CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambre de recours juridique
Décision de la Chambre de recours juridique, en date du 27 mai 2009 - J 2/08 - 3.1.01
(Traduction)
COMPOSITION DE LA CHAMBRE :
Présidente :
B. Günzel
Membres :
T. Bokor, S. Hoffmann
Demandeur :
Sony Deutschland GmbH
Référence :
Demande en instance/SONY
Dispositions juridiques pertinentes :
Article : 97(3), 112(1), 112(3) CBE
Règle : 36(1) CBE
Article 7 de l'acte de révision en date du 29 novembre 2000
Article 2 de la Décision du Conseil d'administration du 7 décembre 2006
Article 8(2) du protocole sur la reconnaissance
Article 39, paragraphe 1 de la Loi allemande sur les brevets (Patentgesetz, PatG)
Art. 500 du Nouveau Code de Procédure Civile français (NCPC)
Dispositions juridiques pertinentes (CBE 1973) :
Article : 10(2)a), 10(2)c), 64(1), 76, 80, 90(2), 93(1), 97(1), 97(4), 106, 108, 125, 175(2), 175(3) CBE
Règle : 13(1), 13(3), 25(1), 29(1), 39, 48(2), 51, 51(4), 68(1), 69(1), 69(2), 78(2), 92(1)p), 98(2) CBE
Mot-clé :
"Demande en instance" - "Définition" - "Demande divisionnaire" - "Délai de recours" - "Application de l'article 125 (non)" - "Violation du principe de la bonne foi (non)" - "Saisine de la Grande Chambre de recours (oui)"
Exergue :
La question de droit suivante est soumise à la Grande Chambre de recours :
Une demande qui a été rejetée par décision de la division d'examen demeure-t-elle en instance au sens de la règle 25 CBE 1973 (règle 36(1) CBE) jusqu'à l'expiration du délai de recours, lorsqu'aucun recours n'a été formé ?
Exposé des faits et conclusions
I. La présente procédure concerne un recours formé contre la décision de la section de dépôt, qui avait été remise à la poste le 9 août 2007, indiquant notamment que la demande de brevet européen n° 05 027 368.9 n'était pas considérée comme une demande divisionnaire valablement déposée, et rejetant la demande du requérant visant à annuler la constatation de la perte d'un droit au titre de la règle 69(1) CBE 1973.
II. L'acte de recours a été déposé le 19 septembre 2007 et la taxe de recours acquittée le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 7 décembre 2007.
III. Pendant une procédure orale tenue le 23 novembre 2005, la division d'examen a rejeté la demande de brevet européen antérieure n° 01 102 231.6 [demande initiale]. Selon le procès-verbal de cette procédure orale, la décision de la division d'examen avait été prononcée à la fin de la procédure orale. La décision écrite était datée du 27 janvier 2006.
IV. Le requérant (à savoir le demandeur), a indiqué que dès la fin de la procédure orale, son représentant avait examiné, avec les membres de la division d'examen, la possibilité de déposer une demande divisionnaire. Il a expressément demandé que la décision écrite soit envoyée suffisamment tard pour qu'il ait le temps de préparer une demande divisionnaire. Les membres de la division d'examen ne l'ont pas informé que cela n'était plus possible, mais se sont engagés à donner suite à sa demande. Les motifs écrits de la décision ont été remis à la poste le 27 janvier 2006.
V. Il n'a pas été formé de recours contre la décision de rejet de la demande initiale.
VI. La demande litigieuse n° 05 027 368.9 a été déposée le 14 décembre 2005 en tant que demande divisionnaire relative à la demande initiale susmentionnée n° 01 102 231.6.
VII. Par notification du 1er février 2006 (OEB Form 1133), le requérant a été avisé que la demande divisionnaire serait publiée le 15 mars 2006 et qu'elle porterait le numéro de publication 1 635 262. La demande a été publiée à la date indiquée.
VIII. Le 25 avril 2006, la section de dépôt a émis une notification relative à la "Constatation de la perte d'un droit conformément à la règle 69(1) CBE" (OEB Form 1044), informant le requérant que la demande ne serait pas traitée comme demande divisionnaire, étant donné qu'à la date où elle avait été déposée, la demande européenne initiale en instance était déjà définitivement réputée retirée ou définitivement rejetée ou retirée.
IX. Par courrier reçu à l'OEB le 28 juin 2006, le requérant a demandé l'annulation de la constatation de la perte d'un droit, conformément à la règle 69(2) CBE 1973. Après avoir communiqué au requérant son avis provisoire sur la question et après avoir reçu du requérant plusieurs réponses à la notification, la section de dépôt a rendu la décision faisant l'objet du recours.
X. Il a essentiellement été considéré, dans la décision, que la demande initiale a cessé d'être en instance à la date de la procédure orale, lorsque la décision de rejet de la demande a été rendue et qu'elle a donc produit un effet juridiquement contraignant, conformément au communiqué de l'OEB, en date du 9 janvier 2002, relatif à la modification des règles 25(1), 29(2) et 51 CBE [1973], publié au JO OEB 2002, 112 (ci-après dénommé le "communiqué de l'OEB"). La décision G 12/91 (JO OEB 1994, 285) a apporté des éclaircissements en ce qui concerne la date à laquelle les décisions produisent un effet juridique. La décision attaquée a également fait référence à la règle 68(1) CBE 1973, selon laquelle les décisions peuvent être prononcées à l'audience. Conformément à la décision en litige, "il ne fait aucun doute" qu'il n'y avait plus de demande en instance après le prononcé de la décision de rejet pendant la procédure orale. Il n'est pas nécessaire d'appliquer l'article 125 CBE 1973 et de prendre en considération la "pratique allemande", comme l'a fait valoir le requérant (cf. point XVI (1) ci-dessous), étant donné que la règle 25 CBE 1973 est la disposition de procédure qui régit le dépôt des demandes divisionnaires et que la jurisprudence est également claire sur ce point. Le requérant ne pouvait pas non plus invoquer le principe de la confiance légitime, ni la signification prétendument tardive de la notification au titre de la règle 69(1) (cf. point VIII ci-dessus). Par conséquent, la demande divisionnaire reçue le 14 décembre 2005 n'a pas été déposée en temps voulu.
XI. Dans le cadre du recours, le requérant a demandé à titre de requête principale que la décision attaquée soit annulée et, à titre de requête subsidiaire, que la Chambre soumette à la Grande Chambre de recours les questions suivantes, ou des questions essentiellement similaires :
A : Jusqu'à quand une demande de brevet européen antérieure est-elle en instance au sens de la règle 25(1) CBE dans le cas où
i) une demande de brevet européen a été rejetée par une division d'examen à la fin d'une procédure orale,
ii) une demande de brevet européen a été rejetée par une division d'examen pendant une procédure écrite,
iii) une demande de brevet européen a été rejetée par une chambre de recours pendant une procédure orale,
iv) une demande de brevet européen a été rejetée par une chambre de recours pendant une procédure écrite ?
