique contestée en tant que telle ait déjà été présente dans les revendications du brevet délivré, mais dans une autre combinaison. Elle a indiqué qu'il ne suffisait pas d'affirmer qu'une caractéristique figurait dans la version du brevet délivré pour limiter le pouvoir d'instruction de la chambre en ce qui concerne les objections pour manque de clarté élevées à la suite de modifications. De plus, il était nécessaire d'établir l'effet globalement produit par les modifications apportées à la revendication, la caractéristique d'une revendication devant être considérée non pas isolément, mais sous l'angle de son interaction avec les autres caractéristiques de la combinaison revendiquée.
La chambre a estimé qu'il n'existait pas dans la jurisprudence de règle générale excluant la possibilité de mettre en cause une combinaison de revendications présentes dans le brevet délivré pour absence de clarté. Lorsque le titulaire d'un brevet demande que des modifications soient apportées pendant la procédure d'opposition, l'article 101(3)a) CBE donne à la division d'opposition comme aux chambres de recours la capacité de statuer, et donc le pouvoir d'appliquer l'ensemble de la CBE, y compris l'article 84 CBE.
E. Procédure de recours
1. Dispositions transitoires - principes généraux
Dans l'affaire T 193/06, la chambre a relevé que dans certains cas, les dispositions transitoires prévoyaient l'application d'un article modifié de la CBE révisée, qui nécessitait ou impliquait à son tour l'application d'un article non modifié, à savoir un article qui n'avait pas fait l'objet d'une modification en vertu de l'article premier de l'acte portant révision de la CBE en date du 29 novembre 2000. La chambre a considéré que les dispositions transitoires n'excluaient pas l'application des dispositions pertinentes de la CBE révisée eu égard à l'article non modifié et, de la même manière, aux dispositions du règlement d'exécution associées à cet article non modifié, en particulier dans le cas où aucune conséquence juridique défavorable ne découlait de l'application des dispositions de la CBE révisée pour le requérant.
2. Effet dévolutif du recours
Selon la décision T 1382/08, lorsqu'une chambre de recours est chargée d'un recours, l'effet dévolutif est limité à la partie de la décision attaquée mentionnée dans le mémoire exposant les motifs du recours et réellement contestée au moyen du recours. Pour la chambre, la mesure dans laquelle la décision attaquée doit être modifiée, et qui est définie à la règle 99(2) CBE, délimite ainsi en même temps l'effet dévolutif. Cela implique à son tour que la partie de la décision contestée qui n'est pas comprise dans le mémoire exposant les motifs du recours n'est pas l'objet de la procédure de recours et, partant, devient définitive à l'expiration du délai de recours.
3. Effet obligatoire des requêtes - Pas de reformatio in peius
3.1 Généralités
Selon la décision T 1194/06, rien ne permet de penser que la Grande Chambre de recours ait, dans sa décision G 1/99 (JO OEB 2001, 381), jugé inacceptable une limitation même substantielle de l'étendue de la protection. La décision G 1/99 ne distingue pas davantage différents "types" de modifications irrecevables. La chambre n'avait donc aucune raison de considérer qu'une modification portant sur un disclaimer irrecevable doive être traitée différemment d'autres modifications irrecevables, même si la question de savoir ce qu'il fallait considérer comme disclaimer irrecevable avait été clarifiée par la décision G 1/99.
Dans la décision T 659/07, la chambre a considéré que l'applicabilité du principe juridique interdisant la reformatio in peius dépend de la situation de la procédure, qui doit donc être examinée avant le fond d'une requête. Lorsque le titulaire du brevet est seul requérant, la chambre a en outre estimé qu'une chambre de recours ne peut formuler aucune objection à l'encontre du brevet tel que maintenu par la division d'opposition dans ses décisions intermédiaires, et ce ni à la requête de l'intimé/opposant, ni d'office, même si le brevet tel que maintenu devrait par ailleurs être révoqué au motif qu'une caractéristique présente à la fois dans la revendication 1 du brevet tel que délivré et tel que maintenu ajoute un élément, ce qui est contraire à l'article 123(2) CBE 1973.
Dans l'affaire T 384/08, le requérant/titulaire du brevet a fait valoir que la chambre ne pouvait examiner la transmission de la qualité d'opposant, étant donné que la division d'opposition ne l'avait pas jugée admissible et qu'aucun des deux opposants possibles (le cédant ou le cessionnaire) n'avait formé de recours contre la décision. Il en découlait que cette question avait été définitivement réglée et ne pouvait être tranchée différemment sans enfreindre le principe de l'interdiction de la reformatio in peius.
