DEUXIÈME PARTIE
LA JURISPRUDENCE DES CHAMBRES DE RECOURS ET DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS EN 2014
I. BREVETABILITÉ
A. Exceptions à la brevetabilité
1. Atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs
(Jurisprudence des chambres de recours, 7e éd. 2013 ("CLB"), I.B.2)
Dans l'affaire T 2221/10, la chambre était appelée à examiner si l'objet de la requête du requérant (demandeur) tombait sous le coup des exceptions à la brevetabilité en vertu de l'art. 53a) CBE, ensemble la règle 28c) CBE. Les revendications 1 et 2 de l'unique requête du requérant portaient sur des méthodes en vue de maintenir des cellules souches embryonnaires humaines en culture dans un état indifférencié. La revendication 5 portait sur une culture comprenant des cellules souches embryonnaires humaines. Ces cellules proviennent de la masse cellulaire interne d'embryons humains au stade du blastocyste et peuvent proliférer in vitro dans un état non différencié. Elles sont aptes à se développer pour former n'importe quel organe ou tissu du corps humain.
Le requérant a fait valoir que les procédés utilisant des lignées de cellules souches embryonnaires humaines disponibles commercialement ou d'une autre manière ne sont pas exclus de la brevetabilité, et ce au motif que leur mise en œuvre ne nécessite pas de détruire de novo des embryons humains.
S'agissant de l'argument du requérant selon lequel il serait excessif de prendre en considération toutes les étapes précédant une invention lorsqu'il s'agit d'apprécier si celle-ci est exclue de la brevetabilité, la chambre s'est référée au point 23 des motifs de la décision G 2/06 (JO 2009, 306) :
"Dans une affaire telle qu'en la présente espèce, où l'enseignement sur la manière d'obtenir les cellules souches embryonnaires humaines se limite à l'utilisation (impliquant leur destruction préalable) d'embryons humains, l'argument avancé par le demandeur, selon lequel l'exclusion de la brevetabilité irait beaucoup trop loin s'il fallait considérer toutes les étapes précédant une invention aux fins de la règle 28c) CBE (ancienne règle 23quinquies c) CBE) est dépourvu de pertinence."
Selon la chambre, cela signifie qu'il y a lieu, aux fins de la règle 28c) CBE, de prendre en considération toutes les étapes qui précèdent l'utilisation revendiquée de cellules souches embryonnaires humaines et qui constituent une condition nécessaire à la mise en œuvre de l'invention revendiquée. À cet égard, la Grande Chambre de recours n'a jamais fait de distinction entre les étapes qui ont été exécutées par l'inventeur et celles qui ont été effectuées par toute autre personne, ni entre les étapes qui ont été réalisées pour préparer directement les expériences conduisant à une invention et celles qui ont eu lieu bien avant lesdites expériences.
La chambre a décidé que sont exclues de la brevetabilité en vertu de l'art. 53a) CBE, ensemble la règle 28c) CBE les inventions qui utilisent des cellules souches embryonnaires humaines obtenues via la destruction de novo d'embryons humains ou qui utilisent des lignées de cellules souches embryonnaires humaines publiquement disponibles qui proviennent initialement d'un procédé entraînant la destruction des embryons humains. Elle a relevé que sa décision est conforme à l'arrêt C-34/10 de la Cour de justice de l'Union européenne.
2. Cellules souches embryonnaires
(CLB, I.B.2.1)
Dans l'affaire T 1441/13, la revendication 1 de la requête principale portait sur une méthode d'obtention de cellules sécrétrices de polypeptides. La méthode nécessitait l'utilisation d'une culture de cellules souches pluripotentes de primates, y compris, conformément à la description de la demande, de cellules souches embryonnaires humaines. La chambre a estimé qu'à la date pertinente du brevet litigieux, la méthode connue et pratiquée pour obtenir des cultures de cellules souches embryonnaires humaines – c'est-à-dire la substance de départ de la méthode selon la revendication 1 – comprenait des étapes précédentes qui impliquaient la destruction d'embryons humains. Ces méthodes destructives n'étaient pas exclues de la portée de la revendication 1. Conformément à la décision G 2/06 (JO 2009, 306), la chambre a donc jugé que la requête principale n'était pas admissible au titre de l'art. 53a) CBE et de la règle 28c) CBE.
3. Procédés essentiellement biologiques
(CLB, I.B.3.3)
Dans l'affaire T 1729/06, l'invention concernait la production de pastèques, et notamment de pastèques sans pépins. Les plantes qui donnent des pastèques sans pépins sont obtenues en croisant une lignée consanguine tétraploïde (plante femelle) avec une lignée consanguine diploïde (parent mâle). Les graines triploïdes qui en résultent peuvent germer et croître sous la forme d'une plante (pastèque) triploïde portant des fleurs mâles et femelles triploïdes. À l'instar des organismes triploïdes, ces plantes triploïdes sont toutefois mâles-stériles et femelles-stériles. Les fleurs femelles stériles doivent être pollinisées pour que les plantes triploïdes puissent donner des fruits. Des plantes (pastèques) pollinisatrices (diploïdes) doivent donc être semées dans le champ de culture de pastèques pour fournir le pollen nécessaire à la pollinisation des fleurs femelles triploïdes, et stimuler ainsi le développement de fruits. La demande portait principalement sur le développement de lignées de plantes pollinisatrices diploïdes optimisées et particulièrement avantageuses, ainsi que sur leur utilisation pour obtenir des pastèques triploïdes.
L'utilisation et les méthodes revendiquées concernaient toutes l'étape relative à la pollinisation de plantes (pastèques) triploïdes, grâce au pollen d'une plante (pastèque) pollinisatrice diploïde particulière, et aboutissaient au développement de pastèques triploïdes sans pépins dans les plantes triploïdes. Elles visaient donc intrinsèquement à obtenir des pastèques triploïdes sans pépins dans des plantes triploïdes existantes, et non à créer une plante dotée d'une nouvelle composition génétique à la suite d'une méiose. L'utilisation et les méthodes n'impliquaient pas une méiose réussie dans les fleurs des plantes triploïdes. En revanche, elles avaient simplement trait à la pollinisation des fleurs femelles stériles de la plante triploïde grâce au pollen de la plante pollinisatrice diploïde. Elles ne concernaient ni le croisement par voie sexuée de deux génomes complets de végétaux (qui implique une méiose et une fécondation), ni la sélection ultérieure de végétaux.
Par conséquent, la chambre est parvenue à la conclusion que l'utilisation et les méthodes faisant l'objet des revendications ne constituaient pas des méthodes qui, conformément aux décisions G 2/07 (JO 2012, 130) et G 1/08 (JO 2012, 206) de la Grande Chambre de recours, tombaient sous le coup de l'exclusion des "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux". La chambre a fait observer que dans ces décisions, la Grande Chambre de recours n'a pas défini de manière exhaustive l'objet pour lequel l'exclusion des procédés prévue à l'art. 53b) CBE s'applique, eu égard aux inventions végétales. Il convenait donc d'établir s'il existait d'autres motifs pour exclure de la brevetabilité les utilisations et méthodes revendiquées, en vertu de l'exclusion des procédés visée à l'art. 53b) CBE.
La chambre a estimé que tel n'était pas le cas. Elle a conclu que lorsqu'il avait rédigé l'art. 53b) CBE, le législateur n'avait pas eu l'intention d'exclure de la brevetabilité une catégorie entière d'inventions, à savoir les procédés horticoles ou agricoles (agronomiques), dont l'utilisation et les méthodes revendiquées faisaient incontestablement partie. S'agissant de la CBE 1973 (et de la CBE 2000), le législateur a uniquement souhaité exclure de la brevetabilité, dans le contexte des inventions végétales, les procédés – alors conventionnels – mis en œuvre par les obtenteurs de végétaux concernant de nouvelles variétés végétales, pour lesquelles il existe un titre de propriété spécial dans le cadre de la Convention UPOV, et les procédés qui, fondamentalement, ont un tel caractère.
Par conséquent, les utilisations et méthodes revendiquées n'étaient pas exclues de la brevetabilité en vertu de l'art. 53b) CBE, mais constituaient un "procédé technique", qui est brevetable au titre de la règle 27c) CBE.
Dans les affaires G 2/12 et G 2/13 (JO 2015, ***), examinées conjointement, la Grande Chambre de recours était appelée à se prononcer sur la question de savoir si l'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'art. 53b) CBE avait un effet négatif sur l'admissibilité de revendications de produit ou de revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention, portant sur des végétaux ou des matières végétales (comme un fruit ou des parties de végétaux) qui sont obtenus directement et/ou définis par un procédé essentiellement biologique.
La Grande Chambre a fait observer que les art. 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités s'appliquent à l'interprétation de la CBE. Elle a appliqué en conséquence les différentes approches méthodologiques prescrites, dont l'interprétation grammaticale, systématique et téléologique, et a pris en considération la Directive "Biotechnologie". Aucune de ces approches ne l'a toutefois amenée à conclure que, au-delà des procédés, l'expression "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" couvrait également les produits définis ou obtenus par de tels procédés. Cette conclusion s'est trouvée confirmée lorsque la Grande Chambre s'est référée aux travaux préparatoires à la CBE, en tant que moyen complémentaire d'interprétation.
La Grande Chambre a également examiné s'il était apparu, depuis la signature de la Convention, des éléments qui pourraient donner à penser qu'une interprétation littérale de la disposition en question serait en contradiction avec les objectifs poursuivis par le législateur. Elle a constaté que les développements dans le domaine des techniques d'obtention de végétaux n'avaient pas incité le législateur à modifier l'art. 53b) CBE et elle ne voyait pas pourquoi l'intention initiale de celui-ci lors de la formulation de cette disposition perdrait sa raison d'être du seul fait que de nouvelles techniques étaient aujourd'hui disponibles dans ce domaine.
La Grande Chambre a examiné la question de savoir si le fait d'autoriser la protection par brevet d'une revendication de produit ou d'une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention, portant sur des végétaux ou des matières végétales obtenus au moyen d'un procédé essentiellement biologique, pouvait être considéré comme un contournement de l'exclusion des procédés en question. Elle a répondu par la négative en se fondant sur le libellé explicite de l'art. 53b) CBE. La Grande Chambre a appelé l'attention sur le fait qu'élargir la portée de l'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux au point d'y inclure les produits obtenus par de tels procédés aurait pour effet de créer des incohérences dans le système de la CBE, puisqu'en règle générale, les végétaux et les matières végétales autres que des variétés végétales peuvent de manière générale être protégés par brevet.
En réponse à la question de savoir s'il était important que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'art. 53b) CBE, la Grande Chambre a souligné la distinction qui existe entre les exigences en matière de brevetabilité et l'étendue de la protection. La question de savoir si une revendication de produit ou une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention était brevetable devait être examinée indépendamment de l'étendue de la protection conférée par le brevet délivré.
La Grande Chambre a souligné que l'examen des considérations d'ordre éthique, social et économique dans le cadre du débat général ne relevait pas de ses fonctions juridictionnelles en tant qu'instance de décision. Elle n'avait pas pour mandat de s'impliquer dans la politique législative.
La Grande Chambre a indiqué qu'elle souscrivait au jugement rendu par le tribunal de première instance de La Haye le 8 mai 2013 et a attiré l'attention sur les divergences qui existent dans les lois nationales en ce qui concerne la brevetabilité de produits végétaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques.
Il a été répondu comme suit aux questions de droit soumises à la Grande Chambre de recours :
1. L'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'art. 53b) CBE n'a pas d'effet négatif sur l'admissibilité d'une revendication de produit portant sur des végétaux ou une matière végétale comme un fruit (G 2/12) ou des parties de végétaux (G 2/13).
2. Le fait que les caractéristiques d'un procédé contenues dans une revendication de produit caractérisée par son procédé d'obtention et portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale, définissent un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux n'a pas pour effet de rendre ladite revendication inadmissible (G 2/13). Le fait que l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué soit un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet n'a pas pour effet de rendre inadmissible une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale (G 2/12, G 2/13).
3. Dans ces circonstances, il est sans importance que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'art. 53b) CBE (G 2/12, G 2/13).
4. Méthodes de traitement thérapeutique
(CLB, I.B.4.4)
Dans l'affaire T 1075/09, la revendication 1 du brevet tel que délivré avait été modifiée au cours de la procédure devant la division d'opposition, par l'ajout de la caractéristique relative à l'administration de la FSH. Le requérant (opposant) a soulevé une objection au titre de l'art. 53c) CBE à l'encontre de la revendication 1.
L'intimé (titulaire du brevet) a fait valoir que la caractéristique "et dans laquelle la folliculogenèse est induite par l'administration de la FSH" faisait partie de la définition du groupe de patientes devant être traitées par le médicament selon la revendication 1, et qu'elle ne pouvait pas être considérée comme une méthode thérapeutique revendiquée, impliquant une intervention physique directe sur le corps humain. Selon lui, la revendication était de type suisse, si bien qu'aucune objection ne pouvait être soulevée au titre de l'art. 53c) CBE.
La chambre a fait observer que la revendication 1 concernait deux méthodes thérapeutiques différentes, à savoir i) l'administration de la FSH pour induire une folliculogenèse et ii) l'administration de la LH pour induire une paucifolliculogenèse ou une unifolliculogenèse chez les femmes à cycle anovulatoire du groupe II de l'OMS. La revendication 1 était rédigée de telle sorte que la finalité définie dans le format de type suisse se limitait à l'administration de la LH, tandis que l'administration de la FSH n'était pas couverte par le format de type suisse. Par conséquent, la revendication 1 enseignait l'administration directe de la FSH à une patiente aux fins d'induire une folliculogenèse, cette caractéristique constituant une méthode de traitement thérapeutique du corps humain qui impliquait une intervention physique directe sur le corps humain. Dans sa décision G 2/08 (JO 2010, 456), la Grande Chambre de recours a estimé qu'en vertu de la jurisprudence constante des chambres de recours, "toute revendication de procédé comportant ne serait-ce qu'une seule étape relevant par nature d'un traitement thérapeutique est inadmissible." La chambre a conclu que la revendication 1 était exclue de la brevetabilité au titre de l'art. 53c) CBE.
La chambre n'a pas fait sien l'argument de l'intimé selon lequel la caractéristique "et dans laquelle la folliculogenèse est induite par l'administration de la FSH" faisait partie de la définition du groupe de patientes devant être traitées par le médicament selon la revendication 1. La chambre a considéré que le groupe de patientes renvoyait clairement aux femmes à cycle anovulatoire du groupe II de l'OMS, et qu'il ressortait sans équivoque du texte de la caractéristique "et dans laquelle la folliculogenèse est induite par l'administration de la FSH" que l'administration de la FSH pour induire une folliculogenèse représentait une étape active qui s'inscrivait dans le cadre du traitement des femmes à cycle anovulatoire du groupe II de l'OMS.
B. Nouveauté
1. Informations extraites de l'Internet : preuve de la date à laquelle elles ont été disponibles
(CLB, I.C.2.5)
Dans la décision T 286/10, la chambre n'a pas partagé la conclusion tirée dans la décision T 1134/06 selon laquelle la publication antérieure d'une divulgation Internet doit être prouvée hors de tout doute raisonnable. Elle a estimé qu'il n'y a pas de base légale pour un régime de preuve différent de celui régissant les divulgations de l'art antérieur en général. Les publications Internet présentent une difficulté particulière par rapport aux publications conventionnelles, liée aux possibles modifications des documents dans le temps sans que la traçabilité des modifications soit aisément perceptible. Mais le remède à cette difficulté ne passe pas par une dérogation au régime commun de l'administration de la preuve selon lequel l'existence d'une publication antérieure doit être établie en appréciant les probabilités en fonction des circonstances de chaque cas (cf. T 2339/09, T 990/09, T 750/94, JO 1998, 32). Pour justifier la nécessité d'un standard de preuve strict pour les divulgations Internet, la décision T 1134/06 a fait référence à la décision T 472/92 (JO 1998, 161). Cependant, T 472/92 elle aussi a confirmé la jurisprudence constante des chambres de recours qu'en général les preuves sont appréciées en fonction de ce qui paraît le plus probable, et a fait une exception seulement en cas d'allégation d'une utilisation antérieure dont les preuves se trouvent presque toutes en la possession de l'opposant et ne sont connues que de lui seul.
Dans le cas présent la chambre considère que les circonstances des divulgations Internet avancées par la requérante, c'est-à-dire A9 et A10, ne sont pas assimilables à une utilisation antérieure nécessitant un standard de preuve plus rigoureux. D'ailleurs la décision T 1134/06, elle-même, a entrevu des cas dans lesquels, s'agissant d'un site Internet appartenant à un éditeur de bonne réputation et de confiance qui publie en ligne des versions correspondant à des publications papier, le contenu et la date peuvent être tenus pour acquis a priori sans nécessité de preuves supplémentaires. En d'autres termes les publications Internet n'impliquent pas par principe un régime dérogatoire de preuve, les incertitudes liées à ces divulgations doivent être levées de façon à procurer un degré de probabilité suffisant, et établir la présomption d'accessibilité qui emportera la conviction du juge. Il n'y a aucune raison de hausser le degré des probabilités à hauteur de l'absence de tout doute raisonnable.
En l'espèce la chambre considère que www.jacksonville.com exploité par le journal "The Times-Union" est, à première vue, une source d'information connue et fiable et la chambre conclut qu'il en résulte une présomption suffisante que A9 a été publié le 28 mai 2000. Le document A10 a apparemment été archivé par l'archive Internet le 9 juillet 2001. La chambre a considéré que normalement le fait qu'un document a été archivé par l'archive Internet www.archive.org à une certaine date, sauf bien entendu circonstance particulière jetant une suspicion, constitue en soi une présomption suffisante que le document a été accessible au public au jour de téléchargement et rendu accessible au public via l'archive Internet elle-même peu après. L'archive Internet, une initiative d'archivage privé et non-lucratif, met à la disposition du grand public des instantanés antérieurs de l'Internet. Depuis sa création en 1996, elle est devenue très populaire et a développé une bonne réputation. Donc la chambre conclut que A9 et A10 doivent être considérés comme faisant partie de l'art antérieur.
Dans l'affaire T 1961/13, la division d'examen avait estimé que le document D2 avait été rendu accessible au public avant la date de priorité de la demande. Dans la décision contestée, elle ne s'était pas fondée uniquement sur la date imprimée sur le document. De son point de vue, le document avait été rendu accessible au public le 15 février 1999, ou avant cette date, compte tenu de sa publication sur un site Internet, à l'adresse URL à laquelle il avait été trouvé. À l'appui de cette affirmation, la division d'examen avait renvoyé au document D7, qui consistait en une capture d'écran montrant les résultats générés par Google en réponse à une recherche rapide dans les pages en cache de Google et affichant l'adresse URL du document D2 ainsi que la date du 15 février 1999 ("15 Febr. 1999"). Selon la division d'examen, cela montrait que l'adresse URL du document D2 avait fait l'objet d'une copie instantanée ("snapshot") par Google le 15 février 1999.
La chambre a réfuté l'argumentation de la division d'examen fondée sur la capture d'écran figurant dans le document D7. Le document D7 présentait le résultat d'une recherche classique de documents Internet sur Google, filtrée en fonction d'une plage de dates et utilisant une partie du titre du document D2 comme critère de recherche. L'unique résultat généré semblait identifier le document D2 à l'adresse URL à laquelle il avait été trouvé. Cela ne signifiait pas que Google avait mis le document D2 en cache ou en avait réalisé une copie instantanée, mais qu'il avait, à un moment donné, trouvé et indexé le document D2 à cette adresse URL.
En résumé, la chambre a estimé qu'une date indiquée par Google ne permettait pas en soi d'apporter la preuve de la date de publication d'un document. Une telle date, extraite du texte du document, n'ajoutait rien aux informations ressortant du document lui-même. La chambre a donc conclu que l'on ne pouvait déduire des preuves présentées par la division d'examen que le document D2 avait été rendu accessible au public avant la date de priorité.
2. Contenu de l'état de la technique – prise en considération de dessins
(CLB, I.C.3.6)
Dans l'affaire T 1488/10, la demande portait sur un connecteur de composants empilés d'un ensemble de sonotrode ultrasonique défini par une interface dans laquelle le segment libre de toute connexion avait une longueur entre 50 et 75% de la longueur totale du connecteur. La division d'examen avait rejeté la demande de brevet pour défaut de nouveauté. Elle avait notamment avancé que cette caractéristique de la revendication avait été divulguée dans le document D3.
La figure 4 illustrait les principaux éléments des transducteurs à ultrasons visés, en particulier un goujon reliant deux faces (82, 84). Elle indiquait également la longueur longitudinale (L1) de la face antérieure (82) et la profondeur (L2) des fentes (82a) dans la face antérieure. Sachant que le rapport entre ces longueurs telles que mesurées dans la figure 4 était pour l'essentiel identique au rapport entre ces longueurs tel que ressortant de la description, la division d'examen avait conclu que – tout au moins pour ce qui était de l'axe longitudinal – les dimensions relatives indiquées dans la figure 4 pouvaient être considérées comme correspondant aux dimensions relatives réelles.
La chambre a considéré que la figure 4 était un dessin schématique, comme on en utilise fréquemment dans une demande de brevet. Elle a indiqué que la longueur (L1) de la face antérieure (82), ainsi que la profondeur (L2) et la largeur (t) des fentes jouaient un rôle particulier dans les transducteurs à ultrasons visés dans le document D3. On pouvait dès lors s'attendre à ce que le rapport entre les longueurs schématiques représentées dans la figure 4 corresponde au rapport entre les longueurs mentionnées dans la description. Comme le rapport L2/L1 avait été décrit comme étant compris entre 1/3 et 1/2, le rapport dans le dessin schématique aurait dû également correspondre à cette plage de valeurs. Cependant, les dimensions des autres parties du transducteur à ultrasons représenté dans la figure 4 étaient à distinguer de L1, de L2 et de t, d'une part, parce qu'aucun signe n'y faisait référence dans la figure et, d'autre part, parce qu'elles n'étaient pas décrites comme revêtant une importance particulière quelconque pour l'invention revendiquée. Ainsi, la description ne mentionnait pas les avantages susceptibles d'être obtenus selon les dimensions choisies pour ces autres parties.
S'agissant de la représentation des dimensions de ces autres parties du dispositif, des facteurs tels qu'une meilleure visibilité dans la figure auraient pu amener le dessinateur à les représenter d'une façon qui ne correspondait pas à leurs dimensions réelles. Par conséquent, la chambre a estimé que les dimensions de ces autres parties du transducteur à ultrasons, obtenues par simple mesure du schéma représenté dans la figure 4, ne faisaient pas partie de la divulgation du document D3 (cf. T 204/83, point 7 des motifs). La caractéristique (ii) de la revendication 1 de la requête principale n'avait donc pas été divulguée dans le document D3.
3. Constatation de différences – caractéristiques fonctionnelles
(CLB, I.C.4.2.5)
Selon la décision contestée, le capteur de D1 antériorisait toutes les caractéristiques de la revendication 1. Le titulaire du brevet ne remettait pas en cause cette conclusion, sauf en ce qui concerne la caractéristique F de la revendication 1, qui s'énonçait comme suit : "dans lequel le capteur fournit une mesure qui est en corrélation avec la quantité d'analyte dans une période de 10 secondes ou moins". Dans l'affaire T 872/09 (cf. également chapitre IV.E.5.2.2 "Rétention de requêtes par le titulaire du brevet au cours de la procédure d'opposition"), la chambre a indiqué que le capteur revendiqué était défini par référence aux caractéristiques de sa réponse lors de son utilisation dans un système de mesure. Aucun des aspects déterminants de ce système n'ayant été défini dans la revendication 1, les caractéristiques techniques du capteur revendiqué permettant d'effectuer la mesure visée dans la revendication demeuraient obscures. Or, afin de garantir la sécurité juridique, un objet revendiqué ne saurait être considéré comme nouveau par rapport à l'état de la technique sur la base d'une caractéristique ambiguë (cf. T 1049/99, point 4.4 des motifs). Par conséquent, le fait de définir une caractéristique fonctionnelle du capteur électrochimique revendiqué sans préciser les conditions de fonctionnement correspondantes ne permettait pas de distinguer ledit capteur des capteurs électrochimiques de l'état de la technique. Cela est d'autant plus vrai lorsque, comme dans le cas d'espèce, de telles conditions ont une grande incidence sur les résultats obtenus. Étant donné que la caractéristique F ne différenciait pas le capteur revendiqué du capteur de D1, ce dernier antériorisait l'objet de la revendication 1.
4. Deuxième utilisation médicale
4.1 Possibilité de mise en œuvre du contenu d'une divulgation
(CLB, I.C.3.11)
Dans l'affaire T 1457/09, la revendication 4 était rédigée sous la forme d'une revendication relative à une deuxième utilisation médicale. Dans la décision contestée, la division d'opposition avait constaté que l'objet de cette revendication était antériorisé par le document intercalaire (D1). Elle avait estimé que les deux documents (D1) et (D1a - le document de priorité de D1) divulguaient des compositions pharmaceutiques comprenant le peptide RMFPNAPYL, ainsi que leur utilisation en tant que vaccin contre le cancer.
La chambre a constaté qu'en vertu de la jurisprudence constante, une divulgation n'est destructrice de nouveauté que si l'enseignement technique qu'elle contient peut être mis en œuvre, en d'autres termes si elle peut être réalisée par l'homme du métier (cf. "Jurisprudence des chambres de recours", 7e éd. 2013, I.C.3.11, et en particulier T 1437/07). Pour que cette exigence relative à la possibilité de mise en œuvre soit réputée satisfaite concernant une utilisation médicale, la divulgation contenue dans le document de l'état de la technique doit montrer de façon crédible que l'effet thérapeutique sur lequel est fondé le traitement divulgué peut être réalisé (cf. T 609/02). La chambre a estimé que dans le cas d'espèce, un document de l'état de la technique n'était destructeur de nouveauté que si non seulement il divulguait la substance visée dans la revendication (en l'occurrence le peptide RMFPNAPYL) pour l'application thérapeutique revendiquée (dans le cas présent le traitement du cancer), mais précisait également que cette substance se prêtait effectivement à l'application thérapeutique revendiquée.
La chambre a conclu que les résultats expérimentaux divulgués dans le document (D1a) ne permettaient pas de conclure de façon crédible que le peptide RMFPNAPYL se prêtait au traitement du cancer. Par conséquent, le document (D1) ne détruisait pas la nouveauté de l'objet de la revendication 4.
4.2 Revendications de substance proposée à une fin spécifique et revendications de type suisse
(CLB, I.C.6.2.1)
Dans l'affaire T 1780/12 où se posait la question de la double protection par brevet, la chambre a examiné si l'objet d'une revendication portant sur une nouvelle utilisation médicale d'un composé connu était identique, que la revendication soit rédigée sous la forme d'une revendication de type suisse ou sous la forme prescrite par l'art. 54(5) CBE.
La décision portait sur une demande divisionnaire dont la revendication principale était une revendication de substance proposée à une fin spécifique, selon l'art. 54(5) CBE. La revendication 1 de la demande initiale avait été rédigée comme une revendication de type suisse. La division d'examen avait estimé que les revendications de la demande initiale et de la demande divisionnaire avaient le même objet "en ce sens que les deux revendications concernaient chacune la même invention revendiquée sous une forme différente." Elle avait rejeté la demande au motif que la double protection par brevet était interdite.
La chambre a considéré qu'il n'y avait pas de double protection par brevet. La question déterminante était de savoir si les revendications du brevet délivré sur la base de la demande divisionnaire et celles du brevet délivré sur la base de la demande initiale portaient sur le même objet. La catégorie d'une revendication et ses caractéristiques techniques constituent son objet et déterminent l'étendue de la protection (cf. G 2/88, JO 1990, 93). Les revendications en question appartenaient à deux catégories différentes : les revendications de type suisse étaient des revendications de procédé proposé à une fin spécifique (utilisation de X pour fabriquer un médicament destiné au traitement de la maladie Y), tandis que les revendications selon l'art. 54(5) CBE étaient des revendications de substance proposée à une fin spécifique (substance X pour une utilisation dans le traitement de la maladie Y). S'agissant des caractéristiques techniques, la chambre a conclu que les deux jeux de revendications définissaient le même composé et la même utilisation thérapeutique, mais que les revendications de type suisse comprenaient en outre la caractéristique relative à la fabrication d'un médicament, ce qui n'était pas le cas de la revendication selon l'art. 54(5) CBE. L'objet revendiqué n'était dès lors pas identique. Cette conclusion a été suivie dans la décision T 879/12.
En ce qui concerne l'étendue de la protection, la chambre a considéré qu'une revendication de procédé proposé à une fin spécifique, telle qu'une revendication de type suisse, conférait une protection moins large qu'une revendication de substance proposée à une fin spécifique telle qu'une revendication selon l'art. 54(5) CBE (pour plus de détails concernant la double protection par brevet, voir le chapitre II.F.3.1).
Dans l'affaire T 1570/09, le jeu de revendications de la requête principale comprenait deux revendications indépendantes, la revendication 1 revêtant la forme d'une revendication de type suisse et la revendication 4 celle d'une revendication de substance proposée à une fin spécifique selon l'art. 54(5) CBE. Ces revendications visaient à obtenir une protection pour une seule et même utilisation médicale d'une seule et même substance active. La revendication de substance proposée à une fin spécifique (revendication 4) visait à protéger la même indication médicale de la même substance que la revendication de type suisse (revendication 1), et la nouveauté théorique de la revendication 1 ne découlait pas du médicament lui-même. La chambre a estimé qu'il n'y avait plus objectivement aucune raison justifiant la présence concomitante de ces deux revendications dans le jeu de revendications proposé en vue de la délivrance. Le fait d'admettre un tel jeu de revendications donnerait lieu à une situation juridique contradictoire, dans laquelle les anciennes dispositions de l'art. 54 CBE 1973 ensemble l'art. 52(4) CBE 1973 et les nouvelles dispositions de l'art. 54 CBE ensemble l'art. 53c) CBE seraient applicables simultanément à un seul et même jeu de revendications.
L'art. 54(5) CBE était applicable dans le cas d'espèce, si bien que la revendication 4 de la requête principale (revendication de substance proposée à une fin spécifique) était admissible dans la mesure où elle portait sur une nouvelle indication médicale d'une substance connue. La formulation de type suisse était censée constituer une exception en vertu des anciennes dispositions (CBE 1973). Sur le plan juridique, il n'y avait donc plus aucune raison d'admettre la revendication 1 (de type suisse) dans le jeu de revendications de la requête principale. Il ne pouvait donc être fait droit à la requête principale.
C. Activité inventive
1. Approche problème-solution
(CLB, I.D.2)
En première instance, la division d'examen avait considéré le document D4 comme état de la technique le plus proche alors que le demandeur considérait que l'état de la technique le plus proche était représenté par le document D1. Vu les modifications apportées à l'objet revendiqué par lettre datée du 18 février 2014, la chambre statuant sur l'affaire T 1437/09 a estimé que D1 et D4 constituaient tous deux des points de départ valables pour apprécier l'activité inventive, notamment parce que D1 et D4 appartenaient tous deux au domaine technique de l'invention (modulateurs optiques) et divulguaient des dispositifs de même type. Lorsque plusieurs documents représentant l'état antérieur de la technique peuvent tous plausiblement servir de point de départ pour apprécier l'activité inventive, la jurisprudence constante veut que la question de l'activité inventive soit appréciée vis-à-vis de chacun desdits documents avant d'être tranchée (cf. T 967/97, point 3.2 des motifs ; T 308/09, point 1.4.1 des motifs). La chambre de conclure que le modulateur optique revendiqué impliquait une activité inventive tant par rapport à D4 que par rapport à D1 considérés tour à tour comme état de la technique le plus proche.
2. État de la technique le plus proche
(CLB, I.D.3)
Dans l'affaire T 1760/11 relativement à l'activité inventive, la chambre avait choisi D2 comme état de la technique le plus proche. La chambre a rejeté la demande formulée par les requérants de saisir la Grande Chambre de recours de la question suivante (article 112(1)a) CBE) : lorsque plusieurs points de départ sont possibles, est-il admissible, à l'encontre de T 21/08, de conclure à l'existence d'une activité inventive en appliquant l'approche problème-solution sur la base d'un seul point de départ à l'exclusion des autres ? La chambre a aussi rejeté l'objection élevée par les requérants en vertu de la règle 106 CBE selon quoi l'activité inventive devrait être abordée à partir du document D1. Dans l'affaire R 5/13 (et dans R 9/13, R 10/13, R 11/13, R 12/13 et R 13/13, toutes dirigées contre T 1760/11), les requérants firent valoir qu'ils auraient dû être autorisés à argumenter sur toutes les questions relatives à l'activité inventive, à n'importe quel stade de l'approche problème-solution et eu égard à tous les points de départ qui leur semblaient bons, peu importe que la chambre eût cadré la discussion en établissant d'abord quel(s) document(s) constituai(en)t le(s) point(s) de départ le(s) plus prometteur(s). La Grande Chambre a énoncé que la chambre non seulement s'en était tenue pour les débats à l'ordre annoncé dans sa notification accompagnant la citation à la procédure orale, mais avait ce faisant aussi appliqué systématiquement la méthode standard de l'approche problème-solution.
Selon la Grande Chambre, l'examen de la question de savoir si l'objet d'une revendication implique ou non une activité inventive selon la méthode bien établie de l'approche "problème-solution" relève du droit matériel. Même chose en ce qui concerne la détermination de l'état de la technique le plus proche comme première étape de l'approche problème-solution, qu'un seul ou plusieurs documents soient retenus comme points de départ ou comme tremplins les plus prometteurs pour arriver à l'invention. La requête en révision ne peut être un moyen de revoir l'application correcte du droit matériel (jurisprudence constante).
La Grande Chambre a fait observer qu'un élément pertinent de l'espèce était le principe de l'économie de la procédure, qui implique que les chambres de recours se concentrent sur les points pertinents pour la décision. C'est pourquoi la Grande Chambre n'a pas suivi l'argumentation des requérants selon laquelle la chambre aurait été tenue de les laisser poursuivre leur plaidoirie relative à un manque d'activité inventive à partir du document D1, malgré la conclusion de la chambre de ne pas retenir ledit document comme état de la technique le plus proche et point de départ pour la suite des débats sur l'activité inventive.
2.1 Identité du problème technique
(CLB, I.D.3.3)
Dans l'affaire T 25/13, l'invention se rapportait à un dispositif de fixation d'un actionneur à un boîtier, pour véhicule automobile. D4, le seul document invoqué par l'opposant -sur lequel reposait la charge de la preuve- pour combattre l'activité inventive décrivait un dispositif de fixation pour un sèche-linge.
La chambre énonce qu'un document servant de point de départ à l'appréciation du caractère inventif d'une invention devrait se rapporter au même problème technique ou à un problème technique similaire, ou du moins à un domaine technique identique ou étroitement lié à celui du brevet en cause. Le domaine technique des appareils ménagers tels qu'un sèche-linge n'est ni identique ni étroitement lié à celui de la technologie automobile. Ainsi, D4 et en particulier le mode de réalisation montré dans les dessins qui concerne un sèche-linge, ne pouvait pas représenter "l'état de la technique le plus proche" pour le simple fait qu'il ne relève pas d'un domaine proche à celui de l'invention. L'enseignement du document D4 pourrait dans ce contexte représenter une source d'information secondaire que l'homme du métier pourrait consulter pour résoudre un problème technique en partant d'un "état de la technique le plus proche" approprié à condition qu'il y soit incité par le problème technique à résoudre.