B : S'il est répondu, aux questions A i) et ii), qu'une demande cesse d'être en instance au sens de la règle 25(1) CBE lorsqu'une décision a été prononcée dans le cadre d'une procédure orale, ou signifiée dans le cadre d'une procédure écrite, faut-il former un recours pour garantir que la demande reste en instance, et ce recours doit-il être recevable ? Ou suffit-il que le recours soit seulement effectif (l'acte de recours a été déposé dans les délais et la taxe de recours acquittée en temps voulu, mais le recours n'a pas été motivé ou pas suffisamment) ?
C : S'il est répondu, aux questions A i) et ii), qu'une demande cesse d'être en instance au sens de la règle 25(1) CBE lorsqu'une décision a été prononcée dans le cadre d'une procédure orale, ou signifiée dans le cadre d'une procédure écrite, quelle est la situation d'une demande pendant le délai de recours ? N'est-elle en aucun cas en instance ou est-elle "provisoirement en instance" ("schwebend anhängig" en allemand) ?
XII. Dans une notification au titre de l'article 15(1) RPCR, la Chambre a communiqué son avis provisoire sur l'affaire, fondé en partie sur les décisions G 12/91 (loc. cit.), G 4/91 (JO OEB 1993, 707), G 1/05 (JO OEB 2008, 271) et G 1/06 (JO OEB 2008, 307), ainsi que T 1177/00 du 24 juillet 2003 (non publiée au JO), J 28/03 (JO OEB 2005, 597) et J 18/04 (JO OEB 2006, 560), et porté le document CA/127/01 à l'attention du requérant. Il s'agissait du document préparatoire rédigé à l'époque de la modification de la règle 25 CBE 1973, dont le texte ainsi révisé était applicable à la présente affaire, avant l'entrée en vigueur de la CBE 2000. De plus amples détails figurent dans le dossier.
XIII. En réponse à la notification de la Chambre, le requérant a maintenu ses requêtes et demandé en outre que la Chambre "suggère" à la Présidente de l'Office européen des brevets (dénommé ci-après "l'OEB") de proposer une modification appropriée de la CBE, en vertu des compétences que lui confère l'article 10(2)c) CBE, ou à tout le moins de modifier le communiqué de l'OEB afin de clarifier la question de savoir quand une demande est considérée comme étant en instance dans le cas où elle est rejetée.
XIV. La procédure orale a eu lieu le 4 septembre 2008. A la fin de cette procédure, le requérant a été informé que la Chambre soumettrait une question à la Grande Chambre de recours et que cette décision serait rendue par écrit.
XV. Le requérant s'est appuyé sur deux types d'arguments, faisant d'abord valoir que la notion de "demande en instance" devait être interprétée en sa faveur, et invoquant ensuite le principe de la bonne foi.
XVI. Selon l'argument principal du requérant, la demande initiale était encore en instance lorsque la demande divisionnaire a été déposée, une demande devant être considérée comme étant en instance tant que le demandeur a la possibilité de former un recours. Par conséquent, dans les cas où il n'est pas formé de recours, la demande cesse d'être en instance à l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours. Autrement dit, la demande ne cesse d'être en instance que lorsqu'elle peut être considérée comme définitivement rejetée, au sens où il n'est plus possible de former un recours. Pour étayer cette interprétation des termes "demande en instance" à la règle 25 CBE 1973, le requérant a fait appel à divers arguments :
(1) Le communiqué de l'OEB (cf. point X) ne faisant pas partie de la Convention, la section de dépôt l'a utilisé à tort pour interpréter les termes "demande en instance". Ces termes doivent au contraire être interprétés soit uniquement sur la base de la CBE, soit (en application obligatoire de l'article 125 CBE 1973) sur la base de la pratique des Etats contractants. La CBE étant muette en ce qui concerne le sens exact de ces termes, c'est le droit procédural généralement admis dans les Etats contractants qui doit s'appliquer, par exemple la "pratique allemande". En particulier, l'interprétation souhaitée par le requérant est étayée par la loi allemande sur la procédure administrative non contentieuse (Verwaltungsverfahrensgesetz) et la décision "Graustufenbild" de la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof, ou BGH) (cf. décision BGH du 28 mars 2000, X ZB 36/98 (BPatG), également publiée dans GRUR 2000, 688). Cette dernière décision repose essentiellement sur le principe de l'économie de la procédure, lequel devrait également s'appliquer devant l'OEB, puisqu'il s'agit d'un principe généralement admis dans les Etats contractants. A part l'Allemagne, le requérant n'a mentionné aucun autre Etat contractant où le principe précité a été appliqué de façon spécifique pour les demandes divisionnaires. Le requérant a également cité l'article 500 du Nouveau Code de Procédure Civile français (NCPC), en affirmant que cette disposition corroborait l'idée qu'une procédure ne prend fin qu'à l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours. Le requérant a également fait valoir, sans entrer toutefois dans les détails, qu'il existait aux Etats-Unis et au Japon une réglementation comparable au modèle allemand.
(2) Même la CBE proprement dite indique clairement qu'il existe une différence entre les demandes qui sont "rejetées" et celles qui sont "rejetées définitivement", cette dernière formulation apparaissant à la règle 48(2) CBE 1973, tandis que, à l'article 97(1) CBE 1973 par exemple, le terme "rejet" est utilisé seul. La signification juridique des termes "rejetée définitivement" réside dans le fait que le demandeur ne dispose d'aucune voie de droit pour poursuivre la procédure après le rejet définitif de sa demande. Cela équivaut à la notion de "rechtskräftig zurückgewiesen" en droit allemand, qui est effectivement utilisée dans le texte allemand de la règle 48(2) CBE 1973 comme pendant à "rejetée définitivement". La section de dépôt a également cité à tort la décision G 12/91, puisque celle-ci ne concerne que le moment à partir duquel l'instance qui rend la décision est liée par sa propre décision, ce qui correspond, dans la terminologie juridique allemande, au stade de "Bindungskraft" (force obligatoire), et non de "Bestandskraft" (force de chose jugée).
(3) A tout le moins, les personnes de langue maternelle allemande qui ont été associées à la préparation du document CA/127/01 ont forcément eu l'exemple allemand devant les yeux lorsque la modification de la règle 25 CBE 1973 a été proposée au Conseil d'administration. Elles savaient en outre que les termes "rejetée définitivement" équivalaient à l'expression juridique allemande "rechtskräftig zurückgewiesen" et ont donc dû envisager une disposition qui s'applique au dépôt de demandes divisionnaires en s'inspirant de la "pratique allemande" existante.
(4) L'exigence juridique de la règle 48(2) CBE 1973 selon laquelle les demandes qui n'ont pas encore été rejetées définitivement doivent être publiées, montre également que ces demandes sont toujours en instance, puisque la nécessité de publier tient au fait que ces demandes peuvent encore être poursuivies. Cela contribue à étayer l'idée que même si la CBE est l'unique base de référence, une "demande en instance" est inévitablement une demande qui n'a pas encore été "rejetée définitivement".