La chambre a rejeté cet argument. La doctrine de la reformatio in peius ne s'applique pas séparément à chaque point ou élément d'une décision, ou au raisonnement conduisant à la décision entreprise. En de nombreuses occasions, les chambres ont considéré que la recevabilité de l'opposition est une exigence de procédure indispensable pour l'examen au fond des moyens présentés dans le cadre de l'opposition, et ce à chaque stade de la procédure (cf. décision T 1178/04). A cet égard, l'approche retenue dans l'affaire T 898/91 a entraîné une exception à ces principes généraux. Si elle était appliquée, il faudrait, eu égard à l'effet contraignant des conclusions de l'instance du premier degré, faire une distinction entre le cas où la division d'opposition a considéré une opposition comme recevable et celui où elle l'a jugée irrecevable. La chambre voit mal comment une telle distinction pourrait être justifiée sur le plan juridique. Elle en a donc conclu que, malgré le fait que les deux opposants possibles n'avaient pas formé de recours contre la décision de la division d'opposition, elle devait examiner d'office la question liée à la transmission de la qualité d'opposant, avant d'instruire l'affaire sur le fond.
4. Formation et recevabilité du recours
4.1 Décisions intermédiaires
Selon la décision T 857/06, la division d'opposition avait tenté d'intégrer le contenu de sa première décision intermédiaire à sa deuxième décision intermédiaire, qui était susceptible de recours. La chambre a fait observer que les questions déjà tranchées ne peuvent être tranchées à nouveau par la même instance et que le requérant devait donc former un recours contre la deuxième décision intermédiaire, mais aussi la première. Bien que la première décision intermédiaire n'ait pas fait expressément l'objet d'un recours, la tentative de la division d'opposition d'intégrer sa première décision était erronée et trompeuse d'un point de vue procédural. La chambre a conclu qu'en vertu du principe de confiance légitime, le recours devait être considéré comme englobant la première décision intermédiaire.
4.2 Chambre de recours compétente
Dans une procédure inter partes de recours sur opposition, une chambre n'a pas la compétence d'une instance de recours pour réexaminer une décision relative à la rectification d'une décision de délivrance et rendue au cours d'une procédure d'examen ex parte au titre de la règle 89 CBE 1973, étant donné que cette décision ne fait pas partie de l'objet du recours dont elle a à connaître ; cf. décision T 79/07, s'écartant de la décision T 268/02.
Il a été considéré dans l'affaire T 1382/08 qu'en ce qui concerne la question de la compétence en vertu de l'article 21(3) CBE 1973, la décision attaquée doit, en cas d'incertitude ou de contradiction, être caractérisée au regard des conséquences juridiques qu'elle entraîne pour le demandeur ou, le cas échéant, de l'apparence de droit qu'elle revêt vis-à-vis du public.
4.3 Forme et délai du recours
4.3.1 Formation d'un recours par voie électronique
La décision de la Présidente de l'Office européen des brevets, en date du 26 février 2009, relative au dépôt électronique de documents (JO OEB 2009, 182) ("Décision de 2009"), dispose désormais que dans les procédures au titre de la CBE, les documents peuvent, à compter du 5 mars 2009, être déposés sous forme électronique auprès de l'OEB.
Dans l'affaire T 1090/08, la chambre a fait droit à la requête en restitutio in integrum d'un requérant dans une décision datée postérieurement à l'entrée en vigueur de la Décision de 2009. En l'espèce, le requérant avait déposé le mémoire exposant les motifs de son recours via epoline® avant l'entrée en vigueur de cette décision, ce qui n'était pas admissible.
Dans l'affaire T 1427/09, l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours avaient été déposés dans les délais, mais les signatures électroniques n'étaient pas celles de personnes habilitées à agir dans la procédure. Cela est contraire à l'article 8(2) de la Décision de 2009, qui ne mentionne toutefois pas les conséquences juridiques du non-respect de cette condition. La chambre a estimé que le principe, énoncé dans la décision T 665/89, selon lequel la signature d'une personne non habilitée doit être traitée comme une absence de signature, doit s'appliquer non seulement aux signatures manuscrites, mais aussi aux signatures électroniques. Le dépôt électronique, dans le cadre d'une procédure de recours, d'un document accompagné de la signature électronique d'une personne non habilitée doit donc être traité, conformément à la règle 50(3) CBE, comme le dépôt par courrier ou par télécopie d'un document non signé dans la même procédure.
4.3.2 Forme et contenu de l'acte de recours
Conformément aux conclusions de la chambre dans la décision T 358/08, la règle 99 CBE n'a pas modifié le droit antérieur concernant les exigences auxquelles les requêtes des requérants doivent satisfaire dans l'acte de recours ou le mémoire exposant les motifs du recours. Il est satisfait à la règle 99(1)c) CBE si l'acte de recours contient une requête - qui peut être implicite - visant à annuler la décision en tout ou partie (le cas échéant). Cette requête a pour effet de "définir l'objet du recours" au sens de la règle 99(1)c) CBE. Dans le cas d'un recours formé par le demandeur ou le titulaire du brevet, il n'est pas non plus nécessaire que l'acte de recours contienne une requête visant au maintien du brevet sous une forme particulière. Il s'agit là d'un aspect qui a trait à "la mesure dans laquelle [la décision] doit être modifiée", et qui relève donc du mémoire exposant les motifs du recours au titre de la règle 99(2) CBE. Ce principe a été confirmé par la décision T 509/07.