Bien que l'opposante soit en principe effectivement libre dans le choix du point de départ, son choix a par la suite des implications par rapport aux connaissances techniques de l'homme du métier qu'il faudra prendre en compte. Dès lors, sur l'invocation par l'opposante de D4 comme point de départ, la chambre, après examen détaillé, conclut que soit l'on choisissait un homme du métier du domaine technique de l'invention auquel cas cet homme du métier n'aurait pas consulté le document D4 qui relevait d'un domaine technique totalement étranger, soit l'on choisissait le document D4 comme point de départ impliquant en effet que l'homme du métier à considérer était celui du domaine des appareils ménagers, pour lequel il n'était pas évident en l'espèce de modifier la fixation de D4 pour l'adapter à une utilisation dans la technologie automobile.
La requérante (opposante), libre en principe de choisir le point de départ, ayant choisi en l'espèce D4 comme point de départ, la chambre conclut donc que l'objection telle que formulée par la requérante à partir de D4 ne suffisait pas à remettre en question que l'objet de la revendication 1 impliquait une activité inventive.
2.2 Caractère spéculatif de l'état de la technique le plus proche
(CLB, I.D.3.4.6)
Dans l'affaire T 1764/09, la chambre a relevé que dans une première argumentation, la division d'examen avait opéré un choix discutable en partant du document D1 comme état de la technique le plus proche. D1 ne faisait que spéculer sur ce qui serait potentiellement faisable à l'avenir. Il ne décrivait aucune réalisation concrète d'une lentille de contact ou d'une lentille intraoculaire pleinement adaptée. Pour ce seul motif déjà, D1 ne pouvait être considéré objectivement comme point de départ réaliste ou comme tremplin le plus prometteur vers l'invention revendiquée.
3. Problème technique
(CLB, I.D.4)
Dans l'affaire T 632/10, la chambre a indiqué que la demande portait sur la manière de garantir l'authenticité à long terme de documents électroniques sur la base de ce qu'il est convenu d'appeler "signature électronique" ou "signature numérique". Selon la chambre, un problème objectif résolu par l'invention consistait à mettre en œuvre une signature numérique selon D1 qui assure une preuve d'authenticité à long terme conformément à l'art. 17 du règlement allemand sur les signatures (SigV). Pendant la procédure orale, le requérant (demandeur) a fait valoir que ledit règlement allemand n'était peut-être pas pertinent pour une demande européenne désignant, comme le faisait la demande litigieuse, des États autres que l'Allemagne, le respect de la loi allemande n'étant pas une préoccupation en dehors des frontières de l'Allemagne. La chambre n'a pas suivi cette argumentation. Même si l'invention n'est évidente que pour l'homme du métier allemand ou résident en Allemagne, elle manque malgré tout d'activité inventive au sens de l'art. 56 CBE 1973. Le fait que le règlement allemand sur les signatures ne s'applique qu'en Allemagne n'affecte ni sa qualité d'art antérieur ni sa pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive hors de l'Allemagne.
3.1 Formulation du problème technique
(CLB, I.D.4.3)
Dans l'affaire T 2044/09, la chambre a considéré que D1 était le meilleur point de départ pour aborder l'activité inventive. Le fermentateur de la revendication 1 diffère de celui de D1 en ce qu'il est relié à un conduit de recirculation comprenant des capteurs ou des analyseurs pour mesurer les composants du substrat. L'intimé (titulaire) a estimé que cette différence par rapport à l'art antérieur améliorait le procédé (meilleure reproductibilité, meilleur rendement, meilleur contrôle). La chambre a noté que cet effet n'était étayé ni dans le brevet ni nulle part dans le dossier, ce que n'a pas contesté l'intimé. Vu l'absence de données à l'appui de l'amélioration alléguée, ledit effet ne pouvait pas être pris en compte pour formuler le problème technique. Ce dernier est donc formulé comme suit : fournir un nouveau fermentateur en forme de U ou un nouveau système de fermentation. La chambre était ici convaincue que le problème technique avait bien été résolu, mais il restait à voir si l'homme du métier arriverait à la solution de façon évidente.
La chambre a fait remarquer qu'un objet revendiqué n'est pas inventif du simple fait qu'il est nouveau par rapport à l'art antérieur, même après combinaison de plusieurs documents. En fait, en l'absence d'un effet avéré par rapport à l'art antérieur, il est considéré que l'on a affaire à une modification arbitraire non fonctionnelle de l'art antérieur. Même si l'art antérieur ne comporte aucun indice, aucune suggestion concernant l'ajout d'une caractéristique distinctive, si ladite modification n'est pas liée à une fonctionnalité particulière, elle ne peut pas en soi servir de base à la reconnaissance d'une activité inventive.
D6 était une déclaration d'un expert du domaine. La chambre n'a pas interprété cette déclaration comme prouvant l'existence d'un élément dissuasif dans l'art antérieur, dont il aurait fallu démonter qu'il était présent à la date de priorité. D6 était plutôt l'avis d'un expert émis presque dix ans après la date de priorité. En tout état de cause, même si l'on admettait que D6 démontrait l'existence d'un enseignement éloignant l'homme du métier de l'objet revendiqué, le brevet n'a pas apporté la preuve qu'un préjugé avait été surmonté. Enfin, même s'il était démontré que l'amélioration du procédé alléguée résultait de la modification de l'art antérieur le plus proche, si l'homme du métier attend un certain avantage de chaque caractéristique d'une revendication et n'obtient rien de plus que cet avantage, la combinaison de caractéristiques revendiquée est évidente (T 204/06). En l'espèce, il n'a même pas été confirmé que l'avantage escompté ait été atteint, et encore moins un effet inattendu. La chambre de conclure que les revendications de la requête principale ne satisfaisaient pas aux exigences de l'art. 56 CBE.
4. Homme du métier
4.1 Identification de l'homme du métier pour les inventions mises en œuvre par ordinateur
(CLB, I.D.8.1.4)
Dans l'affaire T 407/11, la chambre a estimé que s'agissant de mettre à la disposition de l'utilisateur d'un système informatique une aide à l'utilisation d'une interface (p. ex. avertissements ou messages d'erreurs), l'homme du métier n'est pas un expert en programmation ou en technologie informatique au sens strict, mais plutôt un expert de l'ergonomie logicielle dans le domaine de l'interaction entre l'Homme et la machine. D'après la chambre, le problème technique objectif posé à cet homme du métier était d'empêcher que, par la faute de l'utilisateur, un système électronique de traitement de données n'exécute pas ou exécute de manière insatisfaisante une fonction lancée par l'utilisateur. La chambre n'a en revanche pas considéré que l'effet technique énoncé dans la demande - à savoir simplifier l'utilisation d'une interface orientée objet et réduire ainsi les obstacles ou les difficultés liés à la familiarisation d'un débutant ou d'un nouvel utilisateur avec l'interface, de manière à faciliter et à rendre plus intuitif l'apprentissage du procédé résultant - était une conséquence directement déductible et immédiate des caractéristiques distinctives. En effet, selon la chambre, les attributs "utilisation simplifiée" ou "familiarisation facile et intuitive" sont généralement subjectifs, c'est-à-dire qu'ils dépendent des préférences et de l'expérience individuelles ou des capacités intellectuelles de l'utilisateur, tandis que le classement des utilisateurs selon les niveaux "débutant", "nouvel utilisateur" ou "avancé" s'appuie en général sur différents critères qui ne sont pas clairement définis (points 2.1.3 à 2.1.6 des motifs).
4.2 Domaine voisin
(CLB, I.D.8.2)
Pour savoir si le domaine de l'état de la technique est voisin du domaine de la demande, au sens de la décision T 176/84, la chambre statuant dans l'affaire T 1910/11 a jugé qu'il ne s'agissait pas avant tout de déterminer si les paramètres d'exécution étaient identiques, mais plutôt de déterminer le degré de similitude des problèmes, des conditions limites et des concepts fonctionnels de ces domaines techniques. En l'espèce (voir motif 2.1.6), la chambre a conclu que les domaines techniques de l'automobile et de l'aéronautique sont généralement considérés comme des domaines voisins, étant donné la similarité des problèmes (p. ex. la sécurité, la robustesse et la fiabilité), des conditions limites (p. ex. la mobilité) et des concepts fonctionnels (p. ex. la séparation physique/logique des systèmes de transmission de données relatives à la sécurité et à l'entretien dans le véhicule).
5. Appréciation de l'activité inventive
5.1 Traitement de caractéristiques techniques et non techniques
(CLB, I.D.9.1.4)
Dans T 2035/11, la demande portait principalement sur des systèmes de navigation adaptables aux désidératas de l'utilisateur, l'accent étant mis sur la fonction de calcul d'itinéraires. Estimant que l'objet de la revendication 1 manquait d'activité inventive au sens des art. 52(1) et 56 CBE, la chambre a rappelé que les algorithmes mathématiques peuvent contribuer au caractère technique d'une invention pour autant qu'ils répondent à une finalité technique (cf. par exemple T 1784/06). En l'occurrence, l'algorithme ne visait qu'à afficher un itinéraire optimal aux fins d'un traitement cognitif par l'utilisateur. Ce dernier pouvait se servir de l'information mais il n'était pas tenu de le faire. Comme l'affirme la décision T 1670/07, un effet technique peut émaner soit d'un apport de données relatives à un procédé technique, indépendamment de la présence de l'utilisateur ou d'un usage ultérieur, soit d'un apport de données – y compris de données qui sont exclues prises isolément, par exemple les données produites à l'aide d'un algorithme – appliquées directement dans un procédé technique. En l'espèce, aucune de ces deux possibilités ne s'appliquait puisque les données étaient générées au moyen d'un algorithme et n'étaient pas directement mises en œuvre dans un procédé technique.
La chambre n'a pas fondé son raisonnement sur une indication particulière de l'état antérieur de la technique, mais sur le fait que le changement algorithmique proposé ne répondait à aucune motivation technique et que sa mise en œuvre était sans conteste insignifiante. Quant au point de vue du requérant selon lequel le caractère technique est sans incidence sur l'appréciation de l'activité inventive, il est contraire à la jurisprudence constante. La chambre a noté que la Cour suprême fédérale d'Allemagne était parvenue à une conclusion analogue eu égard à un système de navigation offrant la possibilité d'exclure des tronçons sur la base d'une propriété sélectionnable par l'utilisateur, par exemple lorsque le tronçon est une route à péage (cf. BGH, 18 décembre 2012, X ZR 3/12, GRUR 2013, 275 – Calcul d'itinéraire).
5.2 Inventions de problème
(CLB, I.D.9.10)
Dans l'affaire T 764/12, le problème technique que se proposait de résoudre le brevet tel que présenté par l'intimé (titulaire) consistait à fournir des gommes à mâcher comprenant des polymères élastomériques dégradables qui conservent leur qualité masticatoire sans se dégrader durant le stockage. Pour résoudre ce problème, le brevet propose les gommes à mâcher pelliculées de la revendication 1, comprenant 0,1 à 0,75 % en poids d'un revêtement externe. La chambre a reconnu que le problème avait été résolu de façon crédible.
La contribution technique du brevet litigieux consistait à identifier un problème jusque-là ignoré de l'art antérieur, à savoir la protection, pendant le stockage à température ambiante, d'une gomme à mâcher comprenant des polymères biodégradables. Comme il est indiqué dans la décision T 2/83 (JO 1984, 265) portant sur les "inventions de problème", la découverte d'un problème méconnu peut dans certains cas résulter en un objet brevetable. D'après cette décision, cela peut être le cas même si en elle-même la solution revendiquée paraît rétrospectivement banale et évidente.
Dans ces circonstances, le requérant avait tort d'affirmer que l'invention revendiquée manquait d'activité inventive parce qu'il était bien connu que le revêtement réduit la dégradation qui se produit au fil du temps. La chambre a reconnu l'activité inventive non pas du fait que l'invention n'était pas évidente au vu de l'art antérieur, mais parce que la perception du problème constituait en l'espèce la contribution principale au mérite inventif de la solution revendiquée.
5.3 Exemples de négation de l'existence d'une activité inventive
(CLB, I.D.9.18)
Dans l'affaire T 405/13, la chambre a indiqué que l'invention était un compteur avec capteur de glucose à réponse rapide, caractérisé en ce que le circuit de comptage de temps est adapté en outre pour forcer la mesure de courant à se produire à un temps de 5 secondes ou moins après la détection de l'application d'un échantillon. Le problème technique à résoudre consiste à mettre en œuvre un circuit chronométreur qui déclenche une mesure du courant à un moment concret dans le temps. Déterminer si la solution revendiquée à ce problème est évidente revient à savoir si l'homme du métier, en mettant en pratique le compteur de D10, arriverait à une valeur tombant dans la plage revendiquée. Une approche semblable avait été suivie pour apprécier l'évidence dans les décisions T 408/12 (point 7.3 des motifs) et T 315/97 (point 3.3.1 des motifs). Selon la chambre, inclure la valeur revendiquée (5 secondes ou moins après la détection d'une application d'échantillon) dans l'intervalle de temps raisonnablement large nécessité par le circuit chronométreur du compteur de D10 ne peut constituer une activité inventive, d'autant moins que la réduction du temps de mesure est un souhait évident de l'utilisateur. La chambre a jugé que l'objet de la revendication 1 manquait d'activité inventive au vu de la divulgation de D10 (compteur biodétecteur).
L'objet de la revendication 1 est une composition de vaccin au moins tétravalent. La composition revendiquée a pour but d'offrir une large protection contre les VPH, en particulier ceux à l'origine du cancer du col de l'utérus. La division d'examen a estimé que le document D8 représentait l'état de la technique le plus proche de l'objet de la revendication 1, ce qui a été contesté par le requérant, qui considère que c'est le document D10 qui représente l'état de la technique le plus proche. Dans sa décision T 1493/09, la chambre s'est ralliée à l'avis de la division d'examen. Concernant l'évaluation de l'évidence, le requérant/demandeur a fait valoir que l'homme du métier cherchant à résoudre le problème formulé et donc à fournir un vaccin efficace pour les humains n'aurait pas envisagé d'appliquer directement l'enseignement du document D8 en matière d'adjuvants. Il a allégué en particulier qu'étant donné que le document D8 ne portait que sur l'expérimentation animale, qui ne permet pas de prédire l'efficacité de la protection chez les humains, l'homme du métier aurait eu besoin de chercher des enseignements supplémentaires sur ce point. Toutefois, la chambre a estimé que l'homme du métier cherchant à résoudre le problème formulé (mise à disposition d'un vaccin très efficace contre les VPH, qui offre en particulier une large protection contre le cancer du col de l'utérus) ne se limiterait pas aux seules formulations destinées à une utilisation immédiate dans le cadre d'essais cliniques réalisés sur des sujets humains. Il semble réaliste que l'homme du métier considère la réalisation d'essais supplémentaires dans le cadre de l'expérimentation animale, tels que décrits dans le document D8, comme un but possible de la composition revendiquée.
En tenant compte de l'enseignement du document D8, considéré seul ou combiné avec le document D10, l'homme du métier serait parvenu à la solution proposée par la revendication 1 de la requête principale sans que cela implique une activité inventive. Les exigences de l'art. 56 CBE n'ont par conséquent pas été remplies.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 (relative à la deuxième indication médicale de la composition de vaccin) mentionnait explicitement l'effet thérapeutique ("prévention ou traitement d'un trouble lié à une infection par le VPH") comme une caractéristique, contrairement à la revendication 1 de la requête principale. De fait, cet effet (le même que celui explicitement mentionné dans la revendication 1 de la requête subsidiaire) avait déjà été pris en compte par la chambre pour évaluer l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 de la requête principale. La chambre a estimé que l'appréciation de l'activité inventive concernant l'objet de la revendication 1 de la requête principale selon l'approche problème-solution s'appliquait à l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire sans que le raisonnement en soit modifié.
D. Application industrielle
(CLB, I.E.1)
Dans l'affaire T 533/09, la division d'examen, par la voie d'un obiter dictum, a estimé dans sa décision de rejet de la demande que l'objet de la revendication 1 n'était pas susceptible d'application industrielle. Elle a, notamment, considéré qu'un "train d'impulsions élémentaires tel que défini dans les revendications 1 à 16 constitue un phénomène physique qui n'est pas suffisamment tangible pour être considéré comme un produit (ou un procédé)".
En soulignant la nécessité du caractère tangible qu'une invention doit présenter, la division d'examen semble avoir, plus généralement, considéré que la délivrance d'un brevet devait être refusée aux inventions de nature abstraite. La liste non exhaustive des inventions non brevetables de l'art. 52(2) CBE semblerait effectivement justifier cette approche. La chambre ne partage cependant pas la conclusion retenue par la division d'examen. En effet, la chambre considère que le train d'impulsions revendiqué est de nature concrète dans la mesure où il résulte de la modulation d'un signal électrique (décharge d'un condensateur dans un but de défibrillation) et que son intensité est mesurable à tout instant. Un tel signal tombe ainsi bel et bien sous la définition de "physical entity" au sens de la décision G 2/88 (JO 1990, 93), dans sa version d'origine.
La chambre conclut que la nature de l'objet de la revendication 1 de la requête principale ne constitue pas un obstacle à sa brevetabilité. De plus, la possibilité de réaliser et d'utiliser un tel signal à des fins de défibrillation ne faisant aucun doute, l'objet de la revendication 1 de la requête principale est bel et bien susceptible d'application industrielle et remplit donc les conditions de l'art. 57 CBE 1973.
Le sommaire de la décision est le suivant: La formulation des art. 52 à 57 de la CBE, relatifs à la brevetabilité, telle que retenue par le législateur, ne lie aucunement la notion d'invention brevetable à une quelconque condition quant à la nécessité du caractère tangible, au sens de matériel, que devrait présenter une telle invention (cf. point 7.2 des motifs).
II. DEMANDE DE BREVET ET MODIFICATIONS
A. Revendications
1. Limites à la généralisation des données techniques et des exemples cités dans la description
(CLB, II.A.5.2)
Dans l'affaire T 2231/09, le brevet litigieux portait sur un procédé pour la représentation et l'analyse d'images. La revendication 1 de la requête principale précisait que "... au moins un desdits éléments descripteurs est dérivé en utilisant seulement un sous-ensemble de pixels dans ladite image." La chambre a estimé que "sous-ensemble de pixels" posait problème en vertu de l'art. 84 CBE 1973, car bien qu'un certain degré de généralisation soit acceptable, la revendication doit permettre d'identifier clairement les caractéristiques des modes de réalisation qu'elle recouvre. De surcroît, l'objet revendiqué généralisé doit permettre de comprendre le problème technique à résoudre.
En modifiant la revendication 1, le demandeur a proposé une interprétation nouvelle : "région" pourrait signifier l'image dans sa totalité, et "sous-ensemble" pourrait correspondre à tous les pixels de ladite région. La chambre a jugé cette interprétation incompatible avec des parties essentielles des modes de réalisation présentés dans la description, où un sous-ensemble désignait une partie seulement des pixels d'une région. L'objet de la revendication 1 manque donc de clarté quand on l'interprète à la lumière de la description.
La chambre a par ailleurs indiqué que les exigences de l'art. 84 CBE 1973 en matière de clarté et de fondement sur la description posent comme principe qu'une revendication doit être en adéquation avec la contribution de l'invention à l'état de la technique. Au vu de la description, la chambre a considéré que la division de l'image en régions et sous-ensembles était indispensable pour arriver à l'effet technique sous-tendant l'invention. La revendication 1 n'est donc pas dûment fondée sur la description, et la chambre en a conclu que la revendication 1 ne satisfait pas à l'art. 84 CBE 1973.
B. Unité de l'invention
1. Objet non couvert par la recherche – objet couvert par la recherche dans une demande divisionnaire
(CLB, II.B.6.2)
Dans l'affaire T 2289/09, la demande avait été rejetée sur la base, entre autres, de la règle 137(5) CBE. Le demandeur a fait valoir que la règle 137(5) CBE avait été observée, puisque l'objet avait été couvert par la recherche dans une demande divisionnaire issue de la demande litigieuse. Selon lui, cela était conforme à la pratique de l'OEB la règle 137(5) CBE ne donnait pas de précision concernant la date de la recherche - ainsi qu'à l'avis G 2/92, qui indique qu'un demandeur ne peut faire poursuivre l'examen de sa demande pour ce qui est de l'objet pour lequel il n'a pas acquitté de taxe de recherche.
La chambre a exprimé son désaccord. Dans l'avis G 2/92, la Grande Chambre de recours a affirmé clairement que lorsqu'un demandeur n'acquitte pas de taxes de recherche comme il est invité à le faire, il ne peut faire poursuivre l'examen de l'objet correspondant dans la demande pour laquelle la recherche a été effectuée. La Grande Chambre de recours a également déclaré que "l'invention dont la brevetabilité est examinée doit avoir donné lieu, avant l'établissement du rapport de recherche européenne, au paiement d'une taxe de recherche." La portée de cette déclaration dépasse les motifs de l'avis G 2/92.
Le fait que les revendications de demandes divisionnaires puissent bénéficier d'une recherche antérieure effectuée pour la demande initiale avait conduit à tort le requérant à penser que cela valait aussi dans une situation différente ou "inverse". Le déposant d'une demande divisionnaire qui cherche à bénéficier d'une recherche antérieure est tenu, en tout état de cause, d'acquitter les taxes de recherche (règle 36(3) CBE). Celles-ci sont ensuite remboursées si certains critères sont remplis, à savoir si l'OEB peut utiliser le rapport de recherche antérieure (Décision de la Présidente de l'OEB et Communiqué de l'OEB, JO éd. spéc. 1/2010, 322 et 325). Aucune disposition ne permet à l'OEB de poursuivre la recherche, y compris l'examen des revendications concernées ainsi que de leur portée, si aucune taxe de recherche n'a été acquittée pour une certaine partie de la demande. De même, aucune disposition n'habilitait la division d'examen, dans la présente situation, à demander le paiement de nouvelles taxes de recherche aux fins d'apprécier l'utilité de la recherche antérieure qui avait été effectuée pour la demande divisionnaire et que le demandeur souhaitait invoquer.
C. Possibilité d'exécuter l'invention
1. Connaissances de l'homme du métier déterminantes pour l'appréciation de la suffisance de l'exposé
1.1 L'exposé s'adresse à l'homme du métier
(CLB, II.C.3.1)
S'agissant d'un préjugé étayé par des exemples concrets compris dans l'état de la technique, il ne suffit pas de déclarer simplement que ce préjugé a été surmonté pour que l'invention puisse être mise en œuvre. Le brevet en litige doit au contraire contenir des instructions qui permettent à l'homme du métier d'identifier les caractéristiques du procédé grâce auxquelles il est possible de surmonter ce préjugé. On ne saurait laisser à l'homme du métier le soin de déterminer lui-même, en partant d'indications généralement connues, les éléments qui sont essentiels à la réussite du procédé sur toute la portée de la revendication (T 419/12).
1.2 L'homme du métier peut également être mis en mesure de réaliser l'invention grâce à des renvois
(CLB, II.C.3.2)
Dans l'affaire T 521/10, la divulgation permettant la reproduction de l'invention s'appuyait sur le contenu de demandes de brevet incorporées par renvoi. Deux demandes américaines incorporées par renvoi ne satisfaisaient pas aux exigences énoncées dans la décision T 737/90 et dans la Jurisprudence des Chambres de recours, 7e édition 2013, II.C.3.2, p. 349. La chambre a estimé qu'un document n'était valablement incorporé que s'il satisfaisait aux conditions suivantes :
i) une copie du document devait être à la disposition de l'Office à la date de dépôt de la demande ou antérieurement ; et
ii) le document devait avoir été rendu accessible au public au plus tard à la date de publication de la demande conformément à l'art. 93 CBE.
Étant donné qu'aucun des deux documents n'avait été rendu accessible au public et que la seule publication découlant des deux documents était une demande de "continuation-in-part" publiée à une date postérieure à celle de la publication de la demande de brevet européen en cause, les deux documents n'étaient pas valablement incorporés par renvoi.
2. Exposé clair et complet
2.1 Paramètres
(CLB, II.C.4.5)
Dans l'affaire T 2403/11, la chambre a admis que la présence d'un paramètre ambigu dans une revendication ne suffisait pas pour mettre en cause la suffisance de l'exposé de l'invention. Il convenait de décider au cas par cas si une telle ambiguïté entraînait une insuffisance de l'exposé de l'invention (cf. décision T 593/09).
Le requérant avait cité la décision T 882/03, qui concernait également le critère de viscosité. Cependant, les variations qui résultaient de l'ambiguïté concernant la viscosité intrinsèque étaient de faible ampleur et, dans cette affaire, la chambre avait donc estimé que la nature de cette ambiguïté ne permettait pas de mettre en cause la suffisance de l'exposé de l'invention. Dans l'affaire en instance, les valeurs de viscosité fluctuaient cependant de manière importante en fonction de la fréquence de mesure utilisée, si bien que les variations correspondantes n'étaient certainement pas mineures.
Le requérant avait également mentionné la décision T 492/92, faisant valoir que dans l'affaire sous-jacente à cette décision, la revendication comportait un paramètre pouvant être déterminé par deux méthodes différentes, et que l'exposé de l'invention avait été jugé suffisant. Cependant, dans cette affaire, la chambre avait déclaré que l'homme du métier saurait quelle méthode choisir s'il voulait obtenir les résultats les plus exacts possible. Il en allait autrement dans l'affaire en instance, dans laquelle l'homme du métier n'avait pas connaissance de la méthode et des paramètres de mesure à choisir.
La chambre a donc estimé que l'invention n'était pas suffisamment exposée.
Dans l'affaire T 1697/12, les revendications, dans lesquelles les plages de valeurs n'étaient pas délimitées, couvraient des modes de réalisation qui ne pouvaient être obtenus avec le procédé divulgué dans le brevet, mais auxquels il était éventuellement possible de parvenir avec des méthodes différentes, qui devraient être inventées à l'avenir. La chambre a estimé que le monopole revendiqué s'étendait à un objet dont l'homme du métier ne pourrait toujours pas disposer après lecture du brevet. L'invention était donc insuffisamment divulguée.
3. Exécution de l'invention
3.1 Exécution de l'invention sans effort excessif
3.1.1 Composés chimiques
(CLB, II.C.5.6.9)
Dans l'affaire T 544/12, la chambre a confirmé que le fait de définir, dans une revendication, un groupe de composés par des caractéristiques à la fois structurelles et fonctionnelles est généralement acceptable en vertu de l'art. 83 CBE dès lors que l'homme du métier, en fournissant un effort raisonnable, est en mesure d'identifier, parmi la multitude de composés définis par la ou les caractéristiques structurelles de la revendication, ceux qui répondent également aux exigences d'ordre fonctionnel qui sont revendiquées (conformément aux décisions T 435/91 et T 1063/06).
Dans l'affaire examinée, il appartenait à l'homme du métier d'identifier les composés qui étaient phosphorescents parmi un nombre presque infini de variantes couvertes par la définition structurelle de la revendication 1. La revendication 1 s'étendait à des catégories (de composés d'iridium) qui différaient totalement du concept invoqué par le titulaire. La délivrance d'un brevet sur cette base aurait pour effet d'étendre la contribution technique de celui-ci par rapport à l'état de la technique, ce qui était contraire au principe selon lequel la protection conférée par un brevet doit correspondre à la contribution qu'apporte à l'état de la technique l'invention divulguée par le brevet (T 435/91).
La chambre avait connaissance de la décision de la Cour fédérale allemande de justice (Bundesgerichtshof) X ZB 8/12 du 11 septembre 2013, selon laquelle il n'était pas possible d'objecter, eu égard à la suffisance de l'exposé de l'invention, qu'une définition fonctionnelle d'un groupe de substances couvrait non seulement des substances connues ou celles divulguées dans le fascicule du brevet, mais aussi des substances qui ne seraient disponibles qu'à l'avenir, ou celles dont la préparation pouvait nécessiter une activité inventive. La chambre n'a toutefois pas partagé ce point de vue. Comme indiqué dans la décision T 435/91, pour qu'une définition d'ordre fonctionnel d'un groupe de substances dans une revendication soit conforme aux exigences de l'art. 83 CBE, toutes les substances comprises dans cette définition de type fonctionnel devaient être à la disposition de l'homme du métier. L'invention ne remplissait donc pas les conditions de l'art. 83 CBE.
4. La condition de suffisance de l'exposé dans le domaine des biotechnologies
4.1 Exposé clair et complet
4.1.1 Reproductibilité
(CLB, II.C.6.1.3)
L'objet revendiqué dans l'affaire T 657/10 incluait un "événement élite", à savoir un événement particulier résultant d'un procédé aléatoire (vis-à-vis duquel les attentes pouvaient varier d'un extrême à l'autre) et ayant au moins une propriété surprenante et avantageuse. La chambre a estimé que les "événements élites" avaient fait l'objet d'une jurisprudence abondante des chambres de recours. Même s'il était tout à fait possible que l'état de la technique connaisse les procédés aléatoires spécifiques et les produits dotés de propriétés moyennes (normales) qui en découlaient, la présence d'un produit particulier ayant une propriété avantageuse inattendue pouvait justifier la reconnaissance d'une activité inventive. Cette jurisprudence relative aux "événements élites" n'était pas limitée aux plantes transgéniques (cf. entre autres les décisions T 2239/08 et T 775/08), mais avait été appliquée dans plusieurs autres domaines, comme ceux concernant les anticorps monoclonaux et l'isolement de souches virales ou de micro-organismes spécifiques (levures) (cf. entre autres les décisions T 645/02, T 1231/01 et T 737/96).
Cependant, conformément à l'art. 83 CBE, l'exposé figurant dans le brevet devait permettre à un homme du métier d'exécuter tous les modes de réalisation revendiqués, y compris ceux liés aux "événements élites". L'homme du métier devait être en mesure, en se fondant sur l'exposé, d'obtenir le produit particulier résultant de l'"événement élite", et ce sans avoir à répéter le procédé aléatoire, autrement dit il devait pouvoir obtenir le produit particulier sans devoir s'en remettre de nouveau au pur hasard. Dans l'affaire instruite par la chambre, il n'était pas satisfait à ces exigences.
4.2 Niveau de divulgation nécessaire pour les utilisations médicales
(CLB, II.C.6.2)
Dans l'affaire T 1616/09, la chambre a souligné qu'aux fins de l'art. 83 CBE, le niveau de divulgation qui était nécessaire dans la demande pour des revendications relatives à des compositions ou kits pharmaceutiques n'était pas le même que celui exigé pour des revendications portant sur une utilisation médicale. S'agissant des revendications relatives à des compositions ou kits pharmaceutiques, il suffisait en principe que la demande fournisse des informations permettant à l'homme du métier de produire la composition ou le kit, et qu'il n'y ait aucun doute fondé quant à la possibilité réelle de l'utiliser à des fins thérapeutiques. En ce qui concerne les revendications portant sur une deuxième utilisation médicale, il fallait en revanche non seulement divulguer la composition proprement dite de manière qu'elle puisse être mise en œuvre, mais aussi montrer de manière plausible dans la demande qu'elle était adaptée au traitement revendiqué.
S'agissant d'une revendication relative à une composition pharmaceutique comprenant deux catégories de composés qui ont toutes deux déjà été utilisées à des fins thérapeutiques dans l'état de la technique, il n'existait a priori aucune raison de douter qu'une telle composition pharmaceutique puisse être produite ; aucun effet fonctionnel spécifique ne devait être démontré.
En ce qui concerne les revendications relatives à une deuxième utilisation médicale, il n'était pas nécessaire de démontrer dans la demande l'effet thérapeutique revendiqué si l'homme du métier le connaissait déjà à la date de priorité.
5. Rapport entre l'article 83 et l'article 84 CBE
5.1 L'article 83 CBE et la clarté des revendications
(CLB, II.C.7.2)
Dans l'affaire T 430/10, le brevet avait pour objet des acides siliciques précipités dopés. Le requérant faisait valoir qu'en raison d'une caractéristique manquant de clarté, la revendication pouvait également être interprétée en ce sens qu'elle couvrait aussi d'autres particules d'acides siliciques. L'homme du métier ne savait donc pas quand il travaillait dans le domaine revendiqué. L'argumentation portait essentiellement sur la possibilité de faire la distinction entre les acides siliciques revendiqués et d'autres acides siliciques, notamment les acides siliciques compris dans l'état de la technique, tels que cités dans le brevet en litige. Toutefois, cet argument concernait davantage l'interprétation des revendications et, partant, l'intelligibilité ou la clarté des revendications au sens de l'art. 84 CBE, que la possibilité de mettre en œuvre l'invention. L'art. 84 CBE ne constituant pas un motif d'opposition, il n'était pas pertinent dans la présente espèce (cf. décision T 1062/98).
Une éventuelle absence de clarté pouvait certes empêcher d'exécuter l'invention. Le fait que la revendication puisse être ambiguë et que, pour cette raison, l'homme du métier ne sache pas s'il travaillait à l'intérieur ou en dehors du domaine revendiqué, ne suffisait toutefois pas à lui seul à mettre en cause la suffisance de l'exposé de l'invention (cf. décisions T 608/07 et T 593/09).
La chambre a estimé que lorsque le manque de clarté allégué tenait au fait qu'une caractéristique pouvait être interprétée dans un sens large ou restrictif, il était en tout état de cause satisfait à l'exigence relative à la suffisance de l'exposé de l'invention si l'homme du métier parvenait à reproduire tous les modes de réalisation protégés par les revendications, même en interprétant de manière large la caractéristique prétendument ambiguë.
Dans la présente espèce, il était satisfait à l'exigence relative à la possibilité d'exécuter l'invention, conformément aux art. 83 et 100 b) CBE.
D. Priorité
1. Première demande
1.1 Identité du demandeur
(CLB, II.D.3.1)
Dans l'affaire T 1933/12, la demande déposée par les demandeurs A1 et A2 revendiquait la priorité de la demande D0, qui avait également été déposée par les demandeurs A1 et A2. Or, avant de déposer D0, A2 avait déposé la demande D1, dont la priorité n'était pas revendiquée, mais qui divulguait incontestablement un engrenage selon la revendication 1 de la requête principale.
La chambre a estimé que la première demande au sens de l'art. 87(1) CBE n'était pas D0, mais D1. Dans l'affaire T 788/05 citée par les titulaires du brevet, la situation était inverse ; il y avait en effet une pluralité de demandeurs pour le document de priorité et un seul demandeur individuel pour la demande européenne ultérieure. En cas de succession, ou lorsque la première demande est déposée par plusieurs demandeurs, alors que la demande ultérieure n'est déposée que par un ou certains de ces demandeurs, il convient de prouver que le droit de priorité revenant conjointement aux demandeurs antérieurs a été transmis au demandeur individuel ou au groupe de demandeurs ayant déposé la demande ultérieure (T 382/07 ; cf. également Benkard/Grabinski, CBE, 2e édition 2012, art. 87 CBE, no 15 en marge ; Bremi in : Singer/Stauder, CBE, 6e édition 2012, art. 87 CBE, nos 41 et 56 en marge).