(5) La jurisprudence des chambres de recours ne donne aucune ligne directrice pour la présente affaire. Les décisions citées par la Chambre dans l'annexe de la citation à la procédure orale ne sont pas applicables, soit parce qu'elles ont trait à des questions différentes, soit parce qu'elles ont été rendues avant l'entrée en vigueur du texte de la règle 25 CBE 1973 applicable en l'occurrence.
(6) La pratique actuelle de l'Office européen des brevets crée un décalage entre différents types de procédure, selon qu'une décision est prononcée à l'audience ou signifiée par écrit. Dans le premier cas, le demandeur peut s'attendre à savoir à l'avance la date du rejet, mais pas dans le deuxième. Dans une procédure écrite, le demandeur est donc laissé dans l'ignorance et ne sait pas jusqu'à quelle date il peut exercer son droit de déposer une demande divisionnaire. Ce décalage enfreint déjà en soi les principes généraux du droit procédural admis dans les Etats contractants et contrevient par conséquent à l'article 125 CBE 1973. Ne serait-ce que pour cette raison, la décision faisant l'objet du recours doit être annulée. L'interprétation proposée par le requérant résout en revanche ce problème, puisque les requérants connaîtraient toujours la date d'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours.
XVII. Le requérant a en outre soutenu que l'OEB a enfreint à plusieurs reprises le principe de la bonne foi.
(1) …
(2) …
(3) …
(4) …
(5) Le requérant a également allégué que l'OEB ne traitait peut-être pas de façon uniforme les situations procédurales comparables à celle qui sous-tend le présent recours, mais sans apporter de preuve spécifique à l'appui de cette affirmation.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
Dispositions transitoires
2. La section de dépôt a fondé sa décision du 9 août 2007 sur la règle 25 CBE 1973. Dans l'intervalle, la CBE 2000 est entrée en vigueur.
3. Conformément à l'article 2 de la décision du Conseil d'administration du 7 décembre 2006 modifiant le règlement d'exécution de la Convention sur le brevet européen 2000 (JO OEB 2007, 89), le règlement d'exécution de la CBE 2000 s'applique à l'ensemble des demandes de brevet européen …, dans la mesure où ils (elles) sont soumis(es) aux dispositions de la CBE 2000. Cela signifie qu'une disposition du règlement d'exécution doit être appliquée si, et le cas échéant dans la mesure où, l'article de la CBE 2000 dont relève la disposition en question, et qui est complété par cette dernière, est applicable à la demande à instruire (cf. J 10/07, JO OEB 2008, 567, point 1.3 des motifs, J 3/06, JO OEB 2009, 170, point 3 des motifs).
4. Conformément à l'article 7 de l'acte de révision en date du 29 novembre 2000, l'ancienne version de la Convention s'applique en règle générale aux demandes de brevet qui sont pendantes à la date d'entrée en vigueur de la CBE 2000, à moins que le Conseil d'administration n'en dispose autrement. La règle 25 CBE 1973 porte sur l'application de l'article 76 CBE 1973, lequel n'est pas concerné par la décision du Conseil d'administration relative aux dispositions transitoires (décision du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires au titre de l'article 7 de l'acte de révision en date du 29 novembre 2000). Aussi la règle 25 CBE 1973 régit-elle la situation juridique dans le présent recours. Cela est également approprié, puisque la question de droit sous-jacente porte sur la reconnaissance d'une date de dépôt alléguée qui est antérieure au 13 décembre 2007, et que tous les autres événements pertinents de la présente affaire se sont produits avant cette date. C'est donc aussi le régime juridique institué par la CBE 1973 dont il faut tenir compte lorsqu'il est nécessaire de se référer à d'autres dispositions de la CBE pour examiner la question de droit exposée ci-après.
Base juridique de la décision rendue par la section de dépôt
5. La question de droit déterminante en l'espèce est l'interprétation des termes "demande en instance" à la règle 25(1) CBE 1973, et plus précisément la question de savoir quand la demande cesse d'être en instance lorsqu'aucun recours n'a été formé contre la décision de rejet, en particulier dans le cas où cette décision a été rendue oralement par la division d'examen. Se référant au point 2 des motifs de la décision G 12/91 (loc. cit.), la décision faisant l'objet du recours a indiqué qu'une demande cesse d'être en instance lorsqu'une décision de rejet a été prononcée lors de la procédure orale et qu'aucune demande divisionnaire ne peut être déposée [par la suite] conformément à la règle 25 CBE (c'est la Chambre qui ajoute). Cette interprétation juridique est dénommée ci-après "pratique de l'OEB". Contrairement à cette décision, le requérant affirme que la demande cesse d'être en instance à l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours contre la décision de rejet. Cette position est dénommée ci-après "pratique allemande".
6. La section de dépôt n'a pas commis de vice de forme en s'appuyant sur le communiqué de l'OEB, même si celui-ci, émis par le Président de l'OEB en vertu de l'article 10(2)a) CBE 1973, ne constitue pas une norme juridique. Ce communiqué vise à donner une ligne de conduite et donc à assurer une application uniforme du droit par la première instance dans certains cas de figure, afin de garantir aux demandeurs une égalité de traitement et une sécurité juridique. Les organes de première instance sont par conséquent tenus de mettre en œuvre ces règles d'application, à moins qu'elles ne s'avèrent contraires à la CBE. Le fait que la section de dépôt se soit référée à ce communiqué ne peut donc donner lieu à une objection pour des raisons de forme.
Interprétation des termes "demande en instance" par la première instance
7. La Chambre doit toutefois encore examiner si l'interprétation des termes "demande en instance" donnée par la section de dépôt sur la base du communiqué de l'OEB est correcte sur le fond.
8. Le communiqué de l'OEB indique qu'"une demande est pendante … jusqu'à la date à laquelle la demande est rejetée …" (c'est la Chambre qui souligne). De plus, si le demandeur forme un recours contre la décision de rejet, il est encore possible de déposer une demande divisionnaire "pendant" la procédure de recours.
9. Le communiqué de l'OEB n'est pas particulièrement précis en ce qui concerne la date exacte à laquelle une demande est rejetée. Cependant, il sous-entend qu'une demande n'est plus en instance pendant le délai prévu pour la formation d'un recours s'il n'est pas formé de recours, et qu'elle cesse en revanche d'être en instance à la date du rejet par la division d'examen. De plus, en se référant à la décision G 12/91 qu'elle cite mot pour mot (loc. cit., point 2 des motifs), la section de dépôt a estimé, bien que cela ne soit pas indiqué de façon explicite dans le communiqué de l'OEB, que le prononcé d'une décision de rejet entraîne le rejet de la demande, celle-ci cessant d'être en instance à compter de cette date, à moins qu'un recours ne soit formé contre la décision en question.
10. A l'opposé, le requérant affirme que les termes "en instance" doivent être interprétés en partant de l'idée que la demande ne cesse d'être en instance que si le rejet est définitif, ce qui est le cas lorsqu'aucun recours n'est plus possible. La date du rejet définitif correspond dès lors à l'expiration du délai prévu pour le dépôt de l'acte de recours (article 108, première phrase CBE).
