LA JURISPRUDENCE DES CHAMBRES DE RECOURS ET DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS EN 2020
V. PROCÉDURES DEVANT LES CHAMBRES DE RECOURS
A. Procédure de recours
1. RPCR 2020
1.1 Objet premier de la procédure de recours – article 12(2) RPCR 2020
(CLB, V.A.1.2.)
Comme énoncé à l'art. 12(2) RPCR 2020, étant donné que la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée, les moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours doivent porter sur les requêtes, les faits, les objections, les arguments et les preuves sur lesquels la décision attaquée était fondée. Dans les remarques explicatives relatives à l'art. 12(2) RPCR 2020 (publication supplémentaire 2, JO 2020), il est indiqué que cette disposition fournit une définition générale de la nature et de la portée de la procédure de recours conforme à la jurisprudence établie. Les chambres de recours constituent l'instance qui statue en premier et dernier ressort dans les procédures devant l'Office européen des brevets. En cette qualité, elles statuent en fait et en droit sur les décisions contestées.
Dans la décision T 1604/16, la chambre s'est référée aux remarques explicatives relatives à l'art. 12(2) RPCR 2020, selon lesquelles les chambres ont compétence pour statuer intégralement, et donc en fait et en droit, sur les décisions contestées. Cela est conforme aux dispositions de l'art. 6 CEDH – en vertu duquel au moins une instance juridictionnelle doit pouvoir statuer intégralement sur une affaire, c'est-à-dire en fait et en droit – étant précisé que les chambres de recours sont l'unique instance juridictionnelle qui statue sur les décisions rendues par les instances du premier degré de l'Office européen des brevets. La chambre avait parfaitement connaissance de la jurisprudence qui restreint la compétence des chambres lorsqu'elles statuent sur des décisions discrétionnaires rendues par les instances du premier degré dans certaines circonstances (G 7/93, JO 1994, 775, et jurisprudence fondée sur cette décision). La chambre a toutefois estimé que l'évaluation des preuves ne constitue pas une décision discrétionnaire. Voir également chapitre III.C.1. "Appréciation faite par la première instance".
1.2 Formulation des motifs d'une décision sous forme abrégée
(CLB, V.A.6.)
Dans l'affaire T 1687/17, la chambre a constaté que tous les arguments pertinents soumis par les parties dans le cadre de la procédure de recours avaient déjà été invoqués et pris en considération pendant la procédure devant l'instance du premier degré. Les parties ne présentaient pas de nouveaux arguments au titre de la procédure de recours, ainsi qu'elles l'avaient confirmé lors de la procédure orale. La chambre était d'accord avec les conclusions de la division d'opposition sur l'ensemble des questions, ainsi qu'avec les motifs présentés dans la décision attaquée, et a jugé qu'il y avait lieu de formuler sous forme abrégée les motifs de sa décision concernant l'ensemble de ces questions, en application de l'art. 15(8) RPCR 2020.
Dans l'affaire T 2227/15, la chambre a fait observer que conformément à l'art. 15(8) RPCR 2020, les motifs de sa décision étaient formulés sous forme abrégée pour les questions sur lesquelles elle était d'accord avec les conclusions de la division d'opposition. Cela ne s'appliquait à l'évidence pas aux moyens du requérant qui contenaient des questions sur lesquelles la décision attaquée n'était pas fondée au sens de l'art. 12(2) RPCR 2020. Le recours à l'art. 15(8) RPCR suppose que la chambre soit d'accord avec les conclusions et le raisonnement de la décision attaquée sur une ou plusieurs questions. La chambre a conclu à la fois de la condition préalable relative à l'adhésion à (des parties de) la décision attaquée, et de l'intention du législateur (cf. remarques explicatives relatives à l'art. 15(7) et (8) RPCR 2020), que dans les motifs de sa décision, elle pouvait renvoyer aux passages des conclusions et des motifs de la décision attaquée avec lesquels elle était d'accord. La chambre a suivi l'approche similaire retenue dans la décision T 1687/17. Elle a estimé qu'un renvoi à des passages de la décision publiquement accessible qui était attaquée, accompagné d'une mention précisant qu'elle était entièrement d'accord avec ceux-ci et qu'elle les faisait siens, équivalait, mais était préférable pour des raisons d'économie de la procédure, à un "copier-coller" ou à une reformulation superflue des passages en question de la décision attaquée dans sa propre décision. Voir également chapitre V.A.6.8.1 "Application simultanée de l'article 13 RPCR 2007 et de l'article 13(1) RPCR 2020".
2. Partie déboutée (article 107 CBE)
(CLB, V.A.2.4.2)
Dans l'affaire T 265/20, la décision de délivrer un brevet n'avait pas fait droit aux prétentions du requérant, car le texte du brevet délivré ne comprenait aucune des feuilles de dessin soumises. La chambre a reconnu qu'au vu du décalage entre la requête explicite en délivrance d'un brevet présentée par le requérant au cours de la procédure d'examen et le contenu de la publication B1, il n'avait pas été fait droit aux prétentions du requérant. La décision attaquée ne comprenait pas les feuilles de dessin 1/4 à 4/4, et celles-ci ne figuraient donc pas dans la publication B1, ce qui était à l'évidence en deçà des prétentions du requérant. L'absence de l'ensemble des feuilles de dessin suffisait pour conclure que la décision attaquée n'avait pas fait droit aux prétentions du requérant, indépendamment de la raison pour laquelle ces feuilles étaient manquantes et de la manière dont devait être interprété le cadre juridique établi par la règle 71 CBE.
La chambre a fait référence à l'affaire T 2277/19, dans laquelle les circonstances étaient dès le départ différentes. Dans cette affaire, la demande initiale contenait les pages de la description, les revendications et les feuilles de dessin 1/18 à 18/18. Au cours de la procédure d'examen, le demandeur avait déposé les feuilles de dessin modifiées 1/7 à 7/7, destinées à remplacer les feuilles de dessin 1/18 à 18/18 de la demande telle que déposée. Le texte notifié au demandeur en vertu de la règle 71(3) CBE incluait non seulement les feuilles de dessin 1/7 à 7/7, mais aussi les feuilles de dessin 8/18 à 18/18, qui avaient en fait été retirées précédemment par le demandeur. Le demandeur avait ensuite donné son accord sur le texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet, sous réserve de modifications mineures. La chambre avait jugé le recours irrecevable au motif que le requérant n'était pas lésé par la décision.
Les faits de l'espèce étaient en ceci différents qu'aucun dessin, qu'il s'agisse des dessins soumis ou d'autres, ne figurait dans le texte notifié au demandeur en vertu de la règle 71(3) CBE ainsi que dans le "Druckexemplar". Une autre différence résidait dans le fait qu'aucun accord explicite n'avait été donné, et que l'accord était en revanche réputé avoir été donné. La chambre a ainsi conclu qu'il n'y avait pas de divergence dans la jurisprudence et qu'il n'était donc pas nécessaire de saisir la Grande Chambre de recours. Voir également le chapitre IV.A.2. "Accord sur le texte par le demandeur".
3. Montant réduit de la taxe de recours lorsque le recours est formé par une personne physique ou une entité
(CLB, V.A.2.5.4)
Dans les affaires suivantes, les requérants n'avaient acquitté dans le délai de recours que le montant réduit de la taxe de recours, et ce, alors que les conditions ouvrant droit à une réduction n'étaient pas remplies ou étaient contestées. Il s'agissait donc d'établir si les recours étaient réputés ne pas avoir été formés en raison du non-paiement du montant requis de la taxe de recours (art. 108, deuxième phrase CBE, G 1/18, JO 2020, A26).
Conformément à l'art. 1(4) de la décision du Conseil d'administration du 13 décembre 2017 (CA/D 17/17, JO 2018, A4) modifiant les art. 2 et 14 du règlement relatif aux taxes (RRT), l'art. 2(1), point 11 RRT a été reformulé en ce sens que les personnes et les entités visées à la règle 6(4) et (5) CBE (petites et moyennes entreprises, personnes physiques et organisations sans but lucratif, universités et organismes de recherche publics) ne sont tenues d'acquitter qu'un montant réduit de la taxe de recours (1 880 EUR), et non le montant intégral. Le communiqué de l'OEB en date du 18 décembre 2017 (JO 2018, A5) comporte d'autres détails concernant l'applicabilité du montant réduit de la taxe de recours. Selon le point 3 de ce communiqué, les requérants qui souhaitent bénéficier du montant réduit de la taxe de recours doivent déclarer expressément être une personne physique ou une entité au sens de la règle 6(4) CBE. Conformément au point 4 du communiqué, cette déclaration doit être produite au plus tard lors du paiement du montant réduit de la taxe de recours. Le point 11 du communiqué prévoit que l'acte de recours peut être réputé ne pas avoir été déposé ou que le recours peut être considéré comme irrecevable si le montant réduit est acquitté sans qu'une telle déclaration soit produite.
Dans l'affaire T 1060/19, la chambre a fait observer que la décision CA/D 17/17 du Conseil n'exige pas une déclaration telle que la prévoient les points 3 et 4 du communiqué. La chambre a toutefois admis pour les besoins de l'argumentation que les dispositions du communiqué qui étaient pertinentes pour l'affaire en cause étaient contraignantes. Elle a constaté que les points 3 et 4 du communiqué ne se bornent pas à interpréter la décision CA/D 17/17 du Conseil d'administration et qu'ils imposent ainsi des obligations supplémentaires, à savoir, en particulier, une déclaration expresse. La chambre a précisé qu'il découle du point 11 du communiqué que le point 4 doit être interprété en ce sens qu'"il est fortement recommandé" de produire la déclaration au moment du paiement, faute de quoi il y aurait une irrégularité qui serait toutefois susceptible d'être corrigée par la présentation de la déclaration au plus tard à la fin du délai de recours de deux mois.
La chambre a fait observer que la déclaration relative au droit à bénéficier du montant réduit de la taxe de recours, mentionnée dans le communiqué de l'OEB (JO 2018, A5), pouvait être produite jusqu'à la fin du délai de recours, malgré le libellé du point 4, dernière phrase, dudit communiqué, qui devait être considéré à la lumière du point 11 de ce même communiqué.
Dans l'affaire T 225/19, la chambre s'est ralliée à la décision T 1060/19, selon laquelle il n'existe pas de base juridique qui permettrait, dans le cas où c'est le montant réduit de la taxe de recours qui a été acquitté, de fonder la fiction de la non-formation du recours sur le critère lié à la présentation d'une déclaration satisfaisant aux points 3 et 4 du communiqué. La décision du Conseil d'administration CA/D 17/17 et, en l'occurrence, l'art. 2(1), point 11 du règlement relatif aux taxes (RRT) tel que reformulé en vertu de cette décision ne comportent pas de base juridique qui viendrait sous-tendre la déclaration exigée en vertu des points 3 et 4 dudit communiqué. Non seulement celui-ci procède à une interprétation et à une explication de la décision du Conseil d'administration CA/D 17/17, mais il énonce aussi la condition supplémentaire, dépourvue de tout fondement juridique, selon laquelle une déclaration doit être produite lors du paiement de la taxe. En tout état de cause, un communiqué de l'OEB ne saurait à lui seul, en tant que mesure à caractère administratif, constituer ce fondement juridique nécessaire. Les chambres de recours sont liées non pas par les communiqués de l'OEB relatifs à l'application et à l'interprétation de dispositions juridiques, mais uniquement par ces dispositions juridiques proprement dites (J 8/18, art. 23(3) CBE).
Il en ressort que l'on ne saurait en tout cas exiger qu'une déclaration au sens des points 3 et 4 du communiqué soit produite dès le paiement du montant réduit de la taxe de recours. La chambre a en tout état de cause le pouvoir et l'obligation de vérifier les conditions de la recevabilité et de la formation valable du recours à tout stade de la procédure, et donc aussi après l'expiration du délai de recours. Ce pouvoir englobe également la question de savoir si le requérant satisfait aux conditions prévues à la règle 6(4) CBE en cas de paiement du montant réduit de la taxe de recours en vertu de l'art. 2(1), point 11 RRT. Une vérification de la part de la chambre est notamment nécessaire si d'autres parties à la procédure contestent que les conditions visées à la règle 6(4) CBE soient remplies. À cet égard, toute déclaration et toute pièce justificative destinée à prouver qu'il est satisfait aux conditions visées à la règle 6(4) CBE sont généralement acceptées par les chambres de recours même après l'expiration du délai de recours, pendant que se déroule la procédure de recours (cf. T 3023/18).
Dans l'affaire T 3023/18, le recours a été formé au nom de la société Borealis AG – et le montant réduit de la taxe de recours acquitté – le dernier jour du délai prévu à cet effet. Dans sa première notification, la chambre a invité le requérant à produire la déclaration jusque-là manquante, qui était nécessaire aux fins de la réduction de taxe. Suite à cette notification, le requérant a confirmé qu'il ne pouvait pas bénéficier du montant réduit de la taxe, et a signalé que cela découlait à l'évidence de l'acte de recours, étant donné qu'il n'avait pas produit de déclaration relative au droit à la réduction, laquelle devait être déposée en même temps que l'acte de recours, conformément au point 4 du Communiqué applicable de l'OEB (JO 2018, A5). Aucun élément du dossier ne donnait à penser que le requérant avait l'intention de revendiquer le montant réduit de la taxe. De plus, la société Borealis AG, en tant que requérant et titulaire de brevets, n'était pas étrangère à l'OEB, et était une grande entreprise connue. Le requérant a par conséquent allégué qu'il y avait manifestement eu une erreur et qu'il avait clairement eu l'intention d'acquitter le montant intégral de la taxe. Selon lui, l'OEB aurait dû déduire l'intégralité du montant.
La chambre a souligné que la non-production de la déclaration requise ne prouvait pas que le requérant avait clairement eu l'intention d'acquitter le montant intégral de la taxe de recours. Le fait que cette déclaration n'avait pas été soumise pouvait aussi résulter d'une erreur, ainsi qu'être le signe que le requérant ne se considérait pas comme remplissant les conditions ouvrant droit au montant réduit de la taxe. La chambre a également fait observer que les chambres de recours acceptaient généralement ces déclarations à tout moment pendant la procédure de recours (T 1222/19). Il découle de la règle 6(6) CBE que c'est au requérant que la responsabilité incombe d'apprécier s'il a droit au montant réduit de la taxe. Cette évaluation ne va pas sans poser de difficultés. Elle est effectuée sur la base de la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises. Il appartient donc clairement au requérant d'évaluer s'il a droit à la réduction. L'OEB n'a pas l'obligation d'effectuer d'office des recherches afin de déterminer l'existence d'un tel droit. À la lumière de ce qui précède, la chambre a rejeté l'argument selon lequel il était possible d'établir que le requérant avait eu l'intention d'acquitter le montant intégral de la taxe. Le recours a été réputé non formé et la chambre a ordonné le remboursement des deux montants de taxe (G 1/18, JO 2020, A26).