L'art. 87(1) CBE n'exclut pas que le demandeur (individuel) ayant déposé la première demande partage son droit de priorité avec un tiers en déposant avec lui une demande revendiquant la priorité. Cet article prescrit que le demandeur ayant déposé la première demande, ou son ayant cause, figure également parmi les demandeurs ayant déposé la demande revendiquant la priorité. Lorsque la demande ultérieure compte un seul demandeur supplémentaire, il n'est pas nécessaire de prouver que le droit de priorité a aussi été transmis à ce demandeur supplémentaire (cf. : Bremi, loc. cit., art. 87 CBE, no 56 en marge). En l'occurrence, l'unique demandeur A2 de la demande antérieure D1 était également l'un des demandeurs de la demande fondant le brevet litigieux, si bien que D1 devait être considérée comme première demande au sens de l'art. 87(1) CBE.
Le fait que des inventeurs différents aient été désignés dans D0 et D1 ne changeait rien à cette situation. Certains des inventeurs de D0 étaient également désignés comme tels dans D1, de sorte qu'on ne pouvait pas supposer que ces deux demandes résultaient de deux processus inventifs différents. L'art. 87 CBE n'accorde aucune importance à l'identité des inventeurs et se réfère au demandeur s'agissant de la revendication de priorité (T 5/05).
2. Priorités partielles
(CLB, II.D.4)
L'exergue de la décision T 571/10 s'énonce comme suit :
"Lorsqu'une seule priorité est revendiquée pour une demande donnée et qu'un certain nombre de caractéristiques d'une revendication de cette demande sont des généralisations de caractéristiques spécifiques exposées dans le document de priorité, une priorité partielle doit être reconnue, tant qu'il est possible d'identifier de manière conceptuelle, en comparant l'objet revendiqué à l'exposé du document de priorité, un nombre limité d'objets alternatifs clairement définis, y compris les modes de réalisation spécifiques qui découlent directement et sans ambiguïté du document de priorité. Pour que cette condition soit remplie, il n'est pas nécessaire que la demande explicite les objets alternatifs clairement définis, ni qu'elle contienne explicitement le mot "ou".
Cette condition s'applique également aux priorités multiples. Dans ce cas, il convient d'effectuer une comparaison avec l'exposé de chacun des documents de priorité. Pour chacun des objets alternatifs clairement définis, il y a lieu de reconnaître la priorité la plus ancienne, qui est directement et sans ambiguïté à l'origine de l'objet alternatif."
La chambre a fondé son raisonnement sur l'avis G 2/98, points 6.4 et 6.7 des motifs, ainsi que sur les remarques complémentaires formulées dans la décision T 1222/11, point 11 des motifs, qui invoquaient tous deux le mémorandum M/48/I (partie C) rédigé par la FICPI pour la Conférence diplomatique de Munich en 1973.
Dans les faits, la demande litigieuse et le document D9 partageaient la même date de dépôt et revendiquaient la priorité du même document. Dès lors, D9 ne pouvait être compris dans l'état de la technique au sens de l'art. 54(3) CBE que si la priorité de la demande litigieuse n'était pas valablement revendiquée, tandis que la priorité de D9 était effective.
La chambre a estimé que le document de priorité divulguait deux modes de réalisation spécifiques pour deux des caractéristiques de la revendication (un sel calcique comme principe actif et un sel de phosphate tribasique comme sel inorganique) en ce qui concerne les exposés génériques figurant dans la revendication 1. Ainsi, en comparant l'objet revendiqué à l'exposé du document de priorité, la chambre a identifié deux objets alternatifs clairement définis a) et b) couverts par la revendication 1. L'objet de a), qui comprenait le sel calcique et le sel de phosphate tribasique, était entièrement divulgué dans le document de priorité et bénéficiait de la priorité revendiquée, tandis que l'objet de b) ne comprenait pas ces modes de réalisation, ne découlait pas directement et sans ambiguïté du document de priorité et ne bénéficiait pas d'un droit de priorité.
S'agissant de la priorité de D9, la chambre a également identifié deux objets alternatifs clairement définis a) et b). L'objet de a) était exposé dans le document de priorité et bénéficiait de la priorité revendiquée, mais l'objet de b) ne découlait pas directement et sans ambiguïté du document de priorité et ne bénéficiait donc pas d'un droit de priorité.
La chambre a considéré que pour l'objet de la revendication 1 pour lequel la priorité était valable (variante a)), D9 n'était pas compris dans l'état de la technique au sens de l'art. 54(3) CBE, étant donné qu'il n'avait pas de date valable avant la date de priorité de la demande litigieuse. Pour cet objet, D9 n'était donc pas pertinent pour l'appréciation de la nouveauté. Pour l'objet de la revendication 1 pour lequel la priorité n'était pas valable (variante b)), D9 était compris dans l'état de la technique au sens de l'art. 54(3) CBE, mais uniquement pour l'objet pour lequel la priorité de D9 était valable (variante a)). Cependant, l'objet de la variante a) de D9 ne détruisait pas la nouveauté de l'objet de la variante b) de la revendication 1, étant donné que ces deux objets ne se recoupaient pas. Comme il n'y avait pas d'absence de nouveauté, il n'était pas nécessaire de prévoir un disclaimer pour D9.
E. Modifications
1. Article 123(2) CBE – extension de l'objet de la demande
1.1 Divulgation implicite
(CLB, II.E.1.7.1)
La décision T 598/12 portait sur la divulgation implicite d'éléments dans la demande (antérieure) telle que déposée. La chambre a estimé que la question à trancher était de savoir si l'homme du métier travaillant dans le domaine concerné considérerait un élément comme implicitement divulgué directement et sans ambiguïté, en se fondant sur ses connaissances générales. Pour évaluer quelle information est divulguée implicitement dans une demande, on ne peut aller au-delà de ce que l'homme du métier considérerait objectivement comme découlant directement et sans ambiguïté de la divulgation explicite dans ce cas particulier. Aller au-delà reviendrait à permettre l'ajout, après la date de dépôt de la demande (initiale), d'éléments qui n'étaient pas divulgués sans ambiguïté dans la demande (initiale) telle que déposée, ce qui est contraire aux dispositions des art. 123(2) et 76(1) CBE. De plus, lorsqu'on procède à une telle évaluation, les connaissances générales ne doivent pas servir à élargir ou à remplacer de manière subjective ou artificielle le véritable contenu du fascicule de brevet.
La chambre a également estimé que l'analyse de ce qui est véritablement divulgué dans une demande de brevet conformément à l'art. 100c) CBE ne saurait se transformer en une enquête visant à déterminer ce qui est évident, ou en une recherche d'alternatives évidentes au contenu effectivement divulgué à la lumière des documents généraux de l'état de la technique. Une telle démarche relèverait de l'appréciation de l'activité inventive au sens de l'art. 56 CBE, si l'homme du métier cherchait à résoudre un problème technique particulier sans utiliser sa capacité inventive, mais ne saurait constituer une méthode valable pour analyser une divulgation implicite pouvant être déduite directement et sans ambiguïté d'une demande telle que déposée au sens des art. 123(2) et 76(1) CBE.
1.2 Généralisations intermédiaires – combinaisons non divulguées
(CLB, II.E.1.2)
Dans l'affaire T 1644/11, la division d'examen, se fondant notamment sur la décision T 284/94, avait estimé que l'objet de la revendication 1 était une généralisation intermédiaire ne découlant pas directement de la demande telle que déposée initialement. La chambre n'a pas confirmé la conclusion de la division d'examen, à savoir que l'omission de certaines caractéristiques dans la revendication 1 (le boîtier est cylindrique, le boîtier est un corps creux aux parois généralement minces, le capot a une surface circulaire, la portion verticale de la première ailette est plus longue que la portion verticale de la seconde ailette) allait au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Par analogie avec la décision T 284/94, selon laquelle une modification d'une revendication par l'introduction d'une caractéristique technique isolée tirée de la description d'un mode de réalisation particulier doit fournir une solution complète à un problème technique clairement identifiable dans la demande, la chambre a estimé, dans la présente espèce, que le problème technique ressortant de la demande consistait à éliminer l'opération de solidarisation – par exemple par soudure ou à l'aide d'une barre omnibus – des bornes avec la pile, à allonger la durée de vie de la pile et à configurer les bornes de telle manière qu'elles puissent être reliées directement aux bornes des piles adjacentes. Une fois le problème ainsi défini, l'homme du métier comprenait directement et sans ambiguïté que les caractéristiques décrites ci-dessus ne contribuaient pas à résoudre le problème et n'étaient par conséquent pas nécessaires à la définition de l'invention. Ces caractéristiques pouvaient donc être omises dans la revendication 1 en cause sans qu'il y ait violation de l'art. 123(2) CBE.
Cette conclusion allait dans le même sens que la décision T 962/98 (point 2.5 des motifs), selon laquelle une généralisation intermédiaire est admissible si l'homme du métier peut déduire sans aucun doute de la demande telle que déposée que certaines caractéristiques tirées d'un mode de réalisation ne sont pas étroitement liées aux autres caractéristiques du mode de réalisation, mais qu'elles s'appliquent directement et sans ambiguïté au contexte plus général, ou que la décision T 273/10 (points 14.2 et 14.3 des motifs), laquelle énonce que la modification d'une revendication consistant à inclure un ensemble de caractéristiques extraites d'un mode de réalisation spécifique est admissible sous réserve que le jeu de caractéristiques modifiées qui est proposé comprenne toutes les caractéristiques essentielles pour l'exécution de l'invention, et que les caractéristiques du mode de réalisation ne contribuant pas à résoudre le problème sous-jacent ne doivent pas faire partie de l'objet revendiqué modifié.
1.3 Disclaimer
(CLB, II.E.1.4)
Dans la décision T 1441/13, les revendications 1 et 5 de la requête subsidiaire contenaient un disclaimer excluant les méthodes impliquant la destruction d'embryons humains, formulé de la manière suivante : "... dans laquelle lesdites cellules pPS ne sont pas obtenues par un procédé au cours duquel des embryons humains sont détruits". Ce disclaimer visait à surmonter l'objection soulevée à l'encontre de la requête principale, jugée non admissible au titre de l'art. 53a) CBE et de la règle 28c) CBE (voir le chapitre I.A.2 "Cellules souches embryonnaires" ci-dessus). La chambre a fait observer que les critères d'admissibilité des disclaimers étaient énoncés dans les décisions de la Grande Chambre de recours G 1/03 (JO 2004, 413) et G 2/10 (OJ 2012, 376). Selon la décision G 2/10, l'objet restant dans la revendication après introduction du disclaimer doit pouvoir être déduit – explicitement ou implicitement – directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée par l'homme du métier se fondant sur ses connaissances générales. De fait, il s'agit de "la condition fondamentale pour qu'une modification soit admissible au regard de l'art. 123(2) CBE" et qui s'applique également "à l'objet d'une revendication dont la portée est déterminée par un disclaimer", que celui-ci soit divulgué ou non.
Dans la présente espèce, l'objet restant dans les revendications 1 et 5 de la requête subsidiaire après l'introduction du disclaimer, à savoir une méthode d'obtention de cellules sécrétant des polypeptides comprenant une étape de culture de cellules souches embryonnaires humaines (hES) dérivées uniquement et exclusivement de méthodes non destructrices, n'existait pas à la date de priorité de la demande (7 décembre 2001) et n'était donc pas divulgué directement et sans ambiguïté à l'homme du métier comme l'exige la décision G 2/10. Au contraire, toutes les méthodes dont disposait l'homme du métier à la date pertinente comportaient, à un moment ou à un autre, la destruction d'un embryon humain. Compte tenu de ce qui précède, la chambre n'a pas jugé nécessaire d'examiner si le disclaimer était conforme aux autres critères énoncés dans la décision G 1/03, par exemple s'il était complet, c'est-à-dire qu'il excluait effectivement tous les objets inadmissibles au titre de l'art. 53a) CBE combiné à la règle 28c) CBE. En conclusion, la chambre a estimé que le disclaimer n'était pas admissible puisque la demande telle que déposée ne divulguait pas l'"objet restant" de l'invention (une méthode incluant la culture de cellules hES obtenues seulement et exclusivement à partir de méthodes non destructrices). Un homme du métier n'aurait été en mesure de mettre en pratique cet "objet restant" de l'invention qu'à l'aide d'informations disponibles sept ans après la date de la priorité revendiquée.
1.4 Ajout d'une caractéristique limitative sans contribution technique – fiction juridique de conformité avec l'article 123(2) CBE – G 1/93
(CLB, II.E.1)
Dans la décision T 1779/09, la chambre a estimé que le requérant se trouvait exactement dans la situation envisagée dans la décision G 1/93 (JO 1994, 541). Comme le souligne le point II du sommaire de la décision G 1/93, "une caractéristique qui n'a pas été divulguée dans la demande telle que déposée, mais a été ajoutée à celle-ci au cours de la procédure d'examen et qui, sans apporter de contribution technique à l'objet de l'invention revendiquée, ne fait que limiter la protection conférée par le brevet tel que délivré en excluant de la protection une partie de l'objet de l'invention revendiquée par la demande telle que déposée, ne doit pas être considérée comme un élément étendant l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée au sens de l'art. 123(2) CBE". Ces principes ont été confirmés par les décisions G 2/98 (JO 2001, 413) et G 2/10 (JO 2012, 376). En l'espèce, la chambre a conclu qu'une caractéristique limitative qui ne serait généralement pas admissible en vertu de l'art. 123(2) CBE pourrait, dans certaines conditions, être néanmoins maintenue dans la revendication d'un brevet visé par une opposition dans la situation particulière traitée dans la décision G 1/93. Elle serait alors conforme à l'art. 123(2) CBE en vertu d'une fiction juridique. Dans la présente affaire, le terme "seulement" avait été introduit au cours de la procédure d'examen et il avait été contesté au titre de l'art. 100c) CBE, avec succès, dans le cadre d'une procédure devant la division d'opposition engagée par l'ancien intimé. Puisque la chambre considérait que ce terme était véritablement restrictif, sa suppression étendrait la protection conférée, ce qui contreviendrait à l'art. 123(3) CBE. Néanmoins, de l'avis de la chambre, la restriction exclusive n'avait pas d'incidence sur la solution du problème technique tel qu'il avait été présenté dans la demande déposée initialement et, par conséquent, n'apportait aucune contribution technique à l'invention revendiquée (voir aussi la décision T 384/91, point II du sommaire). Elle excluait simplement la protection d'une partie de l'invention décrite dans la demande, ce qui ne donnait pas d'avantage injustifié au demandeur. La revendication 1 de la requête unique du requérant a donc été considérée comme satisfaisant aux exigences de l'art. 123(2) CBE.
2.1 Interprétation de l'étendue de la protection
(CLB, II.E.2.1)
Dans l'affaire T 287/11 se posait la question de savoir si les revendications de la requête principale englobaient des compositions ou des méthodes non couvertes par les revendications telles que délivrées. La chambre a examiné la décision T 999/10, citée par le requérant, qui indique que la formulation "en cascade" de la revendication ne permettait pas de douter que l'"intention" du titulaire du brevet était de ne pas inclure dans l'adhésif des copolymères séquencés autres que le polymère spécifique de type SIS. Dans la suite de la décision, on peut lire que même si la revendication devait être interprétée comme n'excluant pas la présence d'autres copolymères séquencés, la formulation en cascade choisie par le titulaire du brevet impliquait que la condition limitant la quantité du copolymère séquencé défini plus largement comme dans la revendication 1 du brevet délivré devait également être remplie dans la revendication modifiée. Dans la présente espèce, la chambre a été d'avis que l'étendue de la protection ne devait pas pour autant être interprétée à la lumière de l'intention du rédacteur d'une revendication, puisque ce critère est de nature subjective, mais plutôt en se fondant sur la signification généralement admise par l'homme du métier des caractéristiques techniques définies dans ladite revendication. Par conséquent, la chambre ne pouvait pas être convaincue par une argumentation s'appuyant sur une intention alléguée du rédacteur d'une revendication. La chambre a conclu que la requête principale ne satisfaisait pas aux conditions énoncées à l'art. 123(3) CBE.
3. Rapport entre l'article 123(2) CBE et l'article 123(3) CBE, et interprétation compte tenu de l'article 69 CBE
(CLB, II.E.3)
Dans l'affaire T 1736/09, l'opposant faisait valoir devant la chambre qu'avant de décider si une modification apportée lors de la procédure d'opposition était conforme aux conditions énoncées à l'art. 123(3) CBE, il fallait déterminer si le texte du brevet délivré comprenait des éléments allant au-delà du contenu de la demande telle que déposée ou de la demande antérieure telle que déposée. L'opposant ajoutait que tout élément contenu dans le brevet délivré mais considéré comme étendant l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande (antérieure) telle que déposée devait être exclu en vue de déterminer l'étendue de la protection conférée par le brevet européen en vertu de l'art. 69(1) CBE. Il existerait donc une interaction réciproque entre l'examen des éléments ajoutés et la détermination de la conformité avec l'art. 123(3) CBE. La chambre n'a pas partagé cet avis. Se référant à la décision G 1/93 (JO 1994, 451) dans laquelle la Grande Chambre de recours avait jugé les paragraphes 2 et 3 de l'art. 123 CBE indépendants l'un de l'autre, la chambre a considéré que, par analogie, l'art. 76(1) CBE et l'art. 123(3) CBE devaient être considérés comme indépendants l'un de l'autre. La chambre n'a pas retenu non plus l'argument de l'opposant concernant la manière dont l'art. 69(1) CBE devait être appliqué à cet égard. La chambre a conclu que lorsqu'il s'agit d'évaluer si des modifications apportées au cours de la procédure d'opposition satisfont aux conditions de l'art. 123(3) CBE, la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications du brevet délivré et la description et les dessins du brevet délivré servent à interpréter les revendications, conformément à l'art. 69(1) CBE et à son protocole interprétatif. Aux fins de l'examen au titre de l'art. 123(3) CBE, la question de savoir si le brevet délivré est conforme aux dispositions de l'art. 123(2) CBE ou de l'art. 76(1) CBE est sans pertinence.
F. Demandes divisionnaires
1. Extension de l'objet de la demande
1.1 Omission d'une caractéristique
(CLB, II.F.1.1)
Dans l'affaire T 558/13, la revendication 1 selon la requête principale différait de la revendication 1 de la demande antérieure telle que déposée en ce que la caractéristique suivante avait été omise : "... une pluralité de sources d'alimentation indépendantes est fournie pour chaque pluralité de groupes". Au lieu de cela, la revendication 1 de la requête principale spécifiait que le circuit de lecture comprenait une pluralité de circuits échantillonneurs bloqueurs. La chambre a estimé que le concept de l'invention tel que présenté systématiquement dans la demande antérieure telle que déposée nécessitait des sources d'alimentation indépendantes. Elle a accepté l'argument du requérant selon lequel la temporisation décalée des circuits de remise à zéro et d'échantillonnage-blocage présentait un avantage technique nouveau, à savoir celui de "réduire le bruit sur la ligne causé par un bruit d'origine externe". Néanmoins, de l'avis de la chambre, cela ne suffisait pas à prouver que la caractéristique – désormais omise – consistant à fournir une pluralité de sources d'alimentation indépendantes n'était "pas indispensable pour obtenir l'effet recherché, à savoir la réduction du bruit sur la ligne causé par un bruit d'origine externe". Un tel raisonnement ne tenait pas suffisamment compte des informations contenues dans la demande antérieure dans son ensemble, qui concernaient au premier chef la fourniture de sources d'alimentation indépendantes et reléguaient seulement au second plan l'effet technique supplémentaire produit par la temporisation décalée. En essayant d'améliorer l'invention divulguée, l'homme du métier s'apercevrait probablement que la temporisation décalée des signaux de remise à zéro et d'échantillonnage-blocage pourrait suffire à atteindre l'effet désiré. Cependant, pour que les dispositions de l'art. 76(1) CBE soient respectées, il aurait fallu que les éléments revendiqués dans la demande divisionnaire soient divulgués directement et sans ambiguïté dans la demande (antérieure) telle que déposée. Il n'était pas possible de spéculer sur les caractéristiques de la ou des invention(s) divulguée(s) qui pourraient être omises, après plus ample réflexion, si l'objet plus général restant, une fois ces caractéristiques omises, n'était pas divulgué de manière explicite ou implicite. Autrement dit, la divulgation d'un effet technique indépendant produit par certaines caractéristiques de l'objet divulgué dans la demande antérieure telle que déposée initialement ne suffisait pas à prouver la divulgation directe et sans ambiguïté d'un objet comprenant uniquement les caractéristiques qui produisaient cet effet technique indépendant.
1.2 Isolation d'une espèce
(CLB, II.F.1.1)
Dans l'affaire T 1919/11, l'objet de la revendication 1 de la requête principale se rapportait à une "culture cellulaire de Taxus chinensis". Il s'agissait de savoir si cette caractéristique était divulguée directement et sans ambiguïté dans la demande initiale telle que déposée. La chambre a fait remarquer que l'objet de la revendication 1 de la requête principale portait seulement sur Taxus chinensis. En revanche, l'abrégé de la demande initiale décrivait l'objet de la demande comme se rapportant à une pluralité d'espèces de Taxus. De plus, toute mention particulière de Taxus chinensis était suivie d'une déclaration selon laquelle Taxus chinensis était sans doute le meilleur choix à de nombreux égards, mais que la demande avait pour objet essentiel d'enseigner comment utiliser n'importe quel membre de la liste des espèces de Taxus pour produire des taxanes. Certains des exemples portaient sur différentes espèces de Taxus et certains utilisaient Taxus chinensis comme modèle permettant de montrer les effets particuliers des conditions de culture. La chambre a conclu que, dès lors, il n'avait pas été divulgué directement et sans ambiguïté que l'ensemble de la demande n'avait pour objet rien d'autre qu'une méthode utilisant Taxus chinensis.
1.3 Sélection arbitraire de limites supérieures et inférieures – inapplicabilité de la jurisprudence relative aux "intervalles"
(CLB, II.F.1.1)
Dans l'affaire T 1919/11, l'objet de la revendication 1 de la requête principale portait sur une concentration en argent allant de 1µM minimum à 200µM maximum. Dans la description, deux phrases distinctes consécutives indiquaient que "lorsque l'argent est incorporé dans le milieu, il est ajouté à une concentration de moins de 900 µM, de préférence inférieure à 500 µM et, mieux encore, inférieure à 200 µM" et "lorsque l'argent est incorporé dans le milieu, il est ajouté à une concentration d'au moins 10 nM, de préférence 100 nM, mieux encore à 1 µM, et typiquement à 10 µM". La chambre a fait observer que la situation dans la présente espèce n'était pas comparable à celle de l'affaire T 1107/06, qui a été traitée dans la jurisprudence constante des chambres de recours et dans laquelle – à partir d'une plage générale et d'une plage préférée – "une combinaison de la plage préférée plus étroite qui a été divulguée et de l'une des plages partielles situées en deçà ou au-delà de la plage plus étroite, à l'intérieur de la plage générale divulguée, était considérée comme initialement divulguée. Une plage générale, c'est-à-dire une limite inférieure combinée sans équivoque à une limite supérieure et une plage préférée plus étroite divulguée – consistant elle aussi en une limite inférieure combinée sans ambiguïté à une limite supérieure – étaient tout simplement absentes. Même le fait d'indiquer dans une sorte de parallélisme des limites supérieures et inférieures (moins/au minimum, de préférence ou mieux encore) n'impliquait pas une corrélation claire entre une certaine limite supérieure et une certaine limite inférieure car rien n'indiquait qu'une telle combinaison ait été voulue. Par conséquent, l'une des limites supérieures mentionnées dans la première phrase de la description de la demande de brevet telle que déposée initialement (citée ci-dessus) et l'une des limites inférieures mentionnées dans la seconde phrase étaient combinées arbitrairement, ce qui ne constituait pas une divulgation directe et dénuée d'ambiguïté.
1.4 Sélections à partir de listes
(CLB, II.F.1.1)
Dans l'affaire T 1799/12, le requérant (opposant) s'était référé à la décision T 407/10 et à la jurisprudence constante concernant les modifications obtenues par sélection de caractéristiques depuis différentes listes. La chambre a estimé que selon cette jurisprudence, une telle sélection était en principe contraire à l'art. 123(2) CBE. L'hypothèse de départ était que la demande initiale n'est pas un simple réservoir dans lequel il suffit de "puiser" les caractéristiques nécessaires. Néanmoins, la jurisprudence et la décision T 407/10 mentionnent à juste titre d'autres circonstances à prendre en compte, telles que des indices pointant vers cette sélection ou combinaison dans la description et dans les exemples, par exemple si les caractéristiques en question ont été désignées dans la description comme "préférées". Par ailleurs, le fait que la liste soit composée de possibilités équivalentes pourrait également avoir une importance (voir en particulier T 686/99). Dans la présente espèce, le brevet tel que délivré comprenait la caractéristique selon laquelle la paroi de base avait une forme "rectangulaire ou carrée". Ces circonstances ont aussi été prises en compte par la chambre pour évaluer si cette forme pouvait être déduite directement et sans ambiguïté de la demande antérieure. A cet égard, pour l'homme du métier, non seulement la demande initiale ne comportait aucune indication appuyant le choix d'une paroi de base carrée ou rectangulaire, mais elle ne contenait pas non plus d'indication explicite allant dans le sens opposé, c'est-à-dire vers des formes dépourvues d'angles ("généralement circulaire" ou "ovale"). De ce fait, les cinq formes possibles évoquées dans la demande initiale n'étaient pas des possibilités équivalentes. Les conditions éventuelles permettant d'autoriser la sélection présentement revendiquée n'étaient donc pas réunies.
2. Décision définitive concernant un objet dans la demande antérieure – res judicata
(CLB, II.F.1.4.3)
Dans l'affaire T 2084/11, le requérant (opposant) faisait valoir que la question de la reproductibilité de l'invention avait déjà été tranchée définitivement dans la décision T 1832/06 prise par la chambre de recours au sujet du brevet initial et qu'il ne pouvait donc être statué à nouveau sur cette question dans la présente procédure en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée. La chambre a tout d'abord fait observer que, le principe de l'autorité de la chose jugée n'étant pas mentionné dans la CBE, son applicabilité aux procédures concernant respectivement des demandes initiales et des demandes divisionnaires, et par conséquent les brevets délivrés sur la base de ces demandes, n'est pas davantage définie. La procédure devant l'OEB relative à une demande divisionnaire est fondamentalement indépendante de la procédure afférente à la demande initiale correspondante (cf. T 1254/06). Aussi la chambre avait-elle des réserves de principe quant à la question de savoir si une décision rendue par une chambre de recours suite à un recours sur opposition (ici : révocation du brevet européen) et passée en force de chose jugée peut produire un effet de chose jugée pour ainsi dire "par extension" sur une procédure d'opposition ou de recours sur opposition distincte, portant sur un brevet délivré au titre d'une demande divisionnaire. La décision T 167/93 avait déjà conclu que le principe généralement admis de l'autorité de la chose jugée doit être interprété de manière très restrictive et n'est applicable qu'à une "chose" qui a été tranchée "dans une affaire où les questions de fait sont les mêmes" (entre autres critères), mais cette décision n'évoque pas l'application "par extension" du principe de l'autorité de la chose jugée.
De plus, la conviction de la chambre était que la condition citée dans la décision T 167/93 n'était pas remplie dans la présente espèce pour les raisons suivantes : l'objet de la procédure (à savoir la "chose" au sens de la décision T 167/93) sur lequel la division d'opposition ou la chambre devait statuer était le brevet délivré sur la base de la demande divisionnaire, dans sa forme définie par les requêtes présentées, ou plutôt leur validité au regard des objections formulées, et non le brevet délivré sur la base de la demande initiale. En outre, les requêtes à examiner dans les deux procédures (jeux de revendications) n'étaient ici pas identiques (à la différence de l'affaire T 51/08). Par ailleurs, les faits de l'espèce avaient changé puisque des nouvelles preuves avaient été présentées. La chambre est par conséquent parvenue à la conclusion que la décision rendue dans la procédure de recours au sujet du brevet initial ne pouvait, et ne peut généralement produire aucun effet de chose jugée dans le cadre de la procédure d'opposition ou de recours sur opposition portant sur le brevet délivré sur la base de la demande divisionnaire, en ce qui concerne la question de la reproductibilité de l'invention et, dès lors, celle de la validité du brevet en cause.
Dans l'affaire T 1155/13, le requérant avait soulevé une objection pour insuffisance de l'exposé à l'encontre du brevet délivré sur la base d'une demande divisionnaire. La chambre a cependant fait observer que la décision T 468/09 avait statué sur l'objection relative à l'insuffisance de l'exposé se rapportant au brevet délivré sur la base de la demande initiale. Plus précisément, bien que la revendication 1 du brevet délivré sur la base de la demande initiale et la revendication 1 du brevet délivré sur la base de la demande divisionnaire soient formulées différemment, la chambre avait estimé, dans sa décision T 468/09, que les modes de réalisation représentés dans les figures 1 et 2 correspondant à la formulation de la revendication 1 du brevet soumis à la chambre dans la présente espèce correspondaient également à la formulation de la revendication en cause dans cette décision. De plus, les documents D3 et D18 cités à l'appui de l'insuffisance de l'exposé dans le présent recours étaient les mêmes que les documents D7 et D29 utilisés par les mêmes parties dans la procédure de recours antérieure et cités dans la décision antérieure T 468/09. Ainsi, puisque la décision T 468/09 avait force de chose jugée et traitait de l'insuffisance de l'exposé pour les mêmes modes de réalisation, et que les faits étaient les mêmes, la présente chambre n'était pas habilitée à réexaminer cette objection (T 51/08).
3. Double protection par brevet
3.1 Revendications de type suisse et revendications au titre de l'article 54(5) CBE
(CLB, II.F.4)
Dans l'affaire T 1780/12, la division d'examen avait estimé que la demande contrevenait à l'interdiction de la double protection par brevet. Elle avait conclu qu'une revendication formulée conformément à l'art. 54(5) CBE et portant sur la deuxième utilisation thérapeutique (ou une utilisation thérapeutique ultérieure) d'une substance ou composition, et une revendication de type suisse portant sur la même utilisation thérapeutique de la même substance ou composition concernaient le même objet "en ce sens que ces deux revendications concernent chacune la même invention revendiquée sous une forme différente".
La chambre a considéré qu'il n'y avait pas de double protection par brevet. La question déterminante était de savoir si les revendications du brevet délivré sur la base de la demande divisionnaire et celles du brevet délivré sur la base de la demande initiale portaient sur le même objet. La catégorie d'une revendication et ses caractéristiques techniques constituent son objet et déterminent l'étendue de la protection (cf. G 2/88, JO 1990, 93). Les revendications en question appartenaient à deux catégories différentes : les revendications de type suisse étaient des revendications de procédé proposé à une fin spécifique (utilisation de X pour fabriquer un médicament destiné au traitement de la maladie Y), tandis que les revendications selon l'art. 54(5) CBE étaient des revendications de substance proposée à une fin spécifique (substance X pour une utilisation dans le traitement de la maladie Y). S'agissant des caractéristiques techniques, la chambre a conclu que les deux jeux de revendications définissaient le même composé et la même utilisation thérapeutique, mais que les revendications de type suisse comprenaient en outre la caractéristique relative à la fabrication d'un médicament, ce qui n'était pas le cas de la revendication selon l'art. 54(5) CBE. L'objet revendiqué n'était dès lors pas identique.
La chambre a également considéré que l'étendue de la protection demandée au titre de l'invention revendiquée conformément à la présente requête principale différait sensiblement de l'étendue de la protection conférée par les revendications du brevet antérieur. Elle a partagé l'avis exprimé dans la décision T 1391/07, dans laquelle la chambre avait estimé que l'absence d'intérêt légitime d'un demandeur constatée par la Grande Chambre de recours dans les décisions G 1/05 (JO 2008, 271) et G 1/06 (JO 2008, 307) ne saurait être invoquée dans les cas où les étendues de protections conférées par les objets respectifs ne se recoupent que partiellement, car il n'existe aucune raison objective manifeste de refuser d'admettre l'intérêt légitime du demandeur à obtenir une protection différente – même s'il y a recoupement partiel – de celle du brevet principal déjà délivré. Selon les termes de la décision G 2/88, " déterminer l'"étendue de la protection conférée" par un brevet en vertu de l'art. 69(1) CBE, c'est déterminer ce qui est protégé, en termes de catégorie de revendication et de caractéristiques techniques". La chambre a rappelé qu'il était généralement admis comme un principe de base de la CBE qu'une revendication portant sur une activité physique particulière (méthode, procédé, usage) conférait une protection moindre qu'une revendication relative à l'entité physique en tant que telle (cf. décision G 2/88). Il s'ensuit qu'une revendication de procédé limité à un usage spécifique confère également une protection moindre qu'une revendication de substance proposée à une fin spécifique.
La chambre a donc confirmé qu'il n'existait aucune raison objective manifeste de refuser d'admettre l'intérêt légitime du demandeur à maintenir des revendications rédigées conformément à l'art. 54(5) CBE et à obtenir ainsi une protection différente – bien qu'il y ait recoupement partiel – de celle conférée par les revendications de type suisse du brevet principal déjà délivré. (Voir aussi la décision T 879/12 qui abonde dans le sens des conclusions de la décision T 1780/12.)
Afin d'éviter tout malentendu, la chambre a souligné, dans la décision T 1780/12, que pour déterminer si l'interdiction de la double protection par brevet s'appliquait ou non dans le cas d'une demande divisionnaire, il fallait comparer les objets revendiqués. Il en va autrement en ce qui concerne l'évaluation au titre des art. 76(1), 87 et 123(2) CBE qui nécessite de prendre en compte l'ensemble du contenu de la demande antérieure/ demande (initiale) telle que déposée.
3.2 Revendications de produit, d'utilisation ou de procédé – objet différent
(CLB, II.F.4)
Dans l'affaire T 1765/13, la décision de rejet prise par la division d'examen était fondée uniquement sur l'existence d'une double protection par brevet jugée non admissible. La nouvelle revendication 1 de la demande divisionnaire portait sur l'utilisation d'une batterie auxiliaire au lithium, comprenant la cathode spécifique divulguée dans l'invention, comme source d'alimentation électrique haute puissance et de grande capacité dans un véhicule électrique ou hybride, tandis que les revendications du brevet délivré sur la base de la demande initiale se rapportaient à des produits, à savoir un matériau actif de cathode et une batterie auxiliaire au lithium. Par conséquent, les revendications d'utilisation de la demande divisionnaire portaient sur un objet différent de celui des revendications du brevet délivré sur la base de la demande initiale. Les revendications d'utilisation se distinguaient également des revendications portant sur une méthode de fabrication d'une cathode en composite lithium-métal de manganèse, qui figuraient dans une autre demande également en instance et avaient été jugées admissibles dans le recours T 1766/13 (du 17 avril 2014). La chambre a estimé évident, dans la présente espèce, qu'un produit et son usage ne constituaient pas "le même objet" au sens des décisions G 1/05 (JO 2008, 271) et G 1/06 (JO 2008, 307), et que l'on pouvait en dire autant de l'utilisation d'un produit et de son procédé de fabrication. L'objection de double protection par brevet ne pouvant dès lors être retenue contre les revendications telles que modifiées, la décision contestée a été annulée.