11. La Chambre est d'accord avec le requérant sur le fait que l'utilisation des termes "en instance" dans la CBE ne répond pas à la question qui lui est soumise. Le terme "pending" apparaît à cinq reprises dans la version anglaise de la CBE 1973, mais aucun enseignement particulier ne peut en être tiré. Seuls l'article 175(2) et la règle 25 CBE 1973 contiennent les termes anglais "pending application". L'article 175(3) CBE 1973 fait mention de "pending opposition", la règle 13(3) CBE 1973 utilise la formule "pending proceedings", et la règle 92(1)p) CBE 1973 utilise l'expression "pending a final decision".
12. Les équivalents allemand et français du terme "pending" à la règle 25 CBE 1973 ("anhängig", "en instance") n'éclairent pas davantage la question. Il est intéressant de noter que l'expression française "en instance" et l'expression allemande "anhängig" apparaissent également à la règle 13(3) CBE 1973, mais aussi à l'article 112(3) et à la règle 98(2) CBE 1973, respectivement dans le contexte d'un "pending appeal" ("recours en instance", "anhängige Beschwerde" et "procédures en instance", "anhängige Verfahren"). Seul le texte allemand contient, à l'article 8(2) du protocole sur la reconnaissance, le terme "anhängig" au sens de "former une demande" [afin de constituer une demande "en instance" dans une action civile] ("anhängige Klage").
13. Il s'avère donc que les termes "en instance" peuvent aussi bien se rapporter à
(1) une procédure en instance devant un organe donné,
(2) des droits substantiels en instance, ou
(3) une procédure devant plusieurs organes de l'OEB.
Historique de la législation
14. Le Conseil d'administration a adopté la règle 25(1) sur la base du document CA/127/01, dont la langue originale était l'anglais. Les passages pertinents s'énoncent comme suit :
3. Dans sa formulation actuelle, la règle 25(1) pose de nombreux problèmes. D'une part, la notification visée à la règle 51(4) n'est pas émise pour toutes les demandes et, d'autre part, il n'est pas rare qu'un demandeur se rende compte, après avoir donné son accord sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet, qu'il a oublié de déposer une demande divisionnaire, et essaie alors par tous les moyens d'obtenir la réouverture de la procédure.
4. La modification apportée à la règle 25 en 1988 avait pour objectif de fixer une date limite pour le dépôt d'une demande divisionnaire tenue prête par le demandeur ; cette date devait être suffisamment précoce pour que le public puisse être averti, grâce à une mention imprimée sur le fascicule de brevet, qu'une demande divisionnaire avait été déposée.
5. Lors de la réunion EUROTAB en 1999, il s'est avéré que s'agissant de la date limite jusqu'à laquelle le dépôt d'une demande divisionnaire peut être accepté, nombre d'Etats contractants se montraient beaucoup plus souples que l'Office, et admettaient le dépôt d'une demande divisionnaire pour toute demande en instance. Il est proposé de modifier en conséquence la règle 25 CBE. Le terme "toute" indique que la demande principale peut être n'importe quel type de demande. Elle peut être elle-même une demande divisionnaire.
6. La procédure de délivrance est en instance jusqu'à la date à laquelle la mention de la délivrance a été publiée au Bulletin européen des brevets (cf. décision J7/96, JO OEB 1999, 443), ou jusqu'à la date à laquelle la demande a été définitivement rejetée ou (réputée) retirée [c'est la Chambre qui souligne]. Etant donné que le demandeur sait à quelle date la mention de la délivrance sera publiée, il sait également jusqu'à quand il peut déposer une demande divisionnaire. Avec la modification proposée, le public ne sera plus informé du dépôt d'une demande divisionnaire par une mention en ce sens sur le fascicule de brevet ; toutefois, vu que, de nos jours, les tiers intéressés ont de plus en plus recours aux bases de données électroniques pour obtenir des informations sur les brevets, et que ces bases de données indiquent très vite si une demande divisionnaire a été déposée, la modification de la règle 25(1) ne devrait pas avoir d'incidences négatives pour les tiers."
15. Dans un souci d'exhaustivité, il convient de préciser que la phrase décisive au point 6 du document CA est formulée comme suit dans les textes anglais et allemand :
a. "Grant proceedings are pending ... until the date that an application is finally refused…".
b. "Das Erteilungsverfahren ist bis zu dem Tag anhängig ... an dem die Anmeldung rechtskräftig zurückgewiesen wird ..."
Conclusions à tirer eu égard à l'interprétation des termes "demande en instance"
16. Les textes dans les trois langues officielles semblent corroborer l'argument du requérant selon lequel le législateur a voulu interpréter les termes "demande en instance" dans le sens où la demande cesse d'être en instance à la suite du "rejet définitif de la demande".
17. Il est incontestable que le simple fait de prononcer ou de signifier une décision susceptible de recours ne la rend pas pour autant définitive. De plus, lorsque les termes anglais "finally refused" ("rejetée définitivement") sont utilisés dans la CBE, l'expression allemande "rechtskräftig zurückgewiesen" est employée à juste titre comme équivalent. Il est en outre admis qu'une décision rendue par une première instance n'a de caractère définitif (res judicata) qu'à l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours.
18. Cependant, il n'a pas encore été répondu à la question de savoir si le raisonnement exposé dans le document CA fournit ou non à lui seul une base suffisante pour mettre tout simplement sur un même pied (en cas de rejet) la condition de la "demande en instance" énoncée à la règle 25 CBE 1973 et le critère selon lequel le rejet ne doit pas encore être définitif, étant entendu qu'il s'agit là d'une exigence préalable pour le droit de déposer une demande divisionnaire. Dans sa décision J 18/04 (loc. cit., cf. point 9 des motifs), la Chambre de recours juridique a défini la notion de "demande en instance" figurant à la règle 25 CBE 1973 comme une condition de fond, plutôt que comme le moment jusqu'auquel une demande divisionnaire peut encore être déposée. La Chambre a estimé dans cette décision que la demande initiale est en instance lorsque son objet existe encore, c'est-à-dire lorsqu'il peut encore être revendiqué au moment où la demande divisionnaire est déposée (par opposition à un objet abandonné).
19. En ce qui concerne l'enseignement global qui peut être déduit du raisonnement figurant dans le document CA précité, les autres explications relatives à la proposition de modification de la règle 25 CBE 1973 font également apparaître que le législateur s'intéressait avant tout à la possibilité de déposer une demande divisionnaire dans les cas où un brevet a déjà été délivré pour la demande initiale, et qu'il a donc élargi la signification des termes "en instance" afin de couvrir la période comprise entre la décision de délivrance d'un brevet et la publication de la mention de la délivrance. Cela est aussi illustré par la référence à la décision J 7/96 dans ledit document CA. Les cas dans lesquels la demande initiale a été rejetée n'ont pas fait l'objet d'une attention particulière. Le document CA n'aborde pas non plus la situation dans laquelle un recours est formé (ou non). Il semble que le législateur n'ait pas ressenti le besoin d'expliquer plus précisément ce que signifiait la "date de rejet définitif". Le législateur s'est en outre penché sur la possibilité de déposer des demandes divisionnaires relatives à des demandes initiales qui sont elles-mêmes des demandes divisionnaires, ainsi que sur la possibilité de ne pas mentionner des demandes divisionnaires dans le fascicule du brevet. Aucune de ces questions n'est pertinente pour la présente affaire.