Il ressort de la règle 99(3) ensemble la règle 41(2)h) CBE que l'acte de recours doit être signé par le demandeur ou son mandataire. Ces dispositions ne permettent toutefois pas de conclure que chaque pièce d'un acte de recours doit être signée, ou que la signature doit figurer à un endroit ou sur une page bien déterminés. Etant donné qu'en l'espèce l'ordre de débit faisait partie de l'acte de recours, la chambre a estimé qu'il suffisait que la signature soit apposée sur l'ordre de débit pour que l'acte de recours satisfasse aux exigences correspondantes de la CBE et qu'il soit valable. Par conséquent, le recours du requérant dans l'affaire T 783/08 avait été valablement formé.
4.4 Mémoire exposant les motifs du recours
4.4.1 Principes généraux
Se référant aux décisions T 382/96 et T 774/97, dans lesquelles il a été considéré que la recevabilité d'un recours ne peut être appréciée que de manière globale et que la CBE ne contient aucune disposition qui puisse fonder le concept de "recevabilité partielle" d'un recours, la chambre a estimé, dans l'affaire T 509/07, que, pour statuer sur la recevabilité du recours, il importait peu de savoir si des motifs suffisants avaient été fournis à l'appui de la requête principale lorsque la première requête subsidiaire remplissait clairement les conditions de recevabilité énoncées à l'article 108, troisième phrase CBE ; lorsque ces conditions sont remplies au moins par une requête, le recours est en effet considéré comme recevable dans son ensemble. La question de savoir si une requête non conforme aux conditions de recevabilité énoncées à l'article 108, troisième phrase CBE doit être prise en compte dans la procédure de recours est en revanche d'un autre ordre. La chambre n'a pas admis de telles requêtes non motivées. Voir également la décision T 1763/06.
Dans l'affaire T 760/08, non seulement les motifs du recours étaient très succincts, mais ils comportaient également des contradictions et des inexactitudes, si bien que la chambre devait essayer d'en saisir la signification. Aussi la chambre a-t-elle estimé que le recours était irrecevable. Conformément à la jurisprudence, les motifs d'un recours peuvent être considérés comme suffisants dans le cas où de nouveaux éléments sont invoqués qui ôtent à la décision son fondement juridique. Soit le requérant conteste la décision de la division d'opposition au motif qu'elle est erronée, auquel cas il est tenu d'exposer les faits de manière concluante eu égard à tous les motifs à la base de la décision, soit le requérant produit des jeux de revendications modifiés qui sont de nature à remédier, selon lui, aux irrégularités relevées par la division d'opposition dans sa décision. Dans ce dernier cas, il ne saurait se borner à déposer un nouveau jeu de revendications sans commentaires.
5. Procédures parallèles
Dans la décision T 18/09, la chambre a souligné que, dans le cas de procédures engagées parallèlement devant une juridiction nationale et devant les chambres de recours, les parties doivent informer les deux juridictions de la situation le plus tôt possible et demander à la juridiction compétente une accélération de la procédure afin d'éviter une double procédure. Que l'accélération soit demandée par l'une des parties, ou par les deux ou toutes les parties d'un commun accord, ou encore par une juridiction nationale, toutes les parties doivent accepter un cadre procédural strict supposant des délais courts. Il va également de soi que l'accélération ne doit avoir aucune incidence sur l'égalité de traitement entre les parties, ni procurer un avantage quelconque à l'une des parties.
6. Renvoi à la première instance
6.1 Renvoi consécutif au dépôt ou à la production tardive d'un nouveau document pertinent
6.1.1 Généralités
Dans l'affaire T 1913/06, des documents déposés avec le mémoire de l'opposant/requérant exposant les motifs du recours ont été admis dans la procédure, tandis que la demande de renvoi présentée par l'intimé a été rejetée, eu égard à l'impératif d'efficacité de la procédure ainsi que de l'intérêt du public à une procédure rationnelle et efficace. Le brevet a été révoqué sur la base des documents admis dans la procédure (voir aussi la décision T 1007/05). La chambre a fait observer qu'une affaire ne doit pas être renvoyée à la première instance pour que celle-ci examine des éléments présentés lors de la procédure orale, que la chambre et l'autre partie ne pouvaient raisonnablement traiter sans que la procédure orale soit reportée, et qui n'avaient pas été admis au titre de l'article 13(3) RPCR.
Dans l'affaire T 1077/06, le requérant, qui avait allégué que son droit d'être entendu devant l'instance du premier degré n'avait pas été respecté, n'a pas comparu à la procédure orale devant la chambre. Malgré la requête correspondante de l'intimé, la chambre n'a pu trouver de base juridique dans la CBE qui autorise à conclure qu'une partie a rétroactivement renoncé à son droit d'être entendue devant l'instance du premier degré lorsqu'elle ne comparaît pas à la procédure devant l'instance du second degré après avoir formé un recours contre une décision prise par l'instance du premier degré en violation de son droit d'être entendue. L'affaire a été renvoyée à l'instance du premier degré.