3.3 Étendues de la protection qui se recoupent – priorité interne
(CLB, II.F.4)
Dans l'affaire T 2461/10, la division d'examen avait rejeté une demande de brevet en raison de l'interdiction de la double protection par brevet. La chambre de recours a constaté que la CBE ne contient explicitement une règle concernant l'interdiction de la double protection par brevet que dans le cadre du rapport entre une demande de brevet national ou un brevet national et une demande de brevet européen ou un brevet européen (cf. art. 139(3) CBE). Or, la question du double brevet se pose également dans le cas de deux demandes de brevet européen ayant la même chronologie. Il peut y avoir trois cas de figure : deux demandes déposées le même jour par le même demandeur, ou une demande initiale et une demande divisionnaire, ou une demande (européenne) établissant la priorité et une demande (européenne) ultérieure.
La CBE ne contient pas de disposition interdisant explicitement la double protection par brevet dans le cas de deux demandes européennes. La Grande Chambre de recours a toutefois considéré à cet égard dans deux opinions incidentes identiques que cette interdiction existait effectivement (G 1/05, JO 2008, 271 et G 1/06, JO 2008, 307). Eu égard à ces décisions, l'interdiction de la double protection par brevet se justifie par une absence d'"intérêt légitime", et donc d'intérêt à agir, qui est lui-même reconnu comme une condition générale de recevabilité (cf. T 9/00, JO 2002, 275) et fait partie des principes de procédure généralement admis dans les États contractants au sens de l'art. 125 CBE. Dans la décision T 1423/07, il a été considéré qu'une interdiction de la double protection par brevet n'était en tous cas pas applicable dans le cas d'une combinaison entre demande européenne fondant la priorité et demande européenne ultérieure, puisqu'il était incontestable que le demandeur avait intérêt à agir en raison de la durée potentiellement plus longue du brevet délivré sur la base de la demande ultérieure. Le présent recours se rapportant à une telle combinaison de priorité interne, c'est l'argument dont le requérant s'est prévalu.
Dans la présente espèce, il n'a pas été nécessaire de clarifier cette question. En effet, la décision attaquée devait en tout état de cause être annulée car la division d'examen n'avait pas évalué correctement la portée de l'interdiction de la double protection par brevet en l'appliquant aux circonstances particulières de l'espèce. Il s'agissait ici d'un simple recoupement entre la portée du brevet dont la priorité était revendiquée et celle de la demande. La chambre s'est donc ralliée au courant de la jurisprudence des chambres de recours qui s'oppose à une extension de l'interdiction de la double protection par brevet dans ces cas de figures (cf. T 587/98, JO 2000, 497 ; T 1391/07 ; avis divergent dans T 307/03, JO 2009, 422). La chambre a donc conclu qu'en l'espèce, l'interdiction de la double protection par brevet n'empêchait pas la délivrance d'un brevet et qu'il fallait donc annuler la décision attaquée.
III. PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE DEVANT L'OEB
A. Confiance légitime
(CLB, III.A.1)
Dans l'affaire T 1448/09, la chambre a noté, quant à la recevabilité du recours, que la décision rendue par la division d'examen n'était pas exempte de certaines ambiguïtés et pouvait légitimement avoir conduit à une certaine confusion dans l'esprit du requérant.
La chambre a estimé qu'en vertu du principe de bonne foi qui doit régir les relations entre les parties à une procédure et les instances de l'OEB (cf. G 2/97, JO 1999, 123), le contenu d'une décision qui fait grief doit être dépourvu de toute ambiguïté susceptible d'affecter sa compréhension. Cette condition implique que, non seulement la conclusion rendue soit clairement exprimée, mais également que le raisonnement y ayant mené puisse être compris sans effort d'interprétation particulier. En effet, c'est uniquement dans les cas où ces conditions sont remplies que la requérante pourra prendre position sur les motifs invoqués.
En l'espèce, selon la chambre, la requérante ne pouvait se voir reprocher de ne pas avoir abordé un motif de la décision dans son mémoire de recours dont on pouvait légitimement estimer qu'il puisse avoir fait l'objet d'un malentendu au vu des circonstances. La chambre fait, en outre, observer que la requérante s'est bel et bien efforcée de se prononcer sur le motif du rejet tel qu'elle l'avait interprété. La chambre a conclu à la recevabilité du recours.
B. Droit d'être entendu
1. Non-comparution à la procédure orale
(CLB, III.B.2.3.3)
Dans la procédure ex parte T 1367/09 (voir également le chapitre IV.E.2.2 "Examen des conditions de brevetabilité dans la procédure ex-parte"), la chambre n'a pas mentionné l'art. 84 CBE dans sa notification au titre de l'art. 15(1) RPCR. Lorsqu'elle a réexaminé l'affaire en préparation de la procédure orale, elle a constaté que l'art. 84 CBE devait également être abordé. La procédure orale a eu lieu en l'absence du requérant. Dans sa décision, la chambre a souligné que la notification d'une chambre est de nature préliminaire et n'a pas à être exhaustive. En règle générale, les nouveaux motifs de rejet doivent être examinés lors de la procédure orale. Cependant, si un requérant régulièrement cité à une procédure orale n'y comparaît pas, il renonce à la possibilité de prendre position sur de nouveaux motifs qui n'étaient pas signalés dans la notification au titre de l'art. 15(1) RPCR, mais qui revêtent une importance déterminante pour la décision. Au regard du principe d'économie de la procédure, la chambre n'est pas tenue de différer sa décision. Une décision d'une chambre qui traite de nouveaux motifs sur lesquels le requérant n'a pas pris position n'enfreint pas en pareil cas le principe du droit d'être entendu (art. 113(1) CBE).
Dans l'affaire T 1448/09 (voir aussi le chapitre III.A "Confiance légitime"), le rejet de la demande de brevet européen reposait sur les connaissances générales de l'homme du métier telles qu'illustrées, par exemple, dans le document D3. Cette approche ne fut développée pour la première fois qu'au cours de la procédure orale devant la division d'examen à laquelle la requérante n'a pas participé. Il ressort de la décision G 4/92 (JO 1994, 149, cf. points 8 à 10 des motifs) que même si des arguments peuvent être présentés à tout moment, y compris en l'absence d'une partie au cours d'une procédure orale, il ne saurait en être de même de faits nouveaux sur lesquels une décision reposerait. Même si la référence aux connaissances générales relève de l'argumentation, l'existence de celles-ci relève des faits de la cause. Dans les situations où des affirmations quant à l'existence des connaissances générales sont mises en doute, les faits s'y rapportant doivent être toujours établis. Cela présuppose, cependant, que la partie à laquelle on oppose ces connaissances générales ait eu la possibilité de les contester ou d'en accepter le bien-fondé. En l'espèce, la requérante n'a pris connaissance de l'invocation par la division d'examen des connaissances générales et de l'existence du document D3, produit à leur appui, qu'au moment de la signification de la décision rendue à son encontre. Cette façon de procéder constituait une violation du droit de la requérante d'être entendue sur la question de la pertinence du document D3 et, par extension, sur la question de l'existence des connaissances générales invoquées.
C. Procédure orale
1. Poursuite de la procédure orale le jour suivant
(CLB, III.C.4.1.8)
Dans l'affaire T 1674/12, la division d'opposition avait poursuivi la procédure orale le 9 septembre 2011, alors que la citation ne mentionnait que le 8 septembre et que les opposants 1 et 3 avaient signifié leur désaccord.
Dans l'affaire T 2534/10 la chambre avait décidé qu'une procédure orale ne pouvait pas être poursuivie le lendemain sans qu'il y ait eu une citation respectant le délai minimal de deux mois (règle 115 CBE). La poursuite de la procédure orale le lendemain constitue donc une erreur de procédure, indépendamment du fait que les opposants 1 et 3 aient protesté ou non contre cette décision. Pour pouvoir poursuivre la procédure le 9 septembre un accord explicite de toutes les parties aurait été nécessaire. La décision dans l'affaire T 2534/10 avait également précisé qu'un renvoi n'était nécessaire que dans la mesure où cette erreur avait une incidence sur la décision finale, et avait ordonné à la division d'opposition de reprendre la procédure à partir du moment où l'erreur avait été commise. Selon T 2534/10, la procédure ne devrait être renvoyée que pour recommencer les actes de procédure qui ont été effectués le deuxième jour pour lequel il n'y a pas eu de citation.
D'après le procès-verbal dans l'affaire T 1674/12, la procédure orale du 9 septembre a été ouverte et la division d'opposition a annoncé que la priorité ne pouvait pas être valablement revendiquée. Après cela, le titulaire a demandé un report de la procédure orale, qui a été accordé. La procédure orale a été ensuite poursuivie le 18 avril 2012, après qu'une citation en bonne et due forme, respectant les délais, avait été émise. Si l'on admet l'exactitude du procès-verbal, aucun acte de procédure impliquant les parties n'a eu lieu le 9 septembre. La conclusion concernant la délibération de la division aurait également pu être communiquée par écrit. Cette décision n'était pas non plus contraire aux prétentions des opposants dans la mesure où la division d'opposition leur a donné raison. Les parties ont été informées de cette décision aussi bien par la communication du procès-verbal que par le président de la division d'opposition, qui a réitéré l'annonce de la décision dès l'ouverture de la procédure orale du 18 avril 2012. Même si la procédure n'avait pas été poursuivie le 9 septembre 2011, le résultat de la délibération de la division d'opposition aurait comme d'habitude été communiqué par l'envoi du procès-verbal ou avec la citation à la nouvelle procédure orale. Autrement dit, la procédure se serait essentiellement déroulée de la même façon, même si la division d'opposition avait ajourné la procédure orale le soir du 8 septembre 2011 sans la poursuivre le jour suivant.
2. Lieu de la procédure orale
(CLB, III.C.4.5)
Dans l'affaire T 1142/12, la division d'examen avait rejeté la requête du demandeur qui souhaitait que la procédure orale se tienne à Munich plutôt qu'à La Haye au motif qu'en vertu de l'art. 18(2) CBE, la procédure orale devait se dérouler devant la division d'examen elle-même et donc avoir lieu là où se trouvait la division d'examen connaissant de l'affaire, c'est-à-dire à La Haye. La chambre a considéré que la question cruciale qui se posait en l'occurrence était de déterminer qui était compétent pour décider du lieu de la procédure orale : la division d'examen ou la direction de l'OEB. Comme indiqué dans la décision T 1012/03, les aspects pratiques de l'organisation des procédures orales relèvent de la direction de l'OEB, laquelle est assurée par le Président de l'OEB conformément à l'art. 10(2) CBE. La chambre a estimé que les divisions d'examen n'étaient donc manifestement pas autorisées à prendre une quelconque décision en la matière. Concernant cette question, le pouvoir décisionnel des organes de première instance et des chambres de recours se résume à décider s'il y a lieu de tenir une procédure orale dans le cadre d'une affaire donnée. En revanche, le lieu, la salle et même la date sont des questions d'ordre organisationnel. En rejetant la requête visant à tenir la procédure orale à Munich plutôt qu'à La Haye, la division d'examen n'a pas pris de décision, mais seulement exprimé la manière dont l'OEB était géré. Par conséquent, cette question ne pouvait pas faire l'objet d'un recours et la chambre ne pouvait pas non plus saisir la Grande Chambre de recours d'une question portant sur le lieu de la procédure orale.
3. Modifications manuscrites au cours de la procédure orale devant la chambre de recours
(CLB, III.C.4)
Dans l'affaire T 1635/10, la chambre a pris note du Communiqué de l'OEB en date du 8 novembre 2013 (JO 2013, 603) relatif à la pratique concernant les modifications manuscrites apportées aux documents brevets. Il ressortait clairement des informations publiées sur le site Internet de l'OEB que la pratique s'appliquait aux procédures de première instance à compter du 1er janvier 2014. Selon cette pratique, des modifications manuscrites peuvent être déposées au cours de la procédure orale, mais en vue de finaliser la décision, elles doivent être intégrées dans les documents brevets sous forme dactylographiée ou imprimée, ou bien un délai doit être fixé pour déposer les modifications sous cette forme. Les deux procédures exigent que l'instance compétente vérifie que rien de plus que ce qui a été autorisé n'a été modifié, et que la ou les autres parties aient la possibilité de procéder à un contrôle et de formuler des observations avant que la décision ne soit publiée. Dans la présente affaire, les documents proposés en vue du maintien du brevet selon la requête subsidiaire 3 contenaient des modifications manuscrites apportées au cours de la procédure orale devant la chambre de recours. En l'espèce, si la chambre de recours se conformait aux exigences du Communiqué précité, cela serait préjudiciable aux principes d'équité et d'économie de la procédure. La chambre de recours a ainsi conclu que les documents présentés au cours de la procédure orale, qui pouvaient aisément faire l'objet des contrôles mentionnés plus haut et que le requérant avait eu l'occasion de commenter, étaient suffisants pour fonder sa décision (définitive). Étant donné que l'instance du premier degré devra en tout état de cause accomplir des formalités supplémentaires avant de pouvoir maintenir le brevet conformément au dispositif de la chambre, elle peut appliquer la nouvelle pratique aux présents documents. (Voir aussi T 37/12.)
D. Restitutio in integrum
1. Erreur au niveau de l'instruction de paiement
(CLB, III.E.4.4)
Dans l'affaire T 1355/09, le requérant avait formé un recours dans les délais, mais n'avait pas acquitté la taxe correspondante. La chambre a fait droit à la requête en restitutio in integrum quant au délai de recours. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, une méprise isolée dans l'application d'un système qui, par ailleurs, fonctionne correctement est excusable. Dans la présente espèce, l'erreur ne portait pas sur la surveillance des délais mais sur l'instruction de paiement. L'impossibilité de déterminer la raison pour laquelle l'instruction de paiement n'avait pas été exécutée était sans incidence. Étant donné que le système fonctionnait correctement depuis de nombreuses années, il y avait lieu en revanche de conclure qu'il s'agissait d'une méprise isolée, même si les circonstances n'avaient pas été élucidées (cf. également T 529/09 et T 580/06). De plus, un mécanisme de contrôle n'était pas nécessaire, ne serait-ce qu'en raison de la petite taille de l'entreprise. La présente espèce ne concernait pas, du reste, l'inobservation d'un délai, mais une erreur survenue dans le cadre de l'instruction de paiement, c'est-à-dire lors de l'exécution de l'acte à effectuer dans un certain délai. En pareil cas, aucun mécanisme de contrôle n'est nécessaire, car le risque d'erreur est relativement faible (voir aussi, à ce propos, l'affaire T 836/09, selon laquelle il n'y a pas d'obligation de contrôle en ce qui concerne le traitement du courrier sortant). Exiger en l'occurrence qu'il soit procédé à un contrôle reviendrait dans les faits à raccourcir le délai imparti, car, pour être efficace, un tel contrôle ne peut intervenir qu'après le paiement, tout en devant être effectué avant l'expiration du délai concerné.
2. Méprise isolée de la part du mandataire non excusable
(CLB, III.E.4.4)
Dans l'affaire R 18/13, le requérant a présenté une requête en restitutio in integrum quant au délai prévu à l'art. 112bis(4), deuxième phrase CBE, invoquant une méprise isolée dans l'application d'un système de surveillance des délais qui, par ailleurs, fonctionnait correctement. Il a mentionné deux méprises "isolées", l'une commise par son assistante et l'autre par le mandataire agréé. La Grande Chambre de recours, siégeant dans la formation prévue à la règle 109(2)a) CBE, a constaté que, eu égard à l'obligation de vigilance qui lui incombe, un mandataire ne saurait être mis au même niveau qu'un auxiliaire. Elle a renvoyé à la décision de principe J 5/80 de la chambre de recours juridique (JO 1981, 343), selon laquelle on ne saurait "attendre d'un auxiliaire chargé des tâches secondaires la même rigueur que du demandeur ou de son mandataire". La Grande Chambre de recours a estimé que le concept de "méprise isolée", tel qu'applicable aux auxiliaires, ne peut pas s'étendre au mandataire. Si un dossier est transmis au mandataire pour suite à donner, il ne peut pas se prévaloir du fait que ses auxiliaires ont jusque-là accompli de manière fiable toutes les tâches qui leur ont été déléguées. Il est au contraire tenu de s'assurer avant la transmission d'un dossier, à l'aide des mécanismes de contrôle correspondants, que les délais en cours sont respectés, ou alors de contrôler lui-même, au plus tard lorsque le dossier lui est transmis, un éventuel délai à respecter. La requête en restitutio in integrum a été rejetée.
3. Responsabilité secondaire du mandataire
(CLB, III.E.4.5)
Dans l'affaire J 5/13, la chambre a conclu que le mandataire avait fait preuve de toute la vigilance nécessaire pour respecter le délai non observé. Elle a fait observer que le demandeur devait accepter les actions accomplies en son nom par son mandataire, y compris par les auxiliaires ou employés de ce dernier (J 5/80, JO 1981, 343). Cependant, l'étendue des tâches du mandataire dépendait de l'accord conclu entre ce dernier et son client. Un mandataire désigné dont le pouvoir est muet au sujet du paiement des taxes annuelles et qui n'a pas reçu les fonds nécessaires à cette fin n'est pas censé acquitter la taxe en avançant lui-même le montant pour le compte du demandeur (J 16/93 ; J 19/04 ; J 1/07). Il n'assume, dès lors, qu'une "responsabilité secondaire" (cf. J 1/07), en vertu de laquelle il doit dûment conseiller le demandeur si ce dernier le contacte, ou s'il identifie lui-même un problème susceptible d'avoir une incidence sur la situation du demandeur au regard de sa demande de brevet. Partant, la responsabilité du mandataire consiste avant tout à déterminer l'intention véritable de son client en ce qui concerne le paiement des taxes annuelles (cf. J 16/93). Étant donné que le mandataire demeure responsable dans la procédure devant l'OEB et doit à ce titre prendre les mesures nécessaires pour garantir le paiement, il doit notamment s'assurer qu'un système fiable de vérification est en place et que le demandeur reçoit suffisamment de rappels (J 11/06, J 1/07). Par conséquent, l'étendue des tâches d'un mandataire qui n'assume que cette "responsabilité secondaire" d'informer et de conseiller son client quant à l'échéance des taxes annuelles, ne saurait être la même que dans le cas où il serait chargé d'effectuer le paiement proprement dit. Dans l'affaire en question, le mandataire s'était acquitté de sa responsabilité en envoyant à plusieurs reprises des lettres à la personne compétente au sein de la société du requérant.
4. Requête en restitutio in integrum superflue – retard minime dans le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours
(CLB, III.E.5)
Dans l'affaire T 2317/13, le délai pour déposer le mémoire exposant les motifs du recours expirait le 12 novembre 2013. Le requérant a déposé son mémoire par télécopie. La transmission par télécopie a débuté le 12 novembre 2013 à 23h58 et s'est achevée le 13 novembre 2013 à 00h16. Le requérant a présenté une requête en restitutio in integrum quant au délai prévu pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours. La chambre a estimé que cette requête était superflue et qu'il n'était pas nécessaire de l'instruire quant au fond. Selon elle, le pouvoir d'appréciation qui lui est conféré en vertu de l'art. 13(1) RPCR pour admettre et examiner une modification tardive des moyens écrits déjà invoqués par une partie s'étendait à l'admission et l'examen tardifs des moyens écrits proprement dits (cf. T 1198/03). Elle a fait observer que le mémoire exposant les motifs du recours n'avait été déposé qu'avec quelques minutes de retard, ce qui était réellement minime. De plus, les quatre premières pages du mémoire exposant les motifs avaient en fait été reçues avant l'expiration du délai, si bien qu'elles étaient en tout état de cause recevables. Il s'ensuivait que les pages restantes, produites tardivement, devaient être admises afin de donner un sens à celles qui avaient été produites dans les délais. Dans les circonstances de la présente espèce, la chambre aurait exercé à mauvais escient son pouvoir d'appréciation si elle n'avait pas admis ni examiné les motifs du recours uniquement en raison de ce retard minime. La chambre a également décidé de rembourser la taxe de restitutio in integrum. Elle a établi un parallèle avec l'affaire T 152/82 (JO 1984, 301), dans laquelle la taxe avait été remboursée après qu'il était apparu que la requête en restitutio in integrum était superflue.
5. Remboursement de la taxe de restitutio in integrum
(CLB, III.E.8)
Dans l'affaire T 2017/12 (JO 2014, A76), le requérant n'avait observé ni le délai prévu pour former un recours ni celui prévu pour déposer le mémoire exposant les motifs du recours. Il avait acquitté la taxe de restitutio in integrum deux fois (pour chacun des délais non observés), mais demandé le remboursement de l'une de ces taxes, en invoquant le lien entre les deux délais et le fait qu'ils se rapportaient à une seule et même perte de droits. La chambre a rejeté cette requête. La CBE ne contenait aucune disposition expresse en cas d'inobservation de plusieurs délais. Il pouvait en être déduit que chaque délai devait être traité séparément et qu'en l'absence d'indication contraire, le nombre de taxes à acquitter était fonction du nombre de délais non observés. Conformément à la décision J 26/95, la chambre a estimé que les délais correspondants venaient à expiration indépendamment l'un de l'autre, même s'ils étaient déclenchés par le même événement. L'inobservation de l'un ou l'autre de ces délais entraîne en outre la perte du droit de recours, et conduit au rejet du recours pour irrecevabilité, pour autant que la taxe de recours ait été acquittée. Par conséquent, deux taxes de restitutio in integrum distinctes étaient effectivement exigibles, si bien que le remboursement de l'une d'entre elles n'était pas possible.
E. Droit de la preuve
1. Auditions de témoins et avis d'experts
(CLB, III.G.2.2)
Dans l'affaire T 86/12, la requête visant à recourir à un expert a été présentée pour la première fois par le requérant (titulaire du brevet) par une lettre datée du 24 mars 2014. La procédure orale devant la chambre de recours a eu lieu le 24 avril 2014.
De l'avis du requérant, il y avait lieu d'expliciter comment l'homme du métier interprétait le terme "dilatation restante" (Restdehnung). La chambre a estimé qu'en vertu de l'art. 117(1)e) CBE, une expertise pouvait certes être envisagée également dans une procédure devant une division d'opposition et devant les chambres recours de l'Office européen des brevets. Cependant la compréhension et l'appréciation des faits techniques au regard du droit des brevets appartient généralement aux membres techniciens des chambres de recours. Conformément à la règle 117 CBE, l'OEB ne doit dès lors recourir à une expertise que s'il l'estime nécessaire. La chambre a considéré que ce n'était pas le cas dans la présente espèce, les membres techniciens de la chambre étant eux-mêmes suffisamment qualifiés dans le domaine de la science des matériaux. De plus, en produisant les documents B7 et B8, le requérant avait exposé son point de vue quant à l'emploi du terme dans un autre fascicule de brevet et dans une étude scientifique. La chambre composée de membres techniciens disposait donc de suffisamment d'éléments pour interpréter ce terme.
La requête a également été rejetée en application de l'art. 13(3) RPCR, au motif qu'elle avait été présentée à un stade si tardif de la procédure qu'un renvoi de la procédure orale aurait été nécessaire pour inviter l'expert.
Dans l'affaire T 1028/11, le requérant avait fait valoir qu'en refusant d'entendre le témoin proposé, la division d'opposition avait enfreint le droit d'être entendu et commis, ce faisant, un vice de procédure. La chambre n'a pas été de cet avis, car, en principe, les témoins sont supposés corroborer les faits pour lesquels ils sont censés être entendus, et non combler les lacunes dans les faits et arguments avancés par la partie à l'appui de sa cause. Une partie doit donc indiquer les détails factuels qu'elle souhaite voir prouvés par la déposition du témoin.
Selon la division d'opposition, au regard des preuves produites, l'usage antérieur public ne remettait pas en cause la brevetabilité. La chambre a constaté qu'il aurait été inutile d'entendre le témoin à ce stade, car une déposition de témoin n'a pour vocation que de corroborer les faits déjà exposés. Or, en l'occurrence, ces faits n'apportaient aucune information sur la caractéristique essentielle en question. Cette situation n'avait pas changé au moment de la procédure orale. Lors de la procédure orale devant la division d'opposition, l'opposant a présenté une demande d'audition de témoin et a exposé en détail comment la caractéristique manquante ressortait de la déclaration sous serment E3 du témoin qui avait été déposée avec l'acte d'opposition. Le témoin n'étant toutefois pas présent, la division d'examen ne pouvait faire droit à la demande d'audition sans reporter à cette fin la procédure orale.
Par conséquent, à ce stade très tardif de la procédure, la division d'opposition était en droit de rejeter la demande d'audition de témoin. La chambre n'a pu relever en cela aucun vice de procédure. En réponse à la demande du requérant tendant à ce que le témoin soit entendu par la chambre, celle-ci a déclaré qu'une déposition de témoin n'était pas supposée introduire pour la première fois des considérations techniques pour aboutir à un exposé concluant des faits, mais corroborer des faits concluants. Il n'appartenait donc pas à la chambre de recours de combler, en interrogeant le témoin, les lacunes dans l'argumentation produite à l'appui de l'usage antérieur. Pour être considérés comme ayant un fondement suffisant, les faits devaient déjà être exposés dans l'acte d'opposition, et non ressortir pour la première fois de la déposition du témoin. De l'avis de la chambre, un exposé convaincant des faits, susceptible d'être confirmé par le témoin, faisait en l'occurrence défaut. Étant donné que les moyens de preuve déjà produits n'apportaient aucune information concernant la caractéristique manquante et ne constituaient pas un exposé convaincant, il n'était pas satisfait aux conditions requises pour entendre un témoin. La demande d'audition de témoin devait dès lors être rejetée.
Dans l'affaire T 8/13, la chambre a abordé de nombreux aspects procéduraux. S'agissant de la demande formulée par le requérant (opposant) afin qu'un expert indépendant d'une université soit entendu, la chambre a estimé que les questions qu'elle devait trancher ne nécessitaient aucune expertise technique supplémentaire devant être sollicitée à l'extérieur de l'Office. Bien que la chambre et le requérant soient finalement parvenus à des conclusions différentes concernant l'évidence alléguée de l'objet revendiqué, ils étaient manifestement du même avis quant aux effets techniques que produirait le repositionnement de l'élément chauffant. Étant donné la présence dans la chambre de deux membres techniciens en plus du membre juriste, et compte tenu de la répartition spécifique des domaines techniques entre les différentes chambres de recours, les arguments des parties, dans la mesure où ils étaient clairement formulés, pouvaient être parfaitement compris tant sur le plan technique que d'un point de vue juridique. En outre, tous les membres des chambres étaient non seulement impartiaux, mais également expérimentés pour déterminer quelles connaissances pouvaient être attribuées à l'homme du métier de compétence moyenne, alors qu'un expert technique risquait de fonder son opinion sur sa propre analyse subjective. Le requérant n'a pas produit d'argument supplémentaire selon lequel l'audition d'un expert technique indépendant était nécessaire pour statuer sur l'affaire en cause. Il n'y avait donc aucune raison valable que la chambre exerce son pouvoir d'appréciation au titre de la règle 117 CBE, dans le sens demandé par le requérant.
Dans l'affaire T 30/12 concernant un usage antérieur allégué, le requérant/opposant s'était fondé sur le dessin A9 et sur le témoignage de M. H devant la division d'opposition pour invoquer, dans le cadre de la procédure d'opposition, un usage antérieur public. Le témoin avait reconnu explicitement qu'il ne savait pas quand ni à qui le dessin A9 avait été transmis (voir le procès-verbal détaillé de l'audition du témoin M. H). En fait, M. H. n'avait pas déclaré avoir assisté directement à la transmission du document A9, mais simplement indiqué ce qu'il pensait s'être produit. La chambre n'a pu que souscrire à la conclusion de la division d'opposition selon laquelle le témoignage de M. H ne constituait pas une preuve suffisante du fait que le document A9 avait été rendu accessible au public avant la date de priorité du brevet litigieux. Elle a indiqué qu'elle n'avait aucune raison d'invalider l'appréciation des preuves par la division d'opposition ou de statuer différemment.
S'agissant de la requête tendant à ce que le témoin M. H soit réentendu devant la chambre, celle-ci a constaté que l'objectif du requérant n'était pas que le témoin complète sa déposition en corroborant des faits, mais qu'il clarifie simplement les propos tenus devant la division d'opposition. Or, les déclarations du témoin sur la question de savoir si le document A9 avait été remis à une personne du public étaient claires et sans ambiguïté. Dans ces conditions, la chambre a estimé que la requête n'était pas fondée. Le requérant a également fait valoir que si le témoin avait été entendu, il aurait eu la possibilité d'expliquer comment ses précédentes déclarations devaient être interprétées. Cependant, les déclarations en question ne laissaient aucune marge d'interprétation. En outre, les mandataires des deux parties avaient eu la possibilité d'interroger le témoin au cours de la procédure orale devant la division d'opposition, si bien que le mandataire de l'opposant aurait pu demander au témoin de clarifier ces déclarations si cela avait été jugé nécessaire. La requête en vue d'une nouvelle audition du témoin M. H a donc été rejetée par la chambre.
2. Appréciation des preuves
(CLB, III.G.4)
Dans l'affaire T 2357/12 concernant le transfert de la qualité d'opposant et la notion de "succession universelle", la chambre a abordé la question de l'appréciation des preuves. Le titulaire du brevet avait remis en question la force probante de documents privés, tels que soumis dans la présente affaire, par rapport à des documents officiellement enregistrés, pour prouver le transfert de la qualité d'opposant dans une procédure inter partes. La chambre a affirmé que si les registres publics jouissaient souvent de la confiance du public quant aux faits enregistrés et qu'une grande force probante était attachée à d'autres documents publics pour des questions formelles, un document privé pouvait plus aisément être contesté quant à l'identité de son émetteur, ou en ce qui concerne la date et le lieu de sa création. Cependant, ni le caractère public ni le caractère privé d'un document n'apportait la preuve irréfutable de l'exactitude de son contenu. En outre, la fiabilité des registres publics dépendait de l'exactitude des informations reçues par l'administration compétente, lesquelles étaient le plus souvent soumises sous la forme de documents privés.
Dans la plupart des cas, les documents privés semblaient constituer les moyens de preuve les plus directs. Citant des exemples de plusieurs types de documents admis dans différentes affaires, la chambre a fait observer que les chambres de recours avaient toujours accepté des documents à la fois publics et/ou privés pour attester du transfert de droits, que ce soit par succession universelle ou par transfert individuel d'actifs. Le degré de preuve requis correspondait à la crédibilité des faits attestés, compte tenu de toutes les circonstances.
Dans l'affaire G 1/12 (JO 2014, A114), la chambre a indiqué que les procédures devant l'OEB se déroulent conformément au principe de la libre appréciation des preuves et qu'il serait contraire à ce principe d'établir des règles déterminées en matière de preuve qui définiraient la force probante à attacher ou non à certains moyens de preuve.
3. Charge de la preuve
(CLB, III.G.5.1.2)
Dans l'affaire J 3/14, la chambre a indiqué que lorsque le mandataire affirme ne pas avoir reçu une notification, la charge de la preuve incombe à l'OEB. Dans le cas d'espèce, la notification de la section de dépôt, fixant un délai de deux mois pour remédier à certaines irrégularités, portait la date du 4 mars 2013. Cette notification avait été envoyée par lettre recommandée, mais aucun accusé de réception émis par les services postaux n'était disponible. La chambre, après examen des preuves, a déclaré que celles-ci étayaient les arguments du requérant selon lesquels la lettre avait été reçue le 15 mars 2013 par une personne non autorisée à retirer le courrier professionnel du requérant en son absence, mais seulement son courrier privé. Cela a notamment été confirmé par le pouvoir déposé avec la lettre datée du 7 août 2014. Ce pouvoir autorisait certes, de manière générale, le retrait de tout courrier recommandé, mais il contenait une liste explicite d'exceptions, parmi lesquelles figuraient les lettres relevant habituellement des activités d'un mandataire agréé. Le retrait de lettres provenant d'offices de brevets, telles que la notification de l'OEB en cause, était expressément exclu du pouvoir donné. Selon la chambre, il apparaissait au moins plausible que les services postaux, au vu d'un pouvoir qui semblait autoriser le retrait de tout courrier recommandé, avaient remis la lettre par erreur à une personne non autorisée. Le requérant a également produit des preuves selon lesquelles le mandataire était absent de son domicile professionnel. La chambre a conclu que dans les cas où la charge de la preuve incombe à l'OEB, le bénéfice du doute doit être accordé au demandeur. Si des doutes subsistent quant au véritable déroulement des faits, le demandeur ne saurait s'en trouver lésé. Cela est d'autant plus vrai dans une situation comme la présente où la conséquence immédiate pour le demandeur serait le rejet de la demande.
F. Soupçon de partialité
1. Soupçon de partialité de membres de la division d'opposition – récusations au titre de l'article 24(1) CBE
(CLB, III.J.8.1)
Dans la décision T 1674/12, les opposantes 1 et 3 ont fait valoir une série de vices de procédure qui, à leurs yeux, étaient substantiels, en particulier, un parti pris de la division d'opposition, qui résultait de plusieurs points particuliers. Un point invoqué concernait la participation d'un des membres de la division d'opposition (autre que le président) à la délivrance d'un brevet pour une demande divisionnaire du brevet contesté. Les opposantes soutenaient qu'au moins le premier examinateur de la division d'opposition avait fait preuve de partialité, en délivrant un brevet pour une demande divisionnaire, sans attendre que la décision concernant le brevet antérieur soit prise, alors qu'il connaissait les objections soulevées à l'encontre du brevet antérieur. La chambre a constaté à cet égard que la participation d'un membre d'une division d'examen à une procédure d'opposition concernant le même brevet est admissible, dans la mesure où ce membre ne préside pas la division d'opposition (voir art. 19(2) CBE), ce qui est reconnu par les opposantes. Cette réglementation diffère de celle qui s'applique aux membres des chambres de recours (art. 24(1) CBE). Une telle participation ne suffit pas à récuser ce membre ou à le suspecter de partialité. L'allégation des opposantes selon laquelle le premier examinateur s'est montré partial, relève du fait qu'elles considèrent que l'examinateur ne devrait pas prendre de décision concernant une demande divisionnaire avant que le résultat de l'opposition contre le brevet antérieur dont elle est issue, ne soit connu, mais surtout devrait en tenir compte pour décider du sort de la demande divisionnaire. À cet égard, il convient de rappeler que la décision de délivrer un brevet se prend par la division d'examen, et non par le premier examinateur seul. La chambre a déclaré qu'exiger que la division d'examen attende forcément le résultat concernant un autre dossier, traité par une autre division, même si ce dossier est apparenté, porterait préjudice à l'indépendance de la division d'examen. Ceci montre clairement que la décision de l'examinateur de traiter la demande divisionnaire ne peut pas être considérée comme un signe certain de partialité. La chambre a fait observer que, selon la jurisprudence de l'OEB, pour constater un parti pris, il ne suffit pas qu'une des parties ait une impression subjective, mais il faut inclure un observateur objectif (voir T 190/03, JO 2006, 502 et T 281/03, toutes deux du 18 mars 2005).