Dans l'affaire T 2620/18, le requérant a invoqué la décision T 152/82 et la pratique de l'OEB qui consiste à rectifier d'office des montants insuffisants mentionnés dans les ordres de débit et à prélever le montant correct, à savoir le montant intégral de la taxe, dans la mesure où l'intention du donneur d'ordre concernant le paiement est claire. Conformément à cette pratique, l'OEB aurait donc dû prélever en temps utile le montant intégral de la taxe de recours. Force était par conséquent de considérer celui-ci comme ayant été acquitté dans les délais.
Selon la chambre, la pratique précitée de l'Office est difficilement applicable à un système prévoyant des niveaux différents de taxes de recours. Lorsqu'il ressort expressément d'un ordre de débit que c'est le montant réduit de la taxe de recours qui doit être acquitté, on ne saurait partir d'office du principe que le donneur d'ordre avait néanmoins l'intention d'acquitter le montant intégral de la taxe. De plus, l'absence de la déclaration visée à la règle 6(6) CBE n'est pas le signe manifeste que le donneur d'ordre avait l'intention d'acquitter le montant intégral de la taxe. Le fait de ne pas produire cette déclaration peut en définitive résulter d'un simple oubli, et il est également possible que le donneur d'ordre compte produire ultérieurement la déclaration en question. La mention "amtliche Beschwerdegebühr (1 880,00 EUR)" ("taxe de recours officielle") figurant dans l'acte de recours n'y change rien, étant donné qu'il existe précisément une taxe de recours valable qui correspond à ce montant, et que le montant de la taxe cité concorde par conséquent avec les mentions portées dans l'ordre de débit (électronique). La chambre a donc jugé que c'est à juste titre que l'OEB n'a débité que le montant réduit de la taxe de recours.
Les moyens invoqués par le requérant dans le mémoire exposant les motifs du recours ont été interprétés par la chambre en ce sens qu'ils constituent sur le fond une requête en correction de l'ordre de débit, et, à cet égard, la chambre a jugé crédible le fait que le requérant avait présumé avoir acquitté le montant intégral de la taxe de recours. La chambre a toutefois estimé que la requête en correction ne satisfaisait pas à l'exigence de présentation sans délai (critère d) de la liste établie dans la décision G 1/12, JO 2014, A114, point 37 des motifs). Selon la chambre, le simple dépôt d'un autre ordre de débit ne constituait pas une requête en rectification implicite (règle 139 CBE). La requête qui figurait dans le mémoire exposant les motifs du recours n'avait été présentée que six semaines après la constatation de l'erreur. Du point de vue de la chambre, ce dépôt tardif ne trouvait pas de justification dans l'argument invoqué par le requérant selon lequel son mandataire et lui-même avaient d'abord dû tirer au clair la situation. De plus, le principe de la confiance légitime invoqué par le requérant à l'appui de ses moyens était inopérant, puisque, dans l'affaire en cause, la chambre n'avait d'une part aucune obligation d'indiquer au requérant qu'il risquait une perte de droit, et que, d'autre part, une telle indication n'aurait rien changé à l'issue de l'affaire au regard de la présentation "sans délai" de la requête, étant donné la manière dont le requérant avait procédé.
Dans les décisions T 2620/18 et T 3023/18, la différence entre le montant réduit et le montant intégral de la taxe de recours n'a pas été jugée minime. Il n'est pas concevable que le législateur, en instaurant le montant réduit de la taxe de recours, ait seulement voulu prévoir un allègement de taxe minime, et pour ainsi dire symbolique, en faveur des personnes physiques et des petites et moyennes entreprises.
4. Contenu du mémoire exposant les motifs du recours
(CLB, V.A.2.6.3 e))
Dans l'affaire T 2884/18, le recours a été rejeté pour irrecevabilité. La chambre a jugé insuffisant le fait que le mémoire exposant les motifs du recours se limite pour l'essentiel à une analyse de la conclusion tirée par la division d'opposition dans la décision attaquée, conclusion selon laquelle l'usage antérieur public allégué n'était pas correctement étayé. La chambre a estimé que l'absence de nouveauté par rapport à l'usage antérieur public n'a pas été dûment établie.
La chambre a indiqué que dans la mesure où l'argumentation s'appuie sur un enchaînement d'éléments qui reposent les uns sur les autres, un exposé n'est complet, comme l'exigent l'art. 108 CBE et l'art. 12 RPCR 2020, que s'il présente l'ensemble des faits qui, dès lors qu'ils sont considérés ensemble, fondent la conclusion juridique alléguée. Il doit par conséquent être procédé de la même manière que dans le cas – inverse – où le recours est dirigé contre une décision qui recense plusieurs motifs possibles pour lesquels un brevet ne peut pas être délivré ou, le cas échéant, ne peut pas être maintenu. À cet égard, conformément à la jurisprudence des chambres de recours, l'acte de recours n'est suffisamment fondé que s'il traite de tous les motifs qui s'opposent à la brevetabilité. C'est seulement à cette condition qu'il est démontré que la décision devrait être annulée (cf. T 922/05). Il en va de même dans la situation inverse, où la brevetabilité d'un brevet maintenu n'est remise en question que par plusieurs motifs qui s'enchaînent les uns aux autres, comme, en l'occurrence, l'appartenance d'un usage antérieur à l'état de la technique et la destruction de la nouveauté de l'invention par cet usage antérieur. Le recours est irrecevable si un seul fait est suffisamment étayé parmi plusieurs faits qui s'enchaînent les uns aux autres et sont présentés en vue de la modification de la décision.
5. Réexamen du pouvoir d'appréciation exercé dans les décisions de première instance
(CLB, V.A.3.5.4)
Dans l'affaire T 2603/18, la chambre, dans sa notification destinée à préparer la procédure orale, a posé la question de savoir dans quelle mesure elle pouvait réviser la question de l'admission du document D23 dans la procédure d'opposition. D23 avait été soumis pour la première fois lors de la procédure orale devant la division d'opposition, autrement dit après la date fixée conformément à la règle 116(1) CBE. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui conférait la règle 116(1), quatrième phrase CBE, la division d'opposition pouvait ne pas prendre en considération le moyen de preuve concerné, qui avait été présenté après cette date. D23 avait cependant été admis dans la procédure d'opposition. La chambre a constaté que D23 était devenu partie intégrante de la décision attaquée, à l'origine du recours, puisque cette décision reposait sur D23. Ce motif à lui seul entraînait la nécessité de tenir compte de D23 dans le cadre de la procédure de recours Il ne serait sinon pas possible de procéder à une révision (complète) de la décision attaquée (cf. également T 26/13 et T 1568/12). Une révision de la décision prise par la division d'opposition dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation ne pouvait donc pas conduire dans l'affaire en instance à l'exclusion de D23. C'est pour cette raison que celui-ci faisait partie de la procédure. Conformément à l'art. 12(4) RPCR 2007, la chambre a le pouvoir de considérer comme irrecevables les faits, preuves ou requêtes qui auraient dû être produits ou qui n'ont pas été admis au cours de la procédure de première instance. L'art. 12(4) RPCR 2007 n'est dès lors pas applicable aux preuves qui ont été produites et admises au cours de la procédure de première instance. Le règlement de procédure des chambres de recours ne constituait donc pas une base juridique pour la non-admission de D23.
De même, dans l'affaire T 467/15, la chambre a constaté qu'il ne lui est pas permis de ne pas tenir compte dans la procédure de recours d'un moyen que la division d'opposition avait admis dans la procédure d'opposition dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation. La question se posait de savoir si la décision d'admettre une requête subsidiaire doit néanmoins être réexaminée dans le cadre du recours à la demande de l'une des parties, afin de déterminer si une erreur a été commise dans l'exercice du pouvoir d'appréciation (un tel réexamen au regard des documents admis ayant par exemple été effectué dans les affaires T 572/14, T 1227/14, T 2197/11, T 1652/08 et T 1209/05), ou bien au contraire si ce réexamen ne peut pas être effectué (cf. T 26/13, renvoyant à l'affaire T 1852/11) au motif qu'une requête qui a été admise et sur laquelle la décision attaquée est fondée ne pourrait plus être exclue de la procédure dans le cadre du recours, quand bien même l'admission découlerait d'une erreur commise par la division d'opposition dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation.
Dans l'affaire T 487/16, le requérant (titulaire du brevet) a demandé que D7 soit exclu de la procédure de recours. D7 avait été produit après l'expiration du délai d'opposition. La division d'opposition avait décidé de ne pas faire abstraction de D7, même si elle était en mesure, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui conférait l'art. 114(2) CBE, de "ne pas tenir compte" des faits ou des preuves non produits en temps utile. D7 avait au contraire été admis dans la procédure et la division d'opposition avait fondé sa décision concernant l'absence d'activité inventive sur ce document. La chambre a fait observer que D7 faisait partie de la procédure de recours, puisqu'il faisait partie de la procédure d'opposition et que la décision était fondée sur D7 (cf. également art. 12(2) RPCR 2020). De plus, la chambre a estimé qu'il n'y avait aucune base juridique permettant d'exclure D7 de la procédure de recours, étant donné que celle-ci a pour objet une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée et que le requérant a demandé, dans sa requête principale, le maintien du brevet tel que délivré, ce qui supposait de réviser la décision au regard de la conclusion tirée entre autres sur le fondement de D7. La chambre a donc confirmé à cet égard la jurisprudence développée en vertu du RPCR 2007 (cf. T 26/13, T 1568/12 et T 2603/18). Dans un souci d'exhaustivité, la chambre a ajouté qu'il ne serait pas non plus possible d'exclure D7 de la procédure de recours en vertu de l'art. 12(4) RPCR 2007, puisque ce document avait été admis dans la procédure par la division d'opposition.
Dans l'affaire T 617/16, la chambre a fait observer que la CBE ne fournit pas de base juridique qui permette d'exclure, dans le cadre de la procédure de recours, des moyens (comme des documents de l'état de la technique) qui ont été admis dans la procédure de première instance, en particulier lorsqu'ils fondent la décision contestée (cf. par exemple T 1549/07, T 1852/11 et T 1201/14). Compte tenu de l'objectif même de la procédure de recours, qui, conformément à l'art. 12(2) RPCR 2020, consiste à effectuer une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée, ces moyens font automatiquement partie de la procédure de recours (T 487/16 et T 2603/18). Aussi la chambre n'a-t-elle vu aucune raison de s'écarter de la décision prise par la division d'opposition d'admettre D13 dans la procédure d'opposition.
Dans l'affaire T 2049/16, la division d'opposition avait admis D20, qui avait été déposé par l'opposant un mois avant la procédure orale, car elle l'avait jugé pertinent de prime abord. Il a été allégué que la division d'opposition n'aurait pas dû admettre ce document, étant donné que le dépôt de celui-ci à ce stade tardif relevait d'une tactique constituant un abus de procédure. La chambre n'a toutefois pas été convaincue que le comportement de l'opposant puisse être considéré comme un abus de procédure. La chambre a examiné la question de savoir s'il était possible, dans le cadre de la procédure de recours, de déclarer ce document non admissible. À sa connaissance, il n'existait pas de base juridique explicite qui permette d'exclure rétroactivement des moyens de preuve qui avaient été admis dans la procédure et sur lesquels l'instance du premier degré s'était prononcée. La chambre partageait à cet égard l'opinion exprimée dans l'affaire T 617/16.
6. Présentation de nouveaux moyens dans la procédure de recours
6.1 Présentation tardive de nouveaux arguments
(CLB, V.A.4.10.1)
Dans l'affaire T 1875/15, la chambre a suivi la conclusion retenue dans l'affaire T 1914/12 selon laquelle, en principe, les chambres ne disposent pas d'un pouvoir d'appréciation leur permettant de refuser d'admettre des arguments présentés tardivement. Cependant, elle a aussi fait observer que l'art. 114(2) CBE confère aux chambres le droit de ne pas admettre dans la procédure une objection produite tardivement si cette dernière comprend de nouvelles allégations de faits. La chambre a estimé que l'objection au titre de l'art. 100c) CBE soulevée par l'intimé pour la première fois au cours de la procédure orale devant la chambre, reposait non seulement sur des considérations juridiques, mais aussi sur des considérations factuelles (et techniques) liées en l'occurrence à la signification du terme "poly"-olefin" (polyoléfine) dans le passage concerné. L'allégation de l'intimé selon laquelle ce terme devait être compris comme désignant la "polyalphaoléfine", en conséquence de quoi la caractéristique correspondante de la revendication 1 du brevet délivré n'était pas fondée sur la demande telle que déposée, ne constituait pas un argument, mais plutôt une allégation de fait, à savoir que l'homme du métier aurait interprété le terme "poly-oléfine" dans ce passage de la demande telle que déposée comme désignant directement et sans ambiguïté la "polyalphaoléfine." L'objection présentée tardivement par l'intimé comportait donc une nouvelle allégation de fait, si bien que la chambre pouvait exercer le pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 114(2) CBE pour refuser de l'admettre. La chambre a estimé que cette conclusion était conforme à la décision T 1914/12, selon laquelle un "fait" peut être compris comme un élément factuel (ou prétendument tel), sur lequel une partie fonde ses prétentions. L'affaire en cause était également conforme aux décisions T 635/14 et T 1381/15, dans lesquelles les chambres compétentes avaient aussi considéré les objections produites tardivement comme constituant de nouvelles allégations de faits.
6.2 Principes régissant les moyens invoqués tardivement – procédures inter partes – RPCR 2007
(CLB, V.A.4.2.1)
Dans l'affaire T 369/15, la chambre a souligné qu'il n'existe certes pas d'obligation juridique pour le requérant (opposant) de prendre position sur les requêtes subsidiaires. Cependant, il incombe à chaque partie à la procédure de présenter le plus tôt possible et de la manière la plus complète possible tous les faits, moyens de preuve, arguments et requêtes pertinents. Dans sa décision d'admettre la requête subsidiaire 1 en vertu de l'art. 13 RPCR 2007, la chambre n'a donc pas tenu compte des objections soulevées par le requérant pour la première fois au cours de la procédure orale contre l'activité inventive de la requête subsidiaire 1, qui, bien qu'elle n'ait été présentée qu'après fixation de la date de la procédure orale, correspondait pour l'essentiel aux requêtes subsidiaires qui avaient été présentées en même temps que la réponse au mémoire exposant les motifs du recours. Selon la chambre, le requérant ne peut pas non plus faire valoir le caractère éventuellement incomplet des moyens invoqués à l'appui d'une requête subsidiaire présentée en même temps que la réponse au mémoire exposant les motifs du recours pour justifier de ne pas s'être exprimé par écrit au sujet de la requête subsidiaire 1.