7. Autorité des décisions
7.1 Principes généraux
Des éléments sur lesquels une chambre de recours a définitivement statué pour la demande initiale passent en force de chose jugée et ne peuvent pas être repris dans la demande divisionnaire. Si le mémoire exposant les motifs d'un recours dans une affaire se limite à la présentation et à la défense d'un jeu de revendications qui correspond à de tels éléments, le recours n'est pas suffisamment motivé (T 51/08).
8. Révision préjudicielle
8.1 Vice substantiel de procédure
Il y a vice de procédure lorsque la division d'examen décide de ne pas corriger sa décision avant d'avoir reçu le mémoire exposant les motifs du recours et avant que le délai prévu pour le dépôt de ce mémoire n'ait expiré (T 1891/07, confirmant la décision T 41/97). Le remboursement de la taxe de recours n'a cependant pas été ordonné, étant donné que le recours n'avait pas été formé à cause du vice de procédure, celui-ci s'étant produit après le dépôt de l'acte de recours.
9. Saisine de la Grande Chambre de recours
9.1 Assurer une application uniforme du droit
Dans le cadre d'une saisine au titre de l'article 112(1)b) CBE, la Présidente de l'OEB a invité la Grande Chambre de recours à examiner une série de questions relatives à la brevetabilité des programmes d'ordinateur, lesquelles, selon la Présidente, avaient donné lieu à des décisions divergentes des chambres de recours et revêtaient une importance fondamentale au sens de l'article 112(1) CBE. Dans la décision G 3/08 (JO OEB 2011, ***), la Grande Chambre de recours a déclaré cette saisine irrecevable, les décisions citées n'étant pas, en réalité, divergentes, et a énoncé des orientations en ce qui concerne les saisines par le Président de l'Office au titre de l'article 112(1)b) CBE.
Dans l'exercice de son droit de saisine, un Président de l'OEB est habilité à faire pleinement usage du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 112(1)b) CBE, même si son avis concernant la nécessité d'une saisine change après un laps de temps relativement bref.
Des décisions divergentes rendues par une seule et même chambre de recours technique, siégeant dans une formation différente, peuvent constituer la base d'une saisine recevable de la Grande Chambre de recours par le Président de l'OEB au titre de l'article 112(1)b) CBE.
Comme le texte de l'article 112(1)b) CBE n'est pas clair sur la signification des termes "décisions divergentes", il convient d'interpréter cette disposition à la lumière de son objet et de son but, conformément à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Le but du droit de saisir la Grande Chambre de recours qui est conféré au Président de l'OEB à l'article 112(1)b) CBE est d'uniformiser le droit au sein du système du brevet européen. Eu égard à ce but, la notion de "décisions divergentes" doit être interprétée dans un sens restrictif, à savoir de "décisions contradictoires".
La notion d'évolution du droit est un autre facteur qui doit être examiné minutieusement pour interpréter les termes "décisions divergentes" visés à l'article 112(1)b) CBE. Il s'agit en effet d'un aspect essentiel de la manière dont le droit est appliqué, quelle que soit la méthode d'interprétation utilisée, et elle est donc inhérente à toutes les activités juridictionnelles. L'évolution du droit ne peut donc constituer en tant que telle la base d'une saisine au seul motif que la jurisprudence relative à de nouveaux domaines juridiques et/ou techniques n'évolue pas toujours de façon linéaire, et des approches antérieures peuvent être abandonnées ou changées.
Les décisions juridictionnelles se caractérisent non par leur dispositif, mais par leurs motifs. La Grande Chambre de recours peut donc prendre en compte des opinions incidentes pour établir si deux décisions satisfont aux exigences de l'article 112(1)b) CBE.
Il convient de consulter également le chapitre I.A.1.1, relatif aux inventions mises en œuvre par ordinateur.
10. Requête en révision
10.1 Généralités
Dans l'affaire R 12/09 du 3.12.2009, il était allégué dans la demande de récusation de membres de la Grande Chambre que les membres avaient nécessairement un intérêt personnel au règlement de l'affaire en raison de leur qualité de membres de chambres de recours techniques voire de la chambre de recours juridique si bien qu'un soupçon de partialité existait nécessairement.
10.2 Obligation de soulever des objections conformément à la règle 106 CBE
Dans l'affaire R 4/08, la Grande Chambre de recours a précisé que le fait de soulever une objection conformément à la règle 106 CBE était un acte de procédure et, à moins qu'une telle objection n'ait pu être soulevée durant la procédure de recours, une condition préalable pour exercer une voie de recours extraordinaire contre des décisions des chambres de recours passées en force de chose jugée. La validité de cet acte dépend des deux critères suivants : l'objection doit être formulée de telle manière que la chambre de recours soit capable de reconnaître immédiatement et sans nul doute qu'il s'agit d'une objection au sens de la règle 106 CBE ; et l'objection doit être spécifique, en ce sens que la partie doit indiquer sans ambiguïté quel vice particulier visé à l'article 112bis(2)a) à c) et à la règle 104 CBE elle entend invoquer. La déclaration de la partie ne sera considérée comme objection au sens de la règle 106 CBE que si elle remplit ces deux critères sur la forme comme sur le fond. Dans l'affaire R 7/08, la Grande Chambre de recours s'est référée à l'affaire R 4/08 et a jugé la requête manifestement irrecevable, le requérant ayant omis de soulever une objection procédurale contre l'introduction, lors de la procédure orale, d'aspects prétendument nouveaux relatifs à l'insuffisance de l'exposé et contre le refus de la chambre d'admettre deux documents.