2. Soupçon de partialité de membres des chambres de recours – recevabilité d'une récusation au titre de l'article 24(3), deuxième phrase CBE
(CLB, III.J.9.2)
Dans l'affaire T 49/11, la chambre devait déterminer, dans sa composition initiale, si une récusation était recevable au vu de l'art. 24(3) CBE. Une récusation pour partialité "n'est pas recevable lorsque la partie en cause a accompli des actes de procédure bien qu'elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation" (art. 24(3), deuxième phrase CBE). En l'occurrence, la recevabilité de la récusation pour partialité était contestée car l'intimé, après avoir reçu la citation, qui indiquait aux parties la composition de la chambre, avait adressé deux lettres à la chambre avant de demander une récusation pour partialité. Dans sa première lettre, l'intimé exprimait notamment son intention de parler allemand lors de la procédure orale. La chambre a estimé que lorsqu'une partie déclare qu'elle souhaite utiliser une langue officielle autre que la langue de la procédure lors de la procédure orale, elle doit en aviser officiellement l'OEB en vertu de la règle 4(1) CBE et qu'il s'agit là d'un acte de procédure ("Verfahrenshandlung", "procedural step") au sens de l'art. 24(3), deuxième phrase CBE. En déclarant vouloir s'exprimer en allemand lors de la procédure orale, l'intimé avait donc accompli un acte de procédure, plus de trois mois avant qu'il ne demande une récusation pour partialité. Par conséquent, la récusation pour partialité a été rejetée pour irrecevabilité au titre de l'art. 24(3), deuxième phrase CBE. Après avoir analysé le texte de cette disposition dans les trois langues officielles (art. 177(1) CBE) ainsi que la différence entre l'art. 24 CBE 2000 et l'art. 24 CBE 1973 et les dispositions transitoires de la CBE 2000, la chambre a déclaré qu'elle serait parvenue à la même conclusion avec l'ancien comme avec le nouveau texte de l'art. 24(3) CBE.
3. Soupçon de partialité de membres de la Grande Chambre de recours
(CLB, III.J.10)
Dans l'affaire R 19/12, le requérant avait allégué une violation du droit d'être entendu et demandé la récusation du président de la Grande Chambre de recours pour soupçon de partialité au titre de l'art. 24(3) CBE, en raison de la part que celui-ci avait prise et continuait de prendre dans l'administration de l'OEB. Dans la décision intermédiaire du 25.04.2014 sur la question de la partialité, la Grande Chambre de recours a souligné que, pour déterminer s'il y avait soupçon de la partialité, il convenait de se demander si une personne raisonnable, objective et avertie craindrait à juste titre, au vu de la situation, que le juge n'ait pas traité ou ne traite pas l'affaire de manière impartiale.
Les dispositions relatives à l'exclusion et à la récusation permettent de préserver la distance nécessaire entre le juge et les faits à apprécier, les parties et l'autorité dont la décision doit être examinée. Cette nécessité de garder ses distances s'impose à la juridiction et à ses juges tout particulièrement vis-à-vis de l'autorité administrative dont les décisions doivent être examinées par la juridiction.
Le fait qu'un juge ait occupé auparavant un poste élevé au sein d'une hiérarchie administrative n'est pas un motif suffisant pour fonder à lui seul un soupçon de partialité. Dans le cas présent, toutefois, la personne qui a été nommée simultanément président de la Grande Chambre de recours et Vice-Président de la Direction générale 3 (VP3) continue d'appartenir à la hiérarchie administrative en sa qualité de Vice-Président. Conformément à l'art. 10(2)f) CBE, elle reste soumise aux instructions du Président de l'Office, qui est son supérieur hiérarchique direct. Conformément à l'art. 10(3) CBE, le Président de l'Office est assisté de Vice-Présidents. Cette disposition est institutionnalisée sous la forme du MAC (comité de direction) et du CCG (conseil consultatif général, désormais appelé comité consultatif général). Le VP3 peut donc se retrouver confronté à des exigences contradictoires. D'une part, en tant que Vice-Président placé sous l'autorité du Président, il est tenu de réaliser au niveau des chambres de recours les objectifs de direction et de performance fixés par celui-ci ; d'autre part, ses fonctions de direction des chambres de recours l'obligent à préserver l'indépendance juridictionnelle de celles-ci face aux mesures du Président et de sa hiérarchie administrative. Cette situation, qualifiée de "conflit d'intérêts" par le demandeur, est celle dans laquelle se trouve le président en raison de sa double fonction.
Il existe également un lien concret entre la jurisprudence de la Grande Chambre de recours relative à la procédure de révision visée à l'art. 112bis CBE et la poursuite d'objectifs d'efficacité. Si la Grande Chambre de recours approuve un réexamen des décisions de première instance des chambres de recours techniques qui est restrictif du point de vue du droit d'être entendu, cela donne aux divisions d'examen et surtout aux divisions d'opposition une plus grande marge de manœuvre pour organiser les procédures en fonction d'objectifs d'efficacité fixés à l'avance, par exemple en rejetant tout moyen ou requête présenté ultérieurement.
Au vu de la participation du président de la Grande Chambre de recours à l'administration de l'Office à un niveau de direction, une personne raisonnable, objective et avertie peut craindre à juste titre que le président ne puisse pas exercer sa fonction juridictionnelle à l'abri de contraintes qui lui sont imposées en sa qualité de VP3, en particulier dans le cadre de sa participation aux organes susmentionnés. La Grande Chambre de recours a donc estimé que la récusation du président de la Grande Chambre de recours était fondée.
Dans l'affaire R 2/14, la décision intermédiaire concernait entre autres la requête visant à faire remplacer le président de la Grande Chambre de recours pour partialité. Le requérant faisait valoir que les fonctions judiciaires du président de la Grande Chambre de recours étaient incompatibles avec ses fonctions managériales de Vice-Président de la Direction générale 3 (VP3), et il se référait à la décision intermédiaire de la Grande Chambre de recours dans l'affaire R 19/12, dans laquelle la Grande Chambre avait conclu qu'il pouvait exister un conflit d'intérêt entre ces deux types de fonctions.
À l'invitation de la Grande Chambre de recours, le président de la Grande Chambre de recours a pris position au sujet des objections soulevées par le requérant et a déclaré que, suite à la décision intermédiaire R 19/12, il n'exerçait plus ses activités managériales au sein des comités managériaux supérieurs de l'Office, à savoir le MAC et le CCG.
Tenant compte des observations du président de la Grande Chambre de recours, la Grande Chambre de recours a jugé que les circonstances factuelles de la présente affaire différaient des faits sur lesquels se fondait la décision intermédiaire R 19/12. Les seuls éléments encore en commun avec les faits établis antérieurement étaient que le président de la Grande Chambre de recours, dans ses fonctions managériales de VP3, restait assujetti aux dispositions de l'art. 10, paragraphes 2 f) et 3 CBE, en vertu desquelles les Vice-Présidents assistent le Président de l'Office et sont soumis à son autorité hiérarchique. Il pouvait y avoir incompatibilité entre ces dispositions et l'art. 23(3) CBE, selon lequel le président de la Grande Chambre de recours, dans ses fonctions judiciaires, n'est lié par aucune instruction et ne doit se conformer qu'aux dispositions de la CBE. Selon la Grande Chambre de recours, il ne peut être entièrement remédié à cette "incompatibilité normative" sans que des modifications soient apportées à l'actuelle structure institutionnelle de l'Organisation européenne des brevets. Il est toutefois possible et nécessaire, en attendant, d'en atténuer l'incidence en mettant continuellement en balance ces fonctions potentiellement incompatibles ("concordance normative").
Appliquant le concept de "concordance normative", la Grande Chambre de recours a déclaré que le pouvoir du Président de l'Office de donner des instructions au président de la Grande Chambre de recours dans ses fonctions de VP3, conformément à l'art. 10, paragraphes 2 f) et 3 CBE, est limité en vertu de l'art. 23(3) CBE. Le président de la Grande Chambre de recours est en conséquence dispensé de toute obligation
a) d'obtempérer aux instructions du Président de l'Office
b) d'observer d'autres orientations d'ordre administratif/prises par l'exécutif, ou
c) d'assister le Président de l'Office au titre de l'art. 10(3) CBE
si, et dans la mesure où, de telles instructions ou orientations, ou une telle assistance sont susceptibles de l'entraver et/ou d'entraver tout autre membre des chambres de recours, y compris de la Grande Chambre de recours, de manière directe ou indirecte, dans l'exercice de ses/leurs fonctions judiciaires. Si le président/VP3 doit faire face à une incompatibilité irrémédiable entre ses fonctions managériales et judiciaires, ses fonctions judiciaires telles que découlant des art. 23(3) et 24 CBE, ainsi que de l'art. 6(1) CEDH prévalent.
En conclusion, la Grande Chambre de recours a déclaré qu'après la mise en œuvre des mesures institutionnelles adoptées suite à la décision intermédiaire R 19/12, une personne raisonnable, objective et avertie, considérant les circonstances de l'intégration actuelle du président au sein de la hiérarchie de l'Office, ne serait plus fondée à soupçonner le président de partialité.
La Grande Chambre de recours a estimé en outre que la portée factuelle d'une objection élevée en vertu de l'art. 24(3) CBE est définie dans le mémoire exposant les motifs de l'objection à l'origine de la procédure visée à l'art. 24(4) CBE. Mis à part le développement ultérieur de ladite objection à l'aide de faits, preuves et arguments, l'objet de la procédure ne peut, en principe, être étendu ou modifié, que ce soit par de nouveaux faits ou par une nouvelle objection. Aussi la Grande Chambre de recours n'a-t-elle pas admis les moyens par lesquels le requérant se référait à une nouvelle catégorie d'objections (partialité personnelle ou "subjective", par opposition à une partialité structurelle ou "objective"). De plus, les circonstances invoquées par le requérant n'étaient survenues qu'après la clôture de la procédure orale.
G. Aspects formels des décisions des instances de l'OEB
1. Composition des organes compétents de première instance
1.1 Division d'examen
(CLB, III.K.2.1)
Dans l'affaire T 1207/09, le deuxième membre de la division d'examen présent lors de la procédure orale n'était pas le même que celui ayant signé la citation à la procédure orale. Il était allégué, en référence à la décision T 390/86 (JO 1989, 30), que cela constituait un vice substantiel de procédure.
La chambre n'a pas partagé ce point de vue et a cité la décision T 160/09, qu'elle a approuvée. La décision T 390/86 concerne le cas où la décision écrite n'est pas signée par les membres de la division d'opposition qui ont prononcé la décision au cours de la procédure orale. Dans ce cas de figure, la question se pose de savoir si la décision écrite reflète l'avis des examinateurs qui ont statué au cours de la procédure orale. La décision T 390/86 ne suggère pas toutefois que la composition initiale de la division d'opposition ne peut être modifiée pendant la procédure jusqu'à la procédure orale. En l'occurrence, la décision écrite avait été signée par les examinateurs qui avaient pris part à la procédure orale, si bien que la décision T 390/86 n'était pas applicable.
De plus, l'art. 18(2) CBE dispose uniquement que la division d'examen se compose de trois examinateurs techniciens. Il n'exige pas de maintenir la composition initiale tout au long de la procédure.
2. Forme des décisions
2.1 Motifs d'une décision
2.1.1 Obligation juridique de motiver les décisions au titre de la règle 111(2) CBE
(CLB, III.K.4.2.1)
Il doit ressortir des décisions de l'Office au titre de l'art. 113(1) CBE que les principaux arguments des parties ont été examinés (T 2352/13). Dans l'affaire T 246/08, la chambre avait fait observer qu'en résumé, une décision doit montrer que tous les arguments invoqués par une partie et susceptibles d'être opérants peuvent de fait être réfutés. Il ne suffit pas de simplement reproduire les exposés des parties ; il doit découler des motifs que leurs principaux arguments ont été examinés quant au fond lors de la prise de la décision. Dans sa décision finale, l'Office doit notamment tenir compte des observations qui ont été présentées au sujet de ses notifications (cf. T 1997/08).
Une simple déclaration peut constituer un motif suffisant si l'argumentation de l'instance qui sous-tend cette déclaration ressort clairement et si cet aspect n'a pas été particulièrement controversé pendant la procédure. En revanche, si une partie invoque en détail des moyens et qu'elle produit des preuves avec des références, afin de faciliter la compréhension générale d'un concept du brevet par l'homme du métier, la division d'examen ou d'opposition doit prendre position concernant cette argumentation. En l'occurrence, cela n'avait pas été le cas. La chambre de recours a donc considéré que le droit d'être entendu n'avait pas été respecté.
2.1.2 Exemples de non-respect des conditions énoncées à la règle 111(2) CBE
(CLB, III.K.4.2.3)
L'exigence prévue à la règle 111(2), première phrase CBE, selon laquelle les décisions doivent être motivées, n'est pas remplie si la décision attaquée ne permet pas, même en consultant d'autres éléments du dossier, de déterminer clairement et sans équivoque la ou les requêtes (y compris les éventuelles pièces y afférentes, telles que les revendications, les pages de la description et les dessins) qui ont fondé cette décision (T 405/12).
H. Rectification d'erreurs dans les décisions – règle 140 CBE
(CLB, III.L.1)
Dans l'affaire T 1869/12, le requérant (demandeur) avait formé un recours contre la décision de la division d'examen de ne pas rectifier le fascicule du brevet européen publié. Par le biais d'une rectification de la décision de délivrance, il essayait d'obtenir que le brevet comprenne le jeu de revendications proposé par la division d'examen dans sa notification au titre de la règle 71(3) CBE, mais avec les modifications de fond qu'il avait proposées ultérieurement.
Pour trancher cette affaire, la chambre s'est appuyée sur la décision G 1/10 (JO 2013, 194), qui énonce ce qui suit : "Étant donné que la règle 140 CBE ne permet pas de rectifier le texte d'un brevet, une requête formulée par le titulaire d'un brevet aux fins d'une telle rectification est irrecevable quel que soit le moment où elle est présentée, y compris après qu'une procédure d'opposition a été introduite." De plus, la chambre a affirmé que même en faisant abstraction de la décision G 1/10, il ne pourrait pas être fait droit à la requête du requérant, puisqu'il était clair que la division d'examen avait bien eu l'intention – et n'entendait pas s'en écarter – de délivrer le brevet avec les revendications qu'elle avait elle-même proposées, et non avec celles demandées par le requérant.
La procédure de délivrance ayant été entachée d'irrégularités et deux erreurs de procédure ayant été commises (règle 111(2), art. 113(1) CBE), la chambre a considéré que le requérant aurait dû former un recours contre la décision de délivrer le brevet.
L'exergue de la décision s'énonce donc comme suit : "En cas de vice de procédure pendant la procédure de délivrance, une rectification n'est possible qu'en formant un recours contre la décision de délivrance. Une rectification du fascicule du brevet européen publié ou de la décision de délivrance ne peut être autorisée si ce fascicule correspond à la véritable intention de la division d'examen lors de la délivrance du brevet."
I. Suspension de la procédure
(CLB, III.M.3)
Dans l'affaire J 17/12, la principale question à trancher était de savoir si le transfert d'une demande de brevet européen doit être inscrit au registre alors que la procédure de délivrance est suspendue au titre de la règle 14(1) CBE. La division juridique estimait que cela devrait être le cas, étant donné que l'inscription du transfert n'affecte pas la procédure de délivrance en tant que telle, et que le registre sert essentiellement à informer le public sur la situation juridique actuelle de la demande.
La chambre de recours juridique n'a pas partagé ce point de vue. Selon elle, le transfert d'une demande de brevet européen ne peut être inscrit au Registre européen des brevets alors que la procédure de délivrance est suspendue au titre de la règle 14(1) CBE. La chambre a estimé que l'inscription du transfert d'une demande n'est pas conforme à l'objectif fondamental de la suspension d'une procédure, qui est de protéger les droits d'un tiers requérant à l'égard de la demande. Si l'inscription relative au demandeur pouvait être librement modifiée pendant qu'une procédure de délivrance est suspendue, les tiers pourraient avoir beaucoup de mal à faire usage des possibilités offertes par l'art. 61(1) CBE.
Pendant la suspension d'une procédure de délivrance, rien n'empêche de présenter une requête en transfert de la demande. Selon la décision de la chambre de recours juridique, une suspension aura simplement pour effet qu'aucune initiative ne pourra être prise concernant la requête pendant la suspension. Si le transfert peut ne pas apparaître dans le registre, il sera visible lors d'une inspection publique, tout comme la décision de suspendre la procédure de délivrance. Le public sera donc suffisamment informé.
Dans l'affaire J 15/13, le requérant (demandeur) avait formé un recours contre la décision de la division juridique de rejeter sa requête en reprise de la procédure de délivrance sur la base de sa demande de brevet européen, procédure qui avait été suspendue à compter du 21 septembre 2012, conformément à la règle 14(1) CBE, dans l'attente du résultat d'une action en justice intentée au Danemark le 20 septembre 2012.
La chambre de recours juridique a rejeté le recours, au motif que la première instance avait exercé correctement son pouvoir d'appréciation, et que la division juridique avait dûment tenu compte de tous les intérêts légitimes du requérant et de l'intimé.
La chambre de recours juridique a estimé que rien ne prouvait que la procédure nationale aurait été introduite à des fins dilatoires. La présentation, au tout dernier moment, d'une requête au titre de la règle 14(1) CBE ne pouvait plaider en faveur d'une reprise de la procédure de délivrance que si par cette démarche, l'intimé faisait manifestement un usage abusif du droit à suspendre la procédure de délivrance. Tel n'était pas le cas en l'espèce.
La chambre de recours juridique a également considéré que le service de l'OEB chargé de décider si la procédure de délivrance doit être ou non suspendue, doit vérifier que la procédure nationale est conforme à la règle 14(1) CBE. La chambre a notamment estimé que la procédure nationale en question doit être une action en revendication du droit à la demande, non seulement par sa désignation, mais aussi d'après sa nature. Selon la jurisprudence de la chambre de recours juridique, l'OEB n'est pas autorisé à examiner la substance et le bien-fondé d'une action nationale en revendication du droit à la demande. Le pouvoir d'examen de la chambre ne peut toutefois se limiter à la question de savoir si la demande soumise avec l'action en revendication vise au transfert de la demande ; dans une certaine mesure, il permet également, et peut même exiger, de prendre en considération les motifs de l'action en revendication.
La chambre de recours juridique a conclu qu'indépendamment de la question de leur bien-fondé, la requête et les arguments avancés dans la procédure nationale visaient en l'occurrence au transfert de la demande litigieuse. La procédure danoise correspondait donc à une action en revendication du droit à la demande, non seulement par sa désignation, mais aussi d'après sa nature.
Outre les informations contenues dans les documents du tribunal danois, la chambre de recours juridique a pu également tenir compte des circonstances entourant le déroulement de la procédure. La chambre savait que la juridiction danoise avait rejeté la requête en rejet sommaire de l'action danoise en revendication du droit à la demande présentée par le requérant, et qu'elle avait l'intention d'entendre un expert. En raison de ces faits, et sans même évaluer les arguments avancés dans la procédure danoise, il pouvait être conclu que la juridiction danoise ne considérait pas cette affaire comme dénuée de tout fondement dès l'origine.
L'intimé a affirmé que son intention était de retirer la demande s'il obtenait gain de cause dans l'action danoise en revendication du droit à la demande. Cela n'en diminuait pas pour autant son intérêt à voir la suspension de la procédure de délivrance se prolonger. La chambre a estimé que même si le titulaire légitime n'était pas intéressé par le brevet, il pouvait être dans son intérêt d'empêcher le demandeur d'obtenir un brevet.
J. Règlement relatif aux taxes
1. Règle de sécurité des dix jours – parties minimes non encore payées
(CLB, III.Q.3.1)
Dans l'affaire J 25/12, le montant acquitté dans le délai prévu à la règle 51(2) CBE au titre de la taxe annuelle due pour la sixième année et de la surtaxe était insuffisant en raison d'une modification antérieure du montant des taxes. Le montant manquant n'a pas été acquitté à l'expiration du délai de deux mois ensuite imparti à cet effet (art. 4(3) de la décision du Conseil d'administration du 28 octobre 2009, JO 2009, 587) et la demande a par conséquent été réputée retirée (art. 86(1), règle 112(1) CBE). Quelques mois plus tard, le représentant a acquitté le montant manquant, en invoquant l'art. 7(3) et (4) du règlement relatif aux taxes.
La chambre a confirmé le rejet par la division d'examen de la requête au titre de l'art. 7(3) et (4) du règlement relatif aux taxes, estimant que le requérant, dans son interprétation de ces dispositions, semblait avoir compris, à tort, que le paiement d'une surtaxe de 10 % lui donnait la possibilité de payer le montant manquant après l'expiration du délai dans lequel le paiement aurait dû intervenir.
Le requérant a également invoqué l'art. 8, dernière phrase du règlement relatif aux taxes, selon lequel l'OEB peut, si cela paraît justifié, ne pas tenir compte des parties minimes non encore payées de la taxe, sans que cela ne porte atteinte aux droits de la personne qui a effectué le paiement. La chambre n'a pas mis en doute le fait qu'en l'occurrence, le montant manquant pouvait être considéré comme une partie minime par rapport à la somme totale due. Cependant, même dans une telle situation, l'OEB ne pouvait faire usage de son pouvoir d'appréciation pour ne pas tenir compte de parties minimes que si cela était justifié. En l'espèce, rien ne le justifiait, étant donné que le mandataire avait spécifiquement été informé de la modification du montant des taxes et invité à acquitter le montant manquant dans un délai de deux mois, ce qu'il n'avait pas fait.
K. Représentation
1. Exposé oral par un assistant
(CLB, III.R.5)
Dans l'affaire T 8/13, la chambre a indiqué que la requête visant à autoriser une personne qui n'était pas un mandataire agréé à présenter un exposé au nom du requérant (opposant) au cours de la procédure orale ne serait pas admissible au regard des conditions énoncées à l'art. 134 CBE, ainsi que de la décision G 4/95. En réponse à l'avis préliminaire exprimé par la chambre dans sa notification, le requérant a fait valoir que Mme L., qui l'accompagnait lors de la procédure orale, avait suivi toute l'affaire de près depuis le début et aurait donc dû être autorisée à présenter un exposé oral. En outre, le requérant souffrait d'asthme et ne pouvait que difficilement plaider sa cause. Le requérant a également déclaré qu'il était désavantagé par rapport à l'intimé qui était représenté par deux mandataires agréés.
La chambre n'a pas été convaincue par ces arguments et a rejeté la requête du requérant, conformément à l'avis préliminaire qu'elle avait exprimé dans sa notification. Mme L. n'était pas un mandataire au sens de l'art. 134 CBE et n'a pas non plus été présentée en tant qu'expert technique devant être entendu sur une question technique. Son implication à titre individuel dans l'affaire ou sa relation avec le requérant ne lui donnait pas non plus la qualité requise pour présenter un exposé oral en tant que personne accompagnant le mandataire agréé au regard des conditions énoncées dans la décision G 4/95. En ce qui concerne l'état de santé du requérant, la chambre a informé ce dernier qu'elle était disposée à suspendre la procédure orale à intervalles réguliers si cela était nécessaire.
Même si le requérant a déclaré qu'il considérait la situation procédurale comme étant inéquitable au regard de la représentation dont bénéficiait l'intimé, la chambre demeurait liée par les dispositions applicables de la CBE. Le requérant avait bien entendu toujours eu la possibilité de se faire représenter par un mandataire agréé. Dans un souci d'être complet, la chambre a ajouté qu'en l'occurrence, le président de la chambre n'avait pas empêché Mme L. d'aider le requérant à retrouver divers points et passages dans ses pièces, leur accordant de surcroît le temps supplémentaire nécessaire à cette fin, étant donné que cela avait été jugé approprié dans les circonstances de l'espèce et que l'intimé ne s'y était pas opposé.
Dans l'affaire T 1458/11, le requérant 2 (titulaire du brevet) était représenté par M. Ch, mandataire agréé, qui était accompagné par M. H, un stagiaire travaillant pour son cabinet. La présence de M. H n'avait pas été annoncée avant la procédure orale devant la division d'opposition. Le requérant 2 avait demandé que M. H soit autorisé à intervenir "sur certains aspects pendant la procédure orale, sous le contrôle et la responsabilité de M. Ch". Le requérant 1 (opposant) avait donné son accord, à condition que M. H "n'intervienne pas pour tout le dossier". La division d'opposition avait autorisé M. H à intervenir "sur certains aspects, sous la responsabilité de M. Ch". Après le prononcé de la décision attaquée, le requérant 1 avait fait valoir que, selon ses observations, M. H était intervenu "pendant plus de la moitié du temps", contrairement à ce qui avait été convenu au début de la procédure orale.
Conformément à la décision G 4/95, la division d'opposition doit s'assurer que l'exposé oral effectué par un assistant complète la présentation exhaustive de la cause de la partie par son mandataire agréé, et que l'assistant l'effectue sous la responsabilité et le contrôle permanents du mandataire agréé. Selon le requérant 1, l'exposé effectué par M. H ne satisfaisait pas aux exigences précitées, telles qu'énoncées dans la décision G 4/95, étant donné qu'il ne complétait pas la présentation exhaustive de la cause du requérant 2 par le mandataire agréé, M. Ch.
La chambre a examiné les moyens invoqués par les parties et le contenu du procès-verbal de la procédure orale devant la division d'opposition. Il n'était pas possible de déterminer, de manière objective, si l'exposé effectué par l'assistant complétait la présentation exhaustive du mandataire agréé ou s'il allait au-delà, voire s'il présentait en substance tout le dossier de la partie. Le requérant 1 aurait dû informer la division d'opposition de ces manquements, et ce dès qu'il en avait eu connaissance. Cette réaction immédiate est requise, étant donné qu'une partie à la procédure doit participer activement à celle-ci et présenter spontanément, dans les délais, tous les éléments à l'appui de sa position (cf. R 2/08, point 8.5 des motifs). En l'occurrence, le requérant 1 aurait dû et aurait pu informer la division d'opposition en conséquence, au plus tard avant la pause-déjeuner, étant donné que, selon ses propres allégations, le mandataire agréé n'avait présenté que quelques éléments à ce stade, de sorte que l'exposé oral effectué par l'assistant ne se bornait manifestement pas à compléter la présentation exhaustive de la cause du requérant 2 par le mandataire agréé.
De plus, rien n'indiquait que le requérant 1 ait été pris par surprise ou qu'il n'ait pas été préparé, ou du moins qu'il n'ait pas pu se préparer, à l'exposé oral effectué par l'assistant (cf. G 4/95, point 10 des motifs, deuxième paragraphe). La chambre a estimé que la procédure devant la division d'opposition n'avait été entachée d'aucun vice de procédure.
IV. PROCÉDURE DEVANT L'OEB
A. Procédure de dépôt et examen quant à la forme
1. Attribution d'une date de dépôt
1.1 Conditions requises pour l'attribution d'une date de dépôt
(CLB, IV.A.5.1)
Dans l'affaire J 1/12, le requérant avait déposé une demande de brevet européen auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni avec les mêmes pièces que celles sur lesquelles s'appuyait la demande qu'il avait déposée ultérieurement auprès de l'OEB. La demande déposée au Royaume-Uni n'était jamais parvenue à l'OEB, celle-ci ayant été égarée par l'Office du Royaume-Uni. La chambre de recours juridique devait donc examiner s'il était justifié, contrairement à ce qui est énoncé à l'art. 80 CBE 1973, d'attribuer à la demande la date antérieure de dépôt (art. 75(1)b) CBE 1973).
L'art. 77(2) CBE 1973 dispose que les demandes de brevet européen déposées auprès des États membres doivent être transmises à l'OEB dans un délai de six semaines après leur dépôt. L'art. 77(5) CBE 1973 complète cette disposition en énonçant que les demandes de brevet européen qui ne parviennent pas à l'OEB dans le délai visé sont réputées retirées. Cette situation se produit quelles que soient les raisons pour lesquelles les demandes ne parviennent pas à l'OEB. La demande déposée auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni était donc réputée retirée. La restitutio in integrum était exclue, car elle n'est prévue que lorsqu'il y a eu inobservation d'un délai qu'il appartenait à l'utilisateur de respecter.
Dans ce cas de figure, le législateur a prévu expressément à la dernière phrase de l'art. 77(5) CBE 1973 que les taxes de dépôt, de recherche et de désignation sont restituées. De plus, les art. 135(1)a) et 136(2) CBE prévoient la possibilité de transformer la demande de brevet européen perdue en demande de brevet national. Il s'ensuit que les auteurs de la CBE avaient clairement identifié les conséquences sévères de l'art. 77(5) CBE 1973 pour les demandeurs. Malgré cela, le législateur n'a fourni aucun moyen aux demandeurs pour recouvrer une demande perdue. Dans l'affaire J 3/80, la chambre a estimé que les possibilités de remboursement doivent manifestement être interprétées comme une alternative à l'absence de restitutio in integrum. L'attribution, à la demande en cause, d'une date de dépôt accordée à une demande perdue enfreindrait donc manifestement la volonté du législateur.
1.2 Corrections au titre de la règle 139 CBE
1.2.1 Non-remplacement de l'invention
(CLB, IV.A.5.5.2)
Dans l'affaire J 16/13, le requérant demandait que la description et les revendications produites par erreur soient rectifiées, conformément à la règle 139 CBE. La chambre n'a pas contesté que l'homme du métier aurait d'emblée constaté la discordance entre les dessins et les autres parties de la description, et qu'il aurait donc cherché à déterminer quelles étaient les pièces correctes de la demande (ou celles envisagées). Cependant, elle a estimé qu'à la lecture de la demande, l'homme du métier n'aurait pas "immédiatement déduit qu'aucun texte autre que celui résultant de la rectification n'aurait pu être envisagé par le demandeur", à savoir, en l'occurrence, le contenu du document de priorité. Une série pratiquement infinie d'alternatives parfaitement plausibles peut être imaginée lorsqu'une description et le jeu de revendications qui lui correspond se révèlent erronés. Une description correspondant parfaitement à celle du document de priorité n'est qu'une des alternatives plausibles. De plus, le "bon sens" conduirait peut-être l'homme du métier à consulter les demandes parallèles, mais il n'apporterait pas la ferme conviction – à savoir que la correction s'impose à l'évidence – requise par la règle 139 CBE. Cette ferme conviction en une seule et unique rectification possible a été clairement mentionnée dans l'avis G 3/89.
La chambre a fait observer que l'affaire était similaire à l'affaire J 5/06, qui énonce que l'approche adoptée dans la décision antérieure T 726/93, invoquée en l'espèce par le requérant, n'est pas applicable à la suite des décisions G 3/89 et G 2/95 de la Grande Chambre de recours. Des considérations similaires à celles exposées dans l'affaire J 5/06 s'appliquaient à la décision J 4/85, également invoquée par le requérant. Le raisonnement suivi dans l'affaire J 4/85, selon lequel les intentions du demandeur doivent être dûment prises en considération lors de l'application de la règle 88 CBE 1973 (correspondant à la règle 139 CBE), a été clairement infirmé par la jurisprudence ultérieure (cf. J 5/06, point 10 des motifs). La requête en rectification du fascicule au titre de la règle 139 CBE a été rejetée.
B. Procédure d'examen
1. Modifications en vertu de la règle 137(3) CBE
(CLB, IV.B.2.5.1)
Dans l'affaire T 158/12, le requérant faisait valoir qu'aucun article ni aucune règle de la CBE n'empêchait le demandeur d'opter, pendant l'examen, pour une invention plutôt que pour une autre, si elles avaient fait l'objet d'une recherche. La chambre a toutefois considéré que les articles et les règles de la CBE forment un système légal qui permet clairement de conclure qu'aucune disposition n'autorise le paiement de plusieurs taxes d'examen pour une demande de brevet. La chambre a affirmé qu'un seul examen doit être effectué par demande, une seule taxe d'examen étant acquittée. Après avoir choisi de faire porter l'examen sur une invention (ou une pluralité d'inventions), il n'est pas possible de modifier ce choix une fois que l'examen de cette invention a débuté. La chambre a estimé que cette approche, qui repose sur les dispositions de la CBE, a été confirmée dans l'avis G 2/92. Par conséquent, l'opinion du requérant selon laquelle l'examen d'une demande pouvait se baser sur plusieurs inventions n'était pas étayée par cet avis de la Grande Chambre de recours.
2. Recherches additionnelles au cours de l'examen
(CLB, IV.B.4.1.2)
Dans l'affaire T 2299/10, la décision attaquée se fondait, entre autres, sur l'objection selon laquelle l'objet de la revendication 1 n'impliquait pas d'activité inventive. L'Office européen des brevets agissant en qualité d'administration chargée de la recherche internationale avait émis une déclaration de non-établissement du rapport de recherche internationale en vertu de l'art. 17.2)a) PCT. Aucun rapport complémentaire de recherche européenne n'avait non plus été établi. La division d'examen avait examiné la demande bien qu'aucune recherche n'ait été effectuée. Cela n'est toutefois possible que dans des cas exceptionnels et, conformément à la jurisprudence des chambres de recours, il ne peut être renoncé à une recherche additionnelle concernant un état de la technique pertinent que si les caractéristiques techniques des revendications sont considérées comme "notoires", c'est-à-dire génériques et connues au point de ne pouvoir être raisonnablement réfutées (cf. T 1411/08, point 4 des motifs). La chambre a estimé que les caractéristiques techniques allaient au-delà des simples connaissances générales de l'homme du métier et qu'elles ne pouvaient être considérées comme "notoires". Le fait qu'un demandeur déclare, dans la demande initiale, qu'un état de la technique donné est connu, n'est généralement pas un motif suffisant pour ne pas effectuer de recherche additionnelle, étant donné que de telles déclarations peuvent être retirées ou atténuées – ce qui est d'ailleurs souvent le cas. De plus, cela ne pourrait s'appliquer que si toutes les caractéristiques techniques de la revendication étaient présentées comme connues (cf. T 1924/07, point 9 des motifs). Or, en l'espèce, le requérant n'avait pas déclaré que les caractéristiques pertinentes de la revendication 1 étaient connues. La nouveauté et l'activité inventive de la revendication 1 ne pouvaient donc être appréciées de façon définitive sans que l'on ait connaissance de l'état de la technique pertinent, matérialisé par des documents. Il était donc nécessaire que la requête fasse l'objet d'une recherche sur l'état de la technique. Par conséquent, il convenait de renvoyer l'affaire pour que soit effectuée une recherche additionnelle et pour que l'examen soit poursuivi.
3. Modifications portant sur des éléments qui n'ont pas fait l'objet de la recherche
(CLB, IV.B.5.4)
Dans l'affaire T 333/10, la question déterminante était de savoir si les revendications modifiées conformément à l'unique requête du requérant auraient dû être jugées recevables au titre de la règle 137(4) CBE (version du 13 décembre 2007). La règle 137(4) CBE dispose que les revendications modifiées ne doivent pas porter sur des éléments qui n'ont pas fait l'objet de la recherche et qui ne sont pas liés à l'invention ou à la pluralité d'inventions initialement revendiquées de manière à former un seul concept inventif général.
La chambre a estimé que l'objet de la revendication 1 modifiée ne pouvait pas être réputé avoir fait l'objet d'une recherche et qu'il n'était pas lié à l'une des inventions initialement revendiquées de manière à former un seul concept inventif général. Le requérant s'est référé à la décision T 2334/11 et a fait valoir que dans un tel cas d'espèce, l'unité ne devait pas être jugée "a posteriori" ; selon lui, il convenait au contraire d'examiner de manière générale si la caractéristique ajoutée provenant de la description était liée à l'invention initialement revendiquée de manière à former un seul concept inventif général sur lequel les revendications et la description initialement déposées se concentraient.