20. La règle 48(2) CBE 1973 est l'unique disposition de la Convention qui contient les termes "rejetée définitivement". Rien n'indique cependant qu'elle a été prévue afin d'instaurer une condition pour une demande "en instance". Les termes "en instance" n'apparaissent pas dans cette règle et les questions de droit qui se posent dans le cadre du présent recours ne doivent pas être examinées lorsque cette disposition est appliquée par l'Office européen des brevets. La règle 48(2) CBE 1973 porte seulement sur les préparatifs techniques en vue de la publication de la demande, et non sur les effets juridiques qui pourraient résulter du rejet définitif de la demande, à l'exception du fait que la demande n'est pas publiée si elle est rejetée définitivement avant la fin des préparatifs techniques entrepris en vue de la publication.
21. La règle 48(2) CBE 1973 est une disposition d'exécution de l'article 93(1) CBE 1973, selon lequel les demandes de brevet doivent être publiées dès l'expiration du délai de dix-huit mois. A cette fin, la règle 48(2) prévoit que seules les demandes qui ont été rejetées définitivement sont retirées de la publication. Le requérant lui-même semble reconnaître qu'en vertu de cette règle, les demandes qui ne sont pas encore définitivement rejetées doivent être publiées, même s'il est possible qu'elles soient rejetées définitivement au moment où la publication est effectuée.
22. La règle 48(2) CBE 1973 ne peut donc pas étayer l'affirmation selon laquelle une demande rejetée doit être publiée au motif qu'il faut la considérer comme étant en instance jusqu'à ce que la décision devienne définitive. Au contraire, ces demandes doivent elles aussi être publiées malgré la possibilité, déjà évoquée, qu'elles soient rejetées définitivement au moment de la publication. La règle 48(2) CBE se borne donc à reconnaître qu'un rejet non définitif peut encore être révoqué et que la demande doit par conséquent être publiée, mais elle ne donne aucune précision quant à la question de savoir si une demande rejetée est encore en instance jusqu'à ce que son rejet soit devenu définitif.
Jurisprudence relative à la question des "demandes en instance" dans des situations comparables
23. Si la Chambre de recours juridique n'a pas encore été amenée à trancher la question qu'elle doit à présent instruire, plusieurs de ses décisions ont porté sur la question de savoir jusqu'à quel moment le demandeur peut encore déposer une demande divisionnaire lorsqu'une décision relative à la délivrance d'un brevet a été rendue. Dans les affaires en question, la Chambre de recours juridique a confirmé le point de vue de l'OEB, à savoir que même après le rendu d'une décision de délivrance, la demande est toujours en instance, une demande divisionnaire pouvant encore être valablement déposée jusqu'à (mais non y compris la date de) la publication de la mention de la délivrance au Bulletin européen des brevets. Selon cette jurisprudence, la demande cesse d'être en instance avec cette publication (cf. J 28/03 (loc. cit.), points 4 et 5 des motifs, cf. également J 24/03 du 17 février 2004, point 4 des motifs, J 7/04 du 9 novembre 2004, point 3 des motifs, J 3/04 du 20 septembre 2005, points 8 et 12 des motifs).
24. Bien que les décisions susmentionnées de la Chambre de recours juridique ne se réfèrent essentiellement qu'au communiqué de l'OEB, sans exposer en détail leur position, il est possible d'en déduire qu'elles sont fondées sur le principe ancré à l'article 97(4) CBE 1973 (article 97(3) CBE), selon lequel la décision relative à la délivrance du brevet européen ne prend effet qu'au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance. Dans la décision J 7/96 (loc. cit.), cette disposition avait déjà été invoquée pour expliquer qu'entre la prise de la décision relative à la délivrance du brevet et la publication de la mention de la délivrance, la demande est réputée être encore en instance devant l'OEB, et peut par exemple être retirée ou transférée (point 6.3 des motifs). Il convient toutefois de noter que la décision J 7/96 (loc. cit.) ne portait pas directement sur la question de savoir si une demande était encore en instance. Elle s'attachait à établir s'il y avait encore devant l'Office européen des brevets une procédure en instance qui puisse être suspendue, conformément à la règle 13(1) CBE 1973, afin d'éviter que les droits attachés au brevet ne prennent effet au titre de l'article 97(4) CBE 1973 ensemble l'article 64(1) CBE 1973, pour le demandeur prétendument non habilité.
25. Les raisonnements des décisions citées de la Chambre de recours juridique reposent sur le principe que la date à laquelle la décision (de délivrer un brevet) prend effet est la date à laquelle la demande cesse d'être en instance. Si ce principe pouvait également être appliqué au rejet de la demande, cela conforterait la position de la section de dépôt, qui a estimé que la demande cesse d'être en instance et qu'une demande divisionnaire ne peut donc plus être déposée lorsqu'une décision de rejet a pris effet, sachant que conformément à la décision G 12/91 (loc. cit.), une décision de rejet prend effet après la signification de la décision écrite ou après le prononcé de cette décision au cours d'une procédure orale devant la division d'examen (cf. également R 5/08 du 5 février 2009, point 11 des motifs).
26. Dans la décision G 4/91 (loc. cit.), la Grande Chambre de recours, examinant le droit d'un tiers à intervenir dans une procédure d'opposition, a estimé qu'après que la division d'opposition a statué, il n'existe pas (plus) de procédure en instance, quelle que soit la date à laquelle la décision passe en force de chose jugée (cf. à ce sujet le texte allemand officiel, point 7 des motifs, "kein Verfahren anhängig" et "Zeitpunkt … Entscheidung … rechtskräftig"). Dès lors, la traduction de ces passages en anglais, à savoir "proceedings in existence" et "date … decision … takes legal effect", semble incorrecte, mais il est à noter que ce texte était une correction de la version anglaise précédente, contenant l'expression "that … proceedings … are pending" (!) (JO OEB 1993, 339, point 7 des motifs). Les traductions françaises "procédure en instance" et "passée en force de chose jugée" sont correctes. Il n'en reste pas moins que la décision G 4/91 (loc. cit.) ne concernait directement que la date jusqu'à laquelle la procédure (d'opposition) est en instance.
27. En revanche, il a été admis incidemment dans la décision J 28/03 (loc. cit.), qui se référait aussi au communiqué de l'OEB et le confirmait, que dans le cas où un recours est formé contre une décision de rejet de la demande initiale, le dépôt d'une demande divisionnaire est autorisé tant que la procédure de recours n'a pas été close et quelle que soit l'issue du recours (points 6, 11 et 15 des motifs). S'agissant des conséquences d'un recours, formé en l'occurrence contre une décision de délivrance d'un brevet, cette affaire souligne qu'en raison de l'effet suspensif d'un recours, la décision contestée ne produit aucun effet juridique jusqu'à la décision finale de la chambre (points 12 et 14 des motifs). Cependant, selon cette décision, la recevabilité du recours détermine aussi si la demande est en instance (cf. points 16 et 17 des motifs).