6.3 Article 12(4) RPCR 2007
(CLB, V.A.4.11.1)
Dans l'affaire T 101/17, l'art. 12(4) RPCR 2007 était encore applicable, le mémoire exposant les motifs du recours ayant été déposé avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020. La chambre a rappelé que cette disposition consacre le principe selon lequel il incombe à chaque partie de présenter le plus tôt possible tous les faits, moyens de preuve, arguments et requêtes pertinents afin de garantir l'équité, la rapidité et l'efficacité de la procédure (par exemple T 162/09). Se référant à l'affaire T 1848/12 et à la jurisprudence citée dans celle-ci, la chambre a souligné qu'un requérant n'est pas en droit de transférer comme bon lui semble ses prétentions vers les chambres de recours et obliger ainsi ces dernières soit à rendre une première décision sur les aspects déterminants de l'affaire, soit à renvoyer l'affaire devant la division d'opposition. Accorder une telle liberté au requérant ne serait pas compatible avec un déroulement régulier et efficace de la procédure de recours sur opposition. De fait, cela permettrait une sorte de "vagabondage judiciaire", qui compromettrait la bonne répartition des tâches entre les instances du premier degré et les chambres de recours, et serait inacceptable sur le plan de l'économie de la procédure en général (G 9/91, JO 1993, 408, T 1705/07, T 1067/08). La chambre a ensuite examiné l'affaire en cause à la lumière de l'approche précitée. L'objection d'absence de nouveauté que les requêtes subsidiaires devaient surmonter faisait déjà partie de la procédure depuis le dépôt de l'acte d'opposition, et le cadre factuel et argumentatif de cette objection était resté inchangé pendant toute la procédure d'opposition. Le requérant s'était pourtant borné à défendre le brevet tel que délivré sans présenter de solutions de repli sous la forme de requêtes subsidiaires. La chambre a laissé ouverte la question de savoir à quel moment le requérant aurait dû déposer une requête subsidiaire pour répondre à l'objection d'absence de nouveauté (en réponse à l'acte d'opposition ou à l'avis préliminaire de la division d'opposition – qui contenaient tous deux cette objection – ou encore lorsqu'il y a été invité lors de la procédure orale). Elle a toutefois noté que le requérant n'avait saisi aucune de ces possibilités et devait donc se borner, pour des raisons d'équité de la procédure de recours, à défendre son brevet sous une forme non modifiée. C'est pourquoi la chambre a décidé de n'admettre aucune des requêtes subsidiaires présentées au stade du recours. Voir aussi le chapitre III.F. "Répartition des frais" ci-dessus.
6.4 État de la procédure – économie de la procédure – RPCR 2007
(CLB, V.A.4.4.2b))
Dans l'affaire T 2734/16, la chambre devait statuer (avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020) sur l'admission de documents que le requérant avait produits dans le cadre de la discussion relative à l'activité inventive, après le dépôt du mémoire exposant les motifs de son recours. Abstraction faite de la non-pertinence des documents en question, le motif invoqué pour justifier leur dépôt tardif n'a pas non plus convaincu la chambre. De l'avis de la chambre, le dépôt tardif de documents de l'état de la technique découverts de manière fortuite n'était pas admissible au seul motif qu'ils étaient rédigés en japonais et étaient donc éventuellement difficiles à trouver. Cela était d'autant plus vrai que le requérant savait que les entreprises japonaises jouent un rôle de premier plan dans le domaine technique concerné et qu'il y avait donc lieu d'effectuer des recherches exhaustives en temps utile. Voir ci-dessus le chapitre IV.B.2. "Moyens invoqués tardivement – Notion de production "en temps utile".
6.5 Modification des moyens invoqués par une partie – RPCR 2020
Dans l'affaire T 1480/16, le requérant I (titulaire du brevet) a présenté au cours de la procédure orale la requête subsidiaire 5. Cette dernière correspondait à la requête subsidiaire 3, qui avait été présentée avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, à ceci près que les revendications de méthode avaient été supprimées. La chambre a constaté dans un premier temps que l'admission de requêtes subsidiaires présentées par une partie après le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours ou de la réponse audit mémoire relève du pouvoir d'appréciation conféré à la chambre par l'art. 13(1) RPCR 2020 (voir art. 24 RPCR 2020 et les dispositions transitoires énoncées à l'art. 25(1) RPCR 2020). L'application de l'art. 13(2) RPCR 2020 était exclue en l'espèce (art. 25(3) RPCR 2020) et l'art. 13 RPCR 2007 restait donc applicable. Cela étant, dans l'affaire en cause, la chambre n'a pu constater aucune modification des moyens invoqués dans le cadre du recours. Elle n'a pas considéré que la suppression des revendications de méthode dans la requête subsidiaire 5, par rapport à la requête subsidiaire 3 présentée avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, constituait une modification des moyens invoqués dans le cadre du recours, ladite suppression ne modifiant aucunement la situation de fait. Il n'était notamment pas nécessaire d'entamer de nouvelle discussion relative à la nouveauté ou à l'activité inventive. En ce qui concernait l'ajout, contesté par le requérant II, du terme "gleichzeitig" (en même temps) dans la caractéristique l') de la revendication 1, la chambre a fait observer que cet ajout exprimait de manière explicite ce que la division d'opposition avait considéré comme ressortant implicitement de la caractéristique I) dans la revendication 1 telle qu'elle l'avait maintenue, et comme fondant à ce titre l'activité inventive. C'est contre cette conclusion que se dirigeait le recours du requérant II, ce qui avait conduit le requérant I, dès le moment où il avait soumis sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, à déposer la requête subsidiaire 3 et à ajouter le terme "gleichzeitig" dans la revendication 1, à titre de précaution. De même, le requérant I avait déjà traité par écrit dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours les objections soulevées par le requérant II concernant la clarté et concernant une généralisation intermédiaire non admissible, en conséquence de quoi aucune modification des moyens invoqués ne pouvait, là non plus, être constatée. N'ayant relevé aucune modification des moyens invoqués dans l'affaire en cause, la chambre a conclu que les conditions énoncées à l'art. 13(1) RPCR 2020 n'étaient pas remplies. Elle a considéré que la requête subsidiaire 5 était admissible.
Dans l'affaire T 482/19, les requêtes subsidiaires en cause étaient fondées sur des requêtes présentées au cours de la procédure d'opposition devant l'instance du premier degré, à ceci près que les revendications de produit avaient été supprimées. Les deux requêtes en question ont été présentées après la citation des parties à la procédure orale. Le requérant 1 (titulaire du brevet) a avancé que ces suppressions ne modifiaient pas les moyens invoqués, puisqu'elles ne contenaient aucun élément nouveau. La chambre a toutefois estimé que l'affaire en cause était différente de l'affaire T 1480/16 (tranchée par la même chambre, voir ci-dessus). Dans l'affaire en cause, la revendication de méthode était plus restreinte que la revendication de produit. Les caractéristiques restrictives correspondantes n'étaient pas entrées en ligne de compte au cours de la procédure de recours, car les moyens invoqués par les parties se rapportaient principalement aux revendications de produit qui figuraient dans toutes les requêtes présentes au dossier. Or, si la chambre admettait ces caractéristiques, il y aurait lieu de les examiner, notamment en ce qui concerne la question de l'activité inventive, ce qui modifierait de manière significative et inattendue la discussion lors de la procédure orale. Par conséquent, la présentation des requêtes subsidiaires en cause constituait une modification des moyens invoqués par le titulaire du brevet, au sens de l'art. 13 RPCR 2020. Le requérant n'ayant pas justifié de circonstances exceptionnelles, la chambre n'a pas admis les requêtes en cause conformément à l'art. 13(2) RPCR 2020.
En revanche, dans l'affaire T 995/18, cette même chambre est parvenue à la même conclusion que dans l'affaire T 1480/16. La requête subsidiaire 1 présentée lors de la procédure orale était fondée sur la requête principale qui avait donné lieu à la décision contestée et qui, ayant été présentée avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, faisait déjà partie de la procédure, à ceci près qu'une revendication dépendante avait été supprimée. De l'avis de la chambre, contrairement au cas où une suppression entraînerait une réévaluation complète de l'objet de la procédure, cette suppression d'une revendication dépendante ne constituait pas une modification des moyens invoqués dans le cadre du recours, car aucune modification de la situation de fait n'en découlait (voir T 1480/16). Dans la présente affaire, l'abandon d'une revendication dépendante ne faisait qu'éliminer un élément litigieux de la procédure, sans jeter de lumière nouvelle sur les autres revendications et sans avoir d'incidence quelconque sur les moyens invoqués par le titulaire du brevet dans le cadre de la procédure de recours. Comme l'a expliqué la chambre, un tel abandon est ainsi comparable à l'abandon par un opposant d'objections ou de lignes d'attaque spécifiques. Or, l'admissibilité d'un tel abandon par l'opposant n'est pas non plus considérée, à juste titre, comme relevant du pouvoir d'appréciation de la chambre de recours.
Dans l'affaire T 1217/17, la chambre a décidé de ne pas prendre en compte plusieurs lignes argumentatives qui n'avaient été qu'évoquées dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours et n'étaient pas suffisamment motivées. Lors de la procédure orale, l'intimé (opposant) a annoncé qu'il allait "étoffer" les arguments en question, ce qui ne revenait pas, selon lui, à modifier les moyens invoqués au sens de l'art. 13(1) RPCR 2020, mais à développer des arguments qui avaient déjà été évoqués dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours et qui reposaient sur des antériorités citées pendant la procédure. Il a précisé que le développement d'arguments était permis lors de toute phase de la procédure de recours.
En ce qui concerne une partie des lignes argumentatives, la chambre a constaté qu'aucun élément n'avait été présenté dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, laquelle renvoyait simplement à l'argumentation présentée lors de la procédure d'opposition. Par conséquent, tout élément présenté au cours de la procédure orale devait être considéré comme un moyen entièrement nouveau invoqué dans le cadre de la procédure de recours. En ce qui concerne d'autres lignes argumentatives, la chambre a fait observer que l'intimé n'avait présenté aucune argumentation logique concernant l'absence d'activité inventive, dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours. Ainsi, dans ce cas également, tout élément présenté à ce sujet constituerait une modification sur le fond des moyens invoqués dans le cadre du recours. En outre, les explications annoncées comportaient non seulement de nouveaux arguments, mais aussi de nouveaux faits, par exemple l'analyse de caractéristiques qui faisait défaut dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, ainsi que l'indication des passages précis des pièces citées qui, de l'avis de l'opposant, antériorisaient des caractéristiques de la revendication 1.
6.6 Moyens invoqués dans le mémoire exposant les motifs du recours ou dans la réponse audit mémoire – première phase de la procédure de recours – article 12(3) à (6) RPCR 2020
Dans l'affaire J 12/18, le requérant (demandeur) a demandé que tous les États parties à la CBE soient désignés, y compris ceux dont il avait retiré la désignation dans la demande initiale, et il a formé un recours contre la décision par laquelle la section de dépôt a refusé d'inclure les désignations retirées. Au cours de la procédure orale, le requérant a présenté pour la première fois des moyens relatifs à la protection de la confiance légitime. Étant donné que dans l'affaire en cause, la citation à la procédure orale avait été signifiée avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020, la chambre de recours juridique a conclu que l'art. 13(2) RPCR 2020 ne s'appliquait pas (art. 25(3) RPCR 2020). En revanche, l'art. 12(4) à (6) RPCR 2020 était applicable conformément à l'art. 25(1) RPCR 2020, puisque l'exception prévue à l'art. 25(2) RPCR 2020 ne couvre que les moyens invoqués dans le mémoire exposant les motifs du recours, et non ceux invoqués à un stade ultérieur de la procédure de recours. Par ailleurs, l'art. 13(1) RPCR 2020, qui renvoie à l'art. 12(4) à (6) RPCR 2020, était applicable conformément à l'art. 25(1) RPCR 2020.
La chambre de recours juridique, exerçant le pouvoir d'appréciation que lui confèrent les art. 12(4) et (6) ainsi que 13(1) RPCR 2020, a décidé de ne pas admettre les nouveaux moyens, au motif que le requérant aurait pu, et aurait dû, présenter à un stade antérieur de la procédure les faits à l'origine de son allégation relative à la protection de la confiance légitime. Le requérant a fait valoir qu'il s'était fondé sur une notification de l'OEB en date du 10 août 2016, émise par l'OEB dans l'affaire parallèle J 14/18. La chambre de recours juridique a toutefois estimé que si le requérant s'était véritablement fié à la teneur de cette notification, il aurait eu connaissance des faits concernés dès le moment où il avait pris acte des informations correspondantes. La chambre de recours juridique a également estimé que la nouvelle objection entraînerait la nécessité d'examiner plusieurs questions (le lien de causalité entre les informations erronées dans une autre affaire et la réaction du requérant, l'exigence de preuve à cet égard, le caractère raisonnable de la réaction du requérant), ce qui nuirait au principe d'économie de la procédure. En outre, l'objection introduirait un aspect entièrement nouveau, absent de l'analyse ou du raisonnement figurant dans la décision frappée de recours. La chambre de recours juridique a souligné, en outre, que l'ensemble des moyens invoqués par une partie doit déjà figurer dans le mémoire exposant les motifs du recours (art. 12(3) RPCR 2020). Le recours a été rejeté. Voir aussi chapitre II.F.1. "Désignation d'États contractants dans une demande divisionnaire" ci-dessus.
6.7 Moyens invoqués après le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours ou de la réponse audit mémoire – deuxième phase de la procédure de recours – article 13(1) RPCR 2020
6.7.1 Nouvelles lignes d'attaque relatives à l'activité inventive fondées sur des documents produits au cours de la procédure devant les instances du premier degré – non admises
Dans l'affaire T 256/17, la chambre devait décider d'admettre ou non deux nouvelles lignes d'attaque concernant l'absence d'activité inventive que le requérant (opposant) avait invoquées en réaction à la réponse de l'intimé au mémoire exposant les motifs du recours. Ces lignes d'attaque étaient toutes deux fondées sur des documents produits au cours de la procédure devant l'instance du premier degré, mais l'une d'entre elles combinait pour la première fois deux documents examinés précédemment en tant qu'état de la technique le plus proche, tandis que l'autre, partant d'une combinaison connue, reposait sur des arguments fondés sur un problème technique différent. Le requérant n'a pas indiqué pourquoi il avait présenté ces objections pour la première fois après avoir déposé le mémoire exposant les motifs du recours.
La chambre ne voyait pas pourquoi le requérant n'avait pas soumis ces nouvelles lignes d'attaque lors de la procédure d'opposition. Elle a fait observer qu'en procédant ainsi, il avait empêché à la fois l'intimé de réagir à l'attaque au cours de la procédure d'opposition et la division d'opposition de trancher la question. Par ce dépôt tardif du requérant, la chambre et l'intimé devaient faire face à de nouveaux moyens, ce qui est contraire au but même de la procédure de recours, qui consiste à effectuer une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée (cf. art. 12(2) RPCR 2020). La chambre a donc décidé d'exercer son pouvoir d'appréciation et de ne pas admettre ces nouvelles lignes d'attaque dans la procédure conformément à l'art. 12(4) RPCR 2007 ensemble l'art. 12(2) RPCR 2007 (qui correspond essentiellement à l'art. 12(3) RPCR 2020) et l'art. 25(2) RPCR 2020, ainsi que conformément à l'art. 13(1) RPCR 2020, ensemble l'art. 25(1) RPCR 2020.