La chambre a fait observer que la division de la recherche avait conclu à l'absence d'unité des revendications initialement déposées. Elle a ajouté qu'en l'occurrence, certaines caractéristiques extraites de la combinaison de caractéristiques qui avait servi de base à la recherche avaient été remplacées par des caractéristiques qui pourraient ne pas être considérées comme des éléments techniques particuliers correspondants au sens de la règle 44(1) CBE et que l'on ne pouvait donc s'attendre à ce que ces caractéristiques limitent simplement l'une des inventions ayant fait l'objet de la recherche. Dans l'affaire T 2334/11, les faits étaient différents puisque les caractéristiques ajoutées limitaient l'étendue de l'objet couvert par la recherche. Cette différence avait été relevée dans la décision rendue sur cette affaire, laquelle énonçait essentiellement que la jurisprudence relative à la règle 137(5) CBE (version du 1er avril 2010) établit une distinction entre le cas où l'objet revendiqué est modifié en substance, la modification consistant en particulier à remplacer ou à supprimer une caractéristique à l'intérieur d'une revendication, ce qui peut donner lieu à une objection au titre de la règle 137(5) CBE, et le cas où une revendication est simplement limitée ou concrétisée par l'ajout d'une caractéristique divulguée dans la demande initialement déposée, ce qui n'entraîne pas normalement une absence d'unité avec l'invention initialement revendiquée au sens de la règle 137(5) CBE. En l'occurrence, la chambre n'a pas constaté de limitation ni de concrétisation de l'une des quatre inventions couvertes initialement par la recherche et que le requérant aurait pu maintenir.
La chambre a fait observer que la décision T 2334/11 ne pouvait être interprétée en ce sens que la modification d'une revendication indépendante par une caractéristique extraite de la description peut généralement être admise au titre de la règle 137(4) CBE, si l'objet de la revendication indépendante a été couvert par la recherche et qu'il manque de nouveauté par rapport à un document de l'état de la technique. Dans la décision T 2334/11, la chambre a souligné, au contraire, que dans un tel cas de figure, il est toujours nécessaire d'examiner si la caractéristique ajoutée est liée au concept inventif général qui peut être déduit des revendications et de la description initialement déposées. Le jeu de revendications modifié ne pouvait donc être admis.
C. Particularités de la procédure d'opposition et de la procédure de recours
1. Transmission de la qualité de partie
1.1 Changement d'adresse
(CLB, IV.C.2.1)
Dans l'affaire T 786/11, l'intimé (titulaire du brevet) avait demandé avant la procédure orale que l'adresse du "demandeur/titulaire du brevet", "INNOVATIVE SONIC LIMITED P.O. Box 957 offshore incorporations centre Road Town, Tortola British Virgin Islands", soit modifiée en deux étapes : d'abord en "INNOVATIVE SONIC LIMITED 4th Floor Unicom Centre 18N Frere Felix De Valois Street Port Louis Mauritius", puis en "INNOVATIVE SONIC LIMITED 2nd Floor, The Axis, 26 Cybercity, Ebene 72201, Mauritius". En vue de prouver que la modification susmentionnée constituait un simple changement d'adresse, l'intimé avait produit une "déclaration de cessation d'activité" et un "certificat d'inscription après reprise" émanant respectivement des autorités des Îles Vierges britanniques et de celles de la République de Maurice.
En réponse à la demande de l'intimé de faire modifier son adresse, le requérant avait contesté le fait que celui-ci, en quittant les Îles Vierges britanniques pour la République de Maurice, continuait d'être la même entité juridique qu'auparavant. Il avait fait valoir que l'entreprise "Innovative Sonic Limited incorporated in the British Virgin Islands" avait arrêté ses activités et par conséquent cessé d'exister. Une nouvelle entreprise dénommée "Innovative Sonic Limited incorporated in Mauritius" remplaçait désormais l'ancien intimé, ce que le requérant n'était pas disposé à accepter.
La chambre a examiné les dispositions juridiques en vigueur aux Îles Vierges britanniques et dans la République de Maurice, et a noté que leurs législations – contrairement à d'autres – permettaient le transfert d'une entité juridique d'un ordre juridique à un autre sans incidence sur l'identité de l'entité juridique. La chambre a donc conclu que l'intimé n'avait pas changé d'identité juridique et qu'en particulier, à aucun moment il n'avait cessé d'exister. Plus exactement, l'entreprise avait été "transférée" des Îles Vierges britanniques vers la République de Maurice et avait continué d'exister en tant qu'entité juridique soumise à la législation de la République de Maurice.
1.2 Qualité d'opposant
(CLB, IV.C.2.2)
Dans l'affaire T 531/11, le mandataire du requérant avait contesté le fait que l'opposant initial, à savoir la société Höfler Maschinenbau GmbH, continuait d'exister et pouvait encore être représenté. Il avait demandé à la chambre de recours de constater que l'opposant n'avait plus d'existence, en expliquant qu'il fallait partir du principe que l'opposant avait été transmis à la société Klingelnberg GmbH par voie de succession universelle et qu'il ne pouvait donc ni exister ni être représenté.
La chambre de recours s'est référée à l'art. 1(4) du contrat de vente de l'entreprise, en vertu duquel la société Höfler Maschinenbau GmbH avait été vendue "dans le cadre d'une cession d'actifs". D'après les termes du contrat, il ne s'agissait donc pas précisément d'une succession universelle, comme le prétendait le requérant. En outre, les arguments du requérant n'étaient pas cohérents, car s'il s'était agi d'une succession universelle, comme il l'affirmait, la société Klingelnberg GmbH aurait automatiquement acquis la qualité d'opposant (cf. T 6/05 et T 425/05), de sorte que la question de l'existence de l'opposant initial ne se poserait même plus.
De plus, aucun indice supplémentaire avéré ne remettait en question l'existence de l'opposant. La chambre de recours a donc estimé que rien ne justifiait de remettre en question l'existence de l'opposant ni la validité du mandat du mandataire agréé.
1.3 Preuves
(CLB, IV.C.2.2.6)
Dans l'affaire T 2357/12, le titulaire du brevet avait contesté la force probante de documents privés, tels que ceux produits en l'espèce, plutôt que celle de documents inscrits dans un registre public, comme preuves du transfert de la qualité d'opposant dans une procédure inter partes. La chambre a estimé que si les registres publics bénéficient souvent de la confiance du public en ce qui concerne les faits inscrits et que si d'autres documents publics peuvent s'avérer plus concluants sur les questions formelles, l'identité de l'auteur d'un document privé ainsi que la date et le lieu de sa création sont plus facilement contestables. Cependant, aucun de ces deux types de document ne fournit la preuve irréfutable de l'exactitude du contenu d'un document. En outre, l'exactitude des registres publics dépend de celle des informations reçues par les autorités, lesquelles sont principalement communiquées sous forme de documents privés.
Le plus souvent, les documents privés se révèlent être les éléments de preuve les plus directs. Énumérant les différents types de documents acceptés dans certaines affaires, la chambre a fait remarquer que les chambres de recours avaient toujours admis des documents publics et/ou privés comme preuves du transfert de droits, que celui-ci ait eu lieu par succession universelle ou par transfert unique d'actifs. Pour atteindre le niveau de preuve requis, les faits pour lesquels des preuves ont été avancées doivent être crédibles au vu de l'ensemble des circonstances.
2. Retrait de l'opposition
(CLB, IV.C.4.1.2)
Dans l'affaire T 46/10, le titulaire du brevet avait formé un recours contre la décision de la division d'opposition de révoquer le brevet européen 1 488 468 B1. L'intimé (opposant) avait retiré son opposition.
La chambre a estimé qu'en retirant son opposition, l'opposant/intimé n'était plus partie à la procédure, étant donné qu'en l'espèce, la question de la répartition des frais au titre de l'art. 104 CBE ne s'était pas posée. En outre, conformément à une jurisprudence constante, le retrait de l'opposition pendant la procédure de recours n'avait pas de conséquences directes sur la procédure, étant donné qu'en l'occurrence, l'opposant était également l'intimé et que le brevet en cause avait été révoqué par la décision contestée.
Pour le contrôle de la décision de la division d'opposition, la chambre de recours peut tenir compte des moyens de preuve produits par l'intimé avant le retrait de l'opposition. Elle peut également prendre en considération les arguments présentés par celui-ci avant le retrait de l'opposition. En l'espèce, la chambre a jugé qu'aucun des motifs d'opposition soulevés ne faisait obstacle au maintien du brevet européen. Elle a par conséquent annulé la décision contestée et rejeté l'opposition.
3. Répartition des frais de procédure
(CLB, IV.C.7)
Dans l'affaire J 22/12, le recours était dirigé contre une prétendue décision de la division d'examen présentée dans une lettre, selon laquelle l'opposition ne pouvait pas être considérée comme ayant été valablement formée par le requérant. La chambre de recours juridique a estimé que la question essentielle à trancher était de savoir si la lettre de la division d'examen constituait une décision ou une simple notification. Selon la chambre, la lettre ne pouvait être assimilée à une décision. La question de savoir si un recours formé contre une notification émise au nom de la division d'examen peut être recevable faisait également débat. La chambre a jugé qu'un tel recours était irrecevable.
La chambre a le pouvoir d'arrêter une répartition différente des frais au titre de l'art. 104 CBE pour des motifs d'équité. L'art. 16(1)e) RPCR mentionne les abus de procédure commis par une partie comme un motif pouvant justifier une répartition différente des frais. La chambre a estimé que le comportement du requérant, consistant à former une opposition puis un recours, ne pouvait être assimilé à un abus de procédure, étant donné que ces actes se fondent sur les dispositions de la CBE aux fins envisagées par ces dispositions. La chambre a donc jugé approprié qu'en l'occurrence, chaque partie supporte les frais qu'elle avait elle-même exposés.
Dans l'affaire T 493/11, l'intimé avait produit des preuves importantes et demandé une audition de témoin concernant l'usage antérieur public pertinent allégué, et ce à un stade avancé de la procédure, à savoir seulement deux mois avant la date fixée pour la procédure orale, sans justifier ce retard et, en particulier, sans soumettre toutes les informations nécessaires.
Étant donné que l'usage antérieur en question avait déjà été soulevé précédemment et qu'une proposition de témoins avait déjà été formulée avec l'opposition, l'intimé aurait pu présenter les moyens précités plus tôt dans la procédure d'opposition ou, tout au moins, directement après avoir reçu la citation et la notification de la division d'opposition. S'il avait soumis plus tôt les éléments en question, la procédure orale n'aurait pas dû être reportée et le requérant n'aurait pas exposé des frais inutilement.
Il était évident que la procédure orale avait été reportée suite aux arguments de l'intimé et à sa demande de mesures d'instruction. Par conséquent, le fait que le requérant lui-même ait présenté de nouvelles requêtes assez tardivement dans la procédure de recours, à savoir le jour même où l'intimé avait présenté son offre (incomplète) de preuve, n'avait manifestement pas été le facteur déterminant qui avait amené la division d'opposition à annuler et à reporter la procédure orale.
La chambre a souligné que c'est exclusivement à l'intimé qu'il incombe de présenter l'ensemble de ses moyens, y compris toutes les preuves nécessaires, et que lui seul assume les conséquences de tout manquement à cet égard. L'intimé est donc responsable de tout retard qui occasionne des frais supplémentaires à l'autre partie.
Par conséquent, l'équité exigeait d'ordonner que l'intimé supporte une partie des frais supplémentaires exposés par le requérant, à savoir les frais dus à l'annulation des réservations de vol et d'hôtel suite au report de la procédure orale.
Dans l'affaire T 1361/09, les deux parties avaient demandé, à titre subsidiaire, la tenue d'une procédure orale au cours de la procédure d'opposition devant la division d'opposition. L'intimé (titulaire du brevet) avait présenté une requête en répartition différente des frais au motif que le requérant (opposant) n'avait fait savoir que peu de temps avant la procédure orale qu'il ne participerait pas à cette dernière. L'intimé faisait également valoir que la procédure orale aurait été superflue sans la comparution du requérant mais que lui-même s'était déjà déplacé, le requérant ayant annoncé trop tardivement qu'il ne comparaîtrait pas.
La chambre s'est référée à la jurisprudence des chambres de recours selon laquelle il peut être équitable de mettre les frais afférents à une procédure orale à la charge d'une partie si celle-ci renonce tardivement à la tenue d'une procédure orale ou si elle ne comparaît pas. Cependant, la non-comparution d'une partie à une procédure orale ne porte normalement pas préjudice à la partie présente, à moins que l'absence d'une partie ait rendu la procédure orale superflue (T 273/07).
Toutefois, dans le cas d'espèce, la chambre a indiqué qu'elle n'était pas certaine que la procédure orale aurait pu être abandonnée pour autant ou que l'intimé n'y aurait pas participé. Les parties avaient toutes deux demandé à titre subsidiaire la tenue d'une procédure orale et y avaient été citées sans que la division d'opposition ait annoncé ou laissé entendre qu'elle prévoyait de trancher l'affaire en faveur de l'intimé. L'intimé n'avait donc aucune garantie que s'il ne comparaissait pas à la procédure orale, il obtiendrait gain de cause sur la seule base de ses écritures. Dans ces circonstances particulières, la chambre a estimé que l'intimé aurait probablement comparu à la procédure orale pour défendre ses intérêts même s'il avait su que la partie adverse serait absente.
Le comportement du mandataire du requérant n'était donc pas nécessairement à l'origine des frais occasionnés par la procédure orale devant la division d'opposition. Par conséquent, il n'était pas équitable de mettre ces frais à la charge du requérant (T 65/05, T 190/06).
D. Procédure d'opposition
1. Recevabilité de l'opposition
1.1 Généralités
(CLB, IV.D.2.1.1)
La saisine de la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 1/13 (JO 2015, A42) était liée au fait que l'opposant, en l'occurrence la société FBL, constituée selon les lois du Royaume-Uni, avait cessé d'exister en vertu de ces lois pendant la procédure d'opposition. Cependant, le mandataire agréé de cette société avait poursuivi l'opposition comme si la société existait toujours, et avait également formé un recours au nom de celle-ci. À un stade ultérieur de la procédure de recours, le nom de FBL avait été réinscrit au registre des sociétés du Royaume-Uni en vertu d'une ordonnance rendue par la Haute Cour, si bien qu'en vertu du droit du Royaume-Uni, FBL était réputée avoir continué d'exister comme si elle n'avait pas été radiée du registre. Le titulaire du brevet (intimé) avait requis dès lors l'"annulation" de la décision intermédiaire de la division d'opposition au motif que la procédure d'opposition s'était éteinte lorsque FBL avait cessé d'exister, et il avait demandé à titre subsidiaire que le recours soit déclaré irrecevable (cf. sur ce dernier point le chapitre IV.E.7.1 "Saisine au titre de l'article 112 CBE – Recevabilité").
À la question de savoir si l'OEB doit reconnaître l'effet rétroactif de la disposition pertinente de la législation nationale et autoriser la poursuite de l'opposition par la société rétablie, la Grande Chambre de recours a répondu comme suit :
"Si une opposition est formée par une société qui, par la suite, conformément à la législation nationale pertinente s'appliquant à cette société, cesse d'exister sous tous aspects, mais que l'existence de la société en question est rétablie ultérieurement au titre d'une disposition de cette législation nationale applicable, en vertu de laquelle la société est réputée avoir poursuivi son existence comme si elle n'avait pas cessé d'exister, l'ensemble de ces événements se produisant avant qu'une décision de la division d'opposition maintenant le brevet attaqué sous une forme modifiée passe en force de chose jugée, l'Office européen des brevets doit reconnaître l'effet rétroactif de cette disposition de la législation nationale et autoriser la poursuite de la procédure d'opposition par la société rétablie".
La qualité d'opposant est une notion purement procédurale (G 3/97, JO 1999, 245). Le droit de former une opposition, d'être partie à une procédure d'opposition (…), ainsi que d'obtenir une décision juridiquement contraignante sur les requêtes présentées est assujetti au droit procédural de la CBE (T 15/01, JO 2006, 153). En ce qui concerne la CBE, l'existence – ou l'inexistence – d'une personne morale est déterminée exclusivement par le droit national (ibid. ; cf. également G 3/99, JO 2002, 347). Il convient de tenir également compte d'une part des principes généraux, tels que l'égalité de traitement, la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure, et d'autre part des intérêts des parties ainsi que du public (T 1091/02, JO 2005, 14). La conclusion de la Grande Chambre de recours est que le droit national doit être suivi également en ce qui concerne la fiction de l'existence rétroactive d'une personne morale.
En outre, la Grande Chambre de recours a précisé que, dans les circonstances de l'espèce, toutes les étapes de la procédure qui ont eu lieu pendant que la société ayant fait opposition n'existait pas, doivent produire pleinement leurs effets. La société rétablie ne peut pas être mise dans une situation plus favorable que si elle avait continué d'exister pendant toute cette période.
1.2 Correction du nom de l'opposant
(CLB, IV.D.2.2.2)
Dans l'affaire T 1551/10, la chambre a souligné que, pour que l'opposition soit recevable, l'opposant doit pouvoir être identifié à l'expiration du délai d'opposition (T 25/85, JO 1986, 81). Si tel est le cas, les erreurs éventuelles peuvent être rectifiées (T 219/86, JO 1988, 254 ; T 870/92).
Comme le montraient les extraits du registre du commerce qui avaient été produits, la société Swisscom (Schweiz) AG était, tout d'abord sous son ancienne raison sociale Swisscom Fixnet AG, et par la suite sous sa raison sociale actuelle, le (seul) successeur universel de la société Swisscom Mobile AG, qui avait été désignée initialement en tant qu'opposant, alors qu'elle avait déjà été rayée du registre avant que l'opposition soit formée. Il n'a pas été allégué que certaines parties des activités de Swisscom Mobile AG ont été reprises par une autre personne morale, et aucun autre élément ne permet de le penser. Par conséquent, indépendamment de l'indication erronée de la raison sociale de son prédécesseur en droit dans l'acte d'opposition, la société Swisscom (Schweiz) AG, que ce soit sous son ancienne raison sociale Swisscom Fixnet AG ou sous sa raison sociale actuelle, pouvait être reconnue et clairement identifiée en tant qu'opposant à l'expiration du délai d'opposition.
Conformément à la jurisprudence, les déclarations aux fins de la procédure qui ont été faites à tort au nom d'une partie déjà décédée ou d'une personne morale qui a cessé d'exister suite à une fusion, peuvent être considérées comme ayant été effectuées au nom du successeur universel correspondant (T 15/01, JO 2006, 153). Pour cette raison, l'erreur concernant la désignation de l'opposant pouvait être corrigée conformément à la règle 139 CBE. De plus, la chambre ne voyait pas en quoi le public pouvait, le cas échéant, être induit en erreur, étant donné que les extraits du registre du commerce qui avaient été produits faisaient apparaître un seul successeur en droit au moment où l'opposition avait été formée, à savoir la société Swisscom (Schweiz) AG, soit sous son ancienne raison sociale Swisscom Fixnet AG, soit sous sa raison sociale actuelle.
Il est fait référence à ce propos à la décision G 1/12 (JO 2014, A114), plus récente, dans laquelle la Grande Chambre de recours a estimé, eu égard à l'identification erronée du requérant dans l'acte de recours, qu'il est possible de corriger cette erreur en vertu de la règle 101(2) CBE ainsi que de la règle 139, première phrase CBE (cf. chapitre IV.E.1.3.1 a) "Règle 99(1)a) CBE").
Dans l'affaire T 1269/11, la chambre a fait observer que l'on pouvait corriger des erreurs concernant la désignation de l'intimé dans l'acte d'opposition aussi bien en vertu de la règle 77 CBE qu'en vertu de la règle 139 CBE (cf. G 1/12, JO 2014, A114).
Pour déterminer si une correction peut être effectuée en vertu de la règle 77(2) CBE, il importe de savoir, en application des principes énoncés dans la décision G 1/12, si la chambre est en mesure d'établir avec un degré de certitude suffisant l'intention véritable de l'intimé sur la base des informations figurant dans l'acte d'opposition ou dans une autre partie du dossier, c'est-à-dire si elle est en mesure de constater quelle est la société qui, selon toute probabilité, doit être considérée comme la personne ayant formé l'opposition. Compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'a toutefois pas été possible d'établir que c'était la société "Jost-World GmbH", désormais dénommée "Jost-Werke GmbH", qui, selon toute probabilité, devait être considérée comme la personne qui avait formé l'opposition sous la raison sociale inexacte de "Rockinger GmbH,...". Une autre situation de fait semblait tout aussi probable, voire plus probable.
Une correction en vertu de la règle 139 CBE suppose que l'intention véritable de l'intimé était dès le départ d'agir pour la société Jost-World GmbH. Comme cela n'était en aucun cas manifeste, il était nécessaire d'invoquer et de prouver l'intention véritable, les exigences en matière de preuves étant à cet égard élevées (cf. G 1/12). Compte tenu des circonstances objectives, la chambre a estimé que les preuves nécessaires n'ont pas été apportées.
2. Portée de l'examen en cas de modifications
(CLB, IV.D.4.5)
Dans l'affaire T 616/12, la chambre a estimé que les objections soulevées par le requérant (opposant) quant au manque de clarté de la revendication 1, telle que modifiée, étaient irrecevables.
La procédure d'opposition ne prévoyait pas la possibilité de contester la clarté de revendications présentes dans un brevet délivré, le manque de clarté ne constituant pas un motif d'opposition. Étant donné que la revendication 1 correspondait à une combinaison des revendications 1 et 15 présentes dans le brevet délivré, le fait de contester la clarté de cette revendication revenait à soulever une objection pour manque de clarté à l'encontre des revendications du brevet tel que délivré.
En outre, on voyait mal comment une modification découlant de la combinaison des revendications du brevet délivré aboutissait à un tel manque de clarté, et le requérant n'a pas non plus expliqué pourquoi il en serait ainsi. Dans le brevet délivré, la revendication 15 était directement et réellement dépendante de la revendication 1 et, conformément, par exemple, à la règle 43(4) CBE, contenait par conséquent l'ensemble des caractéristiques de cette revendication. La revendication 15 du brevet délivré n'était donc rien de plus qu'une forme condensée de la combinaison des caractéristiques définies dans les revendications 1 et 15. La revendication 15 étant dépendante de l'une quelconque des revendications 1 à 14, le fait de modifier la revendication 1 de manière à y inclure les caractéristiques des revendications 1 et 15 uniquement, ne pouvait être interprété que comme la suppression de la revendication 1 et son remplacement par la revendication 15. La suppression du renvoi à la revendication 1 dans la revendication 15 du brevet tel que délivré ne pouvait représenter rien de plus qu'une adaptation pertinente et effectivement nécessaire, s'expliquant par des raisons de correction linguistique lors du passage de la forme condensée au texte intégral. En outre, la substitution des mots "dans lequel" à l'expression "caractérisé en ce que" et la suppression de certains renvois numériques devenus obsolètes ne modifiaient en rien la revendication quant au fond, si bien que la clarté de la revendication 15 du brevet délivré, alors dépendante de la revendication 1, ne pouvait pas non plus être compromise.
Dans l'affaire T 373/12 (JO 2014, A115), la revendication 1 de la requête subsidiaire 1, présentée pour la première fois au cours de la procédure d'opposition, combinait les caractéristiques de deux revendications du brevet délivré : la revendication 1 et la revendication dépendante 3. Bien que le manque de clarté ne constitue pas un motif d'opposition, les revendications modifiées doivent satisfaire aux exigences de la CBE (art. 101(3) CBE). Ayant considéré la jurisprudence des chambres de recours comme divisée s'agissant de savoir si les exigences de l'art. 84 CBE doivent être examinées lorsque les revendications modifiées représentent une simple combinaison de revendications présentes dans le brevet délivré, la chambre a soumis les questions suivantes à la Grande Chambre de recours (G 3/14, cf. ci-dessous) :
1. Le terme "modifications" tel qu'utilisé dans la décision G 9/91 de la Grande Chambre de recours (cf. point 3.2.1 des motifs) doit-il être compris en ce sens qu'il englobe le fait d'insérer textuellement dans une revendication indépendante a) des éléments de revendications dépendantes du brevet tel que délivré et/ou b) des revendications dépendantes entières du brevet tel que délivré, de sorte que les divisions d'opposition et les chambres de recours doivent toujours examiner, en vertu de l'art. 101(3) CBE, la clarté des revendications indépendantes ainsi modifiées pendant la procédure ?
2. Si la Grande Chambre de recours répond par l'affirmative à la question 1, l'examen de la clarté de la revendication indépendante est-il dans de tels cas limité aux caractéristiques insérées, ou peut-il être étendu à des caractéristiques qui figuraient déjà dans la revendication indépendante non modifiée ?
3. Si la Grande Chambre de recours répond par la négative à la question 1, l'examen de la clarté des revendications indépendantes ainsi modifiées est-il dès lors toujours exclu ?
4. Si la Grande Chambre de recours conclut qu'un examen de la clarté des revendications indépendantes ainsi modifiées n'est ni toujours nécessaire, ni toujours exclu, quelles conditions doivent être appliquées pour décider si un examen de la clarté doit être envisagé dans une affaire donnée ?
Dans sa décision concernant l'affaire G 3/14 (JO 2015, ***), la Grande Chambre de recours a d'abord passé en revue sa jurisprudence antérieure, à savoir les décisions G 1/91 (JO 1992, 253) et G 9/91 (JO 1993, 408), ainsi que l'avis G 10/91 (JO 1993, 420). Elle a cité le point 19 des motifs de la décision G 9/91 et de l'avis G 10/91, dans lequel il est indiqué que, "[...] en cas de modifications des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours, il faut examiner en détail si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE". La Grande Chambre de recours a constaté qu'il n'avait pas été précisé si par "modifications", il fallait entendre n'importe quels changements apportés à une revendication, ou uniquement les modifications de nature plus ou moins qualitative. Néanmoins, si la Grande Chambre de recours avait estimé à l'époque que la division d'opposition et les chambres de recours disposaient de pouvoirs étendus pour examiner des revendications modifiées, elle l'aurait indiqué (dans la décision G 9/91, les revendications avaient été modifiées devant la division d'opposition). La Grande Chambre de recours a conclu que le terme "modifications", tel qu'utilisé ci-dessus, devait par conséquent être interprété en ce sens que les aspects à examiner doivent avoir un rapport direct avec la modification.
La Grande Chambre de recours a mis ensuite en évidence trois grands courants dans la jurisprudence des chambres de recours techniques. Les décisions T 301/87 et T 227/88 ont été à l'origine de l'approche conventionnelle, consistant à établir si la modification aboutit à une violation de l'art. 84 CBE, et du principe selon lequel l'art. 101(3) CBE ne permet pas de formuler des objections au titre de l'art. 84 CBE si celles-ci ne découlent pas des modifications effectuées. Selon la Grande Chambre de recours, le terme "découlent" renvoie au fait que le problème de clarté n'existait pas auparavant, ce qui signifie que le manque de clarté a été introduit par la modification. Cette approche a été appliquée dans de nombreuses affaires, en tant que jurisprudence "constante" (cf. par exemple T 381/02, T 1855/07, T 367/96 et T 326/02). Néanmoins, ce terme a également été interprété dans un sens plus large dans des décisions ultérieures, selon lesquelles un manque de clarté peut être examiné si la modification "met en relief" une ambiguïté qui existait déjà et "focalise l'attention" sur celle-ci (T 472/88 ; cf. également T 681/00 et T 1484/07). La Grande Chambre de recours a jugé que cette évolution jurisprudentielle n'est pas admissible (étant donné que le critère décisif dépend de la question de savoir si un manque de clarté a été constaté ou non auparavant, et qu'il est donc arbitraire). Le troisième courant jurisprudentiel a été considéré comme "divergent". Selon la décision T 1459/05 (cf. également T 1440/08 et T 656/07), la chambre peut examiner la clarté au cas par cas, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, lorsque la caractéristique ajoutée est l'unique élément qui distingue l'objet de la revendication par rapport à l'état de la technique. Parmi les affaires divergentes, celle qui est allée le plus loin est la décision T 459/09, selon laquelle la clarté de revendications modifiées peut en général être examinée au cas par cas, indépendamment du type de modification. La Grande Chambre de recours a exprimé des doutes quant au fondement juridique d'un tel exercice du pouvoir d'appréciation, qui aurait également pour conséquence que les parties ne pourraient guère prévoir l'issue de la procédure d'opposition.
La Grande Chambre de recours a ensuite précisé comment l'art. 101(3) CBE doit être interprété. Elle a indiqué que les exigences énoncées à l'art. 84 CBE font partie des "exigences de la Convention" aux fins de l'art. 101(3) CBE. Rien ne suggère toutefois que l'objet et la finalité de cet article sont de soumettre le brevet à un réexamen complet au regard de la clarté ou des autres exigences de la CBE. C'est plutôt la modification proprement dite qui importe, ainsi que ses effets à l'égard du motif d'opposition concerné. Il va de soi que la modification ne doit pas donner lieu elle-même à de nouvelles objections.
La Grande Chambre de recours a souligné que le législateur, ainsi qu'il ressortait des travaux préparatoires à la CBE 1973, avait délibérément choisi de ne pas faire de l'art. 84 CBE un motif d'opposition. Il n'était pas souhaitable qu'à chaque modification, un opposant puisse occasionner des retards en soulevant toutes sortes d'objections au titre de l'art. 84 CBE. Elle a ajouté que la question du manque de clarté pouvait toujours être pertinente pendant la procédure d'opposition, dans la mesure où elle était susceptible d'influencer la décision relative aux aspects relevant de l'art. 100 CBE (suffisance de l'exposé, nouveauté, activité inventive), ou d'avoir une incidence sur les motifs de nullité invoqués dans le cadre d'actions nationales concernant un brevet européen. Lors de la rédaction de la CBE 2000, il n'avait pas non plus été proposé de modification destinée à invalider les effets de la jurisprudence constante de l'époque, à savoir l'approche conventionnelle fondée sur la décision T 301/87.
Si la suppression d'une revendication indépendante et de ses revendications dépendantes permettait un examen des revendications restantes aux fins d'établir un éventuel manque de clarté, l'art. 84 CBE deviendrait dans les faits un motif d'opposition dans un grand nombre d'affaires (environ 70 % des brevets sont modifiés lors de la procédure d'opposition), ce qui serait contraire à l'intention du législateur. Il serait arbitraire et injustifié de parvenir à une autre conclusion en cas de combinaison de revendications qui consisterait en réalité à supprimer la revendication indépendante initiale et à développer entièrement la revendication qui était auparavant dépendante.
En conclusion, la Grande Chambre de recours a approuvé le courant jurisprudentiel conventionnel, tel qu'illustré par la décision T 301/87, et a désapprouvé le courant jurisprudentiel illustré par la décision T 472/88, ainsi que le courant jurisprudentiel "divergent". Elle a répondu de la manière suivante aux questions posées :
"Lorsqu'il s'agit d'évaluer si, aux fins de l'art. 101(3) CBE, un brevet tel que modifié satisfait aux exigences de la CBE, la conformité des revendications du brevet avec les exigences de l'art. 84 CBE ne peut être examinée que si – et uniquement dans la mesure où - la modification concernée aboutit à une violation de l'art. 84 CBE."
3. Rectification d'erreurs (dans une revendication) pendant la procédure d'opposition
L'exergue de la décision T 657/11 s'énonce comme suit :
"Dans une procédure d'opposition, les fautes ou erreurs contenues dans les revendications, la description ou les dessins du brevet tel que délivré peuvent être supprimées, soit au moyen d'une modification apportée pour pouvoir répondre à un motif d'opposition visé à l'art. 100 CBE, soit, dans la mesure où ces fautes ou erreurs concernent des textes ou des dessins qui restent non modifiés, au moyen d'une rectification au titre de la règle 139 CBE."
Les revendications de la requête principale devant la division d'opposition et de la requête initiale du requérant au stade du recours ne différaient des revendications du brevet délivré que sur le fait que le terme "concentré de NF" avait été substitué au terme "perméat de NF" dans la dernière étape du procédé selon la revendication 6. La chambre avait indiqué au requérant que sa requête avait en fait pour objet la rectification d'une erreur dans le texte du brevet délivré, ce qui aurait été régi par la règle 140 CBE dans la mesure où il s'agissait d'une erreur prétendue dans une décision de l'Office, à savoir dans la décision relative à la délivrance du brevet. Cependant, la règle 140 CBE ne permettait pas de rectifier le texte d'un brevet délivré (G 1/10, JO 2013, 194).
Les revendications de la requête finale (unique) du requérant avaient été modifiées, par rapport à celles du brevet délivré, d'une manière qui allait au-delà de la simple suppression d'une erreur, puisqu'elles avaient été limitées aux revendications (de procédé) 6 à 11 du brevet délivré. Partant, la décision relative au recours (et donc à l'opposition) n'avait plus le même fondement que celle relative à la délivrance du brevet, laquelle cesserait en tout état de cause de produire ses effets et serait remplacée par une nouvelle décision. En pareille situation, une (nouvelle) modification des revendications, même en vue de supprimer une erreur manifeste dans les revendications du brevet tel que délivré, ne constitue pas une rectification d'erreurs dans une décision de l'OEB au sens de la règle 140 CBE.
Comme il a été indiqué dans la décision G 1/10, le titulaire d'un brevet a toujours la possibilité de demander une modification de son brevet pendant une procédure d'opposition ou de limitation et de supprimer ainsi ce qui est perçu comme une erreur. Cependant, une modification ayant pour (seul) but de supprimer une faute ou erreur dans les revendications, ainsi que dans la description et les dessins du brevet tel que délivré, ne peut pas être considérée comme étant "apportée pour pouvoir répondre à un motif d'opposition visé à l'art. 100" (règle 80 CBE). Il s'ensuit que de telles fautes ou erreurs (en l'occurrence l'expression "perméat [de nanofiltration]") dans la partie non modifiée du texte ne peuvent être supprimées qu'au moyen d'une rectification au titre de la règle 139 CBE, dont les dispositions et les conditions particulières s'appliquent indépendamment de la règle 80 CBE. La correction proposée était conforme auxdites conditions.
4. Faits et preuves produits tardivement dans la procédure d'opposition
4.1 Exercice du pouvoir d'appréciation par les divisions d'opposition
(CLB, IV.C.1.3.3)
Dans l'affaire T 544/12, s'agissant de la décision de la division d'opposition de ne pas admettre dans la procédure des documents produits tardivement, la chambre a rappelé qu'une telle décision rendue dans l'exercice du pouvoir d'appréciation ne pouvait être annulée au stade du recours que si le pouvoir d'appréciation avait été exercé sur la base de principes erronés, sans prendre en considération les principes corrects, ou de manière déraisonnable (G 7/93, JO 1994, 775 ; T 1119/05). Le simple fait d'invoquer un manque de pertinence de prime abord ne constituait pas en soi une argumentation suffisante. Comme la division d'opposition n'avait pas suffisamment motivé son refus d'admettre dans la procédure les documents produits tardivement, la chambre n'était pas en mesure de décider si ladite division avait ou non exercé son pouvoir d'appréciation à bon escient.