28. Si les deux principes traités dans la décision J 28/03 (loc. cit.) étaient combinés, une demande cesserait d'être en instance lorsque la division d'examen décide de rejeter la demande, mais elle serait de nouveau en instance dès qu'un recours recevable aurait été formé. Telle semble être la position de l'OEB et la raison pour laquelle, en l'espèce, la section de dépôt a attendu l'expiration du délai de recours relatif à la demande initiale rejetée avant d'émettre la notification au titre de la règle 69(1), ce qui lui a permis de savoir si la décision de rejet faisait l'objet d'un recours.
29. Par contre, dans la décision "Graustufenbild" invoquée par le requérant devant la Chambre de recours juridique, la Cour fédérale de justice (BGH) a estimé que selon le droit allemand, le demandeur peut valablement diviser sa demande jusqu'à l'expiration du délai de recours, et ce même si aucun recours n'a été formé contre la décision de délivrance d'un brevet (BGH, décision du 28 mars 2000 - X ZB 36/98 (BPatG), GRUR 2000, 688, point II.2.c) des motifs).
30. Bien que l'article 39, paragraphe 1 de la Loi allemande sur les brevets (Deutsches Patentgesetz, PatG) ne fasse mention que de la "demande" et qu'elle n'utilise pas l'expression "en instance", contrairement à la règle 25 CBE, la Cour part du principe que la demande doit (encore) exister pour pouvoir être divisée. Ce n'est plus le cas dès qu'une décision relative à cette demande est passée en force de chose jugée (loc. cit., point II.2.a) des motifs).
31. La disposition de l'article 39, paragraphe 1 de la Loi allemande sur les brevets, qui permet de diviser la demande à tout moment, vise à garantir que cette division soit effectivement possible à tout moment, jusqu'à ce que la protection conférée par le brevet délivré produise pleinement ses effets.
32. La décision citée de la BGH donne essentiellement deux raisons qui expliquent pourquoi il devrait encore être possible de diviser la demande à ce stade :
a. D'une part, le fait de ne pas reconnaître le droit du demandeur de diviser la demande serait en contradiction avec le principe selon lequel le demandeur est encore maître de sa requête [en délivrance, et donc de l'objet de la demande] à d'autres égards, ce qui signifie qu'il peut la retirer, même après qu'une décision relative à la délivrance d'un brevet a été prise (loc. cit., II.2.c).
b. D'autre part, refuser la possibilité de diviser la demande à ce stade impliquerait que ce droit s'éteindrait dans un premier temps, mais qu'il serait ensuite rétabli au moment de la formation d'un recours. Selon cette interprétation, le demandeur serait contraint de former un recours inutile dans le seul but de conserver son droit à diviser la demande jusqu'à l'expiration du délai de recours (loc. cit., II.2.c).
33. La Chambre concède que la pratique de l'OEB comme la "pratique allemande" ont toutes deux leurs avantages et inconvénients. Sans vouloir procéder ici à une analyse exhaustive, il est intéressant de mentionner certains points qui méritent réflexion.
34. Conformément à la pratique de l'OEB, la demande cesse d'être en instance au moment où la décision prend effet. Cela peut s'expliquer par l'idée selon laquelle la notion de "demande en instance" renvoie à une demande en instance "sur le fond", puisqu'une décision de rejet a avant tout pour effet de statuer sur et, partant, d'écarter toutes les prétentions juridiques que le demandeur pourrait avoir concernant un brevet pour l'objet de la demande. Le demandeur est encore maître de l'objet de la demande jusqu'à ce qu'une décision soit rendue. Tant que la demande est en instance, le demandeur peut encore modifier cet objet, ou du moins a-t-il le droit de retirer la demande (de même qu'il peut prendre certaines mesures entre le moment où la décision relative à la délivrance du brevet est rendue et celui où la mention de la délivrance est publiée, cf. J 7/96 (loc. cit.), point 6.3 des motifs). Ces possibilités disparaissent lorsque la demande a été rejetée.
35. De ce point de vue, la pratique de l'OEB qui consiste à ne plus accepter de demandes divisionnaires après la décision de rejet serait cohérente avec le principe selon lequel la demande divisionnaire ne peut pas conférer davantage de droits substantiels au demandeur que la demande initiale, puisque ces droits éventuels ne peuvent découler que de ceux attachés à la demande initiale au moment du dépôt de la demande divisionnaire (cf. J 2/01 (JO OEB 2005, 88), point 6 des motifs, confirmée dans G 1/06 (loc. cit.), point 11.2 des motifs). Si la demande initiale ne confère plus aucun droit substantiel, la demande divisionnaire ne peut plus en conférer elle non plus.
36. Cependant, étant donné que le demandeur peut engager une procédure de recours après une décision de rejet, il peut aussi reprendre le contrôle direct de l'objet, et l'OEB accepte en effet le dépôt de demandes divisionnaires dans ce cas. La pratique de l'OEB semble donc également reposer sur l'idée qu'une demande en instance est liée à l'existence d'une procédure en instance.
37. Comme exposé ci-dessus, il a été incidemment admis, dans la décision J 28/03 (loc. cit.), que si un recours recevable est formé contre une décision de rejet de la demande initiale, une demande divisionnaire peut être déposée tant qu'il n'a pas été mis fin à la procédure de recours, quelle que soit l'issue du recours (points 6, 11 et 15 des motifs).
38. En tout état de cause, l'événement déterminant est la décision de rejet, plus exactement sa prise d'effet, quelle que soit la manière dont les termes "demande en instance" sont interprétés, que ce soit dans le sens où ils renvoient à l'existence substantielle de l'objet de la demande, ou plutôt dans le sens où ils se rapportent à une procédure en instance concernant la demande. De même, dans les deux cas précités, la décision de rejet aurait pour effet que l'objet de la demande cesserait d'abord d'être en instance, et qu'il serait ensuite rétabli lorsqu'un recours serait formé, autrement dit il serait à nouveau en instance.
39. De ce point de vue, on pourrait considérer qu'une demande ne serait pas continuellement en instance, ce qui amoindrirait, ou du moins contredirait, l'effet suspensif du recours selon lequel la décision attaquée ne produit aucun effet juridique tant que le recours est en instance (cf. J 28/03, loc. cit., points 12 et 14 des motifs). De plus, cette discontinuité risquerait de donner naissance à une insécurité juridique concernant les droits qui pourraient découler d'un brevet délivré ultérieurement pour la période concernée. Le fait d'admettre qu'une demande divisionnaire puisse être déposée pendant un intervalle de temps où aucune demande n'est en instance, au sens où son objet n'est pas en instance, irait à l'encontre d'un principe fondamental qui a été récemment confirmé dans les décisions G 1/05 et G 1/06 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 2008, points 11.1 et 11.2 des motifs, liées aux séries de demandes divisionnaires) : le statut juridique accordé à une demande divisionnaire est spécifique et bien plus favorable que pour une demande normale, puisque la date de dépôt - antérieure - de la demande initiale est accordée à la demande divisionnaire, et l'octroi d'un tel statut n'est donc justifié que si l'objet concerné existe de façon continue depuis sa divulgation dans la demande initiale.