6.7.2 Nouveaux documents produits en réponse à des données expérimentales présentées par le titulaire du brevet – admis
Dans l'affaire T 23/17, la chambre, exerçant le pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 13(1) RPCR 2020, a jugé plausible et légitime l'argument invoqué par le requérant (opposant) selon lequel les nouveaux documents (produits après le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, mais avant la signification de la citation à une procédure orale) avaient été soumis en réaction aux données expérimentales présentées par l'intimé (titulaire du brevet) dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, et, ainsi, dans le but de "résoudre les questions […] valablement soulevées par une autre partie dans la procédure de recours" au sens de l'art. 13(1) RPCR 2020. La chambre ne voyait pas de raison pour laquelle ces documents auraient dû être déposés à un stade antérieur de la procédure. En ce qui concerne la condition supplémentaire prévue à l'art. 13(1) RPCR 2020, selon laquelle le requérant doit justifier pourquoi il ne soumet la modification de ses moyens qu'à ce stade de la procédure de recours, la chambre a estimé que les motifs avancés par le requérant étaient suffisants en l'espèce et qu'il n'y avait pas lieu d'exiger des justifications supplémentaires, telles que prévues par l'art. 13(1) RPCR 2020. En effet, même si, en application de l'art. 25(1) RPCR 2020, la version révisée de l'art. 13(1) RPCR était applicable, il était à noter que, dans les faits, lors du dépôt des documents concernés, cette disposition n'était pas encore en vigueur ou n'était pas encore connue dans sa version actuelle et qu'elle ne pouvait donc pas être prise en considération par le requérant. L'intimé ayant du reste demandé pour la première fois lors de la procédure orale que ces documents ne soient pas admis, le requérant n'avait aucune raison, après avoir produit les documents en question, de présenter des éléments justifiant le dépôt tardif.
6.8 Moyens invoqués après la signification de la citation à une procédure orale – troisième phase de la procédure de recours – cas transitoires
6.8.1 Application simultanée de l'article 13 RPCR 2007 et de l'article 13(1) RPCR 2020
Dans l'affaire T 634/16, les requêtes subsidiaires en question ont été déposées en réponse à la notification de la chambre indiquant son opinion provisoire. Leur dépôt a eu lieu avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020, alors que la décision de la chambre dans la présente affaire a été prise lors de la procédure orale qui a eu lieu après l'entrée en vigueur. Pour déterminer les dispositions applicables, la chambre a relevé que les dispositions transitoires prévoient l'application générale du règlement révisé et excluent seulement l'application immédiate de quelques dispositions spécifiques des art. 12 et 13 révisés. Le paragraphe 2 de l'art. 25 RPCR 2020 traite de certaines dispositions de l'art. 12 RPCR 2020 qui régissent le fondement de la procédure de recours, et non des modifications apportées à un stade ultérieur de la procédure de recours. Le paragraphe 3 de l'art. 25 RPCR 2020 exclut l'application de l'art. 13(2) RPCR 2020, qui régit l'admission des moyens présentés, par exemple, après la signification de la citation à la procédure orale. En l'espèce, cette citation avait été envoyée aux parties avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020. La chambre juge ainsi que, pour décider de l'admission de ces requêtes, en lieu et place de l'art. 13(2) RPCR 2020, l'art. 13 RPCR 2007 continue à s'appliquer. Faisant également référence aux travaux préparatoires du règlement révisé (BOAC/5/19, p. 51 ; CA/3/19, page 13, point 65), la chambre a conclu qu'en plus de l'art. 13 RPCR 2007 selon les dispositions transitoires à l'art. 25(3) RPCR 2020, l'art. 13(1) RPCR 2020 est généralement applicable aux recours en instance et notamment au recours dans le cas présent.
La chambre a noté par ailleurs que l'art. 13(1) RPCR 2020, comparé à sa version de 2007, est plus détaillé au regard des conditions régissant l'admission des modifications des moyens invoqués. Cependant, la chambre n'a pas trouvé de contradiction ni même d'incompatibilité entre les deux dispositions mais considère plutôt, vu aussi la jurisprudence développée au sujet des critères applicables sous le régime de l'art. 13(1) RPCR 2007, que la version révisée codifie et cristallise la pratique établie en la matière. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation selon l'art. 13(1) RPCR 2020, la chambre n'a pas admis les requêtes en question dans la procédure.
Dans l'affaire T 32/16, cette même chambre a réaffirmé concernant une situation procédurale similaire que l'art. 13 RPCR 2007 – y compris l'art. 13(1) RPCR 2007 – et l'art. 13(1) RPCR 2020 étaient applicables simultanément. Elle a ajouté qu'elle ne pouvait constater aucune contradiction entre le libellé de l'art. 13(1) RPCR 2020 et celui de l'art. 13 RPCR 2007. Le libellé révisé énumère plus en détail les exigences auxquelles doit satisfaire la partie qui modifie ses prétentions au stade du recours, ainsi que les critères que la chambre doit appliquer dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, mais cette différence ne fait que refléter en grande partie la jurisprudence établie en vertu de l'art. 13(1) RPCR 2007. Voir aussi les chapitres V.A.6.8.3 "Nouvelle requête en réponse à une opinion provisoire de la chambre clarifiant ses objections – admise" et V.A.7.3 "Renvoi pour adaptation de la description" ci-dessous.
Dans l'affaire T 2227/15, la chambre a noté que la procédure de recours en cause, qui avait fait l'objet d'une procédure orale le 29 janvier 2020, était régie par le RPCR 2020 (art. 24 et 25(1) RPCR 2020), à l'exception des art. 12(4) à (6) et 13(2) RPCR 2020, en lieu et place desquels les art. 12(4) et 13 RPCR 2007 demeuraient applicables (art. 25(2) et (3) RPCR 2020). L'applicabilité générale du RPCR 2020 à la procédure en cause couvrait aussi l'art. 13(1) RPCR 2020. La chambre a fait observer que l'art. 25 RPCR 2020 reflète de manière systématique la structure qui est prévue pour la recevabilité des moyens invoqués par les parties au cours d'une procédure de recours, et qui, conformément au RPCR 2020, se caractérise par une approche convergente, répartie en trois phases distinctes. L'art. 25(2) et (3) RPCR 2020 se rapporte et se limite clairement à deux exceptions étroites, à savoir aux dispositions qui régissent les moyens invoqués par des parties soit au début de la procédure de recours, qui correspond au premier niveau de l'approche convergente (phase initiale), soit à un stade avancé de la procédure de recours, qui correspond au troisième niveau de l'approche convergente (dernière phase). Ces dispositions qui régissent spécifiquement la phase initiale et la dernière phase sont seules exclues de l'application avec effet immédiat du RPCR 2020, la phase intermédiaire, c'est-à-dire le deuxième niveau de l'approche convergente (art. 13(1) RPCR 2020), étant régie quant à elle par la règle générale énoncée à l'art. 25(1) RPCR 2020. Partant, lorsqu'une citation à une procédure orale ou une notification au titre de la règle 100(2) CBE a été signifiée avant le 1er janvier 2020, l'art. 13(1) RPCR 2020 et l'art. 13(1) et (3) RPCR 2007 s'appliquent simultanément. Voir aussi les chapitres V.A.1.2 "Formulation des motifs d'une décision sous forme abrégée" et V.A.6.8.5 "Objection relative à l'activité inventive motivée pour la première fois lors de la procédure orale – non admise".
Dans l'affaire T 1597/16, c'est avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020 que la citation à la procédure orale du 14 janvier 2020 avait été émise et que la requête qui tenait lieu désormais de requête principale avait été présentée. Comme l'a fait observer la chambre, les art. 13(1) et (3) RPCR 2020 étaient donc applicables en ce qui concernait la modification des moyens invoqués par une partie pendant la procédure de recours, mais tel n'était pas le cas de l'art. 13(2) RPCR 2020, en lieu et place duquel l'art. 13 RPCR 2007 restait applicable (cf. art. 25(3), deuxième phrase RPCR 2020). La chambre a également constaté que l'art. 13(1) RPCR 2020 s'applique en principe à toute modification des moyens présentée par une partie après que celle-ci a déposé son mémoire exposant les motifs du recours ou sa réponse, et ce, que cette modification soit présentée avant ou après l'expiration du délai imparti dans une notification au titre de la règle 100(2) CBE ou, le cas échéant, avant ou après la signification d'une citation à une procédure orale. Voir aussi le chapitre V.A.6.8.6 "Limitation ne donnant pas lieu à de nouvelles questions litigieuses (au regard des faits ou du droit des brevets) et admissible de prime abord – requêtes admises".
Dans l'affaire T 584/17, lors de la procédure orale, le requérant a retiré sa requête en admission d'un document, suite à quoi l'intimé a demandé pour la première fois que ce document soit introduit dans la procédure. La chambre a considéré cette requête de l'intimé comme une modification de ses moyens au sens de l'art. 13(1) et (3) RPCR 2007, lequel, dans l'affaire en cause, restait applicable en lieu et place de l'art. 13(2) RPCR 2020, conformément à l'art. 25(3) RPCR 2020.
Dans l'affaire en cause, la chambre n'a pas jugé indispensable de s'appuyer également sur les critères énoncés à l'art. 13(1) RPCR 2020. Se référant aux explications données dans le document CA/3/19, elle a cependant estimé que s'agissant du troisième niveau de l'approche convergente prévue par le RPCR 2020, la chambre est libre de s'appuyer ou non sur les critères énoncés à l'art. 13(1) RPCR 2020 lorsqu'elle statue, en vertu de l'art. 13(2) RPCR 2020, sur l'admission d'une modification des moyens invoqués. Selon elle, la chambre est également libre de procéder de cette manière lorsque c'est l'art. 13 RPCR 2007 qui reste applicable en lieu et place de l'art. 13(2) RPCR 2020. Elle a toutefois relevé que les critères d'appréciation énoncés à l'art. 13(1) RPCR 2020 correspondent pour l'essentiel aux critères établis par la jurisprudence dans le cadre de l'art. 13(1) RPCR 2007 (voir aussi T 634/16 et T 32/16). S'agissant de l'admission de la requête subsidiaire présentée lors de la procédure orale, la chambre a estimé qu'il était certes possible de s'appuyer également sur les critères énoncés à l'art. 13(1) RPCR 2020, mais a estimé qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce.
6.8.2. Applicabilité de l'article 13(2) RPCR 2020 en cas de report de la procédure orale
Dans l'affaire T 950/16, une première citation à une procédure orale avait été signifiée avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020. Cependant, suite à une demande de report, la procédure orale avait été annulée et une nouvelle citation émise le 7 février 2020. Un mois environ avant la procédure orale, de nouveaux documents ont été soumis. Afin de déterminer quelle disposition du RPCR était applicable, la chambre a étudié la question de savoir laquelle des citations devait être considérée comme "la citation" au sens de l'art. 25(3) RPCR 2020. Elle a renvoyé aux "remarques explicatives" concernant l'art. 25(1) RPCR 2020 (Publication supplémentaire 2, JO 2020), selon lesquelles les mesures transitoires prévues à l'art. 25 RPCR 2020 visent à "protéger les attentes légitimes des parties au moment où elles avaient présenté" leurs moyens. Comme l'a relevé la chambre, une nouvelle citation peut avoir des causes diverses qui ne sont pas toujours attribuables aux parties. Il serait donc déraisonnable de faire dépendre le droit applicable de la date d'une citation ultérieure. Par conséquent, dans l'affaire en cause, l'admission de nouveaux documents était régie par l'art. 13 RPCR 2007.
6.8.3 Nouvelle requête en réponse à une opinion provisoire de la chambre clarifiant des objections – admise
Dans l'affaire T 32/16, compte tenu des raisons que l'intimé avait avancées pour justifier, d'une part, de n'avoir présenté la requête concernée qu'au stade de sa réponse à l'opinion provisoire de la chambre (art. 13(1), troisième phrase RPCR 2020) et, d'autre part, d'avoir effectué cette modification de ses moyens invoqués dans le cadre de la procédure de recours (art. 13(1), première phrase RPCR 2020), la chambre a souligné les circonstances particulières de l'affaire en cause, à savoir que sa notification avait fait apparaître pour la première fois les éléments pertinents que la chambre avait déduits des arguments circonstanciés présentés par le requérant à l'appui de ses objections au titre de l'art. 100c) CBE. Bien que le requérant ait déclaré que ses arguments n'avaient jamais eu d'autre signification que celle déduite par la chambre, celle-ci a estimé que la constatation qu'elle avait formulée dans son opinion pouvait être considérée comme ayant mis en évidence pour la première fois l'argument principal. Au vu des circonstances très particulières de l'espèce, la chambre a accepté les raisons invoquées par l'intimé pour justifier le dépôt, à un stade aussi tardif, de la requête qui tenait lieu désormais de requête principale. La chambre a également noté que la requête modifiée de l'intimé avait été présentée le jour où celui-ci avait reçu l'opinion provisoire de la chambre. Il avait ainsi répondu sans tarder aux objections soulevées, une fois celles-ci mises en évidence. S'agissant du critère énoncé à l'art. 13(1), dernière phrase RPCR 2020 et concernant la question de savoir si l'intimé avait démontré que la modification surmontait, de prime abord, les questions soulevées par le requérant ou par la chambre et ne donnait pas lieu à de nouvelles objections, la chambre a noté que la requête principale répondait directement aux objections relatives à l'ajout d'éléments. Dans sa réponse écrite, l'intimé avait également indiqué le fondement de sa modification (art. 12(4) RPCR 2020). La chambre a noté que la terminologie introduite reprenait explicitement la formulation employée dans la demande telle que déposée. Les modifications apportées démontraient d'elles-mêmes comment elles surmontaient l'objection dans ce cas particulier où le requérant avait au moins déjà mis en évidence les caractéristiques manquantes en tant que telles. De plus, ces modifications n'étaient en rien complexes (art. 13(1) RPCR 2007 ; art. 13(1), deuxième phrase RPCR 2020, renvoyant à l'art. 12(4) RPCR 2020) et aucun argument contraire n'avait été présenté à cet égard. Voir les chapitres V.A.6.8.1 "Application simultanée de l'article 13 RPCR 2007 et de l'article 13(1) RPCR 2020" et V.A.7.3 "Renvoi pour adaptation de la description".
6.8.4 Nouvelles requêtes subsidiaires en réaction à l'opinion provisoire de la chambre – importance fondamentale de la question litigieuse déjà manifeste auparavant – non admises
Dans l'affaire T 136/16, la chambre, exerçant son pouvoir d'appréciation en tenant compte des critères énoncés à l'art. 13(1) RPCR 2020, a refusé d'admettre les deux requêtes subsidiaires présentées après la citation à une procédure orale. D'une part, la modification apportée dans le cas de la requête subsidiaire 1 donnait lieu de prime abord à une nouvelle objection au titre de l'art. 84 CBE. D'autre part, de l'avis de la chambre, cette modification aurait déjà pu, et aurait déjà dû, être apportée à un stade antérieur de la procédure de recours. La division d'opposition avait déjà fait référence dans la décision attaquée à l'importance fondamentale de l'interprétation d'un terme litigieux dans la revendication. Alors que la division d'opposition avait interprété ce terme dans le sens restreint découlant du paragraphe 7 de la description, le requérant (opposant) avait présenté dans le mémoire exposant les motifs de son recours des arguments détaillés pour réfuter cette interprétation restrictive en s'appuyant sur d'autres passages de la description. L'intimé (titulaire du brevet) aurait donc déjà pu, dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, apporter la modification pertinente, puisque cette dernière se fondait sur une situation de fait qui avait déjà été amplement traitée. L'intimé n'avait aucune raison de partir du principe que la chambre de recours suivrait en tout état de cause l'avis de la division d'opposition. En outre, l'argument selon lequel le nombre considérable d'attaques présentées faisait obstacle à la formulation de requêtes subsidiaires appropriées, en l'absence d'une évaluation préliminaire de la chambre, n'a pas convaincu cette dernière compte tenu de l'importance fondamentale de l'interprétation du terme concerné dans la quasi-totalité des objections présentées. Par ailleurs, la chambre a considéré que dans les circonstances de l'espèce, le fait de ne présenter des requêtes subsidiaires contenant cette modification qu'à ce stade de la procédure de recours nuisait à l'économie de la procédure.