En pareille situation, la chambre devait dans un premier temps se mettre à la place de la division d'opposition et décider si elle aurait ou non exercé son pouvoir d'appréciation de la même manière (si elle constatait qu'à la place de la division d'opposition, elle n'aurait pas admis les documents dans la procédure en vertu de son pouvoir d'appréciation, la question distincte se poserait dès lors de savoir si elle devait, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, les admettre en tant que documents produits (tardivement) dans la procédure de recours). Or, la chambre a estimé que les documents étaient pertinents de prime abord et auraient dû être admis dans la procédure. Elle a donc annulé la décision de la division d'opposition et admis les documents dans la procédure.
5. Nouveaux motifs d'opposition
(CLB, IV.D.5.3)
Dans la décision frappée de recours dans l'affaire T 2449/12, la division d'opposition n'avait pas traité quant au fond un motif d'opposition qui avait été à la fois soulevé pour la première fois et retiré lors de la procédure orale devant ladite division. Le requérant (opposant) a fait valoir que la division d'opposition, en décidant de ne pas soulever d'office ce motif, avait exercé à mauvais escient son pouvoir d'appréciation, et que la décision correspondante devait être annulée et, partant, le motif d'opposition introduit dans la procédure.
Du point de vue de la chambre, lorsque, dans la décision frappée de recours, un motif d'opposition soulevé tardivement puis retiré lors de la procédure d'opposition n'a été traité ni quant au fond ni au regard de son admission dans la procédure, ce motif est considéré comme un nouveau motif d'opposition qui ne saurait être introduit dans la procédure de recours sans le consentement du titulaire du brevet. Le fait que la division d'opposition n'ait pas soulevé d'office ce motif ne signifiait pas qu'elle avait pris une décision – susceptible d'être réexaminée par la chambre de recours – de ne pas en tenir compte, ce qui aurait pu être le cas si le motif produit tardivement avait été maintenu. En s'écartant de cette approche et en partant du principe que les motifs qui n'ont pas été introduits d'office ont tous fait l'objet d'une décision de ne pas en tenir compte, prise dans l'exercice du pouvoir d'appréciation, on créerait la possibilité de contourner le principe énoncé dans la décision G 9/91, selon lequel de nouveaux motifs d'opposition ne peuvent pas être introduits au stade du recours sans le consentement du titulaire du brevet.
Le motif d'opposition en question devait être considéré comme un nouveau motif d'opposition au sens de la décision G 9/91. Le titulaire du brevet ayant refusé de donner son consentement, il n'a pu être tenu compte dudit motif.
E. Procédure de recours
1. Formation et recevabilité du recours
(CLB, IV.E.2)
Dans l'affaire T 895/13, la chambre a confirmé qu'en vertu du Communiqué du Vice-Président chargé de la Direction générale 3, en date du 17 mars 2008 (JO 2008, 220), l'accélération de la procédure relève toujours du pouvoir d'appréciation de la chambre. S'il est évident que des motifs insignifiants ne sauraient justifier une accélération, aucune disposition ne régit le degré de conviction applicable en la matière. La procédure d'accélération n'est pas limitée aux exemples donnés dans ledit Communiqué et doit être ordonnée par la chambre dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation sur la base des faits particuliers de l'affaire dont elle est saisie.
Dans le cas d'espèce, il était clair que la chambre aurait pu d'office accélérer la procédure en vertu du Communiqué susvisé, eu égard aux inconvénients qui pouvaient découler devant les tribunaux belges de l'effet suspensif du recours en question (en effet, lorsqu'un titulaire de brevet demande des mesures provisoires, les tribunaux belges n'examinent pas la validité du brevet, même dans les cas où une décision de révocation est suspendue en attendant qu'un recours soit tranché). Dans la mesure où la chambre pouvait, de sa propre initiative, autoriser l'accélération à ce titre, elle pouvait clairement le faire à la demande d'une partie (en l'occurrence l'intimé (opposant).
Cela n'était pas non plus contraire au principe de l'égalité de traitement. En effet, l'approche des tribunaux belges désavantageait en soi les opposants belges par rapport aux autres, et dans l'affaire en cause, l'intimé avait fondé son argumentation à la fois sur cette approche et sur le comportement du requérant par le passé. En outre, le requérant avait refusé de produire une déclaration d'intention claire et sans équivoque selon laquelle il n'engagerait pas d'action en Belgique.
La chambre a ordonné l'accélération de la procédure de recours. Elle a ajouté que les opinions qu'elle avait exprimées ne se rapportaient qu'aux faits particuliers de la présente espèce, ainsi qu'à ceux de l'affaire T 1125/13, qui était également en instance entre les mêmes parties, et que ces opinions n'avaient nullement pour vocation de créer un précédent quelconque en vue d'une application au-delà desdits faits.
1.1 Décisions susceptibles de recours
(CLB, IV.E.2.2)
1.1.1 Décisions
a) Exemples dans lesquels une notification ne constitue pas une décision susceptible de recours
Dans la décision J 22/12, le recours était dirigé contre une prétendue décision de la division d'examen selon laquelle l'opposition ne pouvait pas être considérée comme ayant été valablement formée par le requérant. Cette décision concernait deux recours : celui sur lequel la chambre devait statuer et un recours antérieur formé par le titulaire du brevet à l'encontre de la délivrance de son brevet. Dans le cadre de ce dernier recours, la division d'examen avait indiqué au mandataire du titulaire qu'elle annulerait sa décision de délivrance. Le requérant avait ensuite été informé qu'en raison de cette annulation, la procédure d'examen avait été reprise, si bien qu'il était impossible de former opposition à ce stade de la procédure.
La question essentielle à trancher était de savoir si la lettre de la division d'examen constituait une décision ou une notification, ce qui dépendait de son contenu et non de sa forme.
Un recours contre la décision de délivrance avait été valablement formé par l'intimé (titulaire du brevet) après la publication de la mention de la délivrance. L'art. 106(1) CBE dispose qu'un recours a un effet suspensif. Partant, en formant (valablement) un recours contre une décision de délivrance, un demandeur (titulaire de brevet) prive ladite décision de tout effet juridique jusqu'à l'issue du recours. Inversement, même après la formation d'un recours, la décision en tant que telle demeure et elle ne peut être annulée ou confirmée que par la chambre de recours ou par voie de révision préjudicielle en vertu de l'art. 109(1) CBE. Cela signifie que la validité d'une opposition formée contre le brevet dépend de l'issue du recours du demandeur (titulaire du brevet) contre la délivrance.
Par conséquent, à la date à laquelle le requérant a formé l'opposition, les effets juridiques de la décision de délivrer le brevet étaient déjà soumis à l'effet suspensif du recours formé par l'intimé (titulaire du brevet) contre cette décision. La division d'examen ayant décidé d'annuler sa décision de délivrance en vertu de l'art. 109 CBE, ni cette décision ni la publication de la mention de la délivrance ne produisaient d'effet juridique. Aucun brevet délivré, susceptible de faire l'objet d'une opposition, n'était dès lors réputé avoir existé.
Par conséquent, il y avait lieu de considérer la lettre comme une notification. L'art. 107 CBE dispose que toute partie à la procédure aux prétentions de laquelle une décision n'a pas fait droit peut former un recours contre cette décision. Étant donné que la lettre ne constituait pas une décision, le requérant n'était pas une personne admise à former un recours telle que visée à l'art. 107 CBE. Le recours a été rejeté comme étant irrecevable.
1.2 Chambre de recours compétente
(CLB, IV.E.2.3)
Dans la décision G 1/11 (JO 2014, A122), la Grande Chambre de recours a estimé que le traitement d'un recours formé contre une décision de la division d'examen est du ressort d'une chambre de recours technique lorsque la décision en cause a pour objet le non-remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE et qu'elle n'a pas été rendue avec une décision relative à la délivrance d'un brevet européen ou au rejet d'une demande de brevet européen.
Dans l'affaire J 16/13, la question s'est posée de savoir si la chambre compétente en vertu de l'art. 21(3) CBE pour statuer sur le recours devait être choisie sur la base de l'effet juridique formel (en l'occurrence erroné) d'une décision, tel qu'il ressortait de la couverture de la décision ou du registre, ou sur la base de l'effet juridique voulu (factuel) de la décision, tel qu'il ressortait du corps même de la décision.
La chambre n'a pas souscrit à l'approche suivie dans l'affaire T 1382/08, dans laquelle la chambre avait établi la compétence d'une chambre de recours technique au titre de l'art. 21(3)a) CBE 1973, en se fondant sur l'effet juridique formel de la décision (le rejet), alors même que celui-ci était manifestement erroné. Cette approche présentait certains inconvénients. En effet, soit l'affaire pouvait être renvoyée devant l'instance du premier degré pour vice substantiel de procédure, soit elle était confiée à une chambre "formellement compétente" en vue d'une décision sur le fond, mais cette décision serait rendue par une chambre qui n'est en fait pas compétente, compte tenu de l'intention du législateur à l'art. 21(3) CBE.
La chambre a dès lors estimé que lorsque le dispositif formel d'une décision contestée est manifestement erroné au point d'être pour l'essentiel incompréhensible au regard des motifs exposés dans le corps de la décision, en particulier lorsque ce dispositif ne correspond manifestement à aucun des effets juridiques envisagés et susceptibles de découler de la question de fond à l'origine de la décision contestée, et si la compétence établie en vertu de l'art. 21(3) CBE est censée être transférée d'une chambre à une autre sur la simple base d'un tel dispositif "impossible", il peut être fait abstraction du dispositif formel aux fins de l'art. 21(3)a) et c) CBE. La requête de fond sur laquelle il est statué doit alors servir de repère pour déterminer quelle chambre est compétente pour trancher l'affaire (l'affaire T 1382/08 n'a pas été suivie).
Voir également le chapitre IV.A.1.2 "Corrections au titre de la règle 139 CBE"
1.3 Forme et délai du recours
1.3.1 Forme et contenu de l'acte de recours (règle 99(1) CBE))
(CLB, IV.E.2.5.2)
Dans l'affaire à l'origine de la décision G 1/13 (JO 2015, A42), une opposition avait été formée par une société qui, par la suite, avait cessé, à toutes fins, d'exister au regard de la législation nationale qui lui était applicable. Cependant, cette société a ensuite été reconstituée en application d'une disposition de ladite législation nationale en vertu de laquelle elle était réputée avoir continué à exister comme si elle n'avait pas cessé d'exister.
La Grande Chambre de recours a estimé que l'OEB devait reconnaître l'effet rétroactif de cette disposition de la législation nationale. Par conséquent, lorsqu'un recours était valablement formé dans les délais au nom d'un opposant qui avait cessé d'exister et que la reconstitution de la société était intervenue, avec effet rétroactif, après l'expiration du délai de recours prévu à l'art. 108 CBE, la chambre de recours devait considérer le recours comme recevable.
La Grande Chambre de recours a renvoyé au principe, clairement établi en vertu de la CBE, selon lequel il convient de se référer à la législation nationale afin de déterminer si une personne morale existe, si elle a cessé d'exister et si elle a la capacité d'agir. La Grande Chambre de recours a également estimé que l'OEB devait suivre la législation nationale pour déterminer si une telle personne morale est réputée avoir existé rétroactivement. Il s'agissait simplement d'appliquer le principe général selon lequel de telles questions sont régies exclusivement par la législation nationale.
Dans l'affaire G 1/12 (JO 2014, A114), la Grande chambre de recours a reformulé la question initiale comme suit : lorsqu'un acte de recours comporte, conformément à la règle 99(1)a) CBE, le nom et l'adresse du requérant tels que prévus à la règle 41(2)c) CBE, et qu'il est allégué qu'en raison d'une erreur, le requérant n'a pas été identifié correctement, l'intention véritable ayant été de former le recours au nom de la personne morale qui aurait dû le faire, est-il possible de corriger cette erreur en vertu de la règle 101(2) CBE au moyen d'une requête visant à substituer le nom du véritable requérant au nom mentionné par erreur ?
La Grande Chambre de recours a répondu par l'affirmative, à condition qu'il ait été satisfait aux exigences de la règle 101(1) CBE. Étant donné que la règle 101(1) CBE faisait explicitement référence à l'art. 107 CBE et qu'il n'est possible de remédier à des irrégularités que dans le délai de recours de deux mois prévu à l'art. 108, première phrase CBE, l'identité du requérant, à savoir de la personne admise à former le recours, devait être établie au plus tard à l'expiration du délai de deux mois prescrit à l'art. 108, première phrase CBE.
La règle 101(2) CBE a pour objet les irrégularités concernant l'indication du nom et de l'adresse du requérant tels que prévus à la règle 99(1)a) CBE. Le requérant peut y remédier indépendamment des délais visés à l'art. 108 CBE, après y avoir été invité par la chambre de recours.
La Grande Chambre de recours a pleinement approuvé cette jurisprudence, dans laquelle il est considéré qu'une indication incorrecte de l'identité du requérant est une irrégularité à laquelle il peut être remédié, à condition que "sa rectification ne reflète pas un changement d'avis ultérieur sur l'identité du requérant, mais exprime uniquement le but poursuivi lors du dépôt du recours" (cf. T 97/98).
Il serait contraire au principe de libre appréciation des preuves d'établir des règles déterminées en matière de preuve qui définiraient la force probante à attacher ou non à certains moyens de preuve. Cela valait également pour les problèmes examinés dans la saisine, (il est renvoyé aux décisions G 3/97 (JO 1999, 245) et G 4/97 (JO 1999, 270)).
La Grande Chambre de recours a également conclu qu'en cas d'erreur concernant le nom du requérant, la procédure à caractère général prévue à la règle 139, première phrase CBE pouvait être appliquée dans les conditions énoncées par la jurisprudence des chambres de recours. Les principes ci-après ont été établis :
(1) La correction doit avoir pour effet d'introduire les éléments visés à l'origine. C'est l'intention réelle de la partie, et non son intention prétendue, qui doit être prise en considération.
(2) Si l'intention initiale n'apparaît pas d'emblée, la charge de la preuve incombe au requérant et il doit être posé les exigences les plus grandes en ce qui la concerne (J 8/80).
(3) L'erreur devant être corrigée peut être une indication inexacte ou une omission.
(4) La requête en correction doit être présentée sans délai.
De plus, une correction admissible en vertu de la règle 139 CBE a un effet rétroactif (J 4/85, suivie dans plusieurs décisions ultérieures, par exemple les décisions J 2/92, JO 1994, 375 ; J 27/96 ; J 6/02 ; J 23/03 et J 19/03).
Voir également l'affaire T 2045/09 et le chapitre IV.E.7.1 "Saisine au titre de l'article 112 CBE".
Dans l'affaire T 620/13, l'acte de recours ne contenait ni élément susceptible d'être reconnu par la chambre comme une indication de la décision attaquée, ni requête définissant l'objet du recours. La chambre a fait observer que l'acte de recours constitue une déclaration juridique d'une partie à une procédure devant l'OEB et qu'il doit, à ce titre, contenir une indication claire, sans équivoque et avant tout explicite, susceptible d'être reconnue comme une déclaration juridique, et identifiant à la fois la décision attaquée et l'objet du recours (cf. également J 19/90). Il importait peu que le greffier ait été en mesure d'identifier la décision attaquée et d'informer en conséquence les parties de l'engagement d'une procédure de recours, ainsi que du numéro attribué au recours.
La chambre a reconnu que la requête définissant l'objet du recours, telle qu'exigée, pouvait être implicite. Cependant, selon une interprétation correcte de l'affaire T 358/08, c'est la partie de la requête qui indique si la décision doit être entièrement ou seulement partiellement annulée qui peut être implicite. La décision T 358/08 ne validait aucunement l'argument selon lequel aucune requête n'était nécessaire.
Le recours a été rejeté comme étant irrecevable.
1.4 Mémoire exposant les motifs du recours
1.4.1 Forme du mémoire exposant les motifs du recours
(CLB, IV.E.2.6.2)
Dans l'affaire T 74/12, la chambre a fait observer que la règle 99(2) CBE ne prévoit pas l'obligation d'indiquer un numéro de référence dans le mémoire exposant les motifs du recours. La conclusion qui s'impose d'emblée est que le recours ne peut être considéré comme irrecevable en raison de l'absence d'un numéro de référence. Seule la loi - et il s'agit en l'occurrence de la convention et de son règlement d'exécution - peut en effet déterminer dans quelles conditions il convient d'accomplir certains actes de procédure et quelles conséquences sont à attendre en cas d'inobservation de ces dispositions. Il existe un principe de procédure selon lequel la perte d'un droit ou d'un moyen de recours ne peut se produire que si un tel résultat est prescrit de manière claire et précise.
1.4.2 Principes généraux
(CLB, IV.E.2.6.3)
a) Nécessité de traiter dans le mémoire du recours les motifs sur lesquels s'appuie la décision attaquée
Dans l'affaire sous-jacente à la décision T 501/09, le mémoire exposant les motifs du recours était fondé sur des documents qui ne faisaient pas partie de la procédure d'opposition devant l'instance du premier degré, mais que le requérant (opposant) avait déposés avec le mémoire exposant les motifs de son recours. Le requérant s'appuyait donc sur de nouvelles preuves, au lieu de présenter les motifs pour lesquels il jugeait incorrectes les conclusions de la division d'opposition.
La chambre n'ignorait pas que selon d'autres chambres de recours, un recours qui est entièrement fondé sur de nouvelles preuves peut être recevable si les motifs d'opposition restent les mêmes. Cependant, si ces nouvelles preuves ne sont pas admises par la suite dans la procédure de recours, cela signifie que les moyens présentés par le requérant pendant le recours ne sont pas motivés (cf. T 1557/05) et que le recours n'est pas admissible.
La chambre a également souligné que la finalité de la procédure de recours inter partes est principalement d'offrir à la partie déboutée la possibilité de contester le bien-fondé de la décision de la division d'opposition. Le cadre de fait et de droit de la procédure d'opposition détermine donc très largement la procédure de recours qui lui fait suite (cf. G 9/91 et G 10/91, JO 1993, 408 et 420). Par conséquent, la matière litigieuse ne peut être modifiée que de façon limitée par les parties pendant la procédure devant l'instance du deuxième degré. Ce principe trouve sa traduction dans l'art. 12(4) RPCR.
La chambre a décidé de ne pas admettre les nouvelles preuves et a conclu que le recours n'était pas motivé, contrairement aux exigences de l'art. 108 CBE ensemble la règle 99(2) CBE. Le recours a été rejeté pour irrecevabilité.
De même, dans l'affaire T 727/09, le mémoire du recours développait une argumentation qui visait à montrer, motifs à l'appui, pourquoi le brevet devait être révoqué pour absence d'activité inventive. Or cette argumentation, qui était fondée exclusivement sur de nouveaux documents, ne comportait aucune référence aux motifs de la décision attaquée, et encore moins de commentaires expliquant les raisons pour lesquelles cette décision était incorrecte. Il y avait donc un faisceau de faits entièrement nouveaux, qui s'appuyait néanmoins sur le même motif d'opposition. La chambre a conclu que le recours n'avait pas pour but de contester cette décision, mais de faire une deuxième fois opposition au brevet, la première tentative ayant échoué. La CBE ne permet pas d'interpréter d'une manière aussi large la finalité d'un recours faisant suite à une procédure d'opposition.
Comme les exigences requises pour former un recours recevable sont essentiellement les mêmes que celles pour faire opposition, la même interprétation est applicable. Le mémoire du recours, tel que requis par la règle 99(2) CBE, n'est pas une simple requête formelle présentée aux fins d'obtenir un réexamen général de l'affaire par une instance du deuxième degré, mais une déclaration motivée s'inscrivant dans le cadre des éléments juridiques et factuels de la décision attaquée (cf. G 9/91).
La chambre n'ignorait pas que le critère concernant la capacité du mémoire de recours à faire pièce aux motifs de la décision défavorable avait été utilisé dans un nombre important de décisions. Dans ces décisions, les mémoires avaient ainsi été jugés suffisamment motivés pour rendre le recours recevable dans des affaires qualifiées de "nouvelles". Il fallait néanmoins conserver un lien direct et clair avec la décision attaquée. Comme cela n'était pas le cas en l'espèce, le recours a été rejeté pour irrecevabilité.
Dans l'affaire T 1915/09, la chambre a toutefois jugé le recours recevable. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, le requérant avait indiqué de manière détaillée pourquoi, selon lui, l'objet des revendications que la division d'opposition avait l'intention de maintenir n'impliquait pas d'activité inventive à la lumière du document (D1) considéré isolément (ce document ayant été cité pendant la procédure d'opposition) ou en combinaison avec, entre autres, le document (D6) (cité quant à lui pendant la procédure de recours). Le mémoire exposait par conséquent dans le détail les motifs pour lesquels il y avait lieu d'annuler la décision attaquée, et mentionnait les faits et preuves à l'appui des arguments correspondants.
De l'avis de la chambre, la règle 99(2) CBE n'exclut pas que de telles preuves soient produites pour la première fois durant la procédure de recours, et elle n'exige pas non plus que ces preuves soient admises dans la procédure (suite à la décision T 389/95). Par conséquent, le fait que, dans le mémoire exposant les motifs de son recours, le requérant se soit appuyé entre autres sur les documents (D6) à (D13), qui ont été cités pour la première fois pendant la procédure de recours, ne contrevenait pas aux exigences de la règle 99(2) CBE.
Dans l'affaire T 899/13, la chambre a estimé que l'exigence d'un exposé suffisant des motifs du recours, conformément à l'art. 108, troisième phrase, et à la règle 99(2) CBE, n'est pas remplie notamment dès lors que plusieurs motifs indépendants ont conduit à la décision de rejet de la demande de brevet et que l'un, au moins, de ces motifs n'est pas traité dans le mémoire du recours ou seulement de façon insuffisamment détaillée. Cela tient au fait que si le mémoire de recours contre le rejet de la demande de brevet ne traite pas de tous les motifs ayant conduit au rejet, soit par une motivation suffisante, soit par le dépôt de revendications modifiées, la décision attaquée ne peut normalement pas être annulée, même si la décision de la chambre donne raison à la requérante sur tous les motifs du rejet traités dans le mémoire de recours. Une autre issue n'est envisageable qu'en cas de circonstances exceptionnelles.
Dans l'affaire sous-jacente à la décision T 395/13, la situation était toutefois différente. Même si le mémoire exposant les motifs du recours ne contenait pas d'arguments de fond concernant le raisonnement de la décision contestée, il satisfaisait néanmoins aux exigences de l'art. 108 CBE ensemble la règle 99(2) CBE, puisque la principale objection soulevée par le requérant dans les motifs de son recours tenait au fait que la décision attaquée n'était pas suffisamment motivée pour lui permettre de présenter de tels arguments. Les motifs du recours indiquaient pour quelles raisons le requérant estimait que la décision contestée était entachée d'irrégularités et, partant, pourquoi elle devait être annulée. La règle 99(2) CBE n'exigeait pas davantage et, en particulier, ne prescrivait pas concrètement que le mémoire exposant les motifs du recours devait traiter les arguments développés dans la décision attaquée. La chambre a donc conclu que le recours était recevable.
1.4.3 Nouvelles questions soulevées par l'opposant (requérant)
(CLB, IV.E.2.6.5)
Dans l'affaire T 27/13, la chambre a constaté que l'irrégularité invoquée au titre de l'art. 83 CBE dans le mémoire exposant les motifs du recours constituait un nouveau motif d'opposition en vertu de l'art. 100 b) CBE, qui n'entrait pas dans le cadre de droit de la procédure d'opposition, laquelle se limitait à l'absence d'activité inventive au titre de l'art. 100 a) CBE.
La décision T 389/95, qui était citée dans la décision T 1007/95, précisait à titre incident que, sachant qu'en vertu de l'avis G 10/91, il est possible de prendre en considération de nouveaux motifs d'opposition au stade de la procédure de recours si le titulaire du brevet y consent, un recours fondé uniquement sur de tels motifs n'est pas systématiquement irrecevable.
À la lumière des observations détaillées figurant dans l'avis G 10/91 au sujet du caractère juridique de la procédure d'opposition et de la procédure de recours faisant suite à une opposition, ainsi qu'au sujet de l'importance particulière des motifs d'opposition, en ce sens qu'ils fixent le cadre de droit dans lequel l'examen quant au fond de l'opposition doit en principe se dérouler, la chambre a toutefois indiqué qu'elle ne pouvait considérer le présent recours comme recevable que si, lors de son introduction, il était fondé sur le même motif d'opposition. La question de l'éventuelle introduction d'un nouveau motif d'opposition ne peut être abordée que si cette condition préalable est remplie.
La chambre a donc estimé que les déclarations incidentes formulées dans l'affaire T 389/95 précitée ne trouvaient pas de fondement dans l'avis G 10/91. En effet, selon la présente chambre, cet avis s'appuie sur le fait que le recours a déjà été valablement formé, si bien qu'il ne peut s'appliquer à des cas comme la présente espèce, dans laquelle le recours repose exclusivement sur un motif d'opposition entièrement nouveau. Ces déclarations n'ayant pas fait école dans la jurisprudence pertinente ultérieure, et ce bien que la décision T 389/95 ait été citée très souvent, la chambre a jugé qu'au regard de la présente question, il s'agissait d'une décision isolée qu'il n'y avait pas lieu de suivre, et elle s'est plutôt ralliée à la décision T 1007/95.
Le recours était donc irrecevable.
2. Examen du recours au fond
2.1 Effet obligatoire des requêtes – pas de reformatio in peius
2.1.1 Cas où l'opposant est le seul requérant
(CLB, IV.E.3.1 f))
Dans l'affaire T 111/10, la chambre a fait observer que les possibilités exceptionnelles de modification qui sont prévues par la décision G 1/99, en application du principe de l'interdiction de la reformatio in peius, n'entraient en ligne de compte que si le brevet devait sinon être révoqué, c'est-à-dire, compte tenu de l'interdiction précitée, uniquement si le titulaire du brevet (intimé) n'avait pas d'autre possibilité d'effectuer une modification qui permette de préserver au moins une partie du brevet frappé d'opposition. Or, dans l'affaire en cause, une telle possibilité existait. Même si elle avait entraîné une limitation de la portée, elle ne pouvait pas être jugée excessive ni inéquitable à l'égard d'un titulaire de brevet qui, dans la mesure où il n'avait pas formé de recours, ne pouvait dès le départ escompter obtenir davantage que les éléments déjà maintenus par la division d'opposition. Il découlait clairement de la décision G 1/99 que toute exception au principe susmentionné devait être interprétée de manière restrictive.
La décision T 1979/11 n'était pas pertinente, puisque dans l'affaire ayant donné lieu à cette décision, il n'était apparemment pas possible d'apporter une modification destinée à limiter (et non à étendre) la portée. De plus, l'extension de la portée résultait de la réponse de l'intimé/titulaire du brevet à une objection du requérant/opposant, qui avait été soulevée pour la première fois dans le mémoire exposant les motifs du recours. La chambre instruisant l'affaire T 1979/11 avait donc conclu qu'il serait inéquitable d'autoriser le requérant/opposant à présenter une nouvelle attaque tout en privant le titulaire du brevet/intimé d'un moyen de défense. Cependant, dans l'affaire en instance, ce n'est pas le requérant qui avait présenté une nouvelle attaque, mais plutôt la chambre qui avait soulevé une objection, que le requérant avait ensuite également fait sienne.
La requête n'a donc pas été admise.
2.2 Examen des conditions de brevetabilité dans la procédure ex-parte
2.2.1 Procédure ex-parte
(CLB, IV.E.3.3.1)
Dans l'affaire ayant donné lieu à la décision T 1367/09, la chambre, en établissant la notification au titre de l'art. 15(1) RPCR, n'avait pas soulevé la question de l'art. 84 CBE 1973. Cependant, lorsqu'elle a réexaminé l'affaire en préparation de la procédure orale, elle a constaté que cette question devait bel et bien être abordée pendant ladite procédure. La chambre a fait observer qu'à la lumière de la décision G 10/93 (JO 1995, 172), elle avait le pouvoir de faire valoir un motif de rejet d'une demande dans une procédure de recours ex parte, en particulier si ce motif concernait des exigences qui n'avaient pas du tout été prises en compte par la division d'examen ou que celle-ci avait jugé comme étant remplies. Voir également le chapitre III.B.1 "Non-comparution à la procédure orale".
2.3 Examen des faits – cadre d'application de l'article 114 CBE dans la procédure de recours
2.3.1 Examen d'office des faits par les chambres
(CLB, IV.E.3.4.1)
Dans l'affaire T 1574/11, la chambre a fait observer que le principe de l'examen d'office (art. 114 CBE) est également applicable à la procédure de recours. La chambre de recours n'est donc limitée ni aux moyens invoqués ni aux demandes présentées par les parties. Étant donné que la procédure de recours vise avant tout à vérifier l'exactitude des conclusions de la décision attaquée, la chambre est donc en principe admise à prendre en considération les moyens de preuve qui sont cités dans cette décision si elle les juge déterminants pour statuer sur l'affaire. La chambre a signalé que le document E6 avait aussi été examiné dans la décision attaquée et qu'il faisait donc partie de la décision attaquée. L'objet du litige n'avait toutefois pas changé.
La chambre avait ainsi le pouvoir de tenir compte du document E6 dans la procédure de recours.
3. Renvoi à la première instance
3.1 Généralités
(CLB, IV.E.7.1)
Dans la décision frappée de recours dans l'affaire T 1343/12, la division d'examen avait estimé que l'objet revendiqué était dépourvu d'activité inventive, le document D1 ayant été considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche. Une traduction automatique en anglais de D1 avait été fournie. Cependant, vu la médiocre qualité de la traduction, il était impossible d'en tirer une quelconque information dépourvue d'ambiguïté concernant l'une des caractéristiques de la revendication 1 en cause (à savoir la concentration et les effets d'un composant tensioactif). Comme il s'avérait que l'appréciation de l'activité inventive dépendait dans une large mesure des éléments réellement divulgués à cet égard dans D1, l'affaire a été renvoyée à la division d'examen, afin qu'elle revoie la question de l'activité inventive à la lumière d'une traduction certifiée conforme de D1.
3.2 Renvoi consécutif au dépôt ou à la production tardive d'un nouveau document pertinent
3.2.1 Procédures de recours ex parte
(CLB, IV.E.7.2.2)
Dans l'affaire T 963/09, la chambre avait émis à l'encontre de la demande un certain nombre d'objections fondées sur un document qu'elle avait elle-même introduit. Le requérant avait demandé que l'affaire soit immédiatement renvoyée à la division d'examen aux fins de poursuite de la procédure, ce que la chambre avait refusé. Dans la décision G 10/93, la Grande Chambre de recours avait déclaré que dans une procédure de recours ex parte, une chambre de recours avait le pouvoir d'élever de nouvelles objections et d'inclure de nouveaux documents, et que cela ne signifiait pas que les chambres de recours effectuaient un examen complet de la demande au regard des conditions de brevetabilité. Toutefois, si elle avait des raisons de penser qu'une condition de brevetabilité pourrait ne pas être remplie, la chambre de recours pouvait introduire celle-ci dans la procédure de recours ou, par un renvoi à la division d'examen, assurer qu'il en serait tenu compte dans la suite de l'examen.
Premièrement, il était évident qu'une objection soulevée par une chambre sous la forme d'un avis préliminaire non contraignant ne liait pas cette chambre et, partant, ne liait pas la division d'examen à laquelle l'affaire était ultérieurement renvoyée. Deuxièmement, si la chambre renvoyait finalement l'affaire à la division d'examen en lui donnant instruction d'examiner la nouvelle objection, il était peut-être nécessaire de mentionner les motifs, faits et preuves pertinents à passer en revue. Troisièmement, lorsqu'une chambre de recours souhaitait se prononcer elle-même sur une nouvelle objection, l'équité voulait que la chambre expose entièrement ses réserves au requérant, afin de lui donner toutes les chances lui permettant de la convaincre de renvoyer l'affaire, ou de répondre à la nouvelle objection.
4. Moyens invoqués tardivement pendant la procédure de recours
4.1 Article 12(4) RPCR – présentation de nouveaux arguments dans la procédure de recours
(CLB, IV.C.1.4.4)
Dans l'affaire T 607/10, l'opposant avait fait valoir, en réponse au mémoire exposant les motifs du recours, que l'objet de la revendication 1 de la requête principale n'impliquait pas d'activité inventive eu égard au document E19 (tenu pour l'élément le plus proche de l'état de la technique) combiné au document E26. Lors de la procédure orale devant la chambre, l'opposant avait déclaré que le document E19 ne pouvait être considéré comme l'élément le plus proche de l'état de la technique, et il avait présenté un argument différent, s'appuyant sur le document E26 (tenu pour l'élément le plus proche de l'état de la technique) combiné au document E19.
La chambre a estimé que, pour décider si un nouvel argument a pour effet de modifier les moyens invoqués par une partie au sens de l'art. 13(1) RPCR, il faut établir au cas par cas si ce nouvel argument rompt avec les arguments initiaux présentés dans le mémoire exposant les motifs du recours ou dans la réponse à celui-ci, ou s'il en constitue un simple développement.
Dans l'affaire en instance, ce nouvel argument ne pouvait être considéré comme le simple développement ou prolongement de la position défendue antérieurement par l'opposant. La nouvelle analyse s'appuyait sur un choix différent concernant l'état de la technique le plus proche (document E26 au lieu du document E19), ce qui signifiait que, par rapport à l'argument antérieur, il était nécessaire de prendre en considération un jeu de caractéristiques distinctives différent et un autre problème objectif à résoudre, ainsi que des motifs différents (fondés désormais sur le document E19) en vertu desquels il serait évident pour l'homme du métier de parvenir aux caractéristiques distinctives compte tenu de l'état de la technique. Ce nouvel argument devait donc être considéré comme une modification des moyens invoqués par l'opposant, au sens de l'art. 13(1) RPCR, l'admission et l'examen de cette modification étant laissés exclusivement à l'appréciation de la chambre.
La situation se compliquait encore par le fait que le titulaire du brevet, bien que dûment cité, n'était pas présent à la procédure orale. La chambre s'est référée à la décision T 1621/09, selon laquelle l'admission d'une modification des moyens invoqués par une partie en l'absence de la partie lésée est toujours laissée à l'appréciation de la chambre. L'absence de la partie lésée est un élément qui doit entrer en ligne de compte, mais elle n'empêche pas la chambre d'admettre la modification et de statuer sur la base des moyens tels que modifiés. Dans l'affaire en instance, la chambre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, a décidé d'admettre les nouveaux arguments présentés par l'opposant. Voir également les affaires T 1941/10 et T 216/10, dans lesquelles les arguments présentés tardivement ont été admis dans la procédure.
4.2 Présentation de nouveaux documents
4.2.1 Réaction légitime à une décision de la division d'opposition
(CLB, IV.C.1.4.5 b))
Dans l'affaire T 241/10, la chambre a déclaré que l'art. 12(4) RPCR ne lui donnait pas le pouvoir de considérer comme irrecevable un document produit avec le mémoire exposant les motifs du recours si le dépôt de ce document était une réaction légitime aux revendications modifiées, produites par le titulaire du brevet peu avant la procédure orale devant l'instance du premier degré, et si on ne pouvait raisonnablement attendre de l'opposant qu'il présente ce document pendant la procédure devant la division d'opposition (cf. points 2 à 7 des motifs).