40. Il serait en outre peu convaincant de ne pas admettre le dépôt d'une demande divisionnaire pendant la période transitoire qui suit le rejet, mais précède la formation d'un recours, si ce dépôt est possible ultérieurement à la suite d'un recours. L'OEB et la jurisprudence des chambres de recours reconnaissent en effet le dépôt de demandes divisionnaires dans ce dernier cas. En faisant de l'existence d'une procédure en instance une condition pour le dépôt d'une demande divisionnaire, la pratique de l'OEB manque donc quelque peu de cohérence. La "demande en instance" visée à la règle 25 CBE 1973 ne peut donc être assimilée automatiquement à une "procédure en instance" selon la pratique de l'OEB.
41. Un autre inconvénient de la pratique de l'OEB semble tenir au fait que la date à laquelle une demande donnée n'est plus en instance est déterminée différemment selon que la décision de rejet est rendue par oral ou dans le cadre de la procédure écrite. De plus, comme le requérant l'a fait valoir, le demandeur ne peut pas prévoir, du moins pas de manière précise, quand la décision écrite sera rendue ou signifiée, et il peut donc contre toute attente se voir privé de la possibilité de déposer encore une demande divisionnaire. A l'opposé, l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours est fixée de manière uniforme, dans l'un comme dans l'autre cas, sur la base de la signification des motifs écrits de la décision. Aussi le demandeur auquel la décision a été signifiée serait-il toujours en mesure de déposer valablement une demande divisionnaire.
42. Il y a en outre, dans la pratique de l'OEB, une incertitude quant à la question de savoir si la demande cesse d'être en instance avant la date déterminante, ou le jour même, voire seulement après cette date. Ainsi, la pratique actuelle de l'Office est d'admettre une demande divisionnaire même si elle est déposée le jour de la procédure orale, alors qu'en cas de décision relative à la délivrance d'un brevet, une demande divisionnaire ne peut être déposée que jusqu'au dernier jour qui précède la date déterminante (ce dernier point a été confirmé par la Chambre de recours juridique dans la décision J 7/04 (loc. cit., point 3 des motifs). Pour compliquer davantage les choses, dans le cas d'une procédure écrite, la date de la décision (date de remise à la poste) diffère de la date à laquelle cette décision prend effet vis-à-vis du demandeur (date de la signification, à savoir le dixième jour après la remise à la poste, conformément à la règle 78(2) CBE 1973). La question de savoir si la demande est en instance le jour de la signification présumée n'a pas encore été tranchée. Toutefois, étant donné que cette question n'est pas pertinente en l'espèce, il n'y a pas lieu de s'y attarder ici.
43. En revanche, l'existence effective d'une procédure devant un organe quelconque n'est pas déterminante, selon la "pratique allemande", pour qu'une demande de brevet soit en instance. Aussi longtemps que le demandeur a encore la possibilité d'engager une procédure qui lui permettrait par la suite de disposer de la demande, même dans certaines limites, ses droits substantiels ne sont pas encore complètement éteints et la demande peut donc être considérée comme étant encore en instance. A l'évidence, en se référant à la notion de "rejetée définitivement", le législateur à l'origine de la règle 25 CBE 1973 a aussi voulu signaler que l'existence d'une procédure devant un organe donné n'est pas une condition pour qu'une demande soit en instance.
44. Cette solution comporte des avantages sur le plan pratique. La date déterminante est établie sans difficultés, puisque l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours est une notion bien établie dans n'importe quel type de procédure. Les demandeurs connaissent cette date, que la décision ait été rendue par oral ou par écrit. Selon cette interprétation juridique, la date à laquelle la demande cesse d'être en instance est définie avec précision et correspond au jour qui suit l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours.
45. Toutefois, cette solution pourrait inciter les demandeurs à déposer des demandes divisionnaires tout en formant parallèlement un recours, voire à substituer ces demandes à un recours après une décision de rejet, étant donné qu'ils connaîtraient non seulement le résultat, mais aussi les motifs détaillés de la décision de rejet, et qu'ils pourraient déposer la demande divisionnaire sur cette base. Ils seraient donc encore plus tentés de se servir des demandes divisionnaires pour obtenir un deuxième examen, portant essentiellement sur la même invention que celle de la demande initiale, et non pour diviser réellement un objet qui différerait bel et bien de celui qui est revendiqué dans la demande initiale.
46. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas de dispositions directement applicables dans la CBE ni de jurisprudence qui définiraient la notion de "demande en instance" de manière à répondre clairement à la question dont la Chambre est saisie. Il faut donc également examiner les arguments invoqués par le requérant eu égard à l'article 125 CBE 1973.
47. La Chambre constate en premier lieu que le requérant n'a pas fourni de preuves convaincantes montrant que l'interprétation souhaitée des termes "demande en instance" en cas de rejet d'une demande repose sur un "principe généralement admis en matière de procédure" au sens de l'article 125 CBE 1973, et la Chambre n'a pas non plus connaissance de telles preuves.
48. Le simple fait que la décision de la BGH a réglé cette question en Allemagne n'élève pas cette solution juridique au rang de "principe généralement admis". Aussi la solution formulée dans la décision "Graustufenbild" (loc. cit.), à savoir la "pratique allemande", ne peut-elle être adoptée en application directe de l'article 125 CBE 1973, ainsi que le requérant l'affirme. Cela ne signifie toutefois pas qu'il ne sera pas tenu compte du raisonnement proprement dit de cette décision (comme la Chambre l'a fait au point 32 ci-dessus) pour déterminer l'approche correcte à suivre en ce qui concerne l'interprétation du concept de "demande en instance" dans le présent contexte.
49. La disposition juridique française citée, à savoir l'article 500 NCPC (cf. point XVI (1) ci-dessus) s'énonce comme suit :
"Le jugement est exécutoire, sous les conditions qui suivent, à partir du moment où il passe en force de chose jugée à moins que le débiteur ne bénéficie d'un délai de grâce ou le créancier de l'exécution provisoire."
Cette disposition n'a rien à voir avec le dépôt de demandes divisionnaires, mais porte sur l'exécution des jugements. Il s'agit de l'un des effets produits par un jugement, et cet effet est suspendu dans certaines conditions, ce qui n'a aucune incidence pour la présente affaire. L'exécution des jugements relève du droit national et se situe donc totalement en dehors de la CBE. Par conséquent, la disposition citée ne démontre nullement que dans la procédure civile française, et encore moins dans la procédure administrative, une procédure doit généralement être considérée comme étant en instance jusqu'à l'expiration du délai prévu pour la formation d'un recours.