6.8.5 Objection relative à l'activité inventive motivée pour la première fois lors de la procédure orale – non admise
Dans l'affaire T 2227/15, en application de l'art. 13(1) RPCR 2020 ainsi que de l'art. 13 RPCR 2007, et notamment de l'art. 13(1) et (3) RPCR 2007, la chambre n'a pas admis l'objection relative à l'activité inventive soulevée par le requérant sur la base du document D1 en combinaison avec les connaissances générales de l'homme du métier. La chambre a estimé que cette objection avait été motivée pour la première fois au cours de la procédure orale devant elle. Les moyens généraux produits précédemment par le requérant concernant l'activité inventive n'ont pas été considérés comme motivés et il n'en a pas été tenu compte, étant donné qu'ils ne constituaient pas l'ensemble des moyens invoqués par une partie au sens de l'art. 12(2) RPCR 2007, qui correspond à l'art. 12(3) RPCR 2020. Dans sa réponse à la notification de la chambre, le requérant n'avait fourni ni arguments motivés ni observations concernant l'opinion provisoire de la chambre à cet égard. Partant, de l'avis de la chambre, l'intimé avait tout lieu de croire que l'objection d'absence d'activité inventive n'avait pas été maintenue. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la chambre a conclu que l'admission de cette objection dans la procédure aurait non seulement pour effet d'accroître et de modifier considérablement la complexité de la question à traiter, mais serait aussi contraire au principe de l'économie de la procédure et prendrait l'intimé au dépourvu. Voir aussi les chapitres V.A.1.2 "Formulation des motifs d'une décision sous forme abrégée" et V.A.6.8.1 "Application simultanée de l'article 13 RPCR 2007 et de l'article 13(1) RPCR 2020".
6.8.6 Limitation ne donnant pas lieu à de nouvelles questions litigieuses (au regard des faits ou du droit des brevets) et admissible de prime abord – requêtes admises
Dans l'affaire T 1597/16, l'admission de la nouvelle requête principale, présentée avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020, relevait du pouvoir d'appréciation conféré à la chambre par l'art. 13(1) RPCR 2020 et l'art. 13(1) RPCR 2007. De l'avis de la chambre, l'intimé n'avait pas présenté de raison convaincante pour laquelle il n'avait présenté la modification de la revendication que lors de la dernière phase de la procédure de recours. Il avait seulement fait valoir que l'opinion provisoire de la chambre dans la notification émise au titre de l'art. 15(1) RPCR 2007 lui avait donné pour la première fois la possibilité de présenter la nouvelle requête, ce qui n'a pas convaincu la chambre, étant donné que ladite notification n'avait soulevé aucune question entièrement nouvelle et que, au contraire, les objections contenues dans la notification étaient déjà connues depuis la phase initiale de la procédure de recours. La chambre a néanmoins décidé d'admettre la nouvelle requête principale, et ce pour les raisons suivantes : la limitation de l'objet revendiqué à deux des trois variantes contenues dans la revendication 1 du brevet délivré n'avait pas donné lieu à de nouvelles questions litigieuses au regard des faits ou du droit des brevets. Le requérant (opposant) était d'emblée en mesure de soulever une objection d'absence d'activité inventive et pouvait par ailleurs renvoyer aux moyens invoqués par écrit, qui correspondaient à ceux invoqués devant l'instance du premier degré. En outre, la chambre a considéré que la nouvelle requête semblait admissible de prime abord, car elle paraissait surmonter toutes les objections encore en suspens sans créer de nouveaux problèmes. Voir aussi le chapitre V.A.6.8.1 "Application simultanée de l'article 13 RPCR 2007 et de l'article 13(1) RPCR 2020".
6.8.7 Requête ne surmontant pas de prime abord l'objection soulevée – requête non admise
Dans l'affaire T 1187/15, le requérant (demandeur) a présenté la requête subsidiaire XI au cours de la procédure orale devant la chambre. Cette requête a été soumise en réponse à la conclusion à laquelle la chambre était parvenue au cours de la procédure orale, et selon laquelle la revendication 1 des requêtes présentes au dossier ne satisfaisait pas aux exigences de l'art. 123(2) CBE. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 13(1) RPCR 2020, la chambre a tenu compte, notamment, de la question de savoir si la partie avait démontré que les modifications surmontaient de prime abord les questions soulevées par la chambre et ne donnaient pas lieu à de nouvelles objections. La chambre a noté que ce critère figurait parmi les critères essentiels établis par la jurisprudence des chambres de recours en ce qui concerne l'exercice du pouvoir d'appréciation conféré par l'art. 13(1) RPCR 2007. L'art. 13 RPCR 2007 s'appliquait également à l'affaire en cause, la citation à la procédure orale ayant été signifiée avant le 1er janvier 2020 (art. 25(3) RPCR 2020). Selon la chambre, la requête subsidiaire XI ne surmontait pas de prime abord les objections soulevées au titre de l'art. 123(2) CBE, étant donné que l'omission de certaines caractéristiques constituait une généralisation intermédiaire non admissible. Pour cette raison, et sachant que le requérant avait eu la possibilité de répondre aux questions soulevées d'office par la chambre, cette dernière a décidé, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de ne pas admettre la requête subsidiaire XI dans la procédure.
Par ailleurs, la chambre a rejeté la requête du requérant visant à interrompre une nouvelle fois la procédure orale afin de préparer une nouvelle requête destinée à remplacer la requête subsidiaire XI. Elle a souligné que si une partie décide de présenter avant la procédure orale des requêtes qui ne surmontent que certaines des objections de la chambre, et ce en espérant qu'elle puisse convaincre la chambre de ne pas maintenir ses autres objections, cette partie court le risque de se voir refuser l'admission de nouvelles requêtes présentées au cours de la procédure orale. Il est contraire au principe de l'économie de la procédure de conduire une procédure orale de telle sorte que le requérant a la possibilité de déposer sans cesse de nouvelles requêtes jusqu'à ce qu'une version acceptable des revendications soit trouvée.
6.9 Moyens invoqués après la signification de la citation à une procédure orale – troisième phase de la procédure de recours – art. 13(2) RPCR 20200
6.9.1 Annulation de la procédure orale après la signification de la citation à la procédure orale – l'article 13(2) RPCR 2020 reste applicable
Dans l'affaire T 2279/16, le requérant (demandeur), en réponse à la citation à une procédure orale émise après l'entrée en vigueur du RPCR 2020, a informé la chambre qu'il n'assisterait pas à la procédure orale. Après l'annulation de la procédure orale par la chambre, le requérant a présenté de nouvelles requêtes subsidiaires.
La chambre a fait observer que l'art. 13(2) RPCR 2020 ne précise pas explicitement s'il s'applique aussi dans le cas où, après la signification de la citation à une procédure orale, cette dernière est annulée. De l'avis de la chambre, l'art. 13(2) RPCR 2020 est applicable à tout le moins dans le cas où c'est une déclaration du requérant selon laquelle il ne sera pas représenté à la procédure orale qui est à l'origine de l'annulation. La chambre a expliqué que les dispositions de l'art. 13(2) RPCR 2020 s'appliquent soit après l'expiration d'un délai imparti dans une notification au titre de la règle 100(2) CBE, soit "après la signification d'une citation à une procédure orale", et que le libellé dudit article ne prévoit aucune exception ni ne suggère que les effets de l'art. 13(2) RPCR 2020 dépendent de la suite de la procédure. Si un requérant décide qu'il ne sera pas représenté à la procédure orale, une chambre peut décider d'annuler cette procédure orale. Le fait de conclure qu'à la suite d'une telle décision, le requérant devrait retrouver une position plus favorable, s'agissant de l'admission de nouvelles requêtes, serait contraire au but et à la finalité de l'art. 13 RPCR 2020, qui consiste à prévoir une approche convergente en matière de limitation des possibilités dont dispose une partie pour modifier les moyens qu'elle a invoqués dans le cadre du recours.
La combinaison de documents sur laquelle la chambre a fondé son objection relative à l'activité inventive dans son opinion provisoire était strictement identique à celle qui avait abouti au rejet de la demande, et il ne s'agissait donc pas d'une nouvelle objection de la part de la chambre (même si son argumentation différait sur certains détails). La chambre a souligné que le fait qu'elle était parvenue dans son opinion provisoire à la même conclusion que la division d'examen dans cette affaire ne constituait pas des "circonstances exceptionnelles" au sens de l'art. 13(2) RPCR 2020. En outre, les moyens invoqués par le requérant ne contenaient aucune "raison convaincante" (ni d'ailleurs de raison quelconque) justifiant l'admission des requêtes subsidiaires. Par conséquent, les requêtes subsidiaires n'ont pas été admises.
6.9.2 Nouvelle requête fondée sur une requête présentée avec le mémoire exposant les motifs du recours, et surmontant les nouvelles objections soulevées dans la notification de la chambre – admise
Dans l'affaire T 1278/18, la chambre, exerçant le pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 13(2) RPCR 2020, a admis la nouvelle requête (présentée après que la date de la procédure orale avait été fixée), et ce pour les raisons suivantes : les revendications selon la nouvelle requête différaient de celles selon la première requête subsidiaire (présentée avec le mémoire exposant les motifs du recours) en ceci qu'elles contenaient des modifications apportées en réponse aux objections relevant de l'art. 84 et de la règle 29(7) CBE 1973, ainsi que de l'art. 123(2) CBE, que la chambre avait soulevées pour la première fois dans sa notification au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020. De plus, la différence entre les revendications indépendantes de la nouvelle requête et celles de la requête principale, sur laquelle se fondait la décision frappée de recours, résidait pour l'essentiel dans l'ajout de limitations qui avaient déjà été introduites dans la première requête subsidiaire présentée avec le mémoire exposant les motifs du recours en vue de surmonter toutes les objections d'absence de nouveauté soulevées dans la décision frappée de recours. La chambre a estimé que ces limitations pouvaient être considérées comme une réaction appropriée à la décision contestée (art. 12(4) RPCR 2007). Elle était également convaincue que les modifications apportées aux revendications étaient fondées sur les pièces de la demande telles que déposées initialement, comme le soutenait le requérant, et a conclu que les modifications apportées aux revendications surmontaient manifestement toutes les objections en suspens sans introduire de nouvelles questions à trancher.
6.9.3 Nouvelle requête fondée sur une requête présentée en réaction à la réponse de l'intimé et comportant des modifications d'ordre rédactionnel visant à supprimer des incohérences – admise
Dans l'affaire T 131/18, la requête principale en cause (présentée en tant que requête subsidiaire 6 après la signification de la citation à une procédure orale) était identique tant sur le fond qu'en ce qui concerne le texte – excepté deux modifications – à la requête subsidiaire 3 qui avait déjà été présentée en réaction à la réponse au mémoire exposant les motifs du recours. De l'avis de la chambre, cette dernière requête satisfaisait aux critères d'admission dans la procédure prévus par l'art. 13(1) RPCR 2020 (mais elle a été abandonnée lors de la procédure orale). Les deux modifications supplémentaires contenues dans la requête principale se rapportaient à des incohérences qui étaient encore présentes dans la requête subsidiaire 3. Le requérant (titulaire du brevet) avait en effet supprimé dans la revendication 1 une expression jugée non conforme à l'art. 123(2) CBE, mais avait conservé celle-ci dans la revendication dépendante 2. Il avait par ailleurs remplacé une expression peu claire dans la revendication 1, mais pas dans la revendication de procédé 6. Dans la requête principale, il a été remédié à ces incohérences. La chambre a souscrit à l'avis du requérant selon lequel il ne s'agissait là que d'ajustements d'ordre rédactionnel qui découlaient principalement de la notification émise par la chambre au titre de l'art. 15(1) RPCR, et elle a estimé que cela constituait une circonstance exceptionnelle au sens de l'art. 13(2) RPCR 2020. La chambre a rejeté l'objection de l'intimé selon laquelle l'admission de la requête serait contraire à l'intention manifeste du législateur d'éviter les retards de procédure occasionnés par des tentatives d'amélioration répétées. L'art. 13(2) RPCR 2020 ne vise pas à exclure, par principe, la possibilité de procéder, après la citation à une procédure orale, à des ajustements mineurs, tels que la rectification d'incohérences manifestes ou d'erreurs grammaticales, qui seraient par exemple permis en vertu de la règle 139 CBE.
6.9.4 Nouvelle requête en réponse à une opinion provisoire de la chambre fondée sur des objections antérieures – non admise
Dans l'affaire T 1187/16, la chambre a fait observer que si toutes les objections traitées dans une notification de la chambre ont déjà été soulevées à un stade antérieur de la procédure, ladite notification ne peut pas servir de base pour invoquer des circonstances exceptionnelles au sens de l'art. 13(2) RPCR 2020.
Dans l'affaire en cause, le requérant (titulaire du brevet) avait présenté une nouvelle requête subsidiaire en réaction à la notification émise par la chambre au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020. Cependant, comme l'a relevé la chambre, les objections au titre de l'art. 123(2) CBE traitées dans cette notification avaient déjà été exposées en détail dans la réponse de l'intimé (opposant) au mémoire exposant les motifs du recours. La chambre a jugé infondé l'argument du requérant selon lequel la chambre avait, par sa notification, introduit un nouvel aspect (à savoir l'importance essentielle d'une caractéristique pour la réalisation de l'invention), puisque cet élément de la notification renvoyait à l'art. 123(2) CBE. La chambre a donc conclu que le requérant avait déjà eu amplement l'occasion, avant la signification de la citation à la procédure orale, de présenter à titre de précaution des requêtes subsidiaires en réaction aux objections existantes. Les aspects liés à l'économie de la procédure et le fait que le requérant avait présenté la requête subsidiaire plus d'un mois avant la procédure orale ne jouaient dans ce contexte aucun rôle.
De plus, selon la chambre, le fait que l'opinion provisoire qu'elle avait exprimée dans la notification concernée s'écartait de l'avis de la division d'opposition dans la décision frappée de recours ne constituait pas une circonstance exceptionnelle au sens de l'art. 13(2) RPCR 2020. Étant donné que la procédure de recours a pour objet la révision de la décision attaquée, le requérant aurait pu, et aurait dû, envisager la possibilité que la chambre parvienne à une conclusion différente de celle de la division d'opposition. La chambre, exerçant le pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 13(2) RPCR 2020, n'a pas admis la nouvelle requête subsidiaire dans la procédure de recours.