Dans l'affaire R 8/08, la Grande Chambre de recours a également souligné qu'une objection selon la règle 106 CBE doit être expressément qualifiée en tant que telle, et ne peut être formulée prématurément et sans spécifier le prétendu vice fondamental de procédure au sens de l'article 112bis CBE.
Dans l'affaire R 9/08, le requérant a affirmé que les motifs écrits de la décision de révocation du brevet étaient fondés sur la prise en considération d'un document qui n'avait jamais été introduit dans la procédure et n'avait jamais fait l'objet d'une discussion au cours de cette procédure. La condition exceptionnelle visée à la règle 106 CBE était remplie sur la base de cette hypothèse.
S'agissant de l'affaire R 6/09, la Grande Chambre a considéré que le requérant aurait pu soulever une objection au sujet du vice de procédure allégué pendant la procédure de recours. Le mandataire du requérant a toutefois confirmé, lors de la procédure orale devant la Grande Chambre, qu'aucune objection expresse n'avait été formulée. La requête aurait donc été clairement irrecevable, si elle n'avait pas déjà été irrecevable pour d'autres motifs.
10.3 Procédure en cas de requête en révision conformément à la règle 109 CBE
Dans la décision R 3/09, le grief ne consistait pas à prétendre que le texte sur lequel la chambre de recours a fondé sa décision n'avait pas été accepté par la requérante ce qui serait une violation directe de l'article 113(2) CBE immédiatement visible, mais qu'un autre sens lui a été donné, ce que la requérante qualifie de dénaturation. La Grande Chambre de recours a estimé que des divergences entre une opinion provisoire exprimée dans une communication destinée à préparer une procédure orale devant la chambre de recours et l'analyse finale retenue dans sa décision ne sont pas de nature à caractériser un vice fondamental de procédure, si d'autres circonstances ne sont pas vérifiées qui établissent que les parties ont été dans l'impossibilité de s'exprimer sur les points annoncés comme devant faire l'objet de la discussion. La "dénaturation" alléguée était en réalité une critique du bien-fondé de la motivation de la décision qui supposait un contrôle de la décision sur l'application du droit matériel, ce qui n'entre pas dans les pouvoirs de la Grande Chambre en procédure de révision.
10.4 Violation fondamentale de l'article 113 CBE
Dans l'affaire R 11/08, le premier vice fondamental de procédure allégué devant la Grande Chambre était lié au fait que la chambre de recours n'avait pas donné la possibilité de discuter des requêtes subsidiaires des requérants ni de leur requête générale tendant au maintien du brevet sur la base d'au moins une des revendications selon l'une quelconque des requêtes subsidiaires, si bien que les requérants avaient été privés du droit d'être entendus, en violation de l'article 113 CBE. La Grande Chambre a estimé que cela n'avait pas été le cas. Toutes les requêtes subsidiaires comportaient une revendication relative à un vibreur sonore, qui n'était pas admissible, et dont il avait bel et bien été discuté lors de la procédure orale. Conformément à la pratique constante, si une chambre de recours estime, comme cela était apparemment le cas en l'occurrence, qu'une revendication présente dans plusieurs requêtes n'est pas admissible, il convient de rejeter l'ensemble de ces requêtes pour la même raison.
Le deuxième vice fondamental de procédure allégué avait trait au fait qu'il n'avait pas été statué sur la requête générale. Là aussi, la Grande Chambre a estimé que cela n'était pas le cas. Il était manifeste qu'au début de la procédure orale, la chambre de recours avait déclaré que la requête générale n'était pas claire, et qu'elle n'était pas en mesure d'indiquer ce qui était susceptible d'être approprié ou acceptable. Cela signifiait qu'elle n'admettrait pas les requêtes qui n'étaient pas spécifiques et n'avaient pas été concrètement soumises, ce qui incluait à l'évidence toutes les requêtes éventuelles que les requérants auraient pu envisager dans le cadre de la requête générale, et qu'elle leur avait offert la possibilité (qu'ils ont déclinée) de présenter des requêtes spécifiques.