4.2.2 Usage antérieur public
(CLB, IV.C.1.4.6 d))
Dans l'affaire T 691/12, la chambre a fait observer qu'un usage antérieur qui est invoqué pour la première fois pendant la procédure de recours ne peut être introduit dans la procédure et être considéré comme l'état de la technique que s'il est au moins satisfait aux trois conditions suivantes :
a) il ne doit pas s'agir d'un abus manifeste de procédure ;
b) l'usage antérieur doit de prime abord être pertinent au point de mettre en cause la validité du brevet, conformément à ce qui est allégué ; et
c) l'usage antérieur doit être prouvé de manière incontestable, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer des recherches supplémentaires pour constater l'objet ou les circonstances de cet usage.
Ces trois conditions n'étaient pas remplies dans la présente espèce. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation découlant de l'art. 114(2) CBE ensemble l'art. 12(4) RPCR, la chambre a donc conclu qu'il ne fallait pas tenir compte de la nouvelle objection fondée sur un usage antérieur public, invoqué pour la première fois avec le mémoire exposant les motifs du recours.
Dans l'affaire T 444/09, la chambre n'a pas là encore admis dans la procédure le prétendu usage antérieur public, qui avait été invoqué pour la première fois avec le mémoire exposant les motifs du recours et qui, de surcroît, n'a pas été considéré comme étant de prime abord pertinent.
5. Dépôt de revendications modifiées lors de la procédure de recours
5.1 Modifications après fixation de la date de la procédure orale
(CLB, IV.E.4.2.2)
Dans l'affaire T 1732/10, l'intimé (titulaire du brevet) n'avait pas répondu aux recours dans le délai de quatre mois à compter de la réception des mémoires exposant les motifs des recours. Pendant la procédure de recours, la chambre a donné un avis préliminaire non contraignant, selon lequel les revendications du brevet délivré ne semblaient pas satisfaire aux exigences de la CBE eu égard aux art. 54(1) et 56 CBE. En réaction, l'intimé a présenté une nouvelle requête principale ainsi que les requêtes subsidiaires 1 à 5. Les motifs étayant ces requêtes au regard de la nouveauté et de l'activité inventive n'ont été produits qu'ultérieurement, avec les requêtes subsidiaires supplémentaires 6 à 10. La recevabilité des requêtes de l'intimé a été examinée à la lumière des dispositions des art. 12(1), 12(4), 13(1) et 13(3) RPCR pendant la procédure orale.
Dans le sommaire de la décision, la chambre a indiqué que le fait de ne pas répondre sur le fond au recours formé par l'opposant, mais d'attendre l'avis préliminaire de la chambre pour ce faire est considéré comme un abus de procédure. Cette attitude est en effet contraire à la juste répartition des droits et obligations entre les deux parties dans les procédures inter partes, ainsi qu'au principe en vertu duquel les deux parties doivent présenter l'ensemble de leurs moyens dès le début de la procédure. Ces deux principes sont clairement énoncés dans le règlement de procédure des chambres de recours.
Ceci est d'autant plus vrai si tous les éléments destinés à étayer les requêtes présentées après l'envoi de la citation à une procédure orale ne sont produits que peu de temps avant ladite procédure devant la chambre. De telles requêtes – lorsqu'elles ne sont pas évidentes – sont considérées par la chambre comme n'ayant été présentées qu'à la date à laquelle sont fournies les explications destinées à les étayer. Des requêtes présentées aussi tardivement vont à l'encontre du principe d'économie de la procédure, ne tiennent pas compte de l'état de la procédure et ne peuvent être raisonnablement instruites par la chambre sans qu'il soit nécessaire d'ajourner la procédure ou de renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré, ce qui est contraire à l'art. 13(1) et (3) RPCR.
Dans la décision T 1836/12 la chambre a considéré que le dépôt de nouvelles requêtes sans motivations sur l'ensemble des points mentionnés dans l'annexe à la citation à la procédure orale rend la procédure inefficace et contraire au principe de son économie. Le simple dépôt de requêtes sans motivation ne permet pas d'écarter les objections qui ont été soulevées préalablement par la chambre dans l'annexe à la citation à la procédure orale ou qui peuvent être attendues au vu de la décision contestée. Au vu de l'absence de motivations, la chambre avait informé le requérant bien avant la procédure orale que la recevabilité de ces nouvelles requêtes devrait être discutée à la procédure orale et que la date de leur dépôt serait considérée comme étant celle du dépôt de leurs motivations (T 1732/10). Malgré cela, le requérant n'avait pas fourni de motivations quant à la brevetabilité des nouveaux objets revendiqués. Il avait simplement informé la chambre qu'il ne serait pas représenté à la procédure orale qui s'est donc tenue en son absence. Par conséquent, la chambre a décidé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas admettre ces requêtes dans la procédure conformément à l'art. 13(1) RPCR.
5.2 Article 12(4) RPCR – requête non examinée par la première instance
5.2.1 Principes généraux
(CLB, IV.E.4.3.1)
Dans l'affaire T 419/12, la chambre a fait observer que le rejet, en vertu de l'art. 12(4) RPCR, d'une requête présentée seulement au stade de la procédure de recours présuppose l'existence d'un motif particulier pour lequel cette requête précise aurait non seulement pu, mais aussi dû être présentée pendant la procédure de première instance.
Un tel motif peut découler du fait qu'une requête correspondante a déjà été introduite dans la procédure, mais n'a pas été présentée pour décision (T 495/10), ou que la formulation et le dépôt de la requête tombaient sous le sens puisque celle-ci permettait à l'évidence de remédier à une insuffisance dont étaient entachées les requêtes déjà présentées, cette insuffisance constituant l'un des points principaux de la discussion entre les parties (T 339/06) et/ou ayant été signalée par l'instance du premier degré (T 379/09). Le titulaire du brevet ne peut agir de sorte qu'une question litigieuse ne soit pas traitée et tranchée par l'instance du premier degré et soit transférée comme bon lui semble à l'instance du deuxième degré (pratique qualifiée de "vagabondage judiciaire", T 1067/08).
La chambre a constaté que toutes ces situations mises en évidence par la jurisprudence avaient ceci de particulier que le titulaire du brevet avait non seulement eu la possibilité théorique, mais aussi une raison manifeste de soumettre pour décision, dès la procédure devant l'instance du premier degré, la requête qui était à présent introduite pendant la procédure de recours.
5.2.2 Rétention de requêtes par le titulaire du brevet au cours de la procédure d'opposition
(CLB, IV.E.4.3.2 b))
Dans l'affaire T 872/09, aucune des requêtes subsidiaires déposées par le titulaire du brevet n'a été admise dans la procédure, étant donné que, pendant la procédure d'opposition en première instance, celui-ci avait délibérément choisi de ne défendre aucune requête subsidiaire alors qu'il savait que sa requête principale n'était pas considérée admissible par la division d'opposition (points 2 et 3 des motifs).
Dans l'affaire T 1400/11, le requérant (titulaire du brevet) n'avait absolument pas réagi à l'opposition formée contre son brevet, et ce alors que tous les motifs de révocation du brevet attaqué étaient connus. Le requérant avait donc réellement contourné la procédure d'opposition en défendant son brevet uniquement pendant la procédure de recours. Il avait tenté de cette manière de transférer entièrement son affaire à l'instance du deuxième degré, contraignant ainsi la chambre soit à rendre une première décision, soit à renvoyer l'affaire à la division d'opposition. Un tel transfert de l'affaire désavantagerait l'intimé d'une manière injustifiée, car si la requête principale du requérant était admise et tranchée par la chambre, l'intimé serait bel et bien privé de la possibilité de faire examiner l'affaire par deux instances. Le recours a été rejeté, le requérant n'ayant pas déposé de requête recevable sur laquelle la procédure de recours puisse être fondée.
Dans l'affaire T 1616/10, la requête principale et la requête subsidiaire 1 n'ont pas été là aussi admises dans la procédure, au motif que la revendication 1 était plus étendue que toutes les requêtes sous-jacentes à la décision attaquée et que les requêtes auraient pu être déposées pendant la procédure de première instance.
5.2.3 Nouveau dépôt de requêtes retirées au cours de la procédure d'opposition
(CLB, IV.E.4.3.2 c))
Dans l'affaire T 2599/11, la chambre a admis dans la procédure de recours l'unique requête présentée, qui avait été retirée pendant la procédure d'opposition. La chambre a estimé que la finalité de la procédure de recours telle que définie dans la décision G 9/91 et l'avis G 10/91 (JO 1993, 408, 420) n'empêchait pas le requérant de présenter des moyens et des requêtes qui, après la révocation de son brevet par la division d'opposition, conduisaient, dans le cadre de la procédure de recours, à une formulation plus large que les revendications défendues pendant la procédure d'opposition, dans la mesure où ces revendications plus larges ne constituaient pas une matière entièrement nouvelle.
Eu égard à l'art. 12(4) RPCR, la chambre devait établir si le fait de ne pas déposer cette unique requête ou de retirer la requête A similaire pendant la procédure d'opposition avait empêché la division d'opposition de rendre une décision motivée sur les aspects déterminants (cf. La Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 7e éd. 2013, IV.E.4.3.2 c)).
Dans ce contexte, l'intimé, se référant à la décision T 361/08, a fait valoir que la première requête subsidiaire présentée avec le mémoire exposant les motifs du recours devait être rejetée pour irrecevabilité. Dans cette décision (point 13 des motifs), la chambre avait déclaré que le seul fait que la requête principale en question avait été soumise puis retirée au cours de la procédure de première instance constituait un motif suffisant pour ne pas admettre cette requête dans la procédure de recours. La présente chambre n'a toutefois pas souscrit à cette déclaration à caractère général, mais a fait sienne les observations de portée plus limitée énoncées au troisième paragraphe du point 14 des motifs, selon lesquelles le titulaire du brevet n'avait pas le droit de revenir à des revendications du brevet délivré si la requête contenant ces revendications avait été retirée au cours de la procédure de première instance et que la décision contestée n'avait donc pas été rendue sur la base des revendications en question.
La chambre en a conclu que, dans la mesure où toutes les caractéristiques de la revendication 1 de l'unique requête figuraient dans la revendication 1 de la requête E, sur laquelle s'était appuyée la décision attaquée et dont l'objet avait été jugé non inventif par la division d'opposition, celle-ci s'était également prononcée, du moins de manière implicite, sur l'objet présent dans l'unique requête. La chambre a fait observer que les questions essentielles soulevées dans les procédures d'opposition et de recours étaient identiques en ce sens qu'il fallait établir si l'objet revendiqué impliquait une activité inventive. L'unique requête déposée par le requérant n'introduisait donc pas une matière entièrement nouvelle et la chambre pouvait statuer sur la base de l'objet du litige examiné pendant la procédure de première instance. Pour ces raisons, l'unique requête a été admise dans la procédure.
Dans l'affaire T 1697/12, la chambre, exerçant son pouvoir d'appréciation conformément à l'art. 12(4) RPCR, n'a pas admis dans la procédure de recours la requête principale, qui avait été retirée pendant la procédure orale devant la division d'opposition. La chambre a déclaré que même s'il n'avait peut-être pas été dans l'intention du titulaire du brevet d'éviter une décision de la division d'opposition, il résultait inévitablement du retrait de la requête qu'une décision la concernant avait été évitée puisque la requête n'avait ainsi pas fait l'objet de la décision motivée de la division d'opposition. Le titulaire du brevet avait allégué que, dans la décision T 937/11, une requête subsidiaire qui avait été retirée devant la division d'opposition avait été déposée une nouvelle fois et admise dans la procédure de recours. La chambre a estimé que l'affaire ayant donné lieu à la décision T 937/11 différait de la présente espèce. Dans cette affaire, la requête subsidiaire contenait la même question décisive que la requête principale examinée par la division d'opposition ; le retrait de la requête subsidiaire n'avait donc pas eu pour effet d'éviter une décision de la division d'opposition sur cette question, celle-ci ayant été tranchée lorsqu'une décision motivée avait été rendue au sujet de la requête principale.
5.2.4 Modifications justifiées par le déroulement normal de la procédure
(CLB, IV.E.4.3.2 d))
Dans l'affaire T 2485/11, la chambre a confirmé la jurisprudence constante selon laquelle les chambres admettent généralement dans la procédure de recours les modifications, y compris les requêtes modifiées, qui peuvent être considérées, dans les circonstances de l'espèce, comme une réaction normale d'une partie déboutée (T 848/09, T 1072/98, T 540/01).
Dans l'affaire examinée, l'intimé (opposant) s'est élevé contre l'admission des requêtes subsidiaires 1 à 5 au motif qu'elles auraient déjà pu être déposées devant la division d'opposition. À l'appui de ses arguments, l'intimé a cité les décisions R 11/11 et T 936/09. La chambre n'a pas été convaincue par ces arguments pour les raisons suivantes :
La décision R 11/11 s'appuyait sur la décision T 144/09, dans laquelle, conformément à l'art. 12(4) RPCR, la chambre n'avait pas admis les jeux de revendications qui auraient pu être déposés devant l'instance du premier degré. Lors de la procédure orale devant la division d'opposition, le titulaire du brevet avait été informé que l'introduction d'une caractéristique particulière contrevenait à l'art. 123(2) CBE. Il n'avait déposé aucune requête afin de tenter de lever cette objection, bien que le président de la division d'opposition l'ait invité à le faire. La chambre a estimé que des modifications aussi simples des revendications auraient pu et auraient dû être déposées devant l'instance du premier degré, du moins sous la forme de requêtes subsidiaires, et elle a donc refusé d'admettre les revendications correspondantes, conformément à l'art. 12(4) RPCR.
Dans l'affaire sous-tendant la décision T 936/09, le titulaire du brevet n'avait pas répondu sur le fond à l'opposition, bien que la division d'opposition lui ait donné plusieurs occasions de le faire, et avait en revanche présenté ses moyens pour la première fois pendant la procédure de recours.
Or, dans l'affaire en cours d'instruction, le requérant avait déposé une requête principale modifiée et une requête subsidiaire pendant la procédure de première instance, afin de tenter de lever les objections d'absence de nouveauté et d'activité inventive formulées dans l'acte d'opposition. Lors de la procédure orale, la division d'opposition avait conclu que les requêtes modifiées ne satisfaisaient pas à l'art. 123(2) CBE. Contrairement aux affaires T 144/09 et T 936/09, le requérant avait saisi l'occasion qui lui était offerte et déposé d'autres requêtes modifiant les changements apportés à la requête principale, afin de répondre à l'objection soulevée par la division d'opposition au titre de l'art. 123(2) CBE. Le fait que le requérant n'ait pas déposé de nouvelle requête lorsque ces autres requêtes ont été elles aussi jugées contraires à l'art. 123(2) CBE, ne pouvait être considéré comme un abus, car il aurait pu, théoriquement, déposer des modifications. De plus, les requêtes subsidiaires ont été déposées au stade le plus précoce possible de la procédure de recours, à savoir avec le mémoire exposant les motifs du recours. Par conséquent, compte tenu des circonstances de l'affaire, le dépôt, par le requérant, des requêtes subsidiaires 1 à 5 a été considéré comme une réaction normale et légitime d'une partie déboutée (cf. également l'affaire similaire T 2244/11).
5.2.5 Prise en considération des modifications des revendications – nombre de requêtes subsidiaires
(CLB, IV.E.4.4.9)
Dans l'affaire T 280/11, la chambre de recours a fait observer que le titulaire du brevet, qui avait déposé un nombre très élevé de requêtes dans la procédure écrite (une requête principale et 681 requêtes subsidiaires, dont 454 trois jours seulement avant la procédure orale) et qui, pendant la procédure orale, avait présenté des requêtes subsidiaires supplémentaires (au nombre de quatre), devait s'attendre à ce que le jour de la procédure orale, une grande partie du temps disponible doive être consacrée à l'organisation du traitement de ces requêtes (au nombre de 686 au total). Après que la chambre eut examiné et rejeté ces requêtes lors de la procédure orale, ou ne les eut pas admises dans la procédure après une discussion approfondie (il s'agissait en l'occurrence des nouvelles requêtes subsidiaires 682 à 685), le titulaire du brevet ne pouvait raisonnablement escompter qu'en fin d'après-midi, une nouvelle interruption de la procédure orale soit accordée afin que d'autres requêtes puissent être formulées et présentées (cf. point 5 des motifs).
6. Remboursement de la taxe de recours
6.1 Saisine G 1/14
(CLB, IV.E.8.1.2)
Dans l'affaire T 1553/13 (JO 2014, A84), le recours avait été formé après l'expiration du délai de recours (art. 108, première phrase CBE) et la taxe de recours avait également été acquittée tardivement. En vertu de l'art. 108, deuxième phrase CBE, le recours n'est réputé formé qu'après le paiement de la taxe de recours. Conformément à de nombreuses décisions des chambres de recours, il n'y a de recours que si la taxe de recours est acquittée dans le délai prescrit. Par conséquent, une taxe de recours acquittée après l'expiration dudit délai doit être remboursée. Dans la décision fondamentale J 16/82 (JO 1983, 262), le recours a été réputé non formé au motif que la taxe de recours avait été acquittée tardivement, et ladite taxe a été remboursée. Tel a également été le cas dans l'affaire J 21/80 (JO 1981, 101), la chambre ayant estimé qu'en l'occurrence, le paiement de la taxe de recours ne permettait plus d'atteindre le but recherché. En revanche, dans les affaires T 79/01, T 1289/10, T 1535/10 et T 2210/10, dans lesquelles la taxe de recours avait été acquittée tardivement, le recours avait été rejeté pour irrecevabilité sans qu'un remboursement de la taxe de recours ait été ordonné.
On retrouve dans de nombreuses autres dispositions, par exemple à la règle 136(1), troisième phrase CBE (Restitutio in integrum), la même formulation que celle figurant à l'art. 108, deuxième phrase CBE. L'interprétation de l'art. 108, deuxième phrase CBE pouvait dès lors avoir des conséquences qui dépassaient le cadre de la présente affaire.
La question suivante a donc été soumise à la Grande Chambre de recours (saisine G 1/14) :
Lorsque la formation d'un recours et le paiement de la taxe de recours ont lieu après l'expiration du délai de recours prévu à l'art. 108, première phrase CBE, ce recours est-il irrecevable ou réputé ne pas avoir été formé ?
6.2 Le remboursement doit être équitable
(CLB, IV.E.8.5.1)
Dans l'affaire T 2106/10, la chambre a admis que la procédure de première instance avait été entachée de plusieurs irrégularités, mais a réaffirmé que tout remboursement de la taxe de recours devait être équitable et dépendait de la question de savoir si ces vices de procédure: 1) étaient substantiels et 2) contraignaient le requérant à former le recours en question. Aucun des vices de procédure invoqués par le requérant ne portait spécifiquement sur le rejet de la requête principale. Le demandeur ayant requis la délivrance d'un brevet sur la base de cette requête, il était contraint de former le recours indépendamment de la question de savoir si la procédure était entachée de vices substantiels invoqués. La chambre a dès lors rejeté la requête en remboursement présentée par le requérant et n'avait pas à se prononcer sur la présence ou non d'un vice substantiel de procédure.
7. Procédures devant la Grande Chambre de recours
7.1 Saisine au titre de l'article 112 CBE – Recevabilité
(CLB, IV.E.9.1)
La saisine G 1/12 (JO 2014, A114 ; voir également le chapitre IV.E.1.3.1 a) "Règle 99(1)(a) EPC" et le chapitre III.E.2 "Appréciation des preuves") concerne la rectification d'erreurs portant sur l'identité du requérant. La Grande Chambre de recours a estimé que la question relative à la recevabilité ou à l'irrecevabilité d'un recours (qui est introduit par une personne semblant à première vue ne pas avoir qualité pour le faire), était une question de droit d'importance fondamentale, puisqu'elle était pertinente dans un nombre d'affaires potentiellement élevé, et qu'elle revêtait donc un grand intérêt (pas uniquement pour les parties à la procédure de recours spécifique en cause). De plus, il était important de résoudre cette question de droit non seulement pour les utilisateurs du système du brevet européen, mais aussi pour les chambres de recours et pour l'instance du premier degré pendant la procédure d'examen et la procédure d'opposition. La Grande Chambre a également estimé qu'il était satisfait à l'exigence relative à l'application uniforme du droit. Dans certaines décisions, les chambres avaient autorisé la rectification, au titre de la règle 101(2) CBE, d'irrégularités concernant le nom du requérant, alors que dans d'autres décisions traitant de situations similaires, elles avaient appliqué la règle 139 CBE. La Grande Chambre a conclu que la saisine était recevable.
Une minorité des membres de la Grande Chambre de recours a estimé que la saisine était irrecevable. Cette minorité ne partageait pas le point de vue majoritaire selon lequel "il convient également de considérer une question de droit comme fondamentale si son importance va au-delà de l'affaire spécifique en instance" et selon lequel une telle importance est établie "si cette question de droit est susceptible d'être pertinente dans un grand nombre d'affaires similaires ". Un tel point de vue revenait à réduire la signification du terme "importance", tel qu'utilisé à l'art. 112 CBE, à celle de simple pertinence. Or, le nombre d'affaires concernées ne saurait être un critère adapté ni approprié pour établir la recevabilité d'une saisine de la Grande Chambre de recours. La minorité était également d'avis que la situation de droit était claire, à tout le moins depuis la décision T 97/98 (JO 2002, 183). Le fait que dans certaines décisions, les chambres de recours avaient autorisé la rectification, au titre de la règle 101(2) CBE, d'irrégularités concernant le nom du requérant, alors que, dans d'autres décisions traitant de situations similaires, elles avaient appliqué la règle 139 CBE montrait simplement que, dans la mesure où la suppression de l'irrégularité n'entraînait pas de changement quant à la véritable identité (initiale) du requérant, ces deux procédures pouvaient être appliquées conformément à la jurisprudence constante. Bien qu'ayant exprimé son accord avec les réponses apportées aux questions soumises, la minorité a conclu qu'il n'était pas satisfait aux exigences de l'art. 112(1)a) CBE.
Dans l'affaire G 1/13 (JO 2015, A42; voir également le chapitre IV.D.1 "Recevabilité de l'opposition" et le chapitre IV.E.1.3.1 "Forme et contenu de l'acte de recours (règle 99(1) CBE)"), la Grande Chambre de recours a confirmé qu'il convient de considérer une question de droit comme revêtant une importance fondamentale si son incidence va au-delà de l'affaire spécifique en instance, par exemple si cette question est susceptible d'être pertinente dans un grand nombre d'affaires similaires, et/ou si elle est importante non seulement pour les utilisateurs du système du brevet européen, mais aussi pour les chambres de recours et pour l'OEB lui-même.
7.2 Requête en révision au titre de l'article 112bis CBE
7.2.1 Objections non conformes à la règle 106 CBE
(CLB, IV.E.9.2.5 c))
Dans l'affaire R 18/12, la chambre a estimé que seules peuvent être considérées comme objections au sens de la règle 106 CBE celles qui concernent, sur le fond, un vice de procédure susceptible de faire l'objet d'une requête en révision au titre de l'art. 112bis(2)a) à d) CBE. La règle 106 CBE n'est pas une simple formalité. Elle a pour finalité essentielle d'éviter toute requête en révision inutile en donnant à la chambre la possibilité de remédier à un vice de procédure qui pourrait sinon conduire à une procédure de révision. Une objection doit être rédigée de telle manière que la chambre puisse déterminer si l'objection porte sur un vice de procédure ou une erreur dans l'appréciation des questions de fond, ce qui dépasserait le cadre d'une procédure de révision. C'est la teneur et non la formulation de l'objection qui constitue le facteur essentiel pour déterminer si le requérant a respecté la règle 106 CBE. Dans l'affaire en cause, même si le requérant a mentionné l'art. 113 CBE, il n'a contesté que la conclusion de la chambre relative au manque de clarté de prime abord. Il n'a donc pas élevé d'objection au sens de la règle 106 CBE. La requête en révision a été rejetée comme étant manifestement irrecevable.
7.2.2 Violation fondamentale de l'article 113 CBE
(CLB, IV.E.9.2.9)
Dans l'affaire R 16/12, le requérant a fait valoir que la chambre avait uniquement traité la question de la suffisance de l'exposé lors de la procédure orale. Il a avancé que les arguments examinés au titre des art. 83 et 100 b) CBE concernaient plutôt l'appréciation de l'activité inventive, et qu'il avait été privé de la possibilité de présenter ses arguments au titre des art. 56 et 100 a) CBE. Il a essentiellement allégué que si le titulaire d'un brevet demande à aborder un motif d'opposition spécifique, il devrait y être autorisé. La Grande Chambre de recours a déclaré qu'elle n'était pas de cet avis et qu'un tel droit ne découlait pas du principe de libre disposition, lequel conférait simplement aux parties le droit de disposer de leurs requêtes - à savoir de les présenter, de les retenir ou de les retirer - à leur guise. En outre, en vertu du principe d'efficacité de la procédure, une chambre de recours devait se concentrer sur les points pertinents pour la décision. La chambre ayant estimé que l'affaire pouvait être tranchée sur la base du critère de suffisance de l'exposé, l'examen de tout autre motif aurait concerné un aspect qui n'était pas un élément nécessaire de la décision finale de la chambre (obiter dictum). La requête a été rejetée comme étant manifestement non fondée.
Dans l'affaire R 3/13, la Grande Chambre de recours a estimé que le droit d'être entendu pouvait être enfreint si une décision était fondée sur des motifs ou des preuves qui n'avaient pas été examinés au cours de la procédure et prenaient ainsi la partie lésée au dépourvu. Cela ressortait clairement du libellé de l'art. 113(1) CBE, selon lequel les décisions de l'OEB ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Une partie ne saurait dès lors être prise au dépourvu par les motifs d'une décision qui renverraient à des éléments inconnus. Cependant, dans l'affaire en cause, la question d'une généralisation intermédiaire incompatible avec l'art. 123(2) CBE avait déjà été soulevée dans la procédure d'opposition antérieure, ainsi que dans la notification de la chambre accompagnant la citation à la procédure orale. Le sentiment de surprise éprouvé subjectivement par le requérant ne changeait rien au fait qu'il avait connaissance des objections élevées à l'encontre de ses requêtes et qu'il avait pu prendre position à leur sujet. La Grande Chambre a également souligné que, conformément à la jurisprudence constante, il serait contraire au devoir d'impartialité d'une chambre d'aviser sans cesse une partie de la non-brevetabilité de ses requêtes jusqu'à ce que cette dernière parvienne à une revendication susceptible d'aboutir à la délivrance d'un brevet. Pour ces motifs, la requête en révision a été rejetée comme étant manifestement non fondée.
Dans l'affaire R 5/13 (voir également les procédures jointes R 9/13, R 10/13, R 11/13, R 12/13 et R 13/13, ainsi que le chapitre I.C.2 "Etat de la technique le plus proche"), le requérant avait soulevé essentiellement l'objection selon laquelle la chambre avait limité l'examen de l'activité inventive au document D2, en tant que (seul) point de départ pour l'application de l'approche problème-solution. En refusant d'examiner cette question à partir du document D1, elle avait privé les requérants de la possibilité de présenter leurs arguments. La Grande Chambre de recours a considéré que le point de vue de la chambre, selon lequel une appréciation de l'activité inventive à partir du document D1 exigeait d'avoir le recul que procure la connaissance de l'objet revendiqué, concernait une question de fond. Or, les procédures de révision ne sauraient être utilisées pour remettre en question l'exercice du pouvoir d'appréciation par une chambre de recours si cela impliquait que des questions de fond soient indûment examinées. La Grande Chambre a rejeté la requête en révision comme étant manifestement non fondée.
V. PROCÉDURES DEVANT LA CHAMBRE DE RECOURS STATUANT EN MATIÈRE DISCIPLINAIRE
1. Recours contre des décisions du jury d'examen
1.1 Vérification objective de la notation
(CLB, V.2.6.3)
Dans l'affaire D 3/14, la requérante avait obtenu la note "échoué" (avec 68 points) à l'examen préliminaire de l'examen européen de qualification. Elle a fait valoir que la réponse à l'affirmation 10.4 du questionnaire aurait dû être "faux", plutôt que "vrai", comme indiqué dans le rapport des correcteurs. Elle a demandé que la décision du jury d'examen soit annulée et que la note "réussi" lui soit attribuée.
Requête en annulation de la décision
La chambre a rappelé que les décisions du jury d'examen ne pouvaient en principe faire l'objet d'une vérification que pour déterminer s'il a été porté atteinte au REE, aux dispositions relatives à son application, ou encore à un droit supérieur (art. 24(1) REE ; jurisprudence constante suite à D 1/92). Il n'appartenait pas à la chambre de revoir toute la procédure d'examen quant au fond, étant donné que la commission d'examen ainsi que le jury d'examen disposent d'un certain pouvoir d'appréciation qui n'est sujet qu'à un contrôle juridictionnel limité. Lorsque le requérant peut faire valoir que la décision attaquée comporte des erreurs graves et évidentes, et uniquement dans ce cas, la chambre peut en tenir compte. La prétendue erreur doit être à ce point manifeste que l'on peut la constater sans avoir à réengager toute la procédure de notation.
Selon la chambre, l'affirmation 10.4 aurait dû être formulée différemment afin d'exprimer le but visé. On ne pouvait attendre des candidats qu'ils émettent des hypothèses à cet égard (cf. règle 22(3) des Dispositions d'exécution du REE, publication supplémentaire 2 du JO OEB 2014, page 18, disposant que les candidats doivent se limiter aux faits exposés dans le sujet). La chambre a estimé que l'évaluation des copies par les correcteurs s'appuyait sur une question qu'une lecture objective ne permettait pas de déduire de l'affirmation 10.4. La lecture de l'affirmation 10.4 par la requérante était objectivement justifiée. La réponse à l'affirmation était "faux" et non "vrai" comme indiqué dans le rapport des correcteurs, et la contradiction entre la question posée et la réponse attendue faisait grief à la requérante. L'évaluation des correcteurs reposait sur une hypothèse erronée et la décision attaquée se fondait par conséquent sur une erreur grave et manifeste que l'on pouvait constater sans avoir à réengager toute la procédure de notation. La décision devait être annulée et la taxe de recours remboursée (art. 24(4) REE).
La chambre a également critiqué le fait que le jury d'examen n'ait pas fait droit au recours (art. 24(3) REE). Le jury d'examen était tenu d'examiner scrupuleusement si les conditions nécessaires étaient réunies ou non avant de se prononcer pour ou contre la révision préjudicielle (D 38/05, D 4/06). Dans les cas suffisamment clairs, la révision préjudicielle permettait d'annuler rapidement et simplement une décision entachée d'erreur, ce qui évitait pour les parties les coûts et la perte de temps occasionnés par une procédure de recours et était donc dans l'intérêt du public et du requérant (D 38/05, D 4/06). En l'espèce, compte tenu de la contradiction évidente, il était justifié de faire droit au recours.
Requête en rectification de la décision
La chambre de recours a souligné que l'art. 24(4), deuxième phrase REE ne confère pas à la chambre le pouvoir de corriger la décision, c'est-à-dire de modifier les points et la note attribués à une copie. Elle a donc vérifié si, d'un point de vue juridique, il y avait des raisons particulières de ne pas renvoyer l'affaire au jury d'examen (cf. art. 12 du Règlement de procédure additionnel de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire, publication supplémentaire 1 du JO OEB 2014, page 54). Ce n'est que dans quelques affaires exceptionnelles (D 5/86, D 11/91, D 8/08 et D 9/08) que la chambre de recours statuant en matière disciplinaire a conclu à l'existence de telles raisons particulières, et, dans les cas de recours formés contre des décisions du jury d'examen, elle n'a pas fait usage de cette possibilité de réexaminer sur le fond la décision attaquée (cf. D 7/05 concernant les limites de la révision juridictionnelle par la chambre).
En l'espèce, la situation différait des recours en matière de notations de copies qui sont à la base de la jurisprudence constante. L'examen préliminaire était une épreuve à choix multiple. Les correcteurs n'avaient aucune marge de manœuvre pour évaluer l'exactitude des réponses, les notes étaient attribuées selon un barème strict qui ne laissait place à aucun pouvoir d'appréciation et l'attribution des notes "échoué" ou "réussi" était simplement le résultat arithmétique des points obtenus. Après un examen limité de l'espèce et en se fondant sur la copie de la candidate, la chambre a pu déterminer le nombre correct de points sans entraver d'une quelconque manière le pouvoir d'appréciation de la commission ou du jury d'examen. La chambre a également pris en compte l'urgence de l'affaire (obtenir la note "réussi" à l'examen préliminaire était en effet une condition préalable pour être admis à se présenter à l'examen principal) et le fait que le jury d'examen, en ne faisant pas droit au recours par voie préjudicielle, alors même que la contradiction avait été exposée de manière claire et évidente, avait fait porter à la requérante le fardeau d'une procédure de recours.
Il s'agissait donc bien de raisons particulières pour lesquelles la chambre était fondée à vérifier les points obtenus par la requérante et à décider si la note devait être corrigée. Compte tenu du changement de note concernant l'affirmation 10.4, le total des points est passé de 68 à 70 et la note "réussi" a par conséquent été attribuée.
VI. QUESTIONS INSTITUTIONNELLES
1. Modifications du règlement de procédure des chambres de recours – pouvoir législatif du Conseil d'administration
(CLB, VII.2)
Dans l'affaire T 1100/10, la chambre avait décidé de ne pas admettre un certain nombre de requêtes dans la procédure. Le requérant I avait alors soulevé une question de droit concernant la base juridique et la légalité du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR), et demandé que quatre questions soient soumises à la Grande Chambre de recours au titre de l'art. 112 CBE. Il faisait valoir que le RPCR n'avait pas de base juridique, étant donné qu'il avait été rédigé par le Praesidium des chambres de recours, lequel ne dispose pas du pouvoir législatif nécessaire à cet effet. Selon le requérant I, le Praesidium n'était pas une instance mentionnée à l'art. 15 CBE et la rédaction du RPCR allait bien au-delà du rôle et des attributions du Praesidium tels que définis à la règle 12(3) CBE. En vertu de la règle 12(3) CBE, le Praesidium était uniquement habilité à arrêter le RPCR. La rédaction du RPCR était une tâche tout à fait différente. La rédaction de normes juridiques et/ou de règles susceptibles d'affecter les parties lors de la procédure de recours ne faisaient pas partie des attributions du Praesidium telles que définies à la règle 12(3) CBE.
La chambre a estimé qu'il découlait clairement de l'art. 23(4) CBE que le Praesidium est habilité à rédiger le RPCR et à arrêter le texte de ce règlement aux fins de le soumettre, pour approbation, au Conseil d'administration. C'est le Conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets qui décide ou non d'approuver le RPCR, lequel peut alors entrer en vigueur et être appliqué ensuite par les chambres de recours. Toute modification apportée au RPCR doit également être approuvée par le Conseil d'administration, qui détient ainsi clairement le pouvoir législatif. La chambre a fait observer que l'art. 112(1)a) CBE concerne, entre autres, la possibilité de saisir la Grande Chambre de recours si une question de droit importante se pose. Elle a cependant souligné que les questions reposant sur des suppositions dénuées de fondement et des considérations hypothétiques ne se prêtent pas à une saisine de la Grande Chambre de recours (cf. T 1213/05 et T 118/89). La requête présentée à cet effet par le requérant a donc été rejetée.