6.9.5 Nouvelle requête présentée en réponse à des objections ne dépassant pas le cadre de l'objection initiale de la chambre – non admise
Dans l'affaire T 2214/15, les modifications contenues dans la requête subsidiaire 2, qui visaient à surmonter les objections relatives à l'absence de fondement et au manque de clarté soulevées par la chambre dans son opinion provisoire, ont donné lieu à de nouvelles objections relatives à la clarté et à l'ajout d'éléments. Cette requête n'a donc pas été admise. Cela a conduit le requérant à déposer la requête subsidiaire 3 au cours de la procédure orale devant la chambre. En application de l'art. 13(2) RPCR 2020, la chambre n'a pas admis dans la procédure cette modification des moyens invoqués par le requérant, au motif qu'aucune circonstance exceptionnelle ne le justifiait en l'espèce.
La chambre a fait observer que les sujets de discussion concernant la requête subsidiaire 2 ne différaient pas sur le fond de ceux mis en évidence dans la citation à la procédure orale. Les modifications représentaient des tentatives infructueuses de surmonter les problèmes de clarté et d'absence de fondement déjà mentionnés dans la citation à la procédure orale. Les nouvelles objections relatives à la clarté soulevées par la chambre au cours de la procédure orale ne dépassaient pas le cadre des discussions précédentes, lesquelles reposaient sur les irrégularités inhérentes aux revendications. La chambre a constaté que si l'on tenait pour correct l'argument du requérant selon lequel la mise en évidence de problèmes nouvellement introduits représentait des circonstances exceptionnelles, force serait de lui permettre de déposer sans cesse des revendications modifiées jusqu'à ce que plus aucun problème nouveau ne soit introduit, ce qui serait contraire à l'objectif premier de la procédure de recours, qui consiste en une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée (art. 12(2) RPCR 2020).
En ce qui concerne l'objection au titre de l'art. 123(2) CBE qu'elle a soulevée au cours de la procédure orale à l'encontre de l'une des modifications figurant dans la requête subsidiaire 2, la chambre a fait observer que, compte tenu du caractère strict du troisième niveau de l'approche convergente mis en œuvre par l'art. 13(2) RPCR 2020, le fait qu'une modification destinée à surmonter une objection soulevée dans la citation à une procédure orale a été jugée non conforme à l'art. 123(2) CBE ne peut pas être considéré comme une circonstance exceptionnelle. Un requérant doit savoir que la conformité de chaque modification avec l'art. 123(2) CBE donne nécessairement lieu à une évaluation et que celle-ci est effectuée au plus tôt pendant la procédure orale si ladite modification a été présentée en réponse à la citation à la procédure orale. Cela s'inscrit dans la suite logique de la procédure de recours et ne dépasse pas non plus le cadre de l'irrégularité inhérente à la revendication.
Dans l'affaire en cause, il n'y avait donc aucune circonstance exceptionnelle justifiant de prendre en considération une nouvelle requête modifiée relative aux revendications. La mise en évidence de problèmes engendrés par la tentative du requérant de résoudre des questions abordées jusque-là devait plutôt être considérée comme s'inscrivant dans la suite logique de la discussion. Contrairement à l'avis du requérant, la chambre a estimé que l'affaire en cause n'avait rien d'exceptionnel : une objection principale (d'absence de fondement) avait figuré parmi les motifs de rejet, avait été mise en évidence et acceptée par la chambre et avait constitué le sujet principal tout au long de la procédure de recours. Il s'agissait là de circonstances qui ne justifiaient généralement pas la possibilité de présenter une nouvelle requête subsidiaire.
6.9.6 Nouvelle requête en réaction à un changement d'opinion de la chambre – non admise, l'objection et les arguments étant déjà connus
Selon la chambre saisie de l'affaire T 752/16, le fait qu'une chambre change d'opinion provisoire concernant un motif d'opposition donné ne constitue pas une "circonstance exceptionnelle" au sens de l'art. 13(2) RPCR 2020. Dans cette affaire, la chambre était revenue dans une deuxième notification sur l'opinion provisoire qu'elle avait émise au sujet de l'activité inventive dans une première notification au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020. Son opinion modifiée était toutefois fondée sur des objections et arguments déjà mentionnés dans le mémoire exposant les motifs du recours. De l'avis de la chambre, la question de savoir si l'opinion provisoire émise par la chambre dans sa notification au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020 s'écarte d'une opinion précédente ou de la décision attaquée est sans incidence aux fins de l'art. 13(2) RPCR 2020. En principe, les parties doivent envisager la possibilité qu'une opinion provisoire qui leur est défavorable soit émise à tout moment de la procédure devant les chambres de recours, avant que la décision soit prononcée. Dans ce contexte, la chambre a rappelé que l'opinion provisoire émise au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020 vise en premier lieu à poser le cadre de la procédure orale et correspond à une mesure procédurale qui aide les parties à préparer la procédure orale, et non à une "invitation" à apporter de nouvelles modifications (voir, par exemple, T 1459/11). Un titulaire de brevet ne peut pas attendre le moment où il est confronté à une opinion provisoire de la chambre qui lui est défavorable, ou celui où il se rend compte que la chambre ne va pas suivre son avis ou son argumentation, pour produire des modifications en réaction à des objections soulevées par un opposant (voir, par exemple, T 136/16 et T 2072/16). De plus, la chambre a considéré que les nouvelles requêtes subsidiaires, qui ont donné lieu à de nouvelles objections, nuisaient au principe de l'économie de la procédure. Elle n'a dès lors pas admis ces requêtes, en application de l'art. 13(1) et (2) RPCR 2020.
6.9.7 Modification n'ajoutant aucun élément sur le fond à la discussion relative à une objection soulevée – non admise
Dans l'affaire T 953/16, le requérant (demandeur) a avancé que les nouvelles requêtes subsidiaires en cause avaient été présentées en réponse à une objection relative à la clarté soulevée par la chambre dans sa notification au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020, que c'est dans sa réponse qu'il avait eu pour la première fois la possibilité de réagir à cette objection, et que ces requêtes constituaient donc une réponse légitime aux objections soulevées dans la notification de la chambre. La chambre a toutefois relevé que même si les modifications apportées à la revendication 1 dans ces requêtes visaient à clarifier les revendications, les objections relatives à l'activité inventive soulevées par la chambre dans sa notification prenaient déjà les caractéristiques correspondantes en compte aux fins de l'interprétation de la revendication 1. Du point de vue de la chambre, les modifications n'ajoutaient manifestement rien sur le fond à la discussion relative à l'activité inventive et, partant, elles ne résolvaient pas toutes les questions en suspens soulevées par la chambre. Étant parvenue à une conclusion défavorable au sujet de l'activité inventive pour ce qui était des requêtes de rang supérieur, la chambre n'a constaté aucune circonstance exceptionnelle qui puisse justifier l'admission des nouvelles requêtes subsidiaires dans la procédure. Elle a donc décidé de ne pas prendre en compte les requêtes subsidiaires en cause (art. 13(2) RPCR 2020).
6.9.8 Nouveau document et nouvelles lignes d'attaque en réponse à l'opinion provisoire de la chambre fondée exclusivement sur des moyens invoqués antérieurement – non admis
Dans l'affaire T 908/19, un nouveau document et de nouvelles lignes d'attaque ont été présentés en réponse à l'opinion provisoire accompagnant la citation à une procédure orale envoyée par la chambre (et ce, après l'entrée en vigueur du RPCR 2020). Le requérant n'a justifié le dépôt tardif de cette modification de ses moyens que lors de la procédure orale, avançant que ni le document ni les objections n'auraient pu être présentés plus tôt, puisqu'ils avaient été soumis en réponse à l'opinion provisoire exprimée par la chambre dans l'annexe à la citation à la procédure orale. La chambre n'a pas pu accepter cet argument puisque son opinion provisoire reposait exclusivement sur des moyens invoqués par les parties dans leur mémoire exposant les motifs du recours ou dans leur réponse audit mémoire. De plus, le requérant n'a relevé aucun aspect particulier qui lui était nouveau ou qui l'avait pris au dépourvu, et semblait en revanche mû par le fait que la chambre s'était prononcée à titre provisoire en faveur de l'intimé. La chambre ne voyait donc pas de circonstances exceptionnelles, et encore moins de circonstances exceptionnelles justifiées, qui seraient susceptibles de légitimer la présentation tardive de ces moyens. Par conséquent, les moyens invoqués tardivement n'ont pas été admis dans la procédure (art. 13(2) RPCR 2020).
7. Renvoi à l'instance du premier degré
7.1 Article 11 RPCR 2020 – raisons particulières
(CLB, V.A.7.)
Conformément à l'art. 11 RPCR 2020, la chambre ne renvoie l'affaire pour suite à donner à l'instance qui a rendu la décision attaquée que si des raisons particulières le justifient. En règle générale, la présence de vices majeurs entachant la procédure de cette instance constitue une raison particulière.
Dans l'affaire T 731/17, compte tenu de la date de dépôt de la demande, le requérant a demandé à la chambre de conclure, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'art.111(1) CBE, que l'objet revendiqué était brevetable. L'art. 11 RPCR 2020 dispose qu'une affaire n'est renvoyée à l'instance qui a rendu la décision attaquée que si des raisons particulières le justifient. La chambre a relevé que cette disposition devait être interprétée à la lumière de l'art. 12(2) RPCR 2020, selon lequel la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée. La chambre a fait observer qu'il n'avait pas encore été procédé à une appréciation détaillée de l'activité inventive par rapport aux documents D1 à D4. De plus, il serait peut-être nécessaire de déterminer si le document D2 faisait au demeurant partie de l'état de la technique en vertu de l'art. 54(2) CBE. Si la chambre ne renvoyait pas l'affaire à la division d'examen, elle devrait accomplir ces tâches à la fois au titre de la procédure de première instance et dans le cadre de la procédure de dernière instance, et se substituer de facto à la division d'examen, au lieu de procéder à une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée.
Dans l'affaire T 1966/16, la chambre a indiqué que l'unique motif de rejet énoncé dans la décision attaquée, à savoir l'absence d'activité inventive, n'était pas fondé. La chambre a toutefois mis en évidence plusieurs insuffisances potentielles dans les revendications 1 à 7 au regard des art. 83, 84 et 123(2) CBE. Or la décision attaquée ne traitait pas de ces questions. La chambre a estimé qu'il existait à l'évidence des raisons particulières dans l'affaire en cours, puisque la division d'examen n'avait pas rendu de décision susceptible de recours sur des questions essentielles, encore en suspens, au regard des art. 83, 84 et 123(2) CBE. Comme énoncé à l'art. 12(2) RPCR 2020, la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée. Ce principe ne serait pas respecté si la chambre procédait à un examen complet de la demande. Par conséquent, l'art. 11 RPCR 2020 n'impliquait pas que la chambre effectue un examen complet de la demande afin d'établir s'il était satisfait aux exigences des art. 83, 84 et 123(2) CBE, alors qu'aucune décision n'avait encore été rendue à ce sujet en première instance.
Dans l'affaire T 1531/16, la chambre a fait observer que conformément à l'intention du législateur, telle qu'exprimée dans la version révisée de l'art. 11, première phrase RPCR 2020, une affaire ne doit être renvoyée que si des raisons particulières le justifient, et donc qu'à titre exceptionnel. Suivant la définition juridique énoncée à l'art. 11, deuxième phrase RPCR 2020, la présence d'un vice majeur dans la procédure qui a précédé le recours et qui s'est achevée par la décision attaquée constitue normalement une raison particulière. Du reste, il ressort des remarques explicatives relatives à l'art. 11 RPCR 2020 (publication supplémentaire 2, JO 2020) que l'existence de raisons particulières au sens de cette disposition doit être déterminée au cas par cas et qu'il ne saurait exister de telles raisons particulières si toutes les questions en jeu peuvent être tranchées sans effort excessif par la chambre. Dans ce contexte, la chambre, après avoir évalué toutes les circonstances pertinentes de l'affaire en instance, est parvenue à la conclusion que les questions qui étaient déterminantes pour la brevetabilité ne pouvaient précisément pas être tranchées sans effort excessif dans le cadre de la procédure de recours, et qu'il fallait au contraire établir tout d'abord les bases nécessaires dans le cadre de la procédure d'examen, laquelle devait se poursuivre.
Dans l'affaire T 3247/19, l'insuffisance de l'exposé de l'invention était l'unique motif de rejet cité dans la décision contestée. Le requérant a demandé que l'affaire soit renvoyée à la division d'examen. La chambre a constaté d'une part qu'aucune autre exigence en matière de brevetabilité n'était mentionnée ou examinée dans la décision contestée, et d'autre part que le requérant n'avait pas présenté d'arguments au sujet des autres exigences en matière de brevetabilité et qu'il avait explicitement demandé que l'affaire soit renvoyée à la division d'examen.
Aucun argument sur le fond n'ayant été présenté dans le cadre de la procédure de recours concernant des questions de brevetabilité autres que l'art. 83 CBE, la chambre n'était pas en mesure de se prononcer au sujet des autres exigences en matière de brevetabilité sur le seul fondement du dossier de recours. Elle n'ignorait pas que, conformément à l'art. 11, première phrase RPCR 2020, une affaire ne peut être renvoyée pour suite à donner qu'à titre exceptionnel, si des raisons particulières existent. Après avoir examiné l'ensemble des circonstances pertinentes de l'affaire en instance, la chambre a conclu que les questions déterminantes en l'espèce au regard de la brevetabilité, qui impliquaient notamment, mais pas seulement, l'examen de la nouveauté, de l'activité inventive et de la clarté, ne pouvaient pas être tranchées sans effort excessif (cf. remarques explicatives relatives à l'art. 11 RPCR 2020, publication supplémentaire 2, JO 2020).
Dans l'affaire T 350/17, la chambre a fait observer que même si la division d'opposition a le pouvoir de ne pas admettre des requêtes déposées tardivement, elle n'a pas la faculté de dénier au titulaire du brevet le droit de discuter de l'admission d'une requête, quel que soit le stade tardif auquel cette requête est présentée. La chambre a décidé de renvoyer l'affaire à la division d'opposition. Les intimés ont invoqué le fait qu'un renvoi de l'affaire aurait pour effet de retarder inutilement la procédure et que, la chambre ayant déjà tranché la question de l'admission de la requête subsidiaire 2, le renvoi n'était justifié par aucune raison particulière en vertu de l'art. 11 RPCR 2020.