Dans l'affaire R 7/09, il a été fait droit à la requête, étant donné que l'OEB n'était pas en mesure d'établir la remise du mémoire de recours de l'opposant (requérant) à l'intimé (titulaire du brevet et futur requérant en révision). Le requérant en révision n'avait donc pas eu connaissance des motifs sur lesquels était basée la décision de la chambre de recours révoquant son brevet, si bien qu'il y avait eu une violation fondamentale de l'article 113(1) CBE. Le fait que le mémoire soit aisément accessible au public, et donc également au requérant en révision, par le biais de l'inspection des dossiers électroniques, n'a aucune incidence sur le droit des parties aux procédures devant l'OEB, y compris à la procédure de recours, d'être informées individuellement et expressément par l'Office, comme le prescrit la CBE. Les parties doivent pouvoir se fier au fait que l'Office se conformera aux dispositions applicables de la CBE, et elles-mêmes ainsi que leurs mandataires ne sont pas tenus, du moins aux fins de l'article 113(1) CBE, de suivre personnellement la procédure en consultant régulièrement le dossier électronique.
Dans l'affaire R 8/09, le requérant a fait valoir que son droit d'être entendu avait été enfreint et qu'il avait été pris au dépourvu par la décision. Il a allégué que la chambre avait fait un usage incorrect du document fourni par lui, et en avait tiré des informations erronées. Cela aurait pu être évité si le requérant avait su que ce document serait considéré comme une preuve expérimentale et s'il avait été autorisé à présenter plus en détail les arguments adéquats. La Grande Chambre de recours a toutefois estimé que les motifs du recours invoqués par le titulaire du brevet montraient déjà clairement l'importance que celui-ci attachait au document en question. Etant donné que le changement d'appellation du document ne modifiait pas la discussion le concernant, le requérant ne pouvait pas non plus invoquer la décision T 18/81, dans laquelle il avait été considéré que le droit d'être entendu n'est pas respecté si une décision relative au rejet d'une demande est pour l'essentiel fondée sur des documents qui, bien que produits par le requérant à l'appui de sa cause, sont utilisés contre lui sans qu'il ait pu prendre position à ce sujet.
Dans la mesure où les moyens invoqués par le requérant pouvaient être compris en ce sens qu'ils contestaient l'exactitude de la décision de la chambre de recours eu égard à son interprétation du document et au maintien du brevet sous une forme modifiée en conséquence de cette interprétation, une telle révision concernerait la question de l'application correcte du droit matériel et, partant, dépassait le cadre de la procédure prévue à l'article 112bis CBE.
Dans l'affaire R 13/09, le requérant a fait valoir que l'un de ses principaux arguments concernant l'activité inventive de l'objet du brevet contesté avait été rejeté pour un motif sur lequel il n'avait pu prendre position. Suivant la décision R 1/08, la Grande Chambre de recours a estimé que pour obtenir gain de cause, un requérant qui formule une telle objection doit établir a) que la décision contestée est fondée sur une appréciation ou un raisonnement concernant des motifs ou preuves dont le requérant n'avait pas connaissance et au sujet desquels il n'avait pu prendre position, et b) qu'il existe un lien de causalité entre ce vice de procédure et la décision passée en force de chose jugée, faute de quoi le vice allégué ne pourrait être considéré comme décisif et, partant, comme fondamental. De plus, la CBE n'exige pas qu'une chambre de recours fournisse d'avance à une partie tous les arguments prévisibles à l'appui ou à l'encontre d'une requête. De même, la requête en révision n'est pas un moyen de réexaminer l'application du droit matériel. Une telle révision impliquerait l'introduction d'une instance du troisième degré dans la procédure devant l'OEB.
Compte tenu des circonstances de l'affaire, la conclusion de la chambre dans la partie de la décision contestée en révision était fondée sur un fait, à savoir la formulation du problème, dont les parties devaient nécessairement avoir eu connaissance. L'article 113 CBE n'avait donc pas été enfreint.
10.5 Autre vice fondamental de procédure
Dans l'affaire R 11/08, la Grande Chambre de recours a confirmé qu'une chambre de recours pouvait rejeter une requête au motif que celle-ci ne contenait pas de définition spécifique et qu'elle supposait que la chambre aiderait la partie.
11. Dépôt de revendications modifiées lors de la procédure de recours
11.1 Requêtes non examinées par la division d'opposition
Dans l'affaire T 356/08, le requérant avait, pendant la procédure d'opposition, défendu le brevet avec des jeux de revendications qui comprenaient respectivement une seule ou deux revendications indépendantes. Lors de la procédure de recours, le requérant a défendu le brevet avec des jeux de revendications qui comportaient respectivement quatre ou trois revendications indépendantes. La chambre a constaté que les nouvelles requêtes soulevaient pour la première fois des questions que la division d'opposition n'avait pas examinées. De plus, ces requêtes auraient déjà pu être présentées en première instance. Une décision doit en principe être rendue par la chambre sur la base de l'objet du litige en première instance, ce qui n'exclut certes pas l'admission de nouveaux moyens, pour autant que certaines conditions préalables soient toutefois remplies. La procédure de recours ne doit pas engendrer une affaire totalement nouvelle. Conformément à l'article 12(4) RPCR, la chambre peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, décider de prendre ou non en considération les requêtes qui auraient pu être produites au cours de la procédure de première instance. La chambre a constaté qu'il était nécessaire, dans l'intérêt du public et des parties, d'éviter que celles-ci ne fractionnent les éléments qu'elles invoquent, car une telle pratique impliquerait de nouvelles dupliques. C'est à cette seule condition que la procédure d'opposition peut être menée à bien rapidement. La chambre s'est référée à la décision T 840/93 (JO OEB 1996, 335) selon laquelle l'admission de requêtes modifiées ne se justifie que dans le cas où le titulaire du brevet serait privé sinon de toute possibilité d'obtenir encore la délivrance d'un brevet. Toutefois, lorsque cet argument de la dernière chance ne joue pas, la chambre doit se cantonner dans son rôle d'instance de recours et se borner à trancher les requêtes qui ont déjà été examinées par la division d'opposition. La chambre a estimé qu'en raison de l'interdiction de modifier une décision au détriment du requérant, l'argument relatif à la dernière chance d'obtenir un brevet n'était pas opérant dans l'affaire concernée : si le titulaire du brevet est le seul à former un recours, ni la chambre de recours ni l'intimé ne peuvent contester le texte du brevet tel que maintenu sous une forme limitée dans la décision intermédiaire (G 9/92 et G 4/93, JO OEB 1994, 875). La chambre doit par conséquent s'en tenir à son rôle d'instance de recours et se borner à statuer sur les requêtes qui ont déjà été examinées par la division d'opposition.