50. Le principe d'économie de la procédure invoqué par le requérant peut quant à lui être reconnu comme un principe généralement admis en matière de procédure dans les Etats contractants. Dans de nombreux cas, il est assurément légitime, voire nécessaire, de tenir compte de l'économie de la procédure pour interpréter des dispositions de procédure. Cependant, on ne saurait appliquer directement ce principe comme base pour accorder au requérant des droits qui ne peuvent être fondés sur la législation existante. Comme indiqué précédemment, la question traitée par la Chambre touche à des droits substantiels. Il appartient d'abord au législateur, et non aux organes juridictionnels, de décider dans quelle mesure l'économie de la procédure devrait prévaloir sur d'autres principes juridiques lorsque des droits substantiels sont en cause. L'économie de la procédure ne peut probablement pas être choisie comme facteur déterminant pour répondre à une question de droit, même si cette question, jugée d'une importance fondamentale, ne concerne que des aspects de procédure.
51. De même, on ne saurait appliquer d'emblée l'article 125 CBE 1973 dans le sens souhaité par le requérant, au motif qu'il existe une différence incontestée entre procédure orale et procédure écrite. La règle 68(1) CBE 1973 montre que le législateur avait clairement l'intention de permettre la procédure écrite comme la procédure orale, y compris la possibilité de clore une question à la procédure orale. Aussi le législateur a-t-il également dû approuver les différentes conséquences juridiques qui découlent de cette distinction entre procédures. Il est à noter que la règle 68(1) CBE 1973 a été adoptée par la Conférence diplomatique établissant la Convention. Peu importe donc que cette distinction, ou ce "décalage", contrevienne ou non à un principe généralement admis dans les Etats contractants, le requérant n'ayant du reste rien prouvé de tel. Il découle au contraire de la décision "Graustufenbild" (point II.2.a des motifs) que le droit allemand des brevets connaît aussi cette même distinction.
52. Il s'ensuit que les arguments présentés par le requérant ne permettent pas d'appliquer l'article 125 CBE 1973 pour interpréter les termes "demande en instance" dans l'affaire dont la Chambre est saisie.
Question de droit d'importance fondamentale
53. La Chambre estime que la détermination du moment jusqu'auquel les demandeurs peuvent déposer une demande divisionnaire est une question de droit d'importance fondamentale au sens de l'article 112(1) CBE. Elle concerne directement le droit fondamental des demandeurs de déposer des demandes divisionnaires. De plus, même si la Grande Chambre de recours et la Chambre de recours juridique ont statué sur des questions connexes, comme exposé ci-dessus, la notion de "demande en instance" au sens de la règle 25 CBE 1973 ne semble pas être définie avec précision. Force est également de constater que la règle 25 CBE 1973 n'a pas été modifiée sur le fond et qu'après une simple renumérotation, elle est devenue l'actuelle règle 36(1) de la CBE 2000, en conséquence de quoi l'ambiguïté des termes "en instance" subsiste. Ainsi qu'il ressort de ce qui précède, la Chambre estime que le texte de la CBE ou l'application de l'article 125 CBE 1973 ne lui permettent pas de répondre clairement à la question spécifique dont elle est saisie. Il n'existe pas non plus de jurisprudence directement applicable en la matière. De surcroît, l'attitude souple de l'OEB qui autorise le dépôt de demandes divisionnaires après signification de la décision relative à la délivrance d'un brevet (avant la publication au Bulletin européen des brevets) peut sembler ne pas être tout à fait cohérente avec la pratique restrictive concernant le dépôt de demandes divisionnaires après le rejet d'une demande par la division d'examen.
Violation du principe de la bonne foi
54. Indépendamment des arguments qui ont été traités précédemment, le requérant a également fait valoir une violation du principe de la bonne foi (cf. point XIII ci-dessus). Conformément à l'article 112(1), première phrase CBE, une question ne peut être soumise à la Grande Chambre de recours que si la chambre qui soumet cette question estime qu'une décision de la Grande Chambre est nécessaire. Cela signifie que dans la présente affaire, la Chambre devrait également examiner si elle peut faire droit au recours pour d'autres motifs, en l'occurrence au motif allégué que l'OEB a enfreint le principe de la bonne foi (également dénommé principe de la protection de la confiance légitime). Le requérant a mentionné plusieurs actes de l'OEB qui contreviennent selon lui au principe de la bonne foi et qui justifient qu'il soit fait droit au recours sur cette base. La Chambre examine successivement ces actes.
55. …
56. …
57. …
58. …
59. …
60. …
61. …
62. …
63. …
64. …
65. …
66. Ainsi qu'il a été démontré ci-dessus, les arguments avancés par le requérant sur la base d'une prétendue violation du principe de la bonne foi (protection de la confiance légitime) sont forcément inopérants. Par conséquent, l'issue du recours dépend de l'évaluation juridique des termes "en instance", telle qu'exposée ci-dessus.
Question soumise
67. Les questions formulées par le requérant ne sont pas toutes pertinentes pour une décision en l'espèce. A strictement parler, seule la question A i) doit être tranchée par la Chambre (cf. point XVI ci-dessus). Toutefois, la Grande Chambre de recours a déjà estimé, dans sa décision G 12/91 (loc. cit., point 2 des motifs), qu'une décision prononcée par oral devient effective du fait de son prononcé et qu'à ce moment correspond, en procédure écrite, la signification de la décision. Plus récemment, la Grande Chambre a confirmé ce point de vue dans sa décision R 5/08 du 5 février 2009 (points 11 s. des motifs), en indiquant d'abord qu'elle l'avait déjà établi dans ladite décision, et en ajoutant qu'il s'agissait aussi d'un principe généralement admis dans toutes les procédures devant l'OEB (ces deux affirmations étaient contestées par le requérant). Il s'ensuit premièrement qu'il importe peu, pour la décision en l'espèce, que la demande divisionnaire ait été déposée après le prononcé de la décision de rejet à la procédure orale, mais avant la signification des motifs écrits de cette décision. Deuxièmement, il semble à la Chambre que compte tenu des décisions G 12/91 et R 5/08, la question de droit qui détermine la réponse à la question A i) ne dépend effectivement pas du fait que la décision de la première instance ait été prononcée par oral ou signifiée par écrit. Il s'agit en revanche plus généralement de savoir si après son rejet, une demande demeure en instance au sens de la règle 25 CBE 1973 (règle 36(1) CBE) jusqu'à l'expiration du délai de recours, lorsqu'aucun recours n'a été formé. La Chambre de recours juridique a donc formulé la question soumise d'une façon plus générale, couvrant également la question A ii). Il n'est toutefois pas nécessaire, aux fins du présent recours, de répondre aux autres questions concernant le moment où une demande cesse d'être en instance dans une procédure de recours. Ces questions ne peuvent dès lors pas être soumises à la Grande Chambre de recours.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La question de droit suivante est soumise à la Grande Chambre de recours :
Une demande qui a été rejetée par une décision de la division d'examen demeure-t-elle en instance au sens de la règle 25 CBE 1973 (règle 36(1) CBE) jusqu'à l'expiration du délai de recours, lorsqu'aucun recours n'a été formé ?