La chambre a rejeté cet argument, étant donné que la non-admission de la requête subsidiaire 2 par la division d'opposition concernait non seulement la question de la recevabilité en tant que telle, mais avait également empêché une discussion concernant l'activité inventive. Les conséquences du vice substantiel de procédure commis par la division d'opposition allaient donc au-delà de la simple question de la recevabilité, en privant fondamentalement les parties et la chambre d'une base de discussion concernant l'activité inventive. De plus, la chambre a estimé que, dans l'affaire en instance, la requête présentée par le titulaire du brevet en vue d'obtenir l'examen de l'activité inventive à deux niveaux d'instance différents prévalait contre le principe d'économie de la procédure, puisque le titulaire du brevet s'était vu priver d'une décision sur cette question au niveau de la première instance, en conséquence du vice substantiel de procédure. Dans un souci d'exhaustivité, la chambre a également fait observer que la notion de "raison particulière" visée à l'art. 11 RPCR 2020 ne doit pas donner lieu à une interprétation étroite qui aurait pour effet de restreindre indûment le pouvoir de la chambre de renvoyer une affaire, conformément à l'art. 111(1) CBE, car cela serait contraire à l'esprit de la convention, qui prime en cas d'incompatibilité (cf. art. 23 RPCR 2020).
7.2 Recherche incomplète
(CLB, V.A.7.)
Dans l'affaire T 547/14, aucune recherche n'avait été effectuée, l'objet de la demande de brevet ayant été considéré comme dépourvu de caractère technique. Il n'était toutefois pas possible de procéder à un examen définitif sans qu'une recherche ait été réalisée. Étant donné que la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision rendue par l'instance du premier degré (art. 12(2) RPCR 2020), et que l'invention n'avait donné lieu ni à une recherche ni à un examen de la nouveauté et de l'activité inventive sur la base des caractéristiques considérées comme techniques, il existait en l'espèce des raisons particulières qui justifiaient un renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré pour recherche et poursuite de l'examen, conformément à la demande formulée par le requérant.
Dans l'affaire T 97/14, la chambre a conclu que la décision attaquée n'était pas suffisamment motivée. De plus, les arguments du requérant n'avaient pas été dûment pris en considération. Selon la chambre, ces violations substantielles des règles procédurales constituaient un vice majeur et, partant, une raison particulière de renvoyer l'affaire (art. 11 RPCR 2020). Dans les motifs du recours, le requérant avait demandé que la chambre tranche l'affaire dans le cadre de la procédure de recours, au lieu de la renvoyer pour suite à donner. La chambre a fait observer que cette requête, bien que retirée, n'était pas dénuée de fondement. La demande de brevet était en instance depuis 18 ans et, dans ces circonstances, il était préférable de régler l'affaire définitivement sans plus attendre. Le requérant avait toujours fait valoir que l'état de la technique le plus proche aux fins de l'évaluation de l'activité inventive devait se rapporter aux services web, puisqu'il s'agissait du domaine auquel se rattachait l'invention revendiquée. Les documents cités dans le rapport complémentaire de recherche européenne et pendant l'examen (D1 et D2), qui concernaient les appels de procédure à distance, ne pouvaient donc pas selon lui servir de point de départ pour l'activité inventive. La chambre a fait sien l'argument du requérant selon lequel l'état de la technique le plus proche devait se rapporter au domaine des services web. De plus, du point de vue de la chambre, les "services web synchrones" ne pouvaient pas donner une image complète de l'état de la technique dans ce domaine. Le choix effectué par la division d'examen concernant l'état de la technique le plus proche semblait plutôt avoir été fondé sur les éléments qui étaient disponibles lors de la procédure orale, au moment où la division d'examen avait décidé de faire abstraction du document D2. La chambre a renvoyé l'affaire pour suite à donner, car la recherche n'était pas complète.
7.3 Renvoi pour adaptation de la description
(CLB, V.A.7.8.)
Dans l'affaire T 32/16, la chambre a indiqué qu'en ce qui concernait l'adaptation de la description aux nouvelles revendications, elle n'accédait pas à la demande de l'intimé (titulaire du brevet) visant à procéder aux ajustements nécessaires de préférence pendant la procédure orale. La portée des modifications à effectuer dans la description était jugée non négligeable, et le requérant a déclaré qu'il devait examiner de manière exhaustive les changements apportés, sans subir de contrainte de temps. Dans ces circonstances, la chambre a donc décidé de renvoyer l'affaire à la division d'opposition conformément à l'art. 111(1) CBE, afin que la description soit adaptée aux revendications jugées admissibles. S'agissant de l'art. 11 RPCR 2020, la chambre a fait observer qu'un renvoi d'une affaire pour adaptation de la description n'est pas un renvoi pour "suite à donner" (cf. remarques explicatives relatives à l'art. 11 RPCR 2020, publication supplémentaire 2, JO 2020,) et que la présence de "raisons particulières" n'est donc pas nécessaire. Voir également chapitre V.A.6.8.1 "Application simultanée de l'article 13 RPCR 2007 et de l'article 13(1) RPCR 2020" et V.A.6.8.3 "Nouvelle requête en réponse à l'opinion provisoire de la chambre clarifiant ses objections – admise".
7.4 Dispositif ordonnant une modification de la composition de l'instance du premier degré
(CLB, V.A.7.)
Dans l'affaire T 2475/17, la chambre a traité de la question de savoir si une chambre était habilitée à ordonner une modification de la composition de l'instance du premier degré en cas de renvoi de l'affaire à celle-ci. Voir également chapitre III.D.1.1 "Renvoi et réexamen d'une affaire".
8. Remboursement de la taxe de recours
8.1 Vice substantiel de procédure
(CLB, V.A.9.5.)
Dans l'affaire T 74/17, la chambre a constaté que les actes de procédure de la division d'opposition contestés ne constituaient pas des vices substantiels de procédure et qu'il n'y avait donc pas lieu de rembourser la taxe de recours au titre de la règle 103(1)a) CBE.
La chambre a fait observer qu'un vice de procédure allégué ne peut être pris en considération dans le cadre d'un recours que s'il a eu des conséquences sur les parties d'une décision qui sont susceptibles de recours, c'est-à-dire s'il a lésé la partie concernée. Les vices de procédure qui ne portent que sur des aspects d'une décision qui ne sont pas susceptibles de recours, sont dénués de toute pertinence pour la décision concernant le recours, et c'est la raison pour laquelle la chambre n'avait pas à déterminer s'ils étaient ou non substantiels. Cela montrait a contrario qu'il n'y avait aucun lien de causalité entre de tels vices de procédure et les conclusions de la décision attaquée.
8.2 Durée excessive de la procédure
(CLB, V.A.9.5.11a)(ii))
Dans l'affaire T 1243/17, la chambre a expliqué qu'elle n'était pas convaincue que la jurisprudence de la CEDH permettait de conclure que la durée de la procédure d'examen auprès de l'OEB a vocation à être systématiquement prise en compte dans l'appréciation du délai raisonnable visé par l'art. 6(1) CEDH, première phrase (voir à ce titre l'analyse de la décision de la CEDH du 2 mai 2013 Kristiansen et Tyvik As v. Norvège dans la décision T 1824/15 concernant le déroulé de la procédure devant l'office norvégien des brevets). Selon la chambre, si cette décision a retenu une violation du droit d'accès à un tribunal au titre de l'art. 6(1) CEDH, elle ne s'est pas prononcée s'agissant d'une éventuelle violation du droit d'être entendu dans un délai raisonnable. Par ailleurs, et contrairement aux faits de la cause ayant conduit à la décision susvisée – où existait déjà dans le cadre de la procédure administrative une "contestation" soumise aux chambres (non judiciaires) de recours de cet organisme – la procédure d'examen considérée dans la présente affaire était une procédure purement non contentieuse et unilatérale, et donc préalable à l'existence d'une "contestation" permettant l'application de l'art. 6(1) CEDH. La chambre a néanmoins estimé que les principes développés par la CEDH concernant la durée de la procédure fournissaient un cadre utile pour évaluer la longueur de la procédure dans le cas d'espèce. La chambre relève qu'en l'espèce la décision attaquée a été rendue un peu plus de 17 ans après la date du dépôt de la demande, et observe que la procédure d'examen, du moins entre le rapport de recherche et la première notification, a "stagné sans explication" pendant plus de huit ans, ce qui est normalement inacceptable (voir T 315/03, T 1824/15, et T 2707/16). Cependant, la requérante n'a pas formulé de réclamation contre cette stagnation, alors que, selon la jurisprudence de la CEDH, elle est censée raccourcir la procédure dans la mesure du possible. La chambre considère aussi qu'un demandeur a un devoir de coopération avec la division d'examen, devoir que la requérante n'a pas rempli. Indiquant finalement que la requérante n'avait formulé aucune demande précise, notamment au titre du remboursement de la taxe de recours (règle 103 CBE), en lien avec la violation alléguée de l'art. 6(1) CEDH, la chambre n'a donc ordonné aucun remboursement.
8.3 Retrait du recours ou retrait de la requête en procédure orale selon la règle 103(4) CBE (25%)
(CLB, V.A.9.)
La règle 103(4) CBE dispose que : [l]a taxe de recours est remboursée à 25 %
a) lorsque le recours est retiré après l'expiration du délai visé au paragraphe 3, lettre a) [c'est-à-dire, si une date de procédure orale a été fixée, plus d'un mois après une notification émise en vue de préparer la procédure orale], mais avant le prononcé de la décision lors de la procédure orale ;
b) lorsque le recours est retiré après l'expiration du délai visé au paragraphe 3, lettre b) [c'est-à-dire, si aucune date de procédure orale n'a été fixée, après l'expiration du délai dans lequel le requérant peut présenter des observations concernant une notification de la chambre], mais avant que la décision ne soit rendue ;
c) lorsqu'une requête en procédure orale est retirée dans un délai d'un mois à compter de la signification de la notification émise par la chambre de recours en vue de préparer la procédure orale et qu'aucune procédure orale n'a lieu.
Dans l'affaire T 1610/15, la chambre a conclu qu'il convenait de rembourser au requérant la taxe de recours à concurrence de 25%, en application de la règle 103(4)c) CBE. Dans cette affaire, le requérant avait retiré sa requête en procédure orale dans un délai d'un mois à compter de la signification de la première notification émise par la chambre au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020. L'intimé I avait lui aussi retiré sa requête en procédure orale dans ce délai. L'intimé II n'avait en revanche retiré sa requête en procédure orale qu'après l'expiration du délai d'un mois visé à la règle 103(4)c) CBE. La chambre a constaté que la requête en procédure orale présentée par le requérant avait été retirée dans les délais. La chambre a considéré que le retrait, à un stade tardif, de la requête en procédure orale de l'intimé II ne jouait pas en défaveur du requérant. Il ne découle pas du texte de la règle 103(4)c) CBE que toutes les requêtes en procédure orale présentées doivent avoir été retirées dans un délai d'un mois à compter de la signification d'une notification émise par la chambre de recours en vue de préparer la procédure orale. Il suffit en fait qu'une requête en procédure orale ait été retirée dans les délais pour qu'il soit satisfait à la première condition d'un remboursement partiel de la taxe de recours en application de la règle 103(4)c) CBE. La deuxième condition prévue à la règle 103(4)c) CBE, selon laquelle aucune procédure orale ne doit avoir eu lieu, était également remplie en l'espèce.
Dans l'affaire T 777/15, la chambre a interprété la règle 103(4)c) CBE comme donnant une incitation à une partie ayant demandé initialement la tenue d'une procédure orale devant la chambre à reconsidérer sa requête à un stade ultérieur de la procédure de recours, et, dans la mesure où cette partie renonce à sa requête, lui accorde une contrepartie sous la forme d'un remboursement partiel de la taxe de recours acquittée par cette partie. Par conséquent, lorsqu'une partie requérante n'a pas présenté de requête en procédure orale, elle ne peut bénéficier du retrait, par une autre partie, de la requête en procédure orale. Pour la partie requérante n'ayant pas présenté de requête en procédure orale, la condition visée à la règle 103(4)c) CBE selon laquelle "une requête en procédure orale est retirée dans un délai d'un mois à compter de la signification de la notification émise par la chambre de recours en vue de préparer la procédure orale" n'est pas remplie simplement en raison du fait qu'une autre partie, ayant présenté une requête en procédure orale, a retiré sa requête en procédure orale dans le délai imparti par la règle 103(4)c) CBE.
Dans l'affaire T 1730/16, la chambre a jugé que les conditions d'un remboursement partiel de la taxe de recours (25 %) au titre de la règle 103(4)c) CBE étaient remplies. La chambre avait fixé une date de procédure orale à la suite de la requête présentée par le requérant, et donné son opinion provisoire dans une notification émise en application de l'art. 15(1) RPCR 2007, qui était jointe en annexe à la citation à la procédure orale. Conformément aux restrictions imposées en raison de la pandémie de coronavirus (COVID-19), la chambre avait reporté la date de la procédure orale. Afin de préparer la procédure orale (reportée), la chambre avait envoyé ensuite une notification attirant l'attention sur les contraintes qui s'appliqueraient, en raison de la COVID-19, à la tenue de la procédure orale. Dans un délai d'un mois suivant cette notification, le requérant avait retiré sa requête en procédure orale.
La chambre a considéré que la règle 103(4)c) CBE ne prévoit pas de critère particulier auquel une notification doit satisfaire pour pouvoir conduire à un éventuel remboursement, si ce n'est qu'elle doit avoir été émise par la chambre "en vue de préparer la procédure orale". La dernière notification en date de la chambre portait sur des aspects techniques et organisationnels de la procédure orale prévue et était donc une notification émise en vue de préparer la procédure orale. La notification qui avait été envoyée en premier lieu par la chambre en application de la règle 15(1) RPCR 2007, à un stade antérieur de la procédure de recours, ne faisait donc pas obstacle au remboursement de la taxe de recours au titre de la règle 103(4)c) CBE.
Dans l'affaire T 73/17, la chambre a conclu que les conditions énoncées à la règle 103(4)c) CBE n'étaient pas remplies. De l'avis de la chambre, le législateur établit manifestement une distinction entre une simple déclaration selon laquelle la partie n'assistera pas à une procédure orale et le retrait explicite d'une requête en procédure orale. La règle 103(4)c) CBE mentionne explicitement le retrait de la requête en procédure orale comme condition impérative pour obtenir un remboursement partiel, lequel, en vertu de cette disposition, ne peut précisément pas être obtenu au seul motif que la procédure orale n'a pas eu lieu. Dans l'affaire en cause, seule la condition de remboursement prévue par la règle 103(4)a) CBE était remplie.