Dans l'affaire T 390/07, la requête en cause n'était pas nouvelle. Elle avait déjà été présentée à la division d'opposition, mais n'avait fait l'objet d'aucune décision parce qu'elle avait ensuite été retirée, la division d'opposition ayant estimé que la revendication ne serait pas admissible en vertu de l'article 83 CBE. La chambre a fait observer que l'objectif d'un recours est de réviser le contenu de la décision rendue par l'instance du premier degré (et, par voie de conséquence, de ne pas réviser les éléments qui n'ont pas donné lieu à une décision (cf. décision T 528/93)). Une requête retirée en première instance ne peut être admise au stade de la procédure de recours que si, comme pour toute autre requête présentée à ce stade, elle invalide les motifs d'une décision effectivement rendue concernant une autre requête. La requête, qui avait été remplacée par une autre requête lors de la procédure devant la division d'opposition parce qu'il était évident qu'elle ne pourrait aboutir, ce qui avait permis d'éviter qu'une décision officielle soit rendue, et qui a été présentée au stade du recours, a été jugée irrecevable par la chambre.
11.2 Présentation de requêtes lors de la procédure orale
Selon l'article 13(3) RPCR 2007, les modifications demandées après que la date de la procédure orale a été fixée ne sont pas admises si elles soulèvent des questions que la chambre ou l'autre ou les autres parties ne peuvent raisonnablement traiter sans que la procédure orale soit renvoyée.
Dans la procédure ex parte T 979/07, la chambre a déclaré qu'elle ne pouvait admettre dans la procédure la revendication 1, qui n'avait été déposée qu'au début de la procédure orale, étant donné que la revendication modifiée portait sur un objet qui n'avait été divulgué que dans la description de la demande et n'avait pas été couvert par la recherche initiale. Il aurait fallu à tout le moins reporter la procédure orale. La chambre a constaté que l'admission d'un jeu de revendications déposé seulement au stade de la procédure orale et entraînant une modification de l'objet technique de l'invention revendiquée ainsi que la nécessité d'effectuer une recherche supplémentaire, donnerait de facto à un demandeur, dans le cadre d'une procédure de recours, la possibilité, sans restriction, de faire ajourner la procédure orale et, le cas échéant, de faire rouvrir toute la procédure d'examen à sa guise, ce qui serait contraire au principe d'économie de la procédure (cf. également les décisions T 407/05, T 1123/05 et T 764/07).
Dans l'affaire T 1790/06, les première et deuxième requêtes subsidiaires avaient été soumises pour la première fois au cours de la procédure orale, sans que les faits de la cause aient changé avant ou pendant la procédure orale. La chambre a également tenu compte, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, du comportement du requérant (titulaire du brevet) pendant la procédure orale. Elle a fait observer que l'obligation de vigilance qui incombe à une partie contraint également cette partie à ne pas nuire au bon déroulement d'une procédure orale par son comportement. Une procédure orale ne sert pas à présenter une première fois, à retirer et à soumettre plus tard une nouvelle fois des requêtes à discrétion. Un tel comportement est inacceptable vis-à-vis des autres parties et de la chambre. L'économie de la procédure de recours implique avant tout que les nouvelles requêtes soient déposées en temps utile, de manière à permettre aux autres parties et à la chambre de s'y préparer dans un délai acceptable, et surtout sans report de la procédure orale.
11.3 Présentation tardive de revendications dépendantes
Dans l'affaire T 565/07, le requérant a déposé plusieurs jeux de revendications dix jours avant la procédure orale. La revendication 1 de la quatrième requête subsidiaire comportait, outre la revendication 1 de la requête principale, les caractéristiques d'une revendication dépendante. Or, cette requête subsidiaire allait dans une toute autre direction que les deuxième et troisième requêtes subsidiaires. De l'avis de la chambre, même s'il convient en principe, conformément à la règle 80 CBE (2007), d'autoriser le titulaire d'un brevet à limiter l'objet de celui-ci en intégrant les caractéristiques d'une revendication dépendante, afin de répondre aux objections élevées contre la brevetabilité de l'objet de la revendication indépendante du brevet délivré, le fait d'appliquer ce droit de façon répétée en changeant de direction, par exemple sous la forme de requêtes parallèles ou de requêtes déposées successivement, aurait finalement pour résultat que le titulaire du brevet laisserait à la chambre le soin de déterminer, parmi les différents textes, celui dans lequel il convient de maintenir le brevet. Cette conséquence n'est pas compatible avec l'article 113(2) CBE, qui dispose que la chambre doit s'en tenir au "texte proposé par le titulaire du brevet", et donc à la décision relative au texte dans lequel le brevet doit être poursuivi, et qu'il incombe au titulaire du brevet de présenter un ou plusieurs jeux de revendications, correspondant en tout état de cause à cette décision, et donc s'inscrivant dans le prolongement de la limitation effectuée. Cela vaut à plus forte raison lorsque la nouvelle direction supplémentaire n'est connue que dix jours avant la procédure orale, lorsque la requête subsidiaire correspondante est déposée.
12. Remboursement de la taxe de recours
Dans l'affaire T 1098/07, le requérant a allégué que la décision de la division d'opposition n'avait pas mentionné ou examiné en détail les éléments d'information et arguments présentés au cours de la procédure d'opposition (notamment le dessin E1 et la photographie E2). La chambre a indiqué que le fait de ne pas tenir compte de preuves constitue normalement un vice substantiel de procédure, étant donné qu'une partie se voit ainsi privée des droits fondamentaux ancrés aux articles 117(1) et 113(1) CBE. De l'avis de la chambre, certains facteurs peuvent cependant atténuer la gravité du vice de procédure. L'importance et la valeur de preuve attachées (à première vue) à un moyen soumis par une partie à l'appui de son affaire déterminent si l'absence de mention explicite de ce moyen dans la décision constitue ou non un vice substantiel de procédure. Il convient de se demander en l'occurrence quels faits ce moyen est-il censé prouver, quelle est sa pertinence par rapport aux faits en question et quelle est sa force probante.
Dans l'affaire T 1382/08, la chambre a conclu que l'enchaînement logique d'une décision attaquée présuppose que son dispositif en tant que tel soit clair et sans équivoque. Le non-respect de cette condition, fondée sur la règle 68(2) CBE 1973, constitue un vice substantiel de procédure qui justifie le remboursement de la taxe de recours.
Du point de vue de la chambre dans l'affaire T 1078/07, la division d'examen avait constaté à tort, dans sa décision de rejet, que les requêtes présentées par le requérant, à savoir les revendications 1 à 5 selon la requête principale ainsi que deux requêtes subsidiaires, devaient être considérées comme identiques, et la division avait commis ce faisant une erreur d'appréciation. Cela ne s'apparentait toutefois pas à un vice fondamental de procédure. Or, seul un vice fondamental de procédure justifierait le renvoi à l'instance du premier degré en vertu de l'article 11 RPCR, et non une erreur de jugement telle que celle commise en l'espèce.
VIII. L'OEB AGISSANT EN QUALITÉ D'ADMINISTRATION PCT
1. Langue de la procédure
Dans l'affaire J 8/07 (JO OEB 2009, 216), la requérante a déposé en langue française une demande internationale de brevet en vertu du PCT. Cette demande a été publiée en langue française. Lors de l'entrée dans la phase européenne, elle a joint une traduction en anglais de la demande internationale de brevet et a sollicité que la langue de la procédure soit désormais l'anglais.
Si la requête devait être rejetée, la requérante sollicitait, à titre subsidiaire, que toute la procédure écrite, incluant les décisions, soit rédigée par l'OEB dans la langue anglaise. L'instance du premier degré a rendu une décision par laquelle elle déboutait la requérante de ses demandes. La requérante a formé un recours contre cette décision.
La Grande Chambre de recours a répondu dans la décision G 4/08 aux questions dont elle avait été saisie par la chambre de recours juridique. La Grande Chambre de recours a jugé que lorsqu'une demande internationale de brevet a été déposée et publiée en vertu du PCT dans une langue officielle de l'OEB, il n'est pas possible, lors de l'entrée en phase européenne de déposer une traduction de la demande dans l'une des deux autres langues qui deviendrait alors la langue de procédure. En effet, tant sous l'empire de la CBE 1973 que de la CBE 2000 les textes ne peuvent être interprétés comme l'autorisant. Il n'y a pas de conflit enre les dispositions de la CBE et du PCT.
En ce qui concerne la deuxième question la Grande Chambre de recours a décidé que les organes de l'OEB ne peuvent utiliser dans la procédure écrite d'une demande européenne de brevet ou d'une demande internationale en phase régionale une des langues officielles de l'OEB autre que celle de la procédure utilisée pour la demande en application de l'article 14(3) CBE.