Dans cette affaire, l'opposant a retiré son recours par lettre datée du 25 mai 2020, soit plus d'un mois après la signification de la notification émise par la chambre de recours en vertu de l'art. 15(1) RPCR 2020 en vue de préparer la procédure orale initialement prévue le 6 juillet 2020. La chambre a constaté que le fait qu'il n'était plus nécessaire de tenir la procédure orale du 6 juillet 2020 en raison de ce retrait, si bien que la procédure orale avait été annulée, ne changeait rien à l'applicabilité de la règle 103(4)a) CBE. Par ailleurs, même si la décision concernant l'affaire en cause avait été prise dans le cadre d'une procédure écrite, la condition prévue par la règle 103(3)c) CBE pour obtenir un remboursement à 50 % de la taxe de recours n'était pas remplie au regard de l'intention manifeste du législateur, telle qu'interprétée par la chambre. Le retrait du recours par l'opposant n'était pas intervenu au stade de l'examen, mais seulement au stade de la décision dans la procédure de recours concernée et ce retrait s'inscrivait donc dans le cadre du remboursement prévu par la règle 103(4) CBE, dont il remplissait clairement les conditions. Étant donné que l'opposant avait également déclaré dans sa lettre du 25 mai 2020 qu'il n'assisterait pas à la procédure orale prévue, la question se posait de savoir si, de ce fait, la condition de remboursement prévue par la règle 103(4)c) CBE était également susceptible de s'appliquer. La chambre a expliqué qu'indépendamment du fait que la lettre de l'opposant n'avait pas été produite dans un délai d'un mois à compter de la signification de la notification émise au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020, la déclaration selon laquelle il n'assisterait pas à la procédure orale ne pouvait être considérée comme un retrait, au sens de la règle 103(4)c) CBE, de la requête en procédure orale qu'il avait présentée à titre subsidiaire dans son acte de recours. Selon la jurisprudence constante, la requête en procédure orale présentée par une partie ne peut être retirée qu'au moyen d'une déclaration explicite de retrait présentée sous forme écrite. Dans la jurisprudence, il est en principe considéré que cette condition n'est pas remplie par une simple déclaration selon laquelle une partie n'assistera pas à la procédure orale. La chambre a souligné que la déclaration de retrait revêt une importance décisive et que, ne serait-ce que pour garantir la sécurité juridique, notamment à l'égard des parties à la procédure, la présentation d'une telle déclaration écrite et explicite constitue par conséquent une condition essentielle pour obtenir le remboursement partiel de la taxe de recours.
Dans l'affaire T 517/17, la chambre a jugé que les conditions d'un remboursement partiel de la taxe de recours telles qu'énoncées à la règle 103(4)c) CBE étaient remplies. En particulier, l'indication inconditionnelle faite par le requérant selon laquelle il n'assisterait pas à la procédure orale prévue satisfaisait à l'exigence visée à la règle 103(4)c) CBE, conformément à laquelle la requête en procédure orale doit avoir été retirée. Tel était le cas même si le requérant n'avait pas retiré expressément la requête en procédure orale.
La chambre a expliqué qu'elle était consciente qu'en tirant cette conclusion, elle s'écartait d'une opinion incidente circonstanciée exposée dans la décision T 73/17 (cf. ci-dessus). Elle a fait observer que s'il est exact que l'annonce expresse d'une non-comparution à une procédure orale prévue devant la chambre équivaut à un retrait de la requête en procédure orale, cela est nécessairement exact et valable pour tous les effets que la CBE et la jurisprudence attachent à un retrait. Il ne paraît pas justifié de considérer cette annonce expresse comme équivalente à un retrait aux fins de la question de savoir si la procédure orale prévue doit avoir lieu, et de la juger en revanche non équivalente aux fins de la question de savoir si les taxes sont remboursables. Une telle conclusion n'est fondée ni sur le texte de la règle 103(4)c) CBE, ni sur le document préparatoire CA/80/19, lequel apporte des précisions non pas sur le libellé du retrait, mais seulement sur le moment auquel le retrait doit intervenir, puisque ce document spécifie que la taxe de recours est "remboursée à 25 % si [...] la décision est rendue sans qu'une procédure orale n'ait eu lieu" (cf. CA/80/19 du 4 octobre 2019, point 85). Dans ce contexte, il n'était pas nécessaire de déterminer si le document CA/80/19 était de nature à prouver l'intention du législateur. Compte tenu des critères énoncés à l'art. 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, la chambre n'avait pas non plus à établir s'il était possible ou nécessaire de faire appel aux travaux préparatoires liés à la nouvelle règle 103 CBE pour la question concrète examinée en l'espèce.
Dans l'affaire T 2044/16, la chambre a constaté que le fait que la chambre avait déjà émis une notification exhaustive au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020 en vue de préparer la procédure orale n'excluait pas, selon le libellé de la règle 103(4)c) CBE, l'octroi d'un remboursement sur la base d'une notification complémentaire émise ultérieurement par la chambre et ayant conduit dans un délai d'un mois au retrait de la requête en procédure orale. La règle 103(4)c) CBE n'impose aucune exigence quant à la teneur des notifications préparatoires et couvre donc également celles d'ordre purement organisationnel. Les considérations abordées dans l'affaire T 265/14 concernant la condition de remboursement prévue par la règle 103(2)b) CBE (règle 103(3)b) CBE depuis le 1er avril 2020) étaient valables également dans le cas de figure concerné. La chambre a expliqué qu'un aspect déterminant était le but poursuivi lors de l'introduction (entre autres) du nouveau remboursement au titre de la règle 103(4)b) CBE, à savoir celui d'inciter à l'abandon d'étapes procédurales superflues (en l'occurrence la préparation et la tenue de la procédure orale) afin que le temps de travail disponible soit utilisé de la manière la plus efficace possible. Le fait que la deuxième notification préparatoire n'avait été émise qu'un mois avant la procédure orale en raison de la situation actuelle (mesures de précaution liées à la pandémie de COVID-19) ne saurait être préjudiciable au requérant, qui, en retirant sa requête, avait permis de clore efficacement la procédure dans le cadre de la procédure écrite. Même si en pareille situation, le créneau libéré ne pouvait pas être utilisé pour une autre procédure orale comme évoqué au point 82 du document CA/80/19, le retrait représentait bien un gain de temps de travail, tel qu'évoqué plus haut, pour la chambre et les autres parties. Plus important encore, le cadre temporel dans l'affaire en cause ne saurait entraîner une interprétation de la règle 103(4)c) CBE qui débouche sur un sens plus restrictif que celui dicté par le libellé très clair de cette disposition ("dans un délai d'un mois à compter de la signification de la notification émise par la chambre de recours en vue de préparer la procédure orale"). Comme l'a conclu la chambre, le délai prévu par la règle 103(4)c) est en fin de compte déclenché à nouveau par chaque notification préparatoire émise par la chambre. La chambre a ordonné le remboursement à 25 % de la taxe de recours.
Dans l'affaire T 110/18, le requérant avait retiré sa requête en procédure orale dans un délai d'un mois à compter de la signification de la deuxième notification au titre de l'art. 15(1) RPCR 2020, émise exceptionnellement en raison de la pandémie de COVID-19. La chambre a suivi le raisonnement adopté dans la décision T 265/14 (rendue par la même chambre dans une composition différente) et a conclu que les conditions pour obtenir un remboursement à 25 % de la taxe de recours en vertu de la règle 103(4)c) CBE étaient remplies. Elle a expliqué que cette décision était également conforme aux explications données dans le document exposant les motifs à l'origine de la modification de la règle 103 CBE (cf. CA/80/19, point 82), puisque dans l'affaire en cause, la procédure orale avait été annulée en raison de la pandémie de COVID-19 et n'avait pas besoin d'être reprogrammée.
Dans l'affaire T 1678/17, le requérant a retiré sa requête en procédure orale et a demandé un remboursement partiel de la taxe de recours. Dans les faits, la requête en procédure orale n'avait pas été retirée dans un délai d'un mois à compter de la signification de la notification émise par la chambre en vue de préparer la procédure orale. Cependant, eu égard au Communiqué de l'OEB en date du 1er mai 2020 relatif aux perturbations liées à l'épidémie de COVID-19 (JO 2020, A60), ainsi qu'à la règle 134(2) et (4) CBE, la chambre a estimé que les conditions prévues par la règle 103(4)c) CBE pour l'obtention d'un remboursement à 25 % de la taxe de recours étaient remplies.
B. Procédures devant la Grande Chambre de recours
1. Saisine de la Grande Chambre par le Président de l'OEB
(CLB, V.B.2.4.)
Dans l'affaire G 3/19 (JO 2020, A119), la Grande Chambre de recours a reformulé les deux questions posées par le Président de l'OEB dans la saisine en une question unique qui traduit le véritable enjeu :
"Compte tenu des développements intervenus à la suite d'une décision de la Grande Chambre de recours qui donne une interprétation de l'étendue de l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux prévue à l'art. 53b) CBE, cette exclusion peut-elle avoir un effet négatif sur l'admissibilité des revendications de produit ou des revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention portant sur des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est obtenu exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques de procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique ?"
La Grande Chambre de recours a considéré que les points sous-jacents à la saisine portaient sur une question de droit d'importance fondamentale au sens de l'art. 112(1) CBE, exigeant une application uniforme du droit.
Concernant la deuxième condition de recevabilité figurant à l'art. 112(1)b) CBE ("décisions divergentes" de "deux chambres de recours"), la Grande Chambre de recours a considéré que le terme "divergentes" devait être interprété à la lumière de l'objet et du but de la disposition, conformément à l'art. 31 de la Convention de Vienne (G 3/08, JO 2011, 10, point 7 des motifs et s. ; G 3/95, JO 1996, 169, point 8 des motifs). La compétence conférée au Président de l'OEB pour soumettre des questions de droit à la Grande Chambre de recours a pour but d'uniformiser le droit au sein du système du brevet européen. Eu égard à ce but, la notion de "décisions divergentes" doit être interprétée de façon restrictive, dans le sens de "décisions contradictoires". L'évolution du droit ne peut constituer en tant que telle la base d'une saisine, parce que la jurisprudence n'évolue pas toujours de façon linéaire et que des approches antérieures peuvent être abandonnées ou modifiées.
Le Président de l'OEB a fait valoir que l'approche adoptée dans la décision T 1063/18, selon laquelle l'interprétation de l'art. 53b) CBE donnée dans les décisions G 2/12 (JO 2016, A27) et G 2/13 (JO 2016, A28) (ci-après dénommées G 2/12) exclurait toute clarification ultérieure du règlement d'exécution qui s'écarterait de cette interprétation, différait d'autres décisions relatives à la directive "Biotechnologie" de l'UE (p. ex. T 272/95, JO 1999, 590 ; T 315/03, T 666/05 et T 1213/05). La Grande Chambre de recours a estimé que les décisions susmentionnées pouvaient être interprétées comme reconnaissant qu'une disposition de rang inférieur, mais ultérieure, du règlement d'exécution pourrait avoir une incidence sur l'interprétation d'une disposition de rang supérieur, adoptée antérieurement, de la Convention, et ce indépendamment de toute interprétation particulière donnée à cette dernière dans une décision antérieure d'une chambre de recours. Dans l'affaire T 1063/18, la chambre de recours n'avait pas examiné si, au regard de l'art. 31(3) de la Convention de Vienne, la règle 28(2) CBE pouvait avoir une incidence sur l'interprétation de l'art. 53b) CBE. Elle avait au contraire estimé que la règle 28(2) CBE était contraire à l'interprétation particulière de l'art. 53b) CBE donnée dans la décision G 2/12 avant que la règle ne soit adoptée (points 24 à 26 et 46 des motifs) et que le Conseil d'administration n'avait pas compétence pour modifier l'art. 53b) CBE par le biais de la règle 28(2) CBE (points 31 à 36 des motifs). Par conséquent, la chambre avait fait abstraction de la règle 28(2) CBE conformément à l'art. 164(2) CBE, considérant que la règle s'écartait de l'interprétation donnée dans une décision antérieure de la Grande Chambre de recours. La Grande Chambre de recours a retenu que cet aspect constituait la divergence par rapport aux autres décisions susmentionnées des chambres de recours, qui avaient évalué l'incidence d'une disposition du règlement d'exécution adoptée ultérieurement sur l'interprétation d'une disposition de la CBE. La Grande Chambre de recours a donc considéré qu'il existait des décisions divergentes de deux chambres de recours sur la question de savoir si une modification du règlement d'exécution peut avoir une incidence sur l'interprétation d'un article de la CBE. La saisine par le Président de l'OEB satisfaisait donc aux exigences de l'art. 112(1)b) CBE et était recevable dans les limites de la question telle que reformulée par la Grande Chambre de recours. Voir également le chapitre I.A.1. "Revendications de produit relatives à des végétaux ou à du matériel végétal".
2. Motifs de la requête en révision
2.1 Article 112bis(2)c) CBE – violation fondamentale alléguée de l'article 113 CBE
(CLB, V.B.4.3.10)
Dans l'affaire R 10/18, la Grande Chambre de recours a estimé que la requête en révision était manifestement non fondée. Le requérant (titulaire du brevet) avait affirmé que son droit d'être entendu avait été violé, en faisant valoir que la chambre n'avait pas pris en considération son argument selon lequel la formation de l'opposition à l'aide d'un homme de paille constituait un contournement abusif de la loi, et que l'opposition aurait donc dû être réputée irrecevable. La Grande Chambre de recours a reconnu que selon de précédentes décisions (par exemple R 2/14), l'art. 113(1) CBE requiert qu'une partie puisse comprendre, sur une base objective, les motifs de la décision d'une chambre. Cependant, la Grande Chambre de recours a expliqué qu'en vertu de la jurisprudence actuelle (cf. R 8/15, points 1 et 2 de l'exergue), le droit d'être entendu tel que régi par l'art. 113(1) CBE implique notamment l'exigence pour une chambre d'examiner les moyens soumis par une partie, c'est-à-dire d'évaluer la pertinence et l'exactitude des faits, preuves et arguments soumis. Il y a violation de l'art. 113(1) CBE si des moyens que la chambre juge pertinents pour la décision ne sont pas traités par ladite chambre d'une manière suffisante à même de montrer qu'elle a entendu les parties à ce sujet, autrement dit, qu'elle a examiné ces moyens sur le fond. La Grande Chambre de recours a ajouté qu'une chambre est présumée avoir pris en considération les moyens soumis par une partie qu'elle n'a pas traités dans les motifs de sa décision, ce qui signifie, premièrement, qu'elle en a pris note, et, deuxièmement, qu'elle les a examinés, c'est-à-dire qu'elle a évalué leur pertinence et, s'ils sont pertinents, leur exactitude. Une exception peut s'appliquer en cas d'indications contraires, par exemple si une chambre ne traite pas, dans les motifs de sa décision, des moyens soumis par une partie qui, sur une base objective, sont décisifs pour l'issue de l'affaire, ou si elle rejette ces moyens sans évaluer d'abord leur exactitude.
Dans le recours sous-jacent, la chambre avait affirmé être convaincue que les deux intervenants n'avaient pas été impliqués lorsque l'opposant 1 avait formé l'opposition. La Grande Chambre de recours a partagé l'avis du requérant selon lequel la chambre avait certes pris en considération son allégation d'abus de procédure, mais ne l'avait pas expressément traitée, ni permis au requérant de comprendre les motifs de cette décision quant à la recevabilité de l'opposition. Cependant, la Grande Chambre de recours a estimé que le fait de ne pas avoir traité l'argument principal du requérant relatif à la recevabilité de l'opposition ne constituait pas une violation du droit d'être entendu car il était possible de déduire, sur une base objective, de la section 1 de la décision faisant l'objet de la requête en révision, dans laquelle la chambre avait exposé et traité les faits et arguments soumis par le requérant quant à la question de l'irrecevabilité de l'opposition (et des interventions) en raison d'un abus de procédure, que la chambre avait examiné ces moyens sur le fond. L'exception au principe énoncé au point 1 de l'exergue de la décision R 8/15 ne s'appliquait donc